J.-R. Armogathe : Le latin chez les philosophes du XVIIe siècle

Conférence du 15 mai 2014

Vue depuis le XXIème siècle, l’histoire des relations entre le latin et les langues modernes semble pouvoir se réduire à deux couples d’opposition : le premier, entre le latin, langue savante, et les langues vulgaires parlées par le peuple ; le second, entre le latin, langue dite « morte » figée dans sa forme cicéronienne ou virgilienne, et les langues modernes en constante évolution. Mais ce n’est là qu’un trompe-l’œil, car le latin est aussi chargé de sa part de modernité. Au siècle de la fameuse querelle entre les Anciens et les Modernes, le latin n’est pas toujours du côté où l’on s’attendrait à le trouver.

Pour notre dernière conférence de l’année, nous avons été très heureux d’accueillir Jean-Robert Armogathe, directeur d’études émérite de l’École pratique des hautes études et correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Spécialiste de l’histoire des idées religieuses et scientifiques dans l’Europe moderne, il a consacré une de ses dernières monographies aux rapports entre théologie et épistémologie au grand siècle (La nature du monde. Science neuve et exégèse au XVIIe siècle, PUF, 2006). De Descartes, dont il est en particulier question dans cette conférence, Jean-Robert Armogathe a également publié une monographie (Theologia cartesiana. L'explication physique de la Transsubstantiation chez Descartes et dom Desgabets, Martin Nijhiff, 1977) et plus récemment édité la correspondance (Gallimard TEL, 2012), mais il a aussi travaillé sur d’autres philosophes comme Pascal dont il a récemment édité les Pensées dans l’édition de Port-Royal (Champion, 2010), et a été le directeur de publication de la récente et magistrale Histoire générale du christianisme (PUF, 2009).

Dans cette très belle conférence, dont l’érudition n’entame en rien la clarté, Jean-Robert Armogathe nous plonge au cœur de la pensée philosophique du XVIIème siècle, comme pensée linguistique. Puisque la perspective téléologique, qui voudrait le latin soit progressivement supplanté par les langues vulgaires au moment où elles accèdent elles aussi au statut de langue savante, rencontre des résistances chronologiques, puisque les philosophes du XVIIème siècle cherchent ou inventent, en latin, les notions dont leur pensée philosophique a besoin, comment comprendre cette vitalité du latin par rapport aux langues modernes ? L’approche linguistique, en particulier lexicale, adoptée par Jean-Robert Armogathe, nous rappelle qu’une langue ne vit que par le sens qu’on donne à ses mots et à ses structures. Le latin des philosophes du XVIIème siècle est un latin en mouvement, pas aussi ductile que le latin médiéval, mais riche de tout le sens qui lui est confié.

Adeline Desbois-Ientile

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Conférence de Jean-Robert Armogathe

Correspondant de l’Institut (Inscriptions et Belles-Lettres)

Directeur d’études émérite, École pratique des hautes études (Sciences religieuses)

Latin et langues modernes : les philosophes au XVIIè siècle

La première édition d’Humain, trop humain de Nietzsche, en 1878, comprend en guise de préface une longue citation allemande « aus dem lateinischen des Cartesius »[1]. Les éditeurs de Nietzsche ont adopté des stratégies diverses, depuis le silence jusqu’à l’attribution aux Meditationes, dont le passage cité est cependant absent. Il a fallu attendre 1976 et la sagacité de Robert Rethy[2] pour que le passage soit identifié : il s’agit simplement du Discours de la méthode, dans la troisième partie (AT VI, 555). « Aus dem lateinischen des Cartesius » : Nietzsche l’a lu en latin, dans la traduction procurée par Étienne de Courcelles en 1644... Exemple rapide, mais significatif : plein de gens ont lu le De methodo et les deux Essais (Specimina) joints (Dioptrique et Météores) dans le texte latin des Specimina Philosophiae !

Le dix-septième siècle est crucial pour le basculement vers les langues modernes[3] : chacun sait à cet égard que Francis Bacon a écrit et publié en latin et en anglais, comme son concitoyen Thomas Hobbes, que Galilée a écrit en latin et en toscan, que Descartes a écrit et publié en latin et en français, que Comenius a publié en latin et en tchèque, que Leibniz, enfin, a écrit et publié en latin, en français et en allemand. Nous nous limiterons à quelques exemples, surtout tirés du corpus cartésien, même s’il eût été possible de poursuivre au XVIIIè siècle avec Vico, Genovesi, Baumgarten, Wolff ou Kant, dont le bilinguisme (allemand/latin) est aussi objet d’études. Rappelons que d’autres philosophes ont fait le choix de s’en tenir au latin : Gassend, Grotius, Pufendorf, Spinoza (sauf le Korte Verhandeling, écrit en néerlandais).

Pourquoi choisit-on d’écrire dans une langue ou dans une autre ? Quelle stratégie d’écriture (et de publication) préside à ces choix ? Les raisons sont multiples, et il convient de les rappeler. N’oublions surtout pas que dans la France d’Henri IV, la « modernité » parle latin ; l’usage du français revient aux « bons français », convaincus que ce qui vient d’outre-Alpes, les Jésuites, les Italiens, le latin, ne peut que ruiner la pureté des mœurs anciennes qu’ils veulent maintenir ou retrouver.

Un point, enfin, doit être évoqué pour être écarté, celui des mathématiques. Les textes mathématiques furent très longtemps écrits en latin – mais nous voyons apparaître à la fin du XVIè siècle et au début du XVIIè siècle des textes en néerlandais, destinés aux arpenteurs et aux techniciens (précédés par The book of artes, un traité d’arithmétique de Robert Recorde, paru à Londres entre 1540 et 1542). John Dee, dans la préface de la traduction anglaise d’Euclide[4], vante les innombrables applications pratiques des mathématiques.

Du reste, le latin des mathématiciens semble ne pas avoir été du meilleur, si on en croit les réserves de Descartes sur le travail de Frans Schooten, traducteur de sa Géométrie :

« Ce qui est cause que je n’ai point voulu voir la version de Schooten, encore qu’il l’ait désiré ; car, si j’eusse commencé à la corriger, je n’eusse pu m’empêcher de la rendre plus claire qu’elle n’est, ce que je ne désire point. Et parce que Schooten n’est pas savant en latin, je m’assure que sa version sera bien obscure, et qu’il y aura peut-être des équivoques, qui donneront des prétextes de cavillation à ceux qui en cherchent ; mais on ne pourra me les attribuer, à cause que son latin n’est point du tout semblable au mien » (lettre B653[5]).

« La Géométrie de Monsieur Schooten est imprimée. Son latin n’est pas fort élégant ; et parce que je ne l’eusse pu voir avant qu’il fût imprimé, sans être obligé de le changer tout, je m’en suis entièrement dispensé » (lettre B704).

Le souci de la précision lexicale semble s’être imposé au cours du seizième siècle comme un souci majeur. On atteint, dans le domaine de la philosophie et de la théologie, une exigence de précision terminologique jusqu’alors étrangère : en témoignent le correctorium de terminologie mystique imposé à un auteur spirituel, Harphius (Henri de Herp), tout comme l’apparition de lexiques spécialisés (je pense en premier lieu au Lexicon philosophicum de Rudolph Goclenius, 1615, ou à celui de Johannes Micraëlius, 1653, comme au lexique mystique, Clavis pro theologia mystica, du jésuite Maximilian Sandäus, Cologne, 1640). Les termes techniques utilisés se fixent dans des recueils de définitions.

Qui écrit de la philosophie en français ? Montaigne, Charron, Scipion Dupleix, Jean de Silhon aussi et La Mothe Le Vayer. Le frère carme Laurent de Paris écrit en français un étonnant Palais de l’amour divin, François de Sales rédige en français les livres de référence pour la piété du siècle[6]. C’est là qu’il faut chercher les références pour une terminologie philosophique en français.

Quant au latin, un premier constat : le latin scolastique n’est pas celui des médiévaux. Il est très exactement celui de ce qu’on appelle, faute de mieux, « la seconde scolastique », qui n’est ni totalement espagnole, ni totalement jésuite, ni totalement catholique du reste. C’est cette « seconde scolastique », dominée par les Commentaires philosophiques des jésuites de Coïmbra (et par de nombreux Commentaires théologiques, dont ceux des Carmes de Salamanque), qui fournit la terminologie latine. Les deux séries linguistiques sont indépendantes, elles ne procèdent pas par traduction, mais par développement linéaire autonome. Il faut en tenir compte pour Descartes latin-français, et ne pas parler de « traduction », car nous avons affaire à un bilinguisme technique. Scipion Dupleix ne traduit pas du latin, il crée une expression française singulière, tout aussi personnelle que la langue de François de Sales.

En deuxième lieu, ce latin scolastique s’impose comme terminologie – et tout le travail de la « science neuve » va consister à garder distance de la terminologie scolastique, en la refusant, en la contournant ou en la détournant. Le refus, le contournement, le détournement : nous avons là les trois comportements terminologiques mis en œuvre par les philosophes au XVIIè siècle – souvent successivement par un même auteur. Une mise en œuvre qui concerne en premier lieu les « modernes », mais qui ne laisse pas les « anciens » intouchés. Le renouveau terminologique mis en place dans le premier tiers du siècle va entraîner une redisposition de sens chez des auteurs « scolastiques » tels qu’Arriaga, Zumel ou Caramuel. Mais ceci nous entraînerait loin de notre propos de ce soir.

Bacon est bilingue, mais il écrit en anglais ce qui relève de la littérature et en latin ce qui a trait à la philosophie : ainsi, le fait qu’il ait directement écrit en latin le De sapientia veterum (1609) montre bien qu’il s’agissait pour lui d’un traité philosophique[7] – et non pas, comme l’ont estimé les critiques, une œuvre littéraire ! –. Avant 1609, il écrit en anglais, les Essays (1597, 1612, 1625) et l’Advancement of Learning (1605), la seule œuvre philosophique qu’il n’a pas publiée en latin : « les livres écrits en langue moderne, » écrit Bacon à son fidèle secrétaire William Rawley, « ne parviendront jamais à la postérité »[8].

Descartes dispose, pour écrire de la philosophie, de deux lexiques, un lexique latin, celui de la « seconde scolastique »[9], et un lexique français. Le bilinguisme cartésien est un choix, constamment référé à la décision de l’écriture. Latin ou français, le choix s’impose, en premier lieu dans la Correspondance, selon le sujet. Je ne donne qu’un seul exemple, lorsque Descartes sert de plume à son disciple Regius pour répondre à leur adversaire Voetius (janvier 1642) :

Cursim hic ponam argumentum illius responsionis, qualem ego ipsam faciendam putarem, si tuo in loco essem ; et partim gallice, partim latine scribam, prout verba celerius occurrent, ne forte, si latine tantum scriberem, verba mea mutare negligeres, et stilus nimis incultus pro tuo non agnosceretur[10].

« Je vais vous donner en gros le sujet de la réponse que vous devez lui faire, et telle que je la ferais moi-même si j’étais à votre place ; je la mettrai partie en français, partie en latin, selon que les termes se présenteront plus facilement à mon esprit, de peur que si j’écrivais seulement en latin (prout verba celerius occurrent), vous ne voulussiez point changer mes paroles, et que mon style négligé ne fît méconnaître le vôtre. »

On ne peut plus désormais donner une chronologie simplifiée, du Discours-Essais de 1637 aux Meditationes de 1641, aux Principia de 1644 et aux Passions de 1649. La chronologie croise les textes latins et les textes français : Discours et Essais français de 1637, Meditationes de 1641 et 1642, traduction latine du Discours, de la Dioptrique et des Météores de 1644 et texte latin des Principia la même année (la parution simultanée est bien voulue, comme celle d’une vraie somme de philosophie), traduction latine de la Géométrie en 1646, traduction française des Méditations en 1647 (établie et revue vers 1645), texte français des Passions, enfin, en 1649[11]. D’un texte à l’autre, Descartes corrige, relit, rectifie. La traduction latine du Discours et des deux Essais tient compte des Objections faites aux Meditationes. N’étaient-elles pas elles-mêmes, au départ, comme une réponse aux objections faites au Discours ? La traduction française des Meditationes reprend et prolonge, dans ses corrections au latin, le style du Discours de la méthode.

Le bilinguisme participe de sa stratégie de publication. A cette stratégie du choix d’une langue, Descartes joint la conviction d’échapper à la terminologie reçue : son vocabulaire est exclusivement, volontairement, un vocabulaire d’auteur. Il n’appartient à aucun ordre religieux, à aucune Académie, à aucune Université qui aurait pu lui imposer un vocabulaire et un style. Descartes ne dépend d’aucun référentiel type pour son vocabulaire. En revanche, comme beaucoup d’auteurs de son temps, il écrit pour convaincre, non seulement pour exposer ses idées. Son style participe totalement de la nouvelle rhétorique : c’est ce qu’il aura le plus sûrement recueilli de ses maîtres jésuites. Il s’oppose en cela à Jean de Silhon, qui écrit en 1626 dans l’Advis au lecteur de ses Deux Veritez (p. 15) :

« les sciences qui ne font gloire que de rechercher la vérité tout nue, sont ennemies du fard. Voilà pourquoi je n’ai eu nul dessein d’y paraître éloquent, non plus que je n’en suis pas capable ».

Le lexique philosophique cartésien va donc se définir comme un lexique de la différence : utilisant la terminologie à sa disposition, Descartes va constamment tenter de définir, c’est-à-dire de redéfinir les termes nécessaires à son propos. La présence de termes de l’Ecole en français n’a pas échappé à Adrien Baillet, son biographe. Dans sa Vie de Mr Descartes, abordant la question de la traduction des Meditationes et des Objectiones-Responsiones, il en donne une raison peu convaincante, prouvant du moins qu’il a bien vu le problème :

« une chose qui semblait avoir donné de la peine aux traducteurs dans tout cet ouvrage, avait été la rencontre de plusieurs mots de l’art, qui paraissant rudes et barbares dans le Latin même, ne pouvaient manquer de l’être beaucoup plus dans le Français, qui est moins libre, moins hardi, et moins accoutumé à ces termes de l’École. Ils n’osèrent pourtant les ôter partout, parce qu’ils n’auraient pu le faire sans changer le sens dont la qualité d’interprètes devait les rendre religieux observateurs.[12] »

Ce texte appelle deux remarques de commentaire : d’abord, Baillet se fait ici l’écho d’une théorie de la traduction marquée par les principes de Port-Royal[13], qui n’était pas nécessairement la théorie courante en 1645, mais dont on doit tenir compte pour le duc de Luynes, dont les liens à Port-Royal sont connus. En second lieu, Baillet avoue que le retrait de termes de l’Ecole aurait « changé le sens » du texte cartésien, ce qui montre bien l’ancrage dont ces termes bénéficient dans l’écriture cartésienne.

Descartes parle en 1637 de « l’idée d’un être plus parfait que le mien » (AT VI, 34, 13). Ce qui suscite une objection du Père Vatier, dont il relève l’intérêt dans la Praefatio des Meditationes en 1641. En 1644, il s’agit « de cogitatione, sive Ideâ naturae quae perfectior erat quàm mea » (VI, 559) et une note marginale insiste : « nota hoc in loco et ubique in sequentibus, nomen Ideae generaliter sumi pro omni re cogitatâ, quatenus habet tantùm esse quoddam objectivum in intellectu ». Postérieur aux débats des Meditationes, l’éclaircissement prend en compte leur acquis théorique. Idea, avec majuscule initiale, reçoit pour équivalent cogitatio. La métamorphose de l’idée en pensée, totalement étrangère à la tradition médiévale, est accomplie et, en 1644, Idea est introduit comme une détermination de la cogitatio.

Verba, les mots : terme important, fréquent. Dans les Regulae, Descartes proclame sa liberté par le biais d’une citation d’Horace :

« sed quia illo iam soluti sumus sacramento, quod ad uerba Magistri nos adstringebat ...[14] »

Les définitions scolastiques, dans ce même texte, sont des « verba magica, quae uim habeant occultam et supra captum humani ingenii »[15]. Ces « mots de l’Ecole », Descartes se plaît à expliquer dans le Discours qu’il en use librement[16]. Lorsque le philosophe distingue entre privation et négation, il décide, nous l’avons appris par Baillet, de garder ces termes, en précisant par une addition du texte français : « selon la signification qu’on donne à ces mots dans l’Ecole »[17].

Dans les lettres à Mersenne de 1630, philosophiquement si importantes (où se trouve la théorie de la création des vérités éternelles), Descartes pallie par le recours spontané au latin les carences qu’il ressent en langue moderne :

« [Les vérités éternelles] sont toutes mentibus nostris ingenitæ » (AT I 145) ; « pour les vérités éternelles, je dis derechef que sunt tantum veræ aut possibiles, quia Deus illas veras aut possibiles cognoscit, non autem contra veras a Deo cognosci quasi independenter ab illo sint veræ[18]. Et si les hommes entendaient bien le sens de leurs paroles, ils ne pourraient jamais dire sans blasphème, que la vérité de quelque chose précède la connaissance que Dieu en a, car en Dieu ce n’est qu’un de vouloir et de connaître; de sorte que ex hoc ipso quod aliquid velit, ideo cognoscit, et ideo tantum talis res est vera[19]. Il ne faut donc pas dire que si Deus non esset, nihilominus istæ veritates essent veræ[20] » (AT I 149-150).

Rappelons que cette manière d’insérer le latin dans une langue moderne est très courante chez Kant, où les mots latins sont insérés dans la structure morphologique et syntaxique de l’allemand : das Contrarium, das Totale, ou bien encore : « wir begreifen niemals etwas totaliter oder absolute »[21]. On a relevé que dans un cas, Kant a cru devoir s’excuser d’un terme barbare : phaenomenon intellectuatum, « si barbarae voci venia est »[22].

L’effort mené par Thomasius[23] et Wolff, après Leibniz, pour créer une langue philosophique allemande, fut considérable. Mais on en constate les limites, par exemple chez Thomasius : « Die nomina stellen das universale als ein totum indivisum vor ».

Il convient de bien noter que l’usage du latin n’est pas immédiatement ou systématiquement lié à un souci de communication : cela existe, mais c’est à double sens. Descartes écrit le Discours et les Essais en français, en voulant « que les femmes mêmes y pussent entendre quelque chose » (au P. Vatier, B149). On sait que l’ouvrage connut une faible diffusion, et que Descartes fut trop heureux de le faire traduire en latin. Mais inversement, il accepta de faire traduire les Meditationes en français, trop flatté il est vrai de voir qu’un duc et pair lui servait de traducteur ! – ainsi que ses Principia.

Passons à Thomas Hobbes : le De Cive 1642 traduit en français par Sorbière en 1649, connut une traduction anglaise par Hobbes lui-même en 1651 : Philosophical Rudiments concerning Government and Society : les mots clefs (ius, recta ratio, leges naturaes, multitudino et civitas ; imperium, potestas, lex, dominium, servus ; concilium, curia, coetus, ecclesia) restent en latin, ou sont commentés à partir du latin[24]. Hobbes écrivit le Leviathan en anglais, et le fit traduire en latin : on y remarque la difficulté qu’il rencontra pour passer de la langue moderne au latin, d’une langue populaire, modelée sur les réalités politiques du temps, à une langue docte, adossée au passé romain (et ayant perdu, sous l’influence de l’humanisme, la ductilité du latin médiéval). Ainsi sovereign et sovereignty, des termes-clefs pour Hobbes, sont réduits à summa potestas, le sovereign devenant celui « qui habet summam potestatem », la sovereign authority « summi imperantis authoritas ». Civitas traduit à la fois Commonwealth et government, subject devient civis (plus rarement subditus et civis), l’institution of sovereignty, institutio ciuilis ou institutio civitatis.

L’exemple extrême est bien sûr chez Jan Amos Komensky, Comenius (1592-1670) : il écrit la Magna Didactica en tchèque d’abord (1628), puis en latin (1657, mais c’est un texte très remanié), mais généralement il écrit les œuvres pansophiques en latin, et les œuvres didactiques en tchèque. Mais son idéal, en tchèque, reste la langue latine :

« en recueillant ces choses », écrit-il dans son Trésor de langue bohême, « je pense avoir fait une œuvre, que je sache, jamais réalisée, jusqu’aujourd’hui, en langue vulgaire. Une œuvre où toute chose est harmonieusement en correspondance avec la langue latine : pour exprimer des mots, des phrases, des idiotismes, des proverbes, des sentences avec élégance et avec la même vigueur (...) pour que, si un auteur latin doit être traduit en langue vulgaire, il soit traduit avec la même élégance et vive versa... » (Theatrum Universitatis Rerum, in Opera Omnia, Prague, t. 1, 1969, p. 116).

L’œuvre considérable de Comenius pour la diffusion des langues (Janua linguarum) donne une place initiale au latin, qui fonde l’unité culturelle paneuropéenne.

Le latin moderne s’enrichit de nombreux néologismes : rien qu’en considérant les lemmes de A à D, le Glossaire du Lessico Intellettuale Europeo (Rome) a dénombré des dizaines de mots ignorés des dictionnaires classiques comme du Mittellateinisches Wörterbuch : aesthetica, algebraicus, anabaptista, etc... Cela prouve la flexibilité du latin et sa grande capacité créative. Loin d’être une langue morte, le latin du XVIIè siècle est une langue vivante, qui s’enrichit de dizaines de mots pour exprimer des réalités nouvelles : vitrum calendare est le thermomètre chez Francis Bacon, tandis que le P. Leurechon crée le mot français thermomètre dans ses Récréations mathématiques de 1624, ou bien encore, chez Hobbes, microscopium et telescopium pour préciser le terme trop général de perspicillum, la lunette.

Le mot atomus est absent chez Lucrèce, qui traduit le terme grec par rerum primordia, principia, cunctarum exordia rerum, semina, semina rerum, texturae rerum. Mais il est présent au XVIIè siècle, en concurrence avec particula et minimum (ou encore textura rerum). Lucrèce emploie inane au sens substantivé, mais on trouve aussi vacuum, tandis que le rapport s’inverse à l’époque moderne : inane disparaît de Bacon et Descartes, remplacé par vacuum. Relevons, avec Marta Fattori, un hapax significatif : intactile, comme attribut du vide, hapax legomenon chez Lucrèce (I 437), est aussi un hapax chez Bacon (De principiis atque originibus, SEH III, 106 ou Oxford Francis Bacon, VI, 242).

Le détournement : Bacon. Toute la classification de la philosophie et des sciences se constitue chez lui « translatis vocabulis receptis [...] ad sensum nostrum » (Novum Organum II, 9) – un exemple : metaphysica : « I use the word Metaphysic in a different sens from that is received ». Mais il garde les termes anciens : « wheresoever my conception and notion my differ from the ancient, yet I am studious to keep the ancient terms », « vocabula antiqua retinere, quamquam sensum eorum et definitiones saepius immutemus » (Advancement of Learning/Novum Organum).

Difficulté du latin en français : pour la traduction française des Meditationes, esprit rend mens, animus, ingenium, mentis acies. Au contraire, le seul mot latin percipere est traduit penser, entendre, concevoir, connaître, comprendre. Sensu percepta est traduit reçue par les sens, tandis que perceptio est rendue en connaissance. La belle expression acie mentis intueor est rendue par la force et l’application intérieure de mon esprit. Les verbes esse et existere ont besoin de l’hendyadis être ou exister. Ainsi conscius esse est traduit par le penser et en avoir connaissance, et surtout le je pense, donc je suis du Discours devient dans la traduction latine ego cogito, ego sum sive existo[25]. Mais dans les Meditationes, ego sum, ego existo est traduit je suis, j’existe.

L’originalité du style latin de Descartes a souvent été rappelée, en citant le jugement de Chapelain, bon juge, défendant la Censura établie par Descartes en faveur de son ami Balzac (Censura quarundam epistolarum Domini Balzacii, 1628) :

« J’ai lu avec un extrême plaisir l’éloge latin qu’il a fait de vos premières lettres, et quoique son style en cette langue ne soit pas le nôtre, je crois, pour le peu que j’en connais qu’on ne le saurait blâmer de barbarie et qu’il y a beaucoup de gens qui se passeront d’une aussi bonne expression que la sienne ; surtout il me paraît candide et judicieux »[26].

Ce jugement d’un expert doit être reçu avec attention, et il convient de se demander : pourquoi Chapelain dit-il : « quoique son style en cette langue ne soit pas le nôtre » ? Que pouvait-il trouver d’insolite dans le style latin de Descartes ? Probablement parce que Descartes pratique ce que Quintilien nomme l’oratio uincta atque contexta (Inst. 9. 4. 19), aussi appelée connexa series (Inst. 9. 4. 22), c’est-à-dire un discours périodique, amplificateur par subordination, différent de l’oratio perpetua, qui procède par parataxe (autrement dit, par juxtaposition, et non par subordination). L’art oratoire parfait consiste à utiliser alternativement l’oratio periodica et l’oratio perpetua : il y a de nombreux exemples classiques, les plus connus se trouvant dans les plaidoyers de Cicéron contre Verres.[27]

La rhétorique jésuite, comme l’a montré Marc Fumaroli, est une via media entre le tacitisme (breviloquium) de Juste Lipse et le style asianiste « baroque ». Le médecin Plempius parle du style attique (opposé à asianiste). Les jésuites enseignaient à leurs élèves les qualités de la brièveté. Mais d’une part, brachylogie et oratio periodica ne sont pas contradictoires et d’autre part, il faut considérer, outre la rhétorique, les particularités de la grammaire. Sur ce point, les jésuites français se sont singularisés en préférant la grammaire de Despautère, revue et adaptée, à celle du jésuite espagnol Alvares[28]. Nous allons y revenir (tout en relevant qu’une pièce latine très travaillée, œuvre du jeune Descartes, la dédicace de ses thèses de licence à son oncle et parrain René Brochard, est un exemple intéressant de rhétorique ornée, sur le modèle asiate, associée à une oratio perpetua).

Il convient enfin de noter la question récurrente des termes de l’art, de l’équilibre subtil entre un discours d’accès aisé, ne sentant ni la lime ni l’huile de la lampe, et la précision scientifique qui demande un usage de termes techniques. Libert Fromond, dans l’Avis au lecteur de son traité des Météores, utilisé par Descartes, avait tenté de résoudre la difficulté, à la fois par le style et par la terminologie :

« stilum autem sumpsi, non brevem illum, subpinguem et veterascentem, quo me Genius et amor ducit, sed neglectiorem paulisper, excussis tamen sordibus scholastici pulveris. (…) ne tamen a Philosopho plane abirem, et eloquentiae vulgari fastum nostri accusarent, verba quaedam artis deculpata, nec boni aut belli commatis in usu, sed rarissimo, retinui : cum nulla Philosophia, quam Meteorologica, minus barbaris auxiliis indigeat[29]. »

L’expression quo sensu l’atteste fréquemment : les mots sont pris par Descartes dans son sens, par exemple, à deux reprises, lorsque dans les Responsiones primae[30], Descartes reprend la terminologie de Caterus pour l’infléchir. Mais ce sens lui-même comprend des synonymies et des infléchissements sémantiques, mesurés par l’usage d’adverbes ou de conjonctions de coordination. La conjonction de coordination est un mot invariable qui sert à unir deux mots ou deux groupes de mots en établissant entre eux un lien logique selon la quadripartita ratio du discours : addition, choix, cause, opposition[31], liste des grammairiens modernes, à rapprocher de celle de Quintilien (Inst., IX. 3.27) : per mutationem, adiectionem, detractionem, ordinem

Nous avons donc choisi un seul exemple pour essayer d’en établir l’usage cartésien. Il s’agit de quatenus, un mot que nous retrouvons dans l’expression française « en tant que »[32].

Nous présentons ci-dessous l’entrée quatenus dans le Lewis and Short (1879)[33] – et nous allons en étudier l’usage cartésien.

quā-tĕnus (quātĭnus , quātĕnos ; cf. Fest. p. 258 fin. Müll.), adv.

I. Lit. (only in indirect questions ; cf. quī), until where, how far: “in omnibus rebus videndum est, quatenus,” Cic. Or. 22, 73 : “quatenus progredi debeat,” id. Lael. 11, 36.—

II. Transf.

A. How far, to what extent : “quatenus sint ridicula tractanda oratori, perquam diligenter videndum est,” Cic. de Or. 2, 58, 237 : “quatenus quaque fini dari venia amicitiae debeat,” Gell. 1, 3, 16.—Ellipt. : “nulla cognitio finium, utullā in re statuere possimus, quatenus,” Cic. Ac. 2, 29, 92; id. Or. 12, 72 : est enim quatenus amicitiae dari venia possit. id. Lael. 17, 61.—

B. Where: “petentibus Saguntinis, ut quatenus tuto possent, Italiam spectatum irent,” Liv. 28, 39: “quatenus videtur inhabitari,” Col. 9, 8, 11.—

C. Of time, how long: “quibus auspiciis istos fasces acciperem ? quatenus haberem ? cui traderem ?” Cic. Phil. 14, 5, 14.—

D. Causal, seeing that, since, as (cf.: quoniam, quando): clarus postgenitis ; “quatenus, heu nefas ! Virtutem incolumem odimus,” Hor. C. 3, 24, 30; Ov. Tr. 5, 5, 21 : “nobis denegatur diu vivere, relinquamus aliquid, quo nosvixisse testemur,” Plin. Ep. 3, 7, 14 : “quatenus innocentiae meae nusquam locus est,” Tac. A. 3, 16 Nipperd. ad loc. —

E. How (eccl. Lat.), Lact. 4, 27 init. ; 4, 30, 3.—

F. So that, in order that, that (post-class.), Dig. 4, 2, 14 ; Cassiod. H. Tr. 5, 17.

A Latin Dictionary. Founded on Andrews’ edition of Freund’s Latin dictionary, revised, enlarged, and in great part rewritten by Charlton T. Lewis, Ph.D. and Charles Short, LL.D. Oxford, Clarendon Press, 1879.

S’agit-il d’un adverbe typiquement cartésien ?

- dans la Correspondance, il est habituellement précédé de sed ou de nisi, ou de sed tantum

- dans les Meditationes, nous trouvons vingt occurrences, distribuées de la manière suivante :

· 1 Synopsis

· 1 sur la fin de la IIa

· 3 dans la IIIa

· 9 dans la IVa

· 1 dans la Va

· 5 dans la VIa

- quatenus est lié à res cogitans dans les Meditationes et Responsiones :

quatenus sum res cogitans (Med IIIa, p. 50)

Et sane multo magis distinctam habeo ideam mentis humanae, quatenus est res cogitans (Med IVa, p. 53)

non tantum scio me, quatenus sum res quaedam cogitans, existere (Med IVa, p. 59)

distinctam ideam corporis, quatenus est tantum res extensa, non cogitans (Med VIa, p. 78)

sive meipsum quatenus sum tantum res cogitans (Med VIa, p. 86)

sed praecise tantum quatenus sum res cogitans (Iae Resp., p. 106)

Quia ergo ex una parte claram et distinctam habeo ideam mei ipsius, quatenus sum tantum res cogitans, non extensa (IVae Resp., p. 199)

L’analyse attentive des 77 occurrences dans les Objectiones-Responsiones tendrait à faire croire qu’il s’agit bien d’un usage cartésien spécifique, avec une nuance. Massivement, en effet, l’adverbe se trouve dans le texte cartésien, ou dans les citations cartésiennes faites par les objecteurs. Mieux encore : lorsque, dans les Objectiones Septimae, le P. Bourdin imagine des réponses de Descartes, il y met des quatenus[34], un terme qui vient ainsi caractériser en quelque sorte le style de Descartes. La nuance à apporter vient d’un examen des Objectiones de Gassend et de sondages dans les Opera de celui-ci, où l’usage de quatenus semble fréquent.

Il reste que nous tenons là un usage philosophique de l’adverbe, qui semble bien caractéristique de l’écriture cartésienne.

C’est un mot important, qui restreint le sens et le particularise (« pour autant que »). La restriction par quatenus est d’ailleurs souvent redoublée par praecise, tantum, ou praecise tantum et prolongé par id est.

« Deinde non quaesivi quae sit causa mei, quatenus consto mente et corpore, sed praecise tantum quatenus sum res cogitans. » VII 107 (premières réponses)

« Cum enim post abdicationem agnita sit existentia rei cogitantis, agnita simul est existentia mentis (saltem quatenus hoc nomine res cogitans significatur), nec proinde amplius est abdicata. » (7èmes Réponses, AT VII, 522)

« Illud, ais, plane sufficit, ut affirmem me, quatenus me ipsum novi, nihil esse aliud quam rem cogitantem. » (texte du P. Bourdin, imitant Descartes, 7ae Objectiones, AT VII 505)

« atque ita dicis, te, quatenus te nosti, nihil aliud esse quam substantiam cogitantem, non vero corpus, non animum, non mentem, non quid aliud » (Bourdin, 7ae Objectiones, AT VII 506)

« si accurate existeres quatenus te nosti, esses tantum substantia cogitans », (Bourdin, 7ae Objectiones, AT VII 506)

Pour le français en tant que, je ne citerai qu’un bel exemple, dans les Passions de l’Ame :

« nous ne pouvons désirer que ce que nous estimons en quelque façon être possible, et nous ne pouvons estimer possibles les choses qui ne dépendent point de nous qu’en tant que nous pensons [nisi quatenus cogitamus dans la traduction de Desmarets] qu’elles dépendent de la Fortune, c’est-à-dire que nous jugeons qu’elles peuvent arriver, et qu’il en est arrivé autrefois de semblables[35] ».

Nous avons vu que quatenus est parfois prolongé par id est, expression que nous trouvons 3 fois dans Meditatio IIa, 1 fois dans la VIa et 1 seule fois dans PP § 51 de la 1a pars.

Nempe est un autre de ces mots importants dans le raisonnement cartésien. Cinquante-trois occurrences en font un mot-clé des Meditationes, dans des instances argumentatives décisives. Dans une phrase, nempe est traduit par « à savoir », « c’est-à-dire » ; en tête de phrase, il n’est pas traduit en français. Mais il est toujours en latin le signe d’une phase décisive de l’argumentation : ainsi, vers le début de la Meditatio prima, nempe introduit un fait indéniable qui servira de base au raisonnement :

« nempe quidquid hactenus ut maxime verum admisi, vel a sensibus, vel per sensus accepi[36] »

Les analyses qui précèdent appellent les remarques suivantes :

1. Écrire de la philosophie est une entreprise spécialisée, qui reste marquée par les nomenclatures techniques anciennes et médiévales, pour les reprendre, les transformer ou les refuser (que l’on pense au commentaire du manuel d’Eustache de Saint-Paul que Descartes a projeté).

À plusieurs reprises, Scipion Dupleix parle d’énergie à propos de termes et déplore, par exemple, que « le mot principe est plus énergique en latin que notre mot français commencement, d’autant qu’il ne signifie pas simplement et nuement le commencement de quelque chose, ains [mais] commencement avec quelque cause. Et par ainsi c’est un terme qui a beaucoup d’énergie, d’homonymie et analogie ensemble, quand il est pris en sa signification la plus étendue »[37].

Il observe ailleurs (p. 128) qu’ « en notre langue française nous n’avons point de terme qui réponde énergiquement au Latin existentia, qui signifie la nue entité, le simple et nu être des choses sans considérer aucun ordre ou rang qu’elles tiennent entre les autres ».

Le travail de l’écriture philosophique a donc été un travail lexical, ce qu’une enquête doit faire ressortir, en constatant souvent, dans la différence d’usage, ce lexique de la différence dont nous parlions plus haut.

2. Nous utilisions alors l’expression à propos du bilinguisme latin-français de Descartes ou du bilinguisme d’autres auteurs. L’approche (pluri)lexicale est ici capitale ; dans les décrochements sémantiques, dans les réemplois et les équivalences, le discours philosophique s’inscrit tout entier. Nous n’insistons pas sur ce second point, développé plus haut.

3. Ce discours, enfin, n’est pas seulement le fait d’un vocabulaire technique. Ce n’est pas l’empilement de termes isolés. Il s’agit d’un discours, conforme à des règles d’éloquence expresses ou tacites. L’organisation du discours entraîne une attention particulière aux adverbes et aux conjonctions comme aux tropes. Autrement dit, un « lexique philosophique » est un squelette, sans les chairs, les muscles, la peau que constituent ce qu’on a parfois trop hâtivement relégué comme « outils grammaticaux ». Nempe, quatenus, siue, uel peuvent se révéler essentiels pour comprendre la langue latine de Descartes. « Tout ainsi que » introduit chez Dupleix des comparaisons qui ont valeur démonstrative.

L’approche lexicale est donc bien davantage qu’une science auxiliaire. Par son objet, l’écriture philosophique, elle participe vraiment à l’histoire de la philosophie. Sans doute doit-elle mobiliser ce que la linguistique, la lexicométrie, la dictionnairique lui proposent. Mais elle ne saurait se confondre avec aucune de ces disciplines. Elle un destin proprement philosophique, en particulier pour le dix-septième siècle.

En guise de conclusion :

Sorbière écrit dans la préface de ses Lettres françaises (1660) :

« Je me suis plus exercé en la langue latine qu’en la française et peut-être aussi que mes pensées y ont moins mauvaise grâce. Car c’est en cette langue-là que j’ai eu plus de commerce avec les savants, et que j’ai traité beaucoup de choses plus sérieusement que je ne fais pas dans ces lettres ».

[1] Nietzsche, Werke, Kritiche Gesamtsausgabe, Berlin, de Gruyter, IV, Menschliches, Allzumenschliches, t. 2, p. 3 (voir Giuliano Campioni, Les lectures françaises de Nietzsche, Paris, PUF, 2001, p. 26-27).

[2] Robert A. Rethy, « The Descartes Motto to the first edition of Menschliches, Allzumenschliches », Nietzsche-Studien V, 1976, p. 289-297.

[3] Une seule indication bibliographique, qui contient elle-même une riche bibliographie sur la question : Tullio Gregory, Origini della terminologia filosofica moderna. Linee di ricerca, Florence, Olschki, 2006.

[4] John Dee his Mathematicall praeface, in The Elements of geometrie of the most ancient philosopher Euclide of Megara, faithfully (now first) translated into the English tounge by H[enry] Billingsley citizen of London, Londres 1570 (rééd. de la préface New York, 1975).

[5] AT : édition de Ch. Adam et P. Tannery ; B+numéro : Descartes, Tutte le lettere, Bompiani, Milan, 2009 (2è éd.).

[6] Dans une lettre au cardinal Bellarmin (10 juillet 1616), François de Sales souligne l’inaptitude des femmes françaises à prononcer le latin : « inter omnes totius orbis mulieres, nullae sunt quae ineptiore latini sermonis pronunciatione utantur quam Gallicae »... ce qui provoque la risée des scioli (« demi-savants ») et des hérétiques qui visitent les monastères féminins (Œuvres, éd. Annecy, 1911, t. 17, p. 242-243).

[7] Ce qu’il dit expressément dans la dédicace au comte de Salisbury, éd. Spedding, Ellis et Heath (= SEH) VI, 619.

[8] Lettre publiée en tête du De augmentis scientiarum, SEH I, 421.

[9] « Je le vois tout Platonicien en sa Métaphysique, et assez scolastique en la substance de ses réponses, de même qu’en sa Latinité » (Sorbière, Lettres et discours, Paris, 1660, p. 669, lettre LXXXVIII à Petit, 10 février 1657).

[10] Descartes à Regius, fin janvier 1642, B343, AT III 494.

[11] Il convient aussi d’étudier, comme le suggérait Paul Dibon, la traduction latine des Passions parue en 1650.

[12] Vie (1691), t. 2, p. 172. Baillet renvoie à une lettre (par ailleurs inconnue) de Descartes à Clerselier du 10 avril 1645 (B490, AT IV 171).

[13] Voir les ouvrages de Luigi de Nardis, Regole della traduzione. Testi inediti di Port-Royal e del “Cercle” di Miramion (metà del XVII secolo), Naples, 1991 ; Port-Royal e la retorica, Naples, 1995.

[14] AT X, 364, 10 (donne la référence d’Horace : I Ep 1, 14 : « nullius addictus jurare in verba magistri »).

[15] AT X, 426, 17.

[16] AT VI, 34, 27 : Courcelles traduit par « uti uocibus in scholâ tritis » (VI, 559).

[17] AT VII, 61, 3 (latin), IX, 48 (français).

[18] « Elles ne sont vraies ou possibles que parce que Dieu les connaît vraies ou possibles ; ne pas dire au contraire, qu’elles sont connues de Dieu comme vraies, comme si elles étaient vraies indépendamment de lui ».

[19] « Si Dieu n’existait pas, ces vérités n’en seraient pas moins vraies ».

[20] Dans le De jure belli et pacis (1625), Hugo Grotius avait soutenu que « même si on accordait (ce qui ne peut pas l’être sans la dernière méchanceté) que Dieu n’existe pas, ou qu’il ne se soucie pas des affaires humaines », les principes du droit naturel devraient être respectés.

[21] Logik Blomberg, Ak XXIV.

[22] De mundi sensibilis atque intelligibilis forma et principiis, § 24, Ak II, p. 412.

[23] Vorrede an die studierende Jugend, Halle, 1691 (repr. Olms, 1968, p. 11-19).

[24] Michael Silverthorne, « Political Terms in the Latin of Thomas Hobbes », International Journal of the Classical Tradition, 2, 4, 1996, p. 499-509.

[25] Remarque de Gilson, Commentaire, p. 292 (= Gregory p. 103).

[26] In Œuvres de Monsieur de Balzac, 2 vol., Paris, Th. Jolly, 1655 : I, p. 745.

[27] Bernard Colombat La grammaire latine en France de la Renaissance à l’âge classique, ELLUG, Grenoble, 1999 ; Heinrich Lausberg, Handbook of literary Rhetoric, Brill, Leiden etc, 1998 (§§ 923-947) ; contribution importante d’Amedeo Quondam, « Il metronomo classicista » in I Gesuiti e la ratio studiorum, Bulzoni 2004 ; Wolfram Ax (Hg.), Von Eleganz und Barbarei. Lateinische Grammatik und Stilistik in Renaissance und Barock, (Wolfenbütteler Forschungen 95) 2001.

[28] Voir les études classiques de Rochemonteix sur La Flèche et de François Dainville sur l’éducation humaniste jésuite.

[29] Liberti Fromondi Meteorologicorum libri VI, Oxford, 1639 (1ère éd 1627) au lecteur.

[30] AT VII, 113, 3 ; 114, 4.

[31] Wolfram Ax, « Quadripartita Ratio : Bemerkungen zur Geschichte eines aktuellen Kategoriensystems (Adiectio-Detractio-Transmutatio-Immutatio) » in The History of Linguistics in the Classical Period. Amsterdam Studies in the Theory and History of Linguistic Science. Studies in the History of the Language Science, 1987, vol. 46, p. 17-40.

[32] La théologie luthérienne du XVIIè siècle avait introduit une distinction, dans l’adhésion de foi entre quia et quatenus : la foi quia était l’adhésion nue, sans restriction, tandis que l’adhésion quatenus prenait en considération les credibilia (« pour autant que »), et paraissait moins radicale que la foi quia. Le terme quatenus avait donc conservé une charge sémantique très nette, spécialisée dans ce cas précis, mais susceptible d’être perçue de manière générale.

[33] Nous n’avons pas pu consulter Ordache, R. « El uso del adverbio quatenus en las obras de Ciceron. Un aspecto de la aportacion de Ciceron al desarollo del latin literario », Helmantica [ISSN 0018-0114 1986] vol. 37, no 112-114, p. 321-335.

[34] AT VII, 505 19, 505 26 et 28.

[35] Passions de l’âme, § 145, AT XI, 438.

[36] AT VII, 18, 15.

[37] La Métaphysique (1610), éd. par Roger Ariew, Paris, 1992, p. 139. Autres occurrences d’« énergie », p. 128, p. 139.