Compte-rendu de notre rencontre du mardi 12 mars 2016
METAMORPHOSES D'UN MARIAGE
SANDOR MARAI
Comme toujours, nos impressions à la lecture du roman ont donné vie à nos échanges.
Bien sûr , il y a d'abord eu des récriminations: C'était long, certains passages étaient lourds, l'intrigue trop simple, ce récit mono-directionnel fastidieux. On a aussi trouvé que ces 3 monologues,qui racontent la même histoire mais avec des points de vue différents, à la façon de Pirandello, étaient invraisemblables: on ne raconte pas toute une vie d'un seul trait à un(e) ami(e). D'autre part, notre lecteur scientifique a relevé des anachronismes: laser et longueur d'ondes entre les deux grandes guerres!
Mais ….. si certains n'ont pu arriver au bout, faute de temps, si d'autres ont lu certains passages «en diagonale», la majorité a bien dû reconnaître que c'était là un roman bien intéressant. Quelqu'un «s'est régalé», une autre a «adoré».
Qu'avons-nous trouvé dans cette œuvre considérée par les critiques comme la plus aboutie de Sandor Marai?
Disons d'abord que son style est extrêmement agréable et facile à lire
Les personnages? Certes, Llonka n'est pas très intéressante, mais Peter, son mari d'un moment, l'est bien plus dans son étrangeté, et Judit, servante sortie de la misère au début, épouse de Peter ensuite, l'est encore plus. L'immobilisme de l'un , l'ascension sociale de l'autre en font des personnages complexes. L'incommunicabilité entre eux, l'absence d'amour profond est tragique. Seule Llonka semble aimer vraiment son mari, mais à la mort de leur unique enfant quels sont ses sentiments? Un autre personnage, Lazar, presque inquiétant lors de sa première apparition, reste toujours présent sans être vraiment là. Aime-t-il ?Est-il aimé? Il semble simple spectateur, mais spectateur lucide de tout ce qui se joue autour de lui .
Ce qui se joue , en effet, autour de ces personnages est passionnant. On assiste à la fin d'un monde , la fin de la bourgeoisie hongroise entre les deux guerres. Cette bourgeoisie est présentée avec minutie jusque dans ses vêtements, son odeur, ses manies,ses mœurs, ses lectures, (feintes: les livres sont là pour décorer!), ses règles (qu'on ne peut ou ne sait enfreindre au moment du siège de la ville). Cette bourgeoisie, Judit voudrait bien y accéder, mais il lui manquera toujours quelque chose, quelque chose difficile à définir.
A cette fresque sociale s'ajoute la vie politique , le socialisme , le communisme, l'Histoire de la Hongrie. Si certains lecteurs ont négligé ces aspects, d'autres ont été sensibles au récit du siège de Budapest par exemple.
Ce roman donc, qui, au début, en a rebuté plusieurs, s'est révélé une fois encore plein de richesses littéraires , sociologiques , historiques.
Notons et saluons la présence d'une nouvelle adhérente, Pascale, qui n'avait pas connaissance de cette première lecture de 2016 mais qui se joindra à nous dans les rencontres à venir. Souhaitons une meilleure santé aux absents retenus chez eux par une extinction de voix ou autre… et qui n'ont pu partager la traditionnelle galette des Rois.