Nous étions nombreux mardi 8 décembre (3 hommes!!; nous saluons le retour de Jean-Paul ) à la médiathèque et pourtant , il n'était pas 16 heures que nous nous séparions déjà !! Il faut dire que nos échanges ont été aussi vifs que profonds à l'image du livre que nous avions lu :
L'EXCURSION DES JEUNES FILLES QUI NE SONT PLUS
DE ANNA SEGHERS
Même si quelqu'un au début de nos échanges a traité ce roman d' « opuscule un peu court », il a bien fallu se rendre à l'évidence de la richesse de cette œuvre, malgré sa brièveté.
D'abord, nous étions tous d'accord pour souligner la beauté du style (merci au traducteur). Les paysages du bord du Rhin sont décrits avec un charme incroyable et pourtant nous avons longuement discuté pour savoir si ce paysage était en couleurs (comme le suggère la couverture) ou en noir et blanc avec des variations de luminosité ! « La seule vue de ce pays suffisait à faire mûrir dans mes veines… la joie de vivre et la gaîté »dit la narratrice.
D'autre part, la description des personnages rend ces jeunes filles toutes charmantes avec leurs nattes blondes (nattes à la Mozart?) , leur visage rond comme des pommes, leur bouche rouge comme une cerise ; elles sont toutes jolies, futées, gracieuses et gaies ; seule l'une est décrite avec « une tête chevaline, des cheveux épais et en broussaille, de grandes dents et de beaux yeux marron » (beaux!)
Cela pourrait donc être une charmant roman !...une simple excursion comme l'indique le titre . Mais le titre ajoute « qui ne sont plus « Tout la dualité du titre se retrouve tout au long du roman . Et c'est cela qui en fait son originalité, sa profondeur , sa force effrayante et la difficulté à en soutenir la lecture . Il est court et plusieurs l'ont lu très vite mais d'autres ont dû s'arrêter pour « souffler « tant la réalité évoquée , pas décrite, est horrible ! Ces jeunes gens , en effet , vont souffrir et mourir de la guerre .
Sans cesse, on passe du passé (l'excursion) au futur (la guerre), du chaud de l'amitié au froid de la trahison, de la lumière des bords du Rhin aux ténèbres des camps, de la couleur à la noirceur, c'est un va-et-vient incessant entre le bonheur et le tragique. Et ce passage entre les adolescents et les adultes qu'ils vont devenir se fait de manière très brusque :
exemple :Walter, « Ce jour-là, ses culottes… étaient un peu trop tendues sur son derrière rebondi. Mais , plus tard S.S à la belle prestance...il devait commander le convoi qui emmènerait .. ».
« Else , ronde et ferme comme une petite boule que rien ne pourrait réduire en miettes si ce n'est une bombe ... »
Il en est ainsi pour tous les personnages du récit.
Alors , la question s'est posée : que nous apporte ce roman ? Plusieurs choses bien sûr :
- l'évocation avec regret d'une époque heureuse
- la force ou la ruine de l'amitié adolescente face aux aléas de la vie (Marianne et Leni)
- l'impact des événements sur la nature des gens
- l'horreur de la guerre de part et d'autre des frontières (à Verdun ne sont pas morts que des français)
- l'évolution, la transformation des personnes et des sentiments tout au long d'une vie
et donc la fragilité de la condition humaine.
Et pour saisir tout cela , on n'avait pas besoin de plus de pages . Tout était dit de façon concise , très forte , plus forte que dans un grand roman qui aurait raconté la guerre . Ce n'est pas un roman sur la guerre, c'est un roman sur des gens transformés par les guerres .
C'est un petit roman qui n'a laissé personne indifférent ; heureusement une distribution de chocolats a détendu l'atmosphère !