Bir Hakeim

                                                                                               Bir Hakeim

             27 mai-11 juin 1942

Le 27 mai 1942, Rommel, commandant l'Afrikakorps (qui a débarqué en Libye en février 1941) lance ses troupes contre la position fortifiée de Bir Hakeim, tenue par une brigade comptant précisément 3.723 hommes.

                                               Les Français libres vont leur tenir tête victorieusement pendant 15 jours ; ils n'évacueront la position que dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, 

                                       Du côté germano-italien, le nombre des tués et blessés est inconnu, mais il est sûrement élevé, en raison des effectifs engagés (plus de 30.000 hommes) ; 

Les pertes en matériels (chars, camions, avions...) sont également sévères. Du côté français, les pertes humaines n'ont pu être chiffrées avec une précision absolue, mais on s'accorde généralement sur le bilan présenté par Pierre Messmer, qui était capitaine de la Légion à Bir Hakeim et qui s'est penché sur la question : plus de 170 tués, 130 blessés, à quoi il faut ajouter 763 "disparus", capturés par les Allemands lors de l'évacuation de la position ou morts quelques jours plus tard dans le naufrage du navire italien Nino Bixio, coulé par un sous-marin britannique alors qu'il transportait en Italie 143 prisonniers français de Bir Hakeim. Au total, la BFL a perdu environ 1.500 hommes - dont un petit tiers de morts, un tiers de blessés, un tiers de prisonniers ou disparus.

La question de savoir si Bir Hakeim est ou non une victoire est sans objet devant cette évidence : ce fait d'armes a redonné espoir au camp allié, alors en difficulté sur tous les fronts. En effet, tandis que les Allemands assiègent Léningrad, menacent Moscou et s'avancent vers Stalingrad, les Japonais attaquent les îles Aléoutiennes, menacent l'URSS et les Indes britanniques, s'élancent vers les Indes néerlandaises et l'Australie. En Libye même, les Anglais sont bousculés par les troupes ennemies : au moment même où il assiège Bir Hakeim, Rommel oblige la 8e armée britannique à retraiter vers l'Est ; le 21 juin, il s'emparera de Tobrouk. Dans cet océan de mauvaises nouvelles, quelques milliers de Français libres prouvent à l'opinion alliée que rien n'est joué. En immobilisant Rommel pendant 15 jours devant Bir Hakeim, ils permettront en effet au commandement anglais de faire venir des troupes fraîches d'autres théâtres d'opérations : ce sont ces forces qui arrêteront qui arrêteront à El Alamein les hommes de Rommel, épuisés par la résistance des Français libres de Bir Hakeim.

Ce fait d'armes est salué par l'ensemble des puissances alliées et il produit une forte impression en France occupée. Hitler lui-même reconnaît la valeur de la nouvelle armée française. Pour de Gaulle, ce premier affrontement direct avec les troupes allemandes constitue un extraordinaire encouragement. Désormais les Anglais et les Américains considèrent les Français libres comme des alliés à part entière. En France même, l'image d'invincibilité des forces allemandes se fissure ; Bir Hakeim redonne courage à une population accablée par les exigences grandissantes de l'occupant (Hitler exige que la France fournisse 150.000 ouvriers de la métallurgie pour aller contribuer, sur place, à l'effort de guerre allemand).

C'est donc à juste titre que Bir Hakeim est passée à la postérité comme l'une des pages les plus glorieuses de l'épopée militaire française. C'était la première fois qu'une unité française affrontait les troupes allemandes sur le terrain et les mettait en difficulté. Et, comble de l'humiliation pour le régime nazi fondé sur le racisme, les hommes de Kœnig composaient une extraordinaire mosaïque ethnique représentant parfaitement les populations de la France et de son empire colonial : Européens de France métropolitaine, Européens d'outre-mer, Noirs, Malgaches, Nord-africains, Maoris, Vietnamiens, Indiens des Comptoirs de l'Inde, Syriens et Libanais.

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Ces Français Libres, qui sont-ils ?

 

          De nombreux réservistes se sont joints aux officiers d'active pour former l'État-major de la Brigade: parmi eux un assureur et un architecte venus d'Égypte, un directeur de plantations de café parti du Cameroun. La Compagnie du Quartier Général 51 et les divers Services (Hôpitaux, Ateliers, Intendance, etc...) composent une belle mosaïque de races: il y a des européens, quelques Antillais, et des Cipayes de Pondichéry, des conducteurs indochinois et cambodgiens, du personnel venu de toute l'Afrique Noire, et pour finir, des Libanais et des Syriens qui ont été recrutés au Levant.

          Naturellement, les Armes présentent la même diversité :

         Aux Transmissions des Légionnaires opèrent aux côtés de Marins et de techniciens civils. Dans le Train des équipages nombreux sont les jeunes Français, échappés de France pour répondre à l'Appel de la France Libre, âgés à l'époque de dix- sept à vingt ans.

          Les cadres de l'Artillerie sont choisis parmi les techniciens: ce sont des militaires de carrière, des ingénieurs du canal de Suez, des colons et des prospecteurs d'Afrique ; on compte de nombreux polytechniciens parmi eux. Quant aux servants, ce sont des Malgaches ralliés en Syrie, des Congolais, des Sénégalais qui ont suivi leurs chefs en Afrique Équatoriale, toutes les tribus d'Afrique sont représentées: bien sûr il y a des Français venus de Grande-Bretagne, et aussi des natifs de 1'I1e Maurice, notre ancienne ''I1e de France'' qui, malgré deux siècles de séparation d'avec le ''vieux Pays'' ne parlant que français, les Anglais les ont laissés s'engager dans l'armée françaises.

          La défense contre avions a été confiée aux Fusiliers-Marins. Au Bataillon, qui a repris les traditions des héros de Dixmude, des inscrits maritimes et de jeunes Français, en majorité Bretons, ont rejoint les matelots des Corvettes du Commandant Detroyat, défenseurs de Dunkerque et ceux des équipages des navires qui n'ont pu être armés.

          La  Compagnie de Sapeurs Mineurs est constituée de Français, de Libanais et de Nord-Africains.

          La Brigade est dotée de quatre Bataillons d'Infanterie. Les Tahitiens, Calédoniens n'ayant jamais vu la mère Patrie, les Caldoches et les Créoles d'Océanie sont rassemblés au sein du Bataillon du Pacifique n°1.

          Le Bataillon de Marche n°2 est venu au secours de la France avec un microcosme de l'Oubangui-Chari : Africains, les fétichistes avec leurs sorciers et les catholiques avec le Révérend père Michel un Spiritain, militaires de carrière et colons industrieux, administrateurs et commerçants, les ''compradors''.

''Passant, va dire à la France que la Légion Etrangère est là''

disait le 14 Juillet 1940, à Londres le Capitaine Amilakvari à la première revue de la France Libre.

           Les 2ème et 3ème  Bataillons de la 13ème  Demi-brigade de la Légion Etrangère ayant reçu le renfort de nombreux Légionnaires ralliés du Régiment du Levant sont prêts pour le combat.

           Le Bataillon d'Infanterie de Marine apporte à la Brigade une Compagnie anti-chars et deux Compagnies de reconnaissance portées sur camionnettes légères Morris.

           Les Marsouins qui les composent ont appartenu pour la plupart, en 1940, au 24ème Régiment d'Infanterie Coloniale. Ils ont rejoint les F.F.L. les uns à Chypre qu'ils défendaient, les autres se sont échappés de Syrie. Tous ont combattu soit à Tobrouk soit à Massaouah.

           Enfin une Compagnie Nord-africaine, à six sections réunit des Algériens, des Marocains et des Tunisiens qui portent à leur calot bleu l'insigne à Croix de Lorraine soutenue par un croissant qui porte leur fière devise « Vae victis ».

            Ces hommes de toutes races, opinions et confessions, venus volontairement de tous les coins de France et de son Empire, ont choisi de partager l'incertitude et l'angoisse des combats pour sauver la France.

            Nos alliés britanniques forment la ''Mission de liaison, et l'Hôpital Hatfield Spears compte dans ses effectifs des ''nurses'' et des conductrices volontaires bénévoles anglaises appelées ''spearettes''. Des quakers servent aussi comme infirmiers dans cette formation sanitaire qui s'est donné le nom de « drôle d'équipe ».

          Enfin, douze ambulanciers appartenant à ''l'American Field Service'' complètent le Groupe Sanitaire Divisionnaire

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Organisation de la position

 

           Dès l'arrivée de la Brigade, le Général de Larminat fait entreprendre les travaux de défense: la position est vue de partout et de très loin, le fortin et les deux mamelles forment un objectif remarquable pour l'ennemi tout proche qui manifeste déjà de l'activité dans l'espace, paradoxalement appelé,  « no man's land ». Certes, il n'appartient à personne mais il est peuplé !

           Le camp retranché a approximativement la forme d'un triangle. L'installation des unités se fait rapidement, le dispositif adopté par la 150ème Brigade étant conservé, il est formé de trois Quartiers (1): deux face à l'Ouest, le troisième sur la façade Est.

          Au Nord-ouest, le Quartier dit ''des mamelles'' commandé par le Lieutenant-colonel de Roux, est occupé par le B.M.2, du Commandant Amiel, la 2ème Batterie (Capitaine Chavanac) et une partie de la 3ème Batterie (Capitaine Gufflet) du 1er Régiment d’Artillerie.

           - Au Sud-ouest, le Quartier dit du ''fort'' est défendu par le B.P. 1 du Lieutenant- Colonel Broche soutenu par la 1ère  Batterie du capitaine Quirot du 1er 'R.A.

           Le Général de Larminat charge le Lieutenant-colonel de Roux de coordonner et contrôler les plans de feux des B.M.2 et B.P. 1.

          Sur la face Est, le Commandant Babonneau commande le Quartier que tient le 2ème  bataillon de la 13ème D.B.L.E. La 4ème Batterie (capitaine Morlon) et le reste de la Batterie Gufflet le soutiennent.

           - Le 3ème Bataillon de Légion (Commandant Puchois) et la 1ère Compagnie du B.I.M. (capitaine Roudaut), placés à l'Ouest du P.C., sont en réserve, prêts à intervenir en cas de besoin.

           Les Fusiliers-marins protègent avec des pièces Oerlikon de calibre 25 les batteries d'Artillerie. Les sections sont commandées par des « figures restées célèbres à la 1ère Division Française Libre » : Enseigne de Vaisseau Bauche, 1er Maître Le Goffic,  Maître principal Colmay, 1er Maître Le Sand, Maître Haff et 1er Maître Berroyer. L'affût quadruple de mitrailleuses est servi par l'équipe du 1er  Maître Guttinger. Le capitaine de Frégate Amyot d'Inville règne sur ce personnel qui fait du ''service à la mer'' en plein désert,  il est secondé par le Lieutenant de Vaisseau Iehlé et béni Par le Père Lacoin.

            La vie à Bir-Hakeim est consacrée à l'organisation du terrain; l'épaisseur de la bande minée qui ceinture la position est doublée ; un point fort, sorte de bastion entouré de mines, est créé dans chaque Quartier ; le tracé primitif laissé par les Britanniques est légèrement modifié par l'intégration d'un point élevé placé au Nord-ouest de la cote 186 qui servira d'observatoire à l'artillerie.

             La position couvre le flanc Sud de la VIIIème  Armée avec le risque d'être investie. Pour protéger son abord par le Nord, deux champs de mines sont posés ; ils forment un ''V'' dont la pointe enserre la place, ses deux branches rejoignent, celle de gauche la première ligne de résistance qui va jusqu'à Aïn-el-Gazala, l'autre atteint Knightbridge, zone de petites collines où la 2ème Brigade de la Garde défend les arrières de la ligne de défense principale. Pour finir, des ''marais de mines'' rendent difficile l'approche des champs de mines par le Sud. Leur tracé rappelle le système de fortification bastionnée des cités imprenables de vauban.

             En tout cent cinquante mille engins, antichars et antipersonnels, sont mis  place sous la diction du Commandant Gravier, polytechnicien, qui a sous ses ordres la compagnie de sapeurs mineurs du capitaine Desmaisons , les deux sections de Pionniers de la Légion, et une compagnie d’ « Engeneers » britanniques forte de deux cent cinquante hommes prêtées par le 13ème C.A.

              La pose de l’affreuse quincaillerie, de fabrication égyptienne, n'est pas sans danger; la susceptibilité de ces mines est en effet très fantaisiste, l'une supporte le poids d'un véhicule, l’autre saute à la chaleur du soleil ou au moindre vent entraînant ses voisines dans une manifestions de bruyante sympathie. Il fallut créer un cimetière pour recueillir les nôtres qui en furent victimes.

    

Reproduction de la carte du Général KOENIG

           Mais les terrassements, tâche ordinaire des Sapeurs, ne sont pas oubliés. Le terrain rocheux rend le travail pénible,  les emplacements circulaires d'artillerie doivent permettre aux canons de 75 de tirer dans tous les azimuts, ceux de l'infanterie être invisibles, la leçon d'Halfaya Pass a été retenue; les camions enfin, sont abrités dans des alvéoles, enfoncés le moteur en avant.

           Le P.C. de la Brigade et le Groupe sanitaire divisionnaires une fois protégés, les abris des personnels sont réalisés: une vie souterraine commence, sous un ou deux mètres de sable les hommes trouvent la fraîcheur, dans ce que les Allemands appellent le ''jardin du diable''.

(1) Quartier : (terminologie militaire), terrain défendu par un bataillon.

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Veillée d'armes

 

             Les semaines s'écoulent inexorablement semblables, avec des orages, des vents de sable, des avances ou des décrochages, des alertes aériennes et le tir saccadé de la D.C.A.

              A la demande du Général Auchinleck, la 2èmeBrigade du Général Cazaud arrive en Egypte, le 22 Avril; la Force ''L'' devient une réalité. Le Général de Larminat quitte Bir-Hakeim pour prendre la responsabilité des Forces Françaises du désert oriental ''F.F.W.D. '' ; cette fonction apparaît plus théorique qu’opérationnelle, du fait des  dispositions prises par les autorités britanniques.

              Un commandement des Jock Column est créé le 22 Avril, confié au Brigadier Benton, Commandant la 7ème Riffle Brigade, la participation française étant réduite à une seule Jock Column; le Général Koenig rejoint Bir-Hakeim, le 24 Avril.

              Sur la position, les travaux d'organisation du terrain étant achevés la 1ère  Compagnie de Sapeurs-Mineurs rejoint Bir-Buu-Maafez. A tour de rôle les unités vont Passer un court séjour au bord de la mer, sur une plage située à trente-cinq kilomètres à l'Est de Tobrouk, cette détente leur était bien nécessaire.

             Pour faire prendre patience à la Brigade, le Général Ritchie lui adresse des notes concernant la participation à la future offensive qui  devrait avoir lieu d'ici cinq semaines, le temps de voir arriver des renforts, de recevoir des matériels modernes, d'achever la construction d'un pipe-line pour amener l'on potable aux premières lignes.

              Le 28 Avril, le duc de Gloucester, frère du Roi et Inspecteur Général de l'infanterie visite la position. Les officiers de liaison veillent scrupuleusement, avec un brin d'inquiétude, à l'application du protocole : cérémonial, réception et mesures de protection réglementaires.

Deux jours après, le 30 Avril, la Légion commémore le 79ème| anniversaire de la bataille de Camerone. Par un mauvais vent de sable, une prise d'armes a lieu, suivie de réunions dans les trous camouflés qui servent d'habitude, d'étroites salles à manger, l'intendance a bien fait les choses, merci, mon Capitaine de Guillebon, il y eut du vin rouge ce jour là.

             Mais le Général de Larminat veille sur le moral de ses troupes, soucieux de celui des Compagnies du B.I.M., il envisage d'abord de les envoyer en renfort à la 2ème Brigade puis décide, le 2 Mai, de les rassembler hors du camp retranché sous les ordres du Commandant Savey venu de la base arrière, celui-ci est remplacé à Bir-Buu-Maafez par le Chef d'Escadron Thoreau, chef de la 2ème Section de l'Etat-major (1er et 4ème  Bureau). Mais le 5 Mai, l'ordre est suspendu et le B.I.M., formant désormais un Corps constitué, reprend sa place dans Bir-Hakeim où un vent de sable d'une violence inouïe l'accueille.

              Peu après, des informations parviennent du Levant, le Général de Gaulle estime que les opérations de détail en cours actuellement dans le désert de Cyrénaïque, ne justifient pas l'immobilisation des forces françaises, qui auraient pu être mieux employées sur le front russe. Il décide donc de faire venir le B.I.M. en Grande-Bretagne pour le faire participer à des opérations de débarquement sur les côtes de France, en conséquence nouveau déplacement du B.I.M, le 15 Mai. Evidemment les autorités britanniques, invoquant la perspective d'une prochaine offensive ennemie, ne donnent pas leur agrément à ce départ.

           Le Bataillon regagne, à la veille du 26 Mai, ses emplacement précédents. Entre-temps, le Général Koenig a fait venir, de Bir-Buu-Maafez, la 22èmeCompagnie Nord-africaine du Capitaine Lequesne et la 1ère  Compagnie de Sapeurs Mineurs pour remplacer les effectifs en partance. Finalement la garnison de Bir-Hakeim se trouve renforcée.

          Le 18 Mai, les Fusiliers-marins reçoivent douze canons de D.C.A. Bofors 40 m/m pour remplacer le matériel français inefficace: une Batterie de six canons du 43ème Bataillon, britannique ''Anti-Aircraft'' commandée par le Lieutenant Beachman, leur fournit les instructeurs: toutes les Batteries du 1er  R.A. seront défendues contre les attaques aériennes. L'ordre de défense n° 811 en date du 19 mai est rédigé, en tenant compte des remaniements apportés dans le dispositif antennes et d'une nouvelle mission confiée à la Brigade : « la surveillance et la garde des champs de mines formant le ''V'' ».

          Tandis que les Jock Columns menaient que leur guérilla, provoquaient l'ennemi puis esquivaient la riposte, que les Sapeurs creusaient à Bir-Hakeim des emplacements de tir, des tranchées et des abris, les ateliers de la base de Bir-Buu-Maafez faisait preuve d'une grande activité. Les officiers et sous-officiers de réserve venus d'Afrique équatoriale Française avec le capitaine Belan formaient une équipe très particulière, ingénieuse, débrouillarde, riche de l'expérience d'une vie passée dans la brousse africaine.

          La récupération de matériels abîmés et abandonnés, en grand nombre, qui abondent sur les champs de bataille voisins, permet de fabriquer du neuf avec du vieux: la 101ème Compagnie du train y gagne une quinzaine de véhicules, les citernes hippomobiles trouvées à Tobrouk deviennent des camions citernes.

        Enfin, la volonté de rendre la canon de 75 plus mobile aboutit à la création d'un canon automoteur. Le tube et son frein pivotent sur une circulaire dentée de tourelle de char M. IV italien fixée sur une caisse de camion Chevrolet et possède des possibilités de tir presque tous azimuts. Les noms du capitaine Bayrou, du B.M.2,docteur vétérinaire de son état, et du lieutenant Conus, chasseur de fauves, sont attachés à cette merveilleuse réalisation.

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Le chef - La mission

 

           Le Général Koenig, commandant la 1ère  Brigade Française Libre est né en 1898 à Caen. Il doit à ses origines et à l'ambiance de sa jeunesse cette finesse proverbiale en pays normand. De son père, facteur d'orgues, ''organier'' disait-il, originaire d'un pays de l'Est, il tient une sensibilité exceptionnelle, et une très grande culture musicale, et de sa mère, franc-comtoise, de l'absolu son engagement.

            Engagé volontaire en 1917 durant la première guerre mondiale au 36ème Régiment d'infanterie, il est trois fois cité à l'ordre, décoré de la médaille militaire comme aspirant, promu sous-lieutenant le 3 Septembre 1918, alors qu'il vient d'avoir vingt ans.  Il choisit la carrière militaire qui le conduira, au 11ème Bataillon de Chasseurs Alpins, en Silésie puis en Rhénanie. En 1931 il rejoint, au Maroc, la Légion Étrangère qui le marque profondément.

             N'ayant à son grand regret pu avoir une affectation à la 13ème Demi-brigade de Légion partant pour les pays scandinaves, il s'embarque clandestinement à Oran le 6 Mars 1940, à la demande et avec la complicité du Capitaine Amilakvari qui a servi sous ses ordres au 4ème Étranger. Il est à Namsos chef du 4ème bureau de la Division du Général Audet. De retour le 15 Juin en Bretagne, il s'évade le 18 à la barbe de l'avant-garde motorisée de Rommel et rejoint par Jersey, la Grande-Bretagne. Le Capitaine Koenig s'engage le 1er juillet 1940 dans les Forces Françaises Libres ''pour tenir la parole de la France''

          

Le général KOENIG

              Grand et mince, l'oeil bleu plein de malice, il sait en toutes circonstances garder son sang-froid et inspire confiance à ses subordonnés. Avec une poignée de Français Libres, il mettra en échec Rommel, étonnera le monde et changera le cours de la guerre.

                "Dans sa justice, le Dieu des batailles allait offrir aux soldats de la France Libre un grand combat et une grande victoire. (1)

(1) : Général de Gaulle : Mémoires

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Avant le jour X (1): derniers préparatifs dans le camp de l'Axe

 

           En application des directives données par le Führer, la Wehrmacht s'apprête, au printemps 1942, à lancer une gigantesque offensive, simultanément sur le front russe et la Cyrénaïque, elle doit lui donner la victoire. Dans ses instructions sur la « conduite ultérieure de la guerre », Hitler rédige lui-même les directives qui prévoient l'entrée à Bakou, le 25 Septembre, et la prise de Moscou un mois après, tandis qu'en Afrique du Nord, l'objectif est la main mise sur le Canal de Suez. Vainqueurs du Caucase et soldats de l'Afrika Korps ont rendez-vous quelque part en Proche-orient.

           Dès la fin d'Avril 1942, le Général Rommel met au la point le plan d'opérations, en vue de la reprise de l'offensive pendant que se poursuit la réorganisation des Unités et de la logistique sur les positions qu'il vient d'atteindre. Son intention est de livrer combat à l'intérieur de la position Aïn-el-Gazala - Bir-Hakeim pour ôter toute possibilité de repli aux forces alliées qui l'occupent, et d'anéantir les Unités blindées britanniques concentrées dans ce secteur, puis de s'emparer de la place de Tobrouk par une attaque éclair. Ce projet devait être mis à exécution dès les premiers jours du mois de Mai, par la pleine lune. Pour mener à bien cette bataille, alors que, une fois engagée, la Marine italienne ne pourra satisfaire les besoins de son armée, il réclame le renforcement des Unités italo-allemandes, un abondant approvisionnement en vivres, munitions, carburant, et un important appui aérien. Il veut pouvoir frapper fort et réussir d'entrée de jeu.

          Hitler, ayant déclaré, dès Octobre 1941, que ''l'ennemi de l'Est battu ne pourra se relever'' , décide de donner à la Cyrénaïque le soutien des Armées de l'air en priorité, et de remettre à plus tard la conquête de 1'Ile de Malte. Une limite est cependant fixée pour l'emploi de l'aviation, l'opération en Libye ne devra pas être prolongée au delà du 20 Juin. Toutes les unités aériennes en supplément et une partie de celles de Libye seront alors retirées pour participer à la guerre en Russie. Les moyens aériens ainsi accordés sont considérables, , ils représentent une vingtaine de groupes d'aviation dont un tiers assure le contrôle aérien du champ de bataille et l'attaque au sol des unités terrestres, le reste est formé de bombardiers stukas pour la plupart.

Rommel, confiant dans le succès de l'opération d'anéantissement des forces adverses prévues en trois jours, fait paraître, le 20 Mai, son ordre d'attaque pour le jour X détaillant les mouvements préparatoires et insistant sur le maintien du secret.

 

 

Le 26 Mai l'ordre du jour du Commandant de l'Armée blindée ''Afrika'' paraît :

          « L'Arme blindée d’Afrique passe aujourd’hui à une attaque décisive contre les forces mobiles britanniques de Libye. Nous rappelant les faits d'armes glorieux des mois de Janvier et Février, nous attaquerons et mettrons en déroute l'ennemi partout où il se présente.

          La qualité supérieure et l'ardeur au combat des soldats italiens et allemands, autant que la supériorité notre armée, est une garantie certaine de victoire.

          Je compte que chacun à son poste, fidèle aux nobles traditions de sa propre patrie, et de sa propre armée, fera son devoir et se consacrera à une indissoluble fraternité d'armes.

 

Vive sa Majesté le Roi et Empereur d’Italie et d'Éthiopie.

Vive le Duce de l'Empire de Rome.

Vive le Führer de la Grande Allemagne.

 

Le Commandant Supérieur.

Rommel”

(1) Le jour X : terme militaire allemand, correspond au « Jour J français » et au « D day » anglais.

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Avant le Jour "D": derniers préparatifs dans le camp britannique

  

            Dans la première semaine du mois de Mai, la mise en défense de Bir-Hakeim est terminée, et l'inaction pèse sur le moral des hommes. Dès le 3, les effets d'une tornade épouvantable se font sentir, un vent du Nord violent sévit poussant devant lui une sombre muraille de sable; l'atmosphère change, la tempête augmente sans cesse, les hommes sont pris dans un épais nuage de poussière qui les submerge et les aveugle: ils mangent du sable, ils respirent du sable. La chaleur étouffante énerve, irrite et pendant quatre jours il est impossible de dormir et de se nourrir. Le 10 Mai, la fraîcheur revient enfin, apportant un peu de quiétude, cependant perturbée par des inspections d'officiers généraux. Nous savons désormais que le Commandement prépare minutieusement une offensive pour la reconquête de la Libye. Du matériel est arrivé en grand secret, chars Grant et canons antichars, les services logistiques fonctionnent bien maintenant, des vivres sont stockés et le pipe-line d'eau avance.

             Le Général Koenig fait alors connaître aux cadres sa confiance dans l'avenir, et aux impatients que le combat est proche. Effectivement, au cours de la semaine suivante, le Général Ritchie, commandant la VIIIème Armée, diffuse l'ordre préparatoire à une action offensive dont le déclenchement doit avoir lieu, à bref délai, avec la participation de la 1ère Brigade Française.

 

De gauche à droite : Le colonel LAURENT-CHAMPROZAY, le commandant MASSON, le capitaine JACQUIN  et le commandant THOREAU se concertent

            Quelques jours s'écoulent, et les intentions du Commandement Britannique évoluent en fonction des renseignements obtenus sur l'ennemi, celui-ci a reçu des renforts, des mouvements importants vers le Sud sont signalés. L'attaque allemande est imminente et les commentaires ajoutent qu'étant donnée la puissance des réserves blindées, ce sera un ''suicide'' . Le Vendredi 22 Mai, la VIIIème Armée fait savoir que l'emploi des gaz est à craindre, alors la Brigade s'entraîne au port du masque, heureusement la bise glaciale qui souffle sur le plateau, au petit jour, permet de supporter facilement cette épreuve. Le lendemain, le Général Ritchie considère qu'une manoeuvre ennemie, débordant Bir-Hakeim par le Sud, est à envisager ; pour s'y opposer il donne l'ordre à la 3ème brigade motorisée indienne de s'installer au Sud-ouest de la position tenue par les Français. Le Bataillon du pacifique est désigné pour prendre la place quittée par les Hindous dans la zone des dépôts d'El-Adem. Les reconnaissances sont faites, les véhicules arrivent des Échelons B, et le départ est fixé au 26 Mai.

L'ennemi en décide autrement, il attaque ce jour là.

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Le déroulement de la bataille

 

          Au cours de l'après-midi du 26 Mai, le bruit sourd et lointain d'une canonnade est perçu à Bir-Hakeim venant du Nord. L'Etat-majior est en liaison radio avec les 7ème et 4ème Brigades de la 7ème Division Blindée qui battent l'estrade à l'Ouest de nos champs de mines, elles sont déployées pour couvrir l'installation, au Sud de Bir-Hakeim, de la 3ème | Brigade Indienne arrivée la veille. Le Général apprend par l'écoute du réseau de Commandement le repli du dispositif de surveillance des automitrailleuses, devant des formations mécaniques venant de Rotunda signali.

           La Colonne mobile du Commandant Amiel, ''Tomcol'', formée d'une Compagnie du B.M.2 et de la Batterie Morlon, rentre dans la position après avoir rencontré des éléments légers ennemis à un kilomètre au Sud du fort.

           Dans la nuit claire, le moindre bruit résonne à l'infini, les observateurs aux aguets entendent des ronronnements de moteurs qui semblent venir de partout. A partir de 21 heures un avion, bourdon obstiné, tourne très haut à la verticale de Bir-Hakeim, à intervalles réguliers, il lance une fusée éclairante à parachute dont la lumière descend lentement, tout droit, il n'y a pas de vent, elle s'éteint avant de toucher le sable. Le ciel est d'une pureté de cristal, la lune brille. Dans le Sud-ouest, puis dans le Sud, des signaux lumineux jaillissent et les guetteurs calmes et silencieux entendent le grondement des chars ennemis en mouvement.

           L'aube perce à peine quand la 7ème D.B. transmet par radio l'ordre de fermer et miner les portes des champs de mines.

           À sept heures douze, un feu d'artillerie puissant claque dans le Sud, suivi aussitôt du tumulte d'un engagement furieux dans la direction de la 3ème  Brigade Indienne. A 7 heures 30, la 7ème D.B. fait savoir que ''l'Armée blindée Afrika'' attaque et que sa 4ème Brigade va contre-attaquer. Ce sera sa dernière communication, le téléphone est coupé, la radio se tait, la Brigade Française est seule, l’ennemi est proche.

            Des patrouilles sortent de la position et les comptes-rendus affluent à l'Etat-major, notés avec précision sur la carte par le Capitaine Mallet; ils annoncent l'apparition de forces d'infanterie à l'Ouest et le déplacement des véhicules dans le sud. Dans le ''V'' de mines, au Nord, le détachement de Lamaze du 3ème Bataillon de Légion ouvre le feu sur des blindés qui se massent à l'Ouest du champs de mines. Enfin nos Artilleurs tirent fusant sur un convoi arrêté au Sud-ouest, qui, sans méprise possible, est ennemi. Une masse importante de chars, de 75 automoteurs et de camions d'infanterie s'approche de Bir-Hakeim.

           A partir de 9 heures, les observateurs voient nettement deux vagues cuirassées, l'une de 50, l'autre de 20 engins, qui chargent en formation de combat vers nous. Les transports de troupes qui suivent les chars s'arrêtent à deux mille mètres et débarquent l'infanterie. Le 1er Régiment d'Artillerie, par son tir d'efficacité persuade rapidement les Fantassins d'avoir à rembarquer et à disparaître. C'est ainsi, qu'après avoir perdu quelques ''plumes''(1), le 8ème  Régiment le IIIème Bataillon de Bersaglieri abandonnent, à leur sort, le 132èmeRégiment de Chars et les automoteurs du Vème  Groupe de 75 qui attaquent et se ruent sur le Quartier tenu par le 2ème Bataillon de Légion du Commandant Babonneau.

           A mille deux cents mètres les chars de tête abordent le marais de mines et sautent, alors les blindés ouvrent le feu. La riposte est immédiate, brutale et violente, onze canons de 75 antichars crachent leurs obus, en une seule bordée. La bataille est intense, aux tirs des chars répondent les antichars et l'artillerie. Dès le début de l'attaque, le Général Koenig m'envoie en liaison au 11/13, les obus perforants des chars traversent la position, ricochant sur le sol rocailleux, tels des poissons volants devenus fous. Au retour je suis traité d'insensé, en termes très vifs, par Murraciole, ''Capitaine de Vienne vous allez vous faire tuer'' . L'épaisse poussière qui couvre la zone où se déroule le combat, se mélange à la fumée de deux blindés qui brûlent, alors que leurs équipages se roulent sur le sol pour éteindre leurs combinaisons en feu.

           La première vague est rompue, ses chars tourbillonnent un instant, puis se reforment et se joignent courageusement à la deuxième vague qui est, à son tour, clouée sur place. Cependant dix d'entre eux ont atteint le ruban miné qui protège et limite le point d'appui, six pénètrent dans la position et sont cassés à bout portant, l'un d'eux est à deux mètres du P.C. du Capitaine Morel dont il a percé l'abri d'un obus de 47. Trente-trois chars ont été démolis, le dernier est déchenillé devant le Quartier du B.M.2. un chef de pièce de Légion en a détruit sept, Benaich du B.I.M. cinq. Les ''75.' d'infanterie ont ''fait merveille'' les Légionnaires tirent sur le personnel qui tente de s'échapper à pied. Le dernier italien capturé est le chauffeur du Colonel Commandant le 132ème Régiment Mécanique qui venait, avec la voiture de commandement, chercher son chef, le Colonel Prestissimone, déjà entre nos mains, blessé. Pour parvenir au centre du bastion Est, il a changé trois fois de char, c'est un sicilien. Trois quart d'heure après, le combat terminé, « l’Ariete » (2) se replie, quatre-vingt-onze Italiens sont faits prisonniers, quelques uns blessés, dont le Sous-lieutenant officier observateur de l'Artillerie Automotrice (3) récemment arrivé d'Italie. Nous n'avons qu'un blessé léger le Légionnaire Hoyo et un canon de 47 démoli.

           Des convois passent sans cesse dans le Sud, des patrouilles sortent, les Brenn carriers du B.P.I et de la Légion ramènent quelques Italiens et aussi des Allemands: ce sont les premiers depuis 1940… heureux présage !

           Notre action gène le ravitaillement du corps de bataille ennemi. En fin de soirée, le Capitaine de Lamaze, chargé du maintien de l'intégrité des champs de mines du « V » attaque un détachement italien venu du Nord, et démolit deux chars. La présence inattendue de l'ennemi en ce lieu surprend, Bir-Hakeim est donc complètement encerclé.

            Le soir, une centaine de prisonniers sont entre nos mains, ainsi que des camions militaires français, provenant d'Algérie, comme le prouvent leurs carnets de bord. Les communications radios enfin rétablies avec le Commandant du 30ème Corps, font savoir, vers 18 heures, que notre Échelon arrière a réussi à se replier au moment où la 90ème  Division légère allemande abordait la dépression de Bir-Buu-Maafez. Six chars ont causé quelques pertes à la 101ème Compagnie du Train du Capitaine Dulau.

            Le Duce choisit ce moment pour réclamer Nice, la Corse et la Tunisie.

          Du 28 Mai au 1er Juin, tandis que de violents combats s'engagent dans Knightbridge, la 1ère Brigade Française se livre à une guerre de course sur les arrières de Rommel contre ses convois de ravitaillement, et ses ateliers de réparation. Le B.P. 1 s'empare ainsi de vivres et d'un camion-citerne de mille litres d'eau ; c'est une aubaine car cent quatre-vingt prisonniers vivent sur notre ordinaire, certains s'étant présentés à Bir-Hakeim croyant ravitailler ''l'Ariete''.

'          'Le Lieutenant Général Norrie, Commandant le 30èmeCops adresse ses félicitations à la Brigade pour son magnifique succès, sa résistance opiniâtre, son action offensive et ses patrouilles''.

           Cependant le Général Koenig a des préoccupations; la R.A.F. mitraille et bombarde par deux fois, le 28 Mai à 19 heures, puis le 29, notre lisière Sud, tuant deux Marsouins du B.P. 1. Elle s'en prend aux chars italiens démolis la veille qui paraissent intacts, prêts à attaquer, le vent de sable, qui brouille tout, est en partie responsable de cette méprise, Les légionnaires vont incendier les blindés et les Sapeurs les achèvent à l'explosif. Il est impossible dans notre position, de se rendre compte de la situation générale, nous savons seulement que la 3èmeBrigade Indienne a été anéantie par quatorze chars allemands accompagnés d'une nombreuse infanterie. Curieusement, un Amiral, Sir Cowan, a été fait prisonnier avec les Hindous, selon le communiqué allemand.

            Toute la 7ème  Division Blindée s'est repliée vers El-Adem, son chef, le Général Messervy a disparu (4), les ordres secrets, les codes chiffrés sont aux mains de Rommel, mais cela ne gène guère les Français Libres qui se servent, alors, du code ''omoplate''.

          A Bir-Hakeim, le moral des cadres et des hommes est au plus haut. Tout le monde est confiant dans l'issue des opérations menées par la VIIIème Armée, et tous, notre chef le premier, sont convaincus que la victoire est proche: Rommel est pris au piège et les troupes de l'Axe seront détruites, Ritchie, optimiste, télégraphie à Londres qu'il a pris Rommel dans une ''nasse'' et qu'il ne reste plus qu'à la vider.

             Or, trente-six heures après notre succès du 27 Mai, Koenig s'inquiète de la présence de l'ennemi dans le ''V'' de mines, sans doute arrivé par le Nord. En effet dans l'après-midi, le Détachement de Lamaze appuyé par la Batterie Chavanac se heurte à nouveau à des blindés italiens, détruisant sept automitrailleuses Fiat-Ansaldo; mais, il est obligé de se retirer sous un bombardement de 105, a des blessés et perd deux Brenn carriers de la Section Bourdis. Pour finir, des chars foncent sur lui, et oblige le Lieutenant Sartin, à faire exécuter un décrochage acrobatique à ses pièces qui viennent de casser deux chars à bout portant.

           Dans la soirée, l'ennemi, semble-t-il, cherche à se frayer un passage vers l'Ouest, ses pionniers sont à l'oeuvre dans les champs de mines au Nord de la position française. Cette crainte étant confirmée peu après, le 30ème Corps ordonne à la Brigade de contrecarrer cette tentative, en liaison avec la 150ème | Brigade Anglaise.

 

Une formation de deux Ju 87-B "Stukas" survole le désert libyen

 

          Enfin, l'Afrika Korps recule, à court d'essence, de vivres et d'eau. La Division ''Trieste'' prend à revers la ligne de défense alliée et veut ouvrir une ligne directe ravitaillement au travers du champ de mines. Nous intervenons sur son flanc, sa riposte cause quelques dégâts, mais le tableau de chasse s'accroit de quelques blindés. Dans de l'après-midi, le Lieutenant-colonel Amilakvari, avec la Colonne de Lamaze et la Batterie Quirot agit, dans la nuit, le Capitaine Messmer emmène un Groupement mixte Légion-B.M.2 à l'Ouest du ''V'' et fait tirer toutes les deux heures, la Section Emberger, sur le passage que la ''Trieste'' a ouvert.

          Dès le lendemain des convois de camions allemands roulent vers l’Ouest par une large brèche défendue par des chars. Les Français prennent des risques mais ne peuvent s'opposer à eux seuls, au repli des troupes de ''l'Armée Blindée Afrika'' la R.A.F. en effet, reporte ses coups sur les ports de Tripolitaine où débarquent des renforts.

           Le 29 mai, au Nord Est, la Garde Anglaise résiste dans le ''Chaudron du diable, à Knightbridge: des deux côtés les pertes en chars sont lourdes mais la VIIIème Armée paraît être sur le point de remporter la victoire. Notre Général, familièrement ''le vieux lapin est préoccupé par la diminution des réserves en munitions d'artillerie: deux unités de feu ont été consommées sur les six stockées avant l'action, les vivres et l'eau vont manquer, le problème se complique, aux deux cents prisonniers qu'il faut nourrir, viennent s'ajouter six cent vingt Hindous de la 3ème Brigade, les Italiens qui les gardaient prisonniers les ont abandonnés avant de se replier. Depuis deux jours ils n'ont ni bu, ni mangé et leurs convictions religieuses leur interdit le ''corned-beef''. Le Capitaine Cance leur offre beaucoup d'eau, mais cela ne leur suffit pas. Ils s'égaient dans le camp raflant tout, y compris dans le camion P.C. du Général, et boivent l'eau des radiateurs des véhicules. Ce sont des Pendjabis, les Allemands leur ont coupé barbe et chignon qu'ils portent longs, ce qui les rend honteux mais leur laisse de l'appétit.

            Par les officiers Indiens, nous apprenons que des canons de 25 livres (5) sont restés sur le terrain où la Brigade a été anéantie. L'Aspirant de la Roche récupère alors trois pièces, qui permettront d'obtenir par ''cannibalisation'' deux canons, or, sur la position, il y a trois mille coups de ce calibre à tirer. Dans l'armée britannique, l'Artillerie a une tradition particulière, elle ne possède pas d'étendard ; à la parade, les honneurs sont rendus aux canons, qui ont valeur d'emblèmes. Les Artilleurs Hindous, fidèles à cette règle, se sont faits tuer, le fusil à la main, en défendant leurs pièces.

           Le 30 Mai, la bataille se poursuit favorablement sur les arrières, un télégramme est arrivé pour nous rassurer : « les opérations se déroulent conformément au plan du Commandement britanniques ». Ce message précise que l'ennemi a subi de très grosses pertes et paraît se replier par une brèche pratiquée dans le champ de mines à huit kilomètres au Nord de Bir-Hakeim. En cet instant, la situation de Rommel est extrêmement critique: au Nord ses Unités sont en panne de carburant, 1a 90ème Légère du Major Général Kleemann presque encerclée, la troupe épuisée, sans ravitaillement, sans eau; in extremis, le Général Nehring, adjoint du Général Commandant les 15ème et 21ème  Panzers forme autour des chars immobilisés un mur d'acier avec les canons de 88 Flak(6) servis en D.C.B. et arrête les chars Grant qui attaquent, sauvant l'Afrika Korps.

            Et au soir de ce jour, cinq Brenn carriers ramènent du Nord les rescapés de la 150ème Brigade Britannique anéantie.

 M. Winston Churchill écrit dans ses mémoires :

« Nous savons aujourd'hui que Rommel espérait s'emparer de Tobrouk dès le second jour de son offensive. Cela ne fut pas possible. S'il voulait se renforcer en vue d'un nouvel effort, il lui était indispensable de conserver et d'élargir sa tête de pont établie dans les champs de mines du Sud.

Tant que résistait Bir-Hakeim, fortement défendue par la Première Brigade de la France Libre contre des assauts terrestres et aériens incessants, ces brèches étaient les seules voies sûres pour son ravitaillement. Au cours de la première semaine de Juin, la bataille se concentra sur ces deux points: Bir-Hakeim et la tête de pont que la 150ème  Brigade tenait toujours obstinément.

Rommel avait un besoin urgent d'approvisionnement et d'eau.

Pour ne pas perdre la bataille toute entière, il lui fallait éliminer cette Brigade afin d'ouvrir un chemin à ses convois.

Elle fut attaquée et détruite le ter Juin ».

 

             A la fin du mois de Mai, la première phase de la bataille est terminée, une impression de soulagement règne, les mauvais moments sont passés, l'ennemi battu se replie. La Lieutenant Hopchapfel avec la Compagnie du Train se présente le 31 Mai vers 7 heures à la ''Porte de la Légion'' après un voyage de nuit sans encombre. A la demande du médecin Colonel Reilinger, le Médecin Capitaine Durrbach, chirurgien émérite, arrive en du renfort des médecins Capitaines Thibauld et Guillon. Pendant que les camions, qui apportent de quoi reconstituer les réserves à sept jours, sont déchargés, trois Colonnes nettoient les alentours, chacune d'elles a sa Batterie d'artillerie, Chavanac, Gufflet, Morlon. Le Capitaine Messmer, déjà dans le ''V'', attaque quinze paniers au canon à trois mille mètres. Mais la patience de l'ennemi a des limites, cinq chars chargent à la tombée de la nuit, l'assaut est repoussé, trois Légionnaires sont blessés. Le B.M.2 fournit un détachement qui sous les ordres du Lieutenant-colonel de Roux agit en liaison avec Messmer à l'Ouest de la branche occidentale du ''V''. Ses coups portent mais il est bientôt assailli par une meute d'avions de chasse allemande. Quelques Tirailleurs sont blessés. Enfin, dans le Sud, le Lieutenant-colonel Amilakvari a reçu mission de détruire une formation de vingt chars et de nombreux camions stationnés dans le Sud Est. Il dispose des ''75'' antichars de la Compagnie de Sairigné, et du Peloton d'automitrailleuses du ''Royal Dragoons'' qui escortait le convoi. Le capitaine Bricogne, adjoint du Commandant du 1er  R.A, animateur de toutes les ''Jock Columns'' est de la partie. Cinq des chars signalés sont atteints malgré les mauvaises conditions de tir, dues au mirage et au vent de sable, un sixième brûle et explose.

             Au loin une canonnade intense tonne toujours dans la direction de Knightbridge, dominée de temps à autre, par le bruit d'un bombardement aérien. Dans la soirée arrive le Général de Larminat qui félicite la garnison pour son brillant succès, un journaliste, Jean- Pierre Bénard l'accompagne, venu dans une voiture dont la conductrice est anglaise, Miss Suzanne Travers. Tandis qu'à l'Etat-major, les Généraux analysent la situation, la Brigade a reçu l'ordre de se tenir prête à partir vers l'Ouest pour occuper El-Teilim et Rotunda signali. Le Commandant de la ''Force L'' confirme le jugement du Commandement britannique, l'offensive de Rommel a échoué, il se replie à l'Ouest des champs de mines, les détachements qui subsistent dans le ''V'' ne sont là que pour protéger sa retraite. Il n'y a plus d'ennemi, ni à l'Ouest, ni au Sud, ni à l'Est de Bir-Hakeim, nos convois passent librement, il faut maintenant contre-attaquer et d'abord couper rapidement la route à ''l'Armée blindée d'Afrique''.

           Le soir, la 101ème Compagnie repart, emmenant six cent cinquante-quatre Britanniques et Hindous, cinquante-quatre blessés, cent vingt-cinq Allemands et cent cinquante-quatre Italiens. Le convoi est à peine parti que des stukas viennent lâcher leurs bombes sur Bir-Hakeim.

            Malgré les ordres pressants du Commandement britannique, la Brigade ne peut qu’amorcer son mouvement: le Lieutenant-colonel Broche avec le B.P. 1, seul à avoir ses camions sur place, démarre le 1er Juin à 9 heures avec la Batterie Quirot, et la Section de Bofors de l'Enseigne de vaisseau Bauche, ce Groupement tactique est rapidement aux prises avec les JU 87-8 Stukas de ''l'Oberstleutnant Walter Sigel'' récemment transférés de Sicile. Les dégâts sont importants, les blessés nombreux, et douze camions détruits dont deux citernes, l'une d'eau, l'autre d'essence, mais nos Fusiliers-marins ont abattu quatre appareils marqués de l'insigne de l'Escadrille: un ''cobra''. Un vent de sable brûlant et violent rend les liaisons radios inaudibles, nous savons seulement que le détachement est arrivé à la tombée de la nuit et qu'il a repoussé une arrière-garde ennemie.

              Dans Bir-Hakeim, les ordres et contre-ordres de l'autorité supérieure se succèdent. Le détachement Messmer dans le ''V'' démine une porte pour laisser passer la 4ème  Brigade blindée, puis, sans délai, reçoit l'ordre de la refermer. La Légion s'apprête à faire mouvement pour rejoindre la Colonne Broche, les véhicules des Échelons B sont prêts à venir, mais le départ est remis, il lui faut exécuter des patrouilles. Le désert est à cet instant d'un calme étrange, quand surgissent des bombardiers ennemis ; Bir-Hakeim subit  alors à quatre reprises, des attaques en piqué de stukas par formations de quinze à vingt, les bombes de deux cent cinquante kilos font dans le sol, d'énormes entonnoirs de cinq mètres diamètre. Les Fusiliers-marins, debout à leurs pièces, tirent sans arrêt, empêchant les stukas de viser avec précision. L’équipage de la pièce du Quartier-maître Fusilier Le Borgne est fauché par l'éclatement d'une bombe, son chef et six servants sont tués. Dans la position, les pertes sont importantes, neuf tués et blessés. Le poste de secours du Médecin capitaine Guenon, où opère le Docteur  Mayolle est détruit et cinq camions de l'artillerie sont démolis.

               Le Général de Larminat vient saluer les morts avant de repartir vers les Échelons arrières à 18 heures. La Brigade ne doit plus exécuter le mouvement prévu, la mise en route est annulée. Nous comprenons alors que la bataille change de forme, la guerre de course est terminée, impression que confirme un message laconique du 30ème Corps ''les Allemands sont partout, et semblent ne plus manquer d'essence'' Les neuf ambulances de l'American Field Service, sous les ordres du Lieutenant Worren, guidées par l'Aspirant Bellec, partent pour M'Teilim chercher les blessés du B.P. 1, le Médecin Commandant Vignes, médecin Chef du Groupe Sanitaire Divisionnaire les accompagne.

 

 (1) Les Bersagliers portent des plumes de coq à leur coiffure et à leur casque

 (2): Ariete, un bélier en est l'insigne

 (3) :  Cet officier deviendra attaché militaire à Paris en 1971

(4) capturé il s'évadera le surlendemain

(5) du calibre de 88 m/m

(6) Flak est l'abréviation d'un mot allemand : Fliegerabwehrkanone, signifiant canon antiaérien.

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Le siège de Bir-Hakeim commence

             Le 1er  Juin, le Général Rommel a échoué et s'est retrouvé à deux reprises en sérieuse difficulté. Son ''Armée Blindée d'Afrique'' a beaucoup souffert, mais les Britanniques n'ont pas su concentrer leurs forces mécanisées  pour la détruire. Il juge son adversaire induis et estime avoir, de ce fait, le temps nécessaire à l'exécution d'un nouveau plan. Pour réussir, il a besoin d'une zone d'appui de manoeuvre, et de dépôts, en conséquence il sait qu'il doit s'emparer de Bir-Hakeim dont les champs de mines peuvent lui donner une ligne d'accrochage et de résistance en cas d'échec. D'ailleurs, les directives du Général Caverello, Chef d'Etat-major Général, le lui prescrivent ''au cas où l’occupation de Tobrouk ne serait pas réussie'' .

              Comme le Général Rommel l'avait prévu, la 150ème Brigade a été rayée de l'Ordre de la bataille de la VIIIème Armée, et l’attaque décousue et tardive des blindés britanniques s’est cassée sur le « mur d'acier »' des 88 qui défendait le hérisson de chars allemands à sec de carburant. « Rommel détruit la VIIIème Armée par petits morceaux parce que la VIIIème Armée combat par petits morceaux (Paul Carell).

             A la 1ère Brigade Française Libre Libre, ''une impression d'ensemble assez confuse'' Est ressentie, comme le mentionne le journal de marche. Ordre est donné, par l’État-major, de faire entrer dans la position le convoi de munitions, qui, arrivé la veille de la Base arrière, attendait, hors de l'enceinte, le moment de suivre le mouvement de la Brigade vers Rotunda signali.

              La nuit du 1er  au 2 Juin est très calme, cependant les liaisons radio avec le B.P. 1 sont brouillées par le vent de sable très violent qui sévit sur M'Teilim. Très tôt, le matin, les patrouilles lancées dans le ''V'' par le capitaine Bayrou, du B.M.2, observent une activité ennemie intense, le Lieutenant Conus tire même sur des chars. Il est à peine 9 heures, et déjà le B.M.2 annonce qu'une colonne importante Arrive du Nord, en longeant la branche Est du champ de mines. La Compagnie du capitaine Wagner du II/13, qui occupe la corne Nord-Est de la position prend à parti des automitrailleuses, et repère une centaine de camions d'où débarque de l'infanterie dans le Sud-Est de Bir-Hakeim.

               Des véhicules à l'Est, foncent sur notre camp retranché. L'artillerie ouvre le feu aussitôt, l'ennemi s'arrête et d'autres fantassins mettent pied à terre à trois mille cinq cents mètres environ de notre enceinte.

                 En même temps, un véhicule arborant le drapeau blanc se présente à la porte de la Légion: ce jour-là deux officiers italiens venus en parlementaires sont amenés au P.C. ils somment le Général Koenig de se rendre au Général Rommel ''grand vainqueur de Libye'' et prononcent quelques phrases en italien. Le Général Koenig les éconduits courtoisement et leur dit fermement « qu'il n'est pas question de se rendre » . Les Italiens saluent et s'en vont, l'un d'eux dit alors, en français, ''vous êtes de grands soldats'' . Au même instant, les observateurs signalent que tout un convoi britannique vient d'être capturé par une dizaine d'automitrailleuses allemandes: il est 11 heures 15.

                  La sanction ne tarde pas à suivre le refus de capituler, un tir d'artillerie, de 105, s'abat sur le II/13 et les Batteries du Commandant Laurent-champrosay, les nerfs sont à vif et la chaleur étouffante. Heureusement le ''Khamsin', vent du Sud chaud et sec soulève le sable et vient à l'aide des assiégés, il arrête momentanément tous mouvements et activités de part et d'autre, jusqu'à 19 heures. Au dessus de la mer de poussière qui noie et aveugle les défenseurs, dans l'attente lourde d'anxiété que provoque le bruit des moteurs, trente avions tournent cherchant leur objectif. La déflagration des bombes se mêle bientôt aux explosions des obus ; nous subissons une sérieuse préparation d'artillerie qui appuie de petits groupes de fantassins, progressant dans la nuit qui tombe, ils approchent des marais de mines. Un duel d'artillerie s'engage, assourdissant.

                  L'investissement de Bir-Hakeim est total, ce soir-là le 1er R.A. et la Légion ont renvoyé sur leur base de départ les détachements ennemis qui attaquaient, il fait nuit les Sapeurs s'activent dans l'obscurité, ils doublent l'épaisseur du champ de mines sur le front du II/13, les Artilleurs ne tirent plus, le vent est tombé, un silence épais, palpable, semble-t-il, envahit le combattant.

               Le B.P.1 est rappelé sur la position, son retour doit être protégé par le 4ème Régiment d'automitrailleuses Sud-Africain du Colonel Newton-King, et la 7ème  Brigade motorisée. Le Groupement tactique Broche souffre de la chaleur et d'un vent violent qui projette en l'air des tourbillons de sable. Il mettra deux jours à revenir, sans avoir reçu le convoi de ravitaillement qu'il avait demandé, détruit par l'aviation, mais il ramène tous ses blessés dans les sept ambulances qui restent sur les neuf qui lui avaient été envoyées, les deux manquantes se sont égarées, le Lieutenant Alain Stuyvesan, de l'American Field Service est prisonnier.

  

3 Juin 1942

 "Aux troupes de Bir-Hakeim,

 Toute résistance prolongée signifie une effusion de sang inutile.

Vous subiriez le même sort que les deux Brigades anglaises qui se  trouvaient à Gott Oualeb et qui  ont été détruites avant-hier.

Nous cesserons le combat dès que vous hisserez des drapons blancs, et si vous vous dirigez vers nous, sans armes.

Rommel, Général d'Armée."

 

 Le message, en double exemplaire, écrit de la main de Rommel est apporté à 9 heures du matin par deux soldats anglais, l'un d'eux est le chauffeur du capitaine Tomkins, notre ''Senior liaison officer'' qui est tombé aux mains des Allemands au cours d'une mission.

Les canons du 1er R.A. portent la réponse de la 1ère Brigade Française Libre, en une salve qui casse quelques camions chez l'adversaire.

 

Ordre Général - 3 Juin 1942, 09 h 30.

"Nous devons nous attendre désormais à une attaque sérieuse, tous moyens combinés (aviation, chars, artillerie, infanterie).

Elle sera puissante.

Je renouvelle mes ordres et ma certitude que chacun fera son devoir sans faiblir, à sa place, coupé ou non des autres.

Bien expliquer cela à tous, gradés et hommes.

Et bonne chance à tous.

P. Koenig”

 Le siège commence, il durera huit Jours.

            Pendant les trois premiers, deux Divisions renforcées tenteront avec l'appui de l'aviation de forcer la défense, dix groupes d'artillerie les soutiennent.

            Le dispositif adopté par les assiégeants ne présente aucune solution de continuité: la ''Trieste'' du Général Azzi Arnaldo est dans le Nord-Est, le Général Kleemann avec la 90ème Légère allemande fait front au Sud-est, les 3ème et 580ème  Groupe d'Exploitation assurent la surveillance de la face Ouest.

           Pendant deux longues journées, les 3 et 4 Juin toutes les tentatives ennemies seront arrêtées, l'artillerie tonne, les mitrailleuses aboient, le soleil tape et le sable de couleur ocre brûle les yeux. Des coups de 105, des tirs percutants de 155 et les Vagues de bombardiers qui se succèdent, cinq le premier jour, six le second, précèdent les formations d'assaut de un ou deux bataillons. ''Bir-Hakeim est un enfer'' , écrit un correspondant de guerre allemand, les explosions soulèvent des nuages de sable qui s'épanouissent en d'immenses panaches que d'autres panaches viennent remplacer aussitôt. Le II/13 et le B.P. 1 subissent sans faiblir ces attaques répétées malgré les tirs des canons de 50 terriblement précis qui s'acharnent sur leurs armes automatiques.

             Le 1er  R.A. fait feu de tous ses tubes, les tirs d'arrêt tombent sur le front des Compagnies, alors que sans cesse de nouvelles troupes semblent surgir du désert. Les Artilleurs sont particulièrement visés par l'aviation, les canons lourds ennemis, hors de portée des 75, effectuent une contrebatterie précise et meurtrière, les Batteries Gufflet et Morlon sont souvent atteintes, un dépôt de munitions saute et le G.S.D.(1) est touché.

              Les Fusiliers-marins, du Capitaine de Corvette Amyot d'lnville, servent leurs pièces debout sous une pluie de bombes, ils réussissent à abattre plusieurs avions. Au sein du vacarme, dans les colonnes de poussière, le ''Pacha'' et son second le Lieutenant de Vaisseau Iehlé vont de Section en Section encourager leurs « Sakhos ». Leurs instructeurs britanniques, regroupés en une batterie derrière le B.P. 1, participent à la défense du ciel français.

                Les escadrilles de bombardiers se placent le dos au soleil pour gêner la D.C.A.

          Combattants confirmés les assiégés ne les quittent pas des yeux, lorsqu'ils voient les bombes se détacher de l'appareil, ils savent déjà à qui elles sont destinées. La R.A.F. alertée, poursuit les assaillants ; au retour d'une chasse qui, nous l'espérons, a été fructueuse, les Chasseurs passent au ras de notre point d'appui, et saluent les Français Libres en battant des ailes.

           Le Lieutenant-colonel Amilakvari a disposé des troupes de contre-attaque: la 22ème Compagnie Nord-africaine, les Compagnies Lamaze et Messmer du III/13, et des Sections Antichars de la Compagnie Simon derrière les deux bataillons attaqués, elles n'auront pas à intervenir.

 

Un moment de répis pour le capitaine SIMON, le capitaine LALANDE, le lieutenant VASAQ et le capitaine SAINT-HILLIER

 

             Chaque jour les mêmes scènes se répètent, Bir-Hakeim encaisse six mille obus de tous calibres et plusieurs tonnes de bombes. Cependant les pertes sont relativement légères et le moral est bon. Par bonheur les nuits sont calmes. Dans un silence étrange, sous un ciel de cristal, par un froid qui gagne, peu à peu, jusqu'à la brume du matin les guetteurs entendent le moindre cliquetis d'un outil au travail. Les Pionniers allemands ou les Sapeurs, de Desmaisons s'occupent les uns à défaire, les autres à refaire les champs de mines.

              Même pendant la nuit, il est impossible d'oublier que l'ennemi nous entoure, ses fusées jalonnent une vaste circonférence sans faille, il est maintenant à la limite des champs de mines. Nos réserves d'eau s'épuisent, les obus manquent au point qu'il faut réduire les cadences de tir ;  la Compagnie de Transmission du Capitaine Renard travaille toute la nuit à la remise en état des lignes et l'Atelier léger n°2 du Lieutenant Banel à celle des véhicules.

              Pendant les journées du 5, 6 et 7 Juin, l'ambiance change, la garnison a le pressentiment que la situation évolue, elle sait aussi que la tentative faite le 5 par les Anglais pour nous dégager a échoué. Toute la nuit du 6 au 7 nous entendons le grondement du canon, un combat a lieu au Nord, l'horizon en est tout illuminé. Peu avant l’aube, une  automitrailleuse allemande se présente, tous phares allumés devant une porte de surveillance du 11/13. Le Général Koenig refuse de recevoir l'officier qui en descend et s'intitule ''plénipotentiaire''. Un légionnaire allemand a beau lui dire que nous sommes déjà au courant l'officier tient à lire une déclaration, s'éclairant à la lumière des phares sa voiture. L'automitrailleuse fait demi-tour et saute sur une mine suscitant l'hilarité générale et bruyante des Légionnaires. Vexé le visiteur s'en va, les pieds dans la poussière. Durant une heure qui nous paraît longue, nous subissons un bombardement très violent. L'aviation est occupée ailleurs ce jour là, on perçoit en effet des explosions caractéristiques dans le lointain, en revanche l'artillerie s'est renforcée, des tirs proviennent maintenant de l'Ouest et nous recevons des obus de 220 qui s'abattent sur Bir-Hakeim avec le bruit que fait un train en marche. L'infanterie continue son infiltration par petits paquets sous les tirs incessants de nos 75, l'étreinte se resserre.

                Vers 11 heures, le 6 Juin, les tirs s'accélèrent puis deux bataillons débouchent devant le « Quartier du fort », ils sont arrêtés vers 12 heures 40, au moment où le ciel nous gratifie d'une ondée bienfaisante.

                 Des ambulances, avec drapeaux à croix rouge viennent ramasser les nombreux éclopés qui gisent à cinq cents mètres de la Compagnie Roudaut. Le silence de plomb qui accompagne la récupération paraît irréel, mais la trêve ne dure que quelques minutes et le vacarme reprend, les attaques aussi jusqu'au soir qui amène avec lui une fraîcheur exceptionnelle. Les nouvelles sont bonnes, la VIIIème  Armée annonce que tout un régiment de chars allemands a été détruit.

                  Tandis qu'au loin l'écho d'une grande bataille résonne jusqu'à nous, dans la soirée nous assistons à un étrange défilé, une vingtaine d'engins blindés parcourent le front de bandière devant la lisière Ouest en tirant au canon. Ils provoquent nos antichars qui ne se dévoilent pour pas, il est évident que l'ennemi tâte notre défense pour découvrir son point faible, des allées et venues sont visibles à l'horizon et des tirs s'exécutent sur toute la position.

 

Lutz Koch, témoin oculaire, correspondant du ''Berlin illustrateur Zeitung'' écrit :

           Le 6 Juin, le Colonel Général Rommel se résout à l'attaque par le Nord... « Il me faut Bir-Hakeim, le sort de mon Armée en dépend » ce sont là les paroles que Rommel crie avec un énervement toujours plus grand, à ses commandants d'unités »  et de traiter la position de « ce damné Bir-Hakeim ».

Les pertes subies par les assaillants sont très fortes, et L. Koch ajoute:

           « 'Un abri est ce jour là, une possession très précieuse. Mais c'est bien plus terrible pour les défenseurs de Bir-Hakeim qui, jusqu'au matin du 8 Juin, où commence le deuxième acte de l'attaque sur la forteresse du  désert, ont subi vingt-trois vagues de stukas. Sans interruption les lourdes et les plus lourdes bombes allemandes tombent dans leurs positions et sur leur artillerie, des stukas italiens viennent aussi toujours et toujours au dessus du point d'appui, répandre la mort. Je n'aimerais pas être dans cet enfer, me dit un camarade qui se trouve à côté de moi dans l'abri, tandis que nous voyons à la jumelle toujours de nouvelles colonnes de fumée qui forment une ceinture de flammes autour du point central de la position ».

 

           Le Dimanche 7 Juin s'écoule dans un calme relatif, l'ennemi nous cerne de toute part, creuse des tranchées, installe des mitrailleuses lourdes et des mortiers. Les tirs d'artillerie sont dans l'ensemble, moins intenses, et de rares bombardiers, non identifiés, survolent très haut Bir-Hakeim, trois Messerschmitts 110 finissent cependant par lâcher leurs bombes sur le fort et la Batterie Morlon. Les Allemands répètent leur défilé de la veille, quelques automitrailleuses parcourent la lisière Ouest en mitraillant, ensuite vingt chars provoquent  une attaque sur le B.M.2 puis se replient après avoir reçu quelques obus de la Batterie Gufflet.

           Dans la place, il ne reste qu'une journée d'eau en réserve, soit un litre et demi par homme, et guère plus de vivres. Heureusement depuis la nuit dernière un convoi attend dans le Sud, le moment favorable pour entrer dans Bir-Hakeim. Il pénètre enfin dans la place par la porte du B.M.2, guidé par l'Aspirant Bellec. Pour la deuxième fois, la 101ème  Compagnie du Train force les lignes ennemies pour apporter à la Brigade de quoi survivre et attire, chaque fois, sur elle, les tirs d'infanterie et les feux d'artillerie. L'un de ses conducteurs, le jeune Léon Bouvier, dont le camion atteint par l'aviation ennemie brûle, est grièvement blessé par balle, il subira l'amputation d'un bras. Le passage des véhicules, déclenche une réaction de l'artillerie adverse dans la nuit qui tombe. Les téléphonistes, toujours sur la brèche, réparent les lignes constamment coupées, et le parachutage de matériel sanitaire demandé par le Médecin-chef Vialard Goudou est manqué.

 

          Rommel fait venir ses troupes d'élite et les canons lourds qu'il destinait au siège Tobrouk. Il y a là deux ''Sturm Staffel'', des Pionniers et des troupes d'assaut de la Flak sous le commandement du Colonel Hacker, un peloton de cinq chars lourds appartenant à un Régiment Brandebourgeois qui s'est toujours distingué par ses succès et les fameux canons de 88 prêts à tirer à vue directe sur le camp français, la célèbre unité de choc de l'Arme Blindée du Colonel Wolz est déjà sur le terrain.

 

          Cependant, cette journée est funeste aux bombardiers que la Chasse anglaise décime, le Maréchal Kesserling, arrivé par avion au P.C. de Rommel, lui fait des reproches, il exige le que les troupes terrestres attaquent ''ce sale trou'' qui résiste et provoque de si lourdes pertes à la Luftwaffe.

 

(1) Groupe Sanitaire Divisionnaire

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L'enfer des derniers jours du siège

 

           Au matin du 8 Juin, un brouillard épais cache à la vue des défenseurs, la mise en place des unités de choc allemandes, tandis que vingt-deux avions tournent au dessus du camp attendant que la brume se lève. A 7 heures 26, l'enfer se déchaîne sur le Quartier de Roux: bombes d'avions, et grosse artillerie pilonnent tout le secteur, les chars lourds, les 88 dont les projectiles rasent les tranchées et les canons de 50 crachent leurs obus, ainsi protégés les pionniers d'assaut progressent, mètre par mètre, au milieu des mines. Ce qui aurait pu être un coup de main devient une bataille sauvage, et le Groupe Kiehl, qui mène l'attaque, est décimé. Les efforts de l'assaillant sont un instant ralentis par une intervention de la R.A.F. qui mitraille en rase-mottes. Mais vers 11 heures, la canonnade, qui n'a pas cessé, croît encore en intensité, d'autres groupes de la Flak prennent le relais et attaquent, nos Tirailleurs africains résistent.

           Vers midi, la R.A.F. intervient à nouveau très efficacement, l'assaut est enrayé, mais l’observatoire d'artillerie, qu'occupe le Capitaine Chavanac ne répond plus il est encerclé, et une mitrailleuse en interdit l'approche, dans le Nord, les points d'appui, et le réduit tenu par le Capitaine Jacquin sont littéralement labourés par les obus, plusieurs pièces antichars sont démolies, il est impossible sous le feu, d'évacuer les blessés. Deux Sections de la 22ème Compagnie N.A.(1) montent en ligne pour renforcer la 6ème  Compagnie du B.M.2 qui a particulièrement souffert, elles perdent en route, la moitié de leurs effectifs. Dans le champ de mines, deux chars lourds brûlent.

           Sans même laisser le temps de soufrer aux assiégés, le matraquage d'artillerie reprend, et soixante Junkers mêlent le bruit des déflagrations des bombes de cinq cents kilos au tumulte des canons. Les Brenn carriers du B.M.2 contre-attaquent, tandis que Ceux de Dewey du II/13 entre  et Bourdis du III/13 prennent position entre le P.C. de Roux et le point fort Jacquin, le 1er R.A. tire sans interruption, le capitaine Hautefeuille fait la liaison entre l'État-major et le B.M.2 (2). Le soleil brûlant, indifférent, dispense une chaleur accablante, noyés dans la poussière Français et Allemands s'affrontent. Il n'y a plus d’eau pour étancher la soif et les réserves de munitions s'épuisent, il faut réduire les consommations.

           Au cours de l'après-midi, la Chasse anglaise, à quatre reprises, vole au ras du sol, et mitraille les soldats d'élite du Colonel Hacker. Au Nord, la 7èmeBrigade britannique, qui tente d'intervenir, est repoussée.

 ''Rommel, lui-même, entre dans le passage de mines..., il emmène ses batteries derrière lui et roule le long de la brèche, sans se soucier de sa personne, en criant ''vorwärts »'' pour les soldats allemands et ''avanti, avanti'' pour les soldats italiens, afin que cet assaut ne soit pas vain'' (L. Koch).

 

          Tandis que dans le Nord, le bataillon Amiel tient tête à Rommel, simultanément d'autres attaques sont lancées, après l'habituel bombardement aérien, au Sud contre le Bataillon Babonneau, à l'Est face à la Compagnie Blanchet du B.P.1 (3) et la Compagnie Faure du B.M.2. Le tir d'arrêt de la Batterie Morlon met un terme à l'avance de fantassins allemands soutenus cependant par des chars et appuyés par des canons d'infanterie.

           A 17 heures, la position tout entière est soumise à un tir de neutralisation, qui sera continu jusqu'à la nuit, l'Aspirant Théodore est grièvement blessé. La place est parsemée de trous et de cratères entourés d'un cerne noirâtre laissé par la poudre, c'est sinistre, le sol est jonché de débris, des carcasses de camions gisent éventrées ou brûlées. Le Q.G.51 et le P.C. blindé (4) du Général ont été souvent atteints, lorsque l'Etat-major n'est pas l'objectif privilégié des Artilleurs, il reçoit les coups longs venus de tous les azimuts. Les secrétaires français et les conducteurs indochinois ou cambodgiens supportent avec courage cette épreuve.

           Le calme revient avec la nuit, cette journée a été particulièrement dure, Rommel de retour dans son camion P.C. écrit sur son carnet de route'. ''Malgré son mordant cet assaut fut stoppé par le feu de toutes les armes dont disposaient les assiégés... c'était un remarquable exploit de la part des défenseurs, qui entre-temps, s'étaient toujours trouvés encerclés''.

           Le Général Kœnig réorganise, alors, la partie Nord-ouest du Quartier de Roux. La Compagnie Messmer du III/13 avec une Section de la 22ème Nord-africaine relève la Compagnie Tramon du B.M.2, les pièces antichars cassées, les équipes de pièce, décimées, sont remplacées par le soin de la Compagnie lourde Simon. Le 1er R.A. n'a plus que seize pièces en état de fonctionnement, quatre ont fait du ''tir direct'' sur les chars ou ''débouché à zéro'' sur l'infanterie.

            Toutes les réserves d'eau sont distribuées, un gallon par homme, soit quatre litres et demi, nul ne sait pour combien de temps. Les postes de secours et le Groupe Sanitaire Divisionnaire sont remplis de blessés, une bombe d'avion a pulvérisé les camions opératoires et démoli une partie de l'abri du G.S.D. L'Aviation anglaise tente un ravitaillement par air, mais les parachutes tombent en torche, la glace arrive pilée, les obus de 75 ne sont plus que des morceaux de métal embouti, les médicaments, plasma, sérum, sulfamides et les anesthésiques sont volatilisés, irrécupérables.

           Le 9 Juin, la position est toujours intacte, seul le coin Nord-ouest est entamé, le Point d'appui 186 occupé. Le brouillard qui se lève permet de voir un dispositif ennemi renforcé dans le Nord. Son plan de feu se déclenche aussitôt, six canons de 50, cinq groupes de mitrailleuses de 20 m/m, quatre canons de 88 tirent au ras du sol.

            A 7 heures 30, les mortiers de 81 et les canons lourds ouvrent le feu et dans le ciel soixante Junkers tournent, attendant d'y voir clair pour larguer leurs bombes. A 8 heures 30, la terre tremble,. ''Les escadrilles de la Luftwaffe, écrit Rommel, doivent continuellement survoler Bir-Hakeim où elles subissent des pertes importantes ce qui provoque la colère de Kesserling'' .

           L'équipe de pièce d'un canon A.T. est atteinte par un coup de 88 frappant son alvéole, le Caporal Damman, survivant, la main arrachée, charge le 75 en s'aidant de son moignon pointe son canon et touche le 88 dont les servants s'en vont au diable. Aucune attaque d'infanterie ne parvient à déboucher, la Compagnie Messmer a ouvert le feu dès la fin  du bombardement aérien.

             En début d'après-midi, quarante-deux JU 87, ponctuels et précis, bombardent la face Nord. Les Germano-Italiens montent à l'assaut en formation serrée, combattent par moment, au corps à corps, une charge de trois sections de Brenn carriers les oblige à décrocher. Devant le B.P. 1, l'ennemi parvient à la bordure du champ de mines, après avoir détruit, à coup de 50, tous les antichars de première ligne, mais il laisse sur le terrain deux cent cinquante cadavres. Le Lieutenant-colonel Broche et son adjoint le Capitaine de Bricourt sont tués, le Commandant Savey prend le commandement du Quartier, c'est ainsi que naquit au feu, le Bataillon d'Infanterie de Marine et du Pacifique, le B.I.M.P. La Compagnie Chevillotte du B.M.2 arrête un fort détachement d'infanterie que dix chars accompagnent. Le soir, vers 20 heures, Bir-Hakeim tient toujours, un dernier bombardement, par soixante avions, détruit définitivement le G.S.D. déchiquetant, dix-sept grands blessés opérés.

 Le Général Rommel, ce même jour, commence à désespérer du succès, après le rapport que lui fait le Colonel Hacker, il éclate :

 ''Cette saloperie de Bir-Hakeim nous a coûté assez de victimes, nous nous y cassons les dents. Je laisse le fort à sa place et nous marchons sur Tobrouk''

Hacker, certain de pouvoir gagner réclame le renfort du 115ème  Régiment du Lieutenant-colonel Baade. Après avoir consulté son chef d'État-major Fritz Bayerlein, Rommel le lui accorde.

 

Et le Général de Gaulle adresse au Général de Larminat pour notification au Général Koenig le télégramme suivant :.

« Général Koenig, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil »

Général de Gaulle.

Message du Général Koenig.

« Nous remplissons notre mission depuis 14 nuits et 14 jours, je demande que ni les cadres, ni la troupe ne se laissent aller à la fatigue.

Plus les jours passeront, plus ce sera dur, ceci n'est pas pour faire peur à la Première Brigade Française Libre.

Que chacun bande ses énergies. L'essentiel est de détruire l'ennemi chaque fois qu'il se présente à portée de tir ».

           Notre Général sait que le 10 Juin sera le dernier jour, le Commandement allié lui a fait avoir que « la résistance n'est plus essentielle pour le développement général de la bataille », et lui a donné le choix entre évacuer la position, ou rester sur place en étant ravitaillé par air.

            Il faut encore réduire les cadences de tir, le 1er  R.A. n'a plus que cent soixante-dix obus par pièce, les antichars cinquante et les mortiers cent. Nos Bofors commencent à manquer de munitions, les réserves d'eau sont totalement épuisées, le ravitaillement par air de la dernière nuit a fourni cent soixante-dix litres qui ont été distribués aux blessés, les vivres sont épuisés, rester est impossible.

           La brouillard épais du matin, dont l'humidité est appréciée des hommes, prolonge jusqu'à 9 heures le calme de la nuit, les équipes téléphoniques du Capitaine Renard travaillent dans le ''coton'' pour réparer encore et toujours les lignes, comme ils l'ont fait sous les pires bombardements. Un important groupe d'avions survole, alors, Bir-Hakeim, il s'éloigne, revient, tourne, puis repart enfin, les combattants sont tellement imbriqués qu'un bombardement à l'aveuglette risquerait d'atteindre les siens.

          Lorsque la brume se lève, tout à coup nos F.M. tirent, et les fantassins ennemis, surpris debout, disparaissent dans leurs trous. Le jour revenu permet de vérifier que l'étau s'est resserré au cours de la nuit. Les assaillants sont tout proches de nos premiers éléments, et même au milieu des champs de mines devant le B.P. 1 et II/13. Au Nord-Est de la position le Lieutenant Bourgoin du II/13 se bat à la grenade contre une compagnie italienne. L'historique de la ''Trieste'' mentionne à la date de ce jour « l'attaque des 65ème et 66ème Régiments d'infanterie gagne du terrain, mais lentement, avec des pertes considérables ».

            Des obus tombent n'importe où, sans but précis, et au début de l'après-midi trente avions bombardent la face Nord, aussitôt après, l'attaque débouche, appuyée par dix chars roulant dans les éclatements d'un barrage d'artillerie. Le Révérend père Michel et le Sous- Lieutenant Koudoukou du B.M.2 viennent rendre compte au Général de la situation critique dans laquelle se trouve la Compagnie Messmer: une de ses Sections, non seulement tenue sous le feu, mais aussi sous les chenilles des chars, est mise hors de combat et la Section Nord-africaine de renfort a également cédé. L'ordre est donné à l'artillerie de tirer ''dans le tas'' , tandis que les Brenn carriers de III/13 et deux Sections d'Infanterie du B.M.2 s'engagent et rétablissent la situation, un char est immobilisé. La R.A.F. appelée à la rescousse mitraille les attaquants pendant que la 7èmeBrigade inquiète l’ennemi sur ses arrières et soulage la défense. Le Médecin lieutenant Genêt s’affaire auprès des blessés.

          Le harcèlement d'artillerie dure jusqu'à 19 heures, un nouvel assaut, sur la face Nord, suit l'intervention de cent bombardiers. La D.C.A. réplique, Marins et Canonniers anglais debout sous les bombes.

          L'artillerie n'économise plus ses obus (5). L'attaque est enrayée après deux heures de combat. La soif, la chaleur, la fatigue ont raison des uns et des autres, une sorte d'entracte s'établit, après que la Section du Sergent-chef Pavitchevitch ait combattu dans un corps à corps sauvage.

           Cependant, la fin de la journée déjà bien remplie, promet d'être rude, pensent les Légionnaires, voyant leurs officiers se raser avec le dernier quart d'eau : selon les principes du Lieutenant-colonel Amilakvari « il faut être correct pour mourir » .

           La garnison va tenter de sortir, emmenant ses blessés et les armes lourdes que les véhicules encore en état de marche peuvent remorquer. Ce qui ne peut être emporté est détruit, les paquetages lacérés, l'essence répandue sur le sable, les ordres sont formels, rien ne doit tomber entre les mains de l'ennemi. Les aumôniers, le Père Lacoin et 1' Abbé Malec, s'assurent qu'une croix a bien été plantée sur la tombe de ceux des nôtres qui sont morts en ce lieu. Au crépuscule, chacun s'affaire dans la position qui présente un aspect affreusement désolé, le terrain est entièrement bouleversé par les trous d'obus et de bombes.

 

      (1)      22èmeCompagnie Nord-Africaine du Capitaine Lequesne

      (2) B.M.2 Bataillon de Marche n°2 de l'Oubanghi-chari du Commandant Amiel

      (3) B.P.1 : Bataillon du Pacifique du Lieutenant-colonel Broche

      (4) Le P.C. blindé est en fait, une caisse métallique de camion mise en travers d'une tranchée.

     (5) : Durant le siège, les Bofors ont tiré 47 200 obus sur les avions qui exécutent 5 200 passages au-dessus de Bir-Hakeim et  l'artillerie 42 000 coups de 75 et 3 000 de 25 livres.

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La sortie

 

            Dans la nuit du 10 et 11 Juin, la Brigade doit s'ouvrir de vive force, en direction du Sud- Ouest, un passage au travers des lignes allemandes. Les Sapeurs percent et jalonnant un couloir dans le champ de mines à la porte du ''Pacifique'' . Le travail est dur, la nuit très noire, malheureusement la trouée étroite ne laisse passer que deux voitures de front, et débouche à la corne d'un marais de mines. Pendant ce temps, les unités d'infanterie se massent pour l'assaut et les véhicules se rassemblent. A 22 heures 30, la Colonne motorisée est prête, mais les formations à pied qui doivent démarrer les premières ont pris du retard.

             A minuit 30, les 2ème et 3ème  Bataillons de Légion ont déjà traversé le couloir, tandis que le B.P. 1 franchit l'obstacle par une chicane à l'Est du fort. Les véhicules s'avancent précédés par les Brenn carriers. Le bruit alerte l'ennemi qui lance des gerbes de fusées, et commence à tirer, le plan de feu est impressionnant, les mitrailleuses lourdes crachent leurs rafales lumineuses, les obus éclatent, les véhicules sautent sur des mines, les camions flambent et le tir se concentre sur ces torches.

 

La sortie...Des soldats du B.I.M. "maquillent" leur camion pour leurrer l'ennemi

           Pour la première fois Français et Allemands entendent le crépitement terrifiant de six mitrailleuses M.6.42 que des permissionnaires viennent d'apporter en Libye, elles tirent des rafales de plusieurs coups à la seconde. La confusion est immédiate, les unités refluent et se mélangent, et le temps s'écoule. le Général Koenig donne le signal du départ, il démarre à fond de train, phares éteints, en tête du convoi motorisé qu'il entraîne, derrière les Brenn carriers de l'Aspirant Bellec, le reste de la colonne suit dans une allée de lumière créée par les embrasements. Le Commandant Laurent-champrosay mène ses Artilleurs vers le lieu de rendez-vous, à dix kilomètres de là, les hommes à pied, effrayés par les balles traceuses et les incendies, s'abritent derrière les camions pour progresser.

            Près du couloir, gît le Capitaine Mallet, tué par l'explosion d'une mine, il venait de reconnaître la passe par laquelle ses camarades s'éloignent. Le Général Koenig m'a donné, la mission de guider les détachements vers l'étroite issue déminée. La Colonne motorisée s'écoule par paquets de dix à quinze véhicules entraînés par des officiers. le Lieutenant de Vaisseau Iehlé, les Enseignes de Vaisseau Colmay et Bauche arrachent successivement leurs Groupes à l'enlisement de la peur : il faut passer coûte que coûte.

            Au delà du champ de mines, le spectacle est hallucinant et la bataille gagne en intensité.

           C'est alors la fuite en avant, les actes de courage sont nombreux, chacun conquiert sa liberté dans une mêlée au corps à corps. Le Lieutenant Dewey, avec ses Brenn carriers, se rue sur les nids de mitrailleuses, il charge jusqu'à la mort, son engin éventré, achevant sa course sur le canon de 50 qui l'a frappé. Le Capitaine Gufflet du 1er R.A. est atteint dans son véhicule blindé au moment où il dit « toutes les balles ne tuent pas » ; le capitaine Bricogne s'en va à pied, une arme à la main, on ne le reverra jamais plus, grièvement blessé, il meurt exsangue dans l'ambulance qui l'emmène en captivité.

           Plus heureux, le capitaine Simon, dont le Pick-up s'est effondré dans un trou, sauve avec le Lieutenant Gambier, un Marsouin, puis à son tour, est recueilli par le conducteur du Train René Duval et son camarade Mottet.

           Des Groupes se forment, bien décidés à sortir. Derrière les Brenn carriers du Sergent- Chef Oberauch, enfin débarrassés du boudin de fils de fer qui entrave ses barbotins, les ambulances du Médecin commandant Vignes et du Docteur Guillon s'enfoncent dans la nuit, guidées par la voie lactée qui mène à la délivrance. La dernière sanitaire saute sur une mine et brûle, son chauffeur sort des flammes, les blessés dont le Lieutenant André moribond, tous ont reçu double dose de morfine. Un camion déjà plein d'hommes, à qui s'accrochent des grappes humaines, roule dans l'obscurité, à chaque cahot un soldat s'effondre, le Capitaine Lalande et le Capitaine Messmer portent un Fusilier-marin blessé tout en discutant de l'utilité de connaître la langue allemande. Au passage on s'interpelle ''bonne chance Père Hirleman'' ''bonjour Radig'' ''à bientôt Rached'' . Deux heures du matin, un Bofors tracté bouche le passage, la barbe du Père Lacoin s'agite, une dernière poussée à bâbord et le tracteur arrache la pièce et sélance emmenant ses ''sakhos'' .

          Le Capitaine de Lamaze, dont la Compagnie s'est égayée, me demande l'axe de marche, azimut 213, avec un groupe de Tahitiens et le Légionnaire Hardeveld, il s'en va dans la nuit claire. Un peu plus loin, une balle de mitrailleuse lui coupe l'artère fémorale droite, le Docteur Prochasson le recueille dans son camion, mais il meurt d'épuisement ''dites à mes parents et faites savoir à mes Légionnaires que je suis mort en soldat et en Chrétien'' sont ses dernières paroles.

           Une Section de la 9ème Compagnie passe, en ordre, commandée par le Sergent-chef Pavitchevitch qui remplace l'Adjudant Ungerman blessé le 9 Juin (1).

            Il est alors plus de 3 heures 30, les deux Compagnies d'arrière-garde du B.M.2 arrivent à la porte du champ de mines, elles ont réussi leur décrochage malgré la proximité de l'ennemi. Peu après se présentent les Brenn carriers du Sous-lieutenant Mantel, ils sont chargés de blessés et s'en vont vers la liberté. A quatre cents mètres de la position, le Chef de Section fait faire demi-tour à son Brenn Carrier et revient me chercher : nous sommes seuls, je lui confie ma boussole. Le ciel devient plus clair, l'aube, qui commence à poindre, amène le brouillard, et il fait froid malgré la capote endossée pour cette dernière nuit. Des véhicules égarés, circulent dans tous les sens. Nous traversons trois lignes allemandes d'où partent des rafales, puis des positions de batterie.

             Une partie de la garnison trouve, enfin, le lieu de rendez-vous signalé par un bidon rempli de sable et d'essence en flamme. ''A côté du signal stationne un Military Police avec sa casquette rouge, aussi impassible dans le désert qu'un ''bobby'' en faction dans une rue de Londres'' raconte le Lieutenant Beauroir. Cent camions de la 101ème Compagnie du Train, et trente ambulances attendent, protégés par une Colonne de la 7ème Blindée Anglaise. L'Adjudant Maillet, accompagné de l'Adjudant Rouillon du 1er R.A, conduit son camion atelier avec en remorque, un tracteur de dépannage, le ''Bouledogue'' traînant un canon Bofors sur lesquels sont accrochés, en grappes, quatre-vingt survivants. Les deux conducteurs indochinois du Général sont là, avec le camion P.C. intact (2), le Médecin-Lieutenant Gosset panse les blessés, et les Britanniques servent du thé et un en-cas. Le Régiment d'Artillerie, très éprouvé, fait le compte de ses pertes, le Sous-lieutenant de Rauvelin, les Aspirants Rosenwald et Chambon sont tombés avant la sortie, le Lieutenant Bourget, serre-file, est tué, et le Lieutenant Kervizic porté disparu.

              Quelques isolés rejoindront plus tard, retrouvés par des patrouilles d'automitrailleuses, d'autres perdus seront pris ou périront dans le désert(3), ainsi le Sous-lieutenant Koudoukou. Sur un effectif de 5 500 dont 3 600 présents à Bir-Hakeim, la Brigade compte encore 4 274 hommes valides et 229 blessés hospitalisés en Egypte. Les pertes subies pendant les combats du 27 Mai au 11 Juin s'élèvent à 332 tués (4) et 620 prisonniers blessés pour la plupart.

            Et Bir-Hakeim n'est pas encore tombé, les troupes de l'Axe l'assiège toujours, Rommel fait venir en renfort la 15èmePanzers qui, avec la 90ème Légère allemande, la Division ''Trieste'' , les 3ème, 33ème, et 580ème  Groupes blindés de reconnaissance, doit participer à l'assaut aval le 11 Juin. Tôt le matin, une formation aérienne importante survole longuement la place, sans provoquer de réaction de D.C.A, elle s'en retourne. Les vingt et un Groupes d'artillerie terminent leurs tirs de réglage, aucune réplique ne vient frapper les premières lignes allemandes, le tir cesse. L'infanterie progresse, entre dans la place où quelques soldats, blessés pour la plupart, tirent leurs dernières cartouches.

             Que s'était-il donc passé au cours de la nuit écoulée?.... Le  silence retombe sur ce coin de désert qui entre dans ''l'Histoire''.

             Le 15 Août 1942, le cargo ''Nino Bixio'' , qui transporte quatre cents des nôtres, prisonniers, à Brindisi, est torpillé par un sous-marin, cent cinquante-quatre survivants de Bir-Hakeim sont portés « disparus en mer ».

 (1) Cette Section rejoindra les lignes amies après deux jours de marche dans le désert.

 (2) Monsieur François Luizet, envoyé spécial  du Figaro, a rencontré, à Saïgon, devenu Hô Chi Minh-ville, Song Vian, âgé du de soixante-treize ans, ancien de Bir-Hakeim, devenu écrivain public. (Le Figaro, 1. 10. 1991)

(3) Un Africain de la compagne Bayrou rejoint un mois après, il a subsisté sur les vivres trouvés dons les épaves de véhicules dont il buvait l'eau des radiateurs.

(4) : Dont deux volontaires Américains Kulak Stanley et Tichenor George

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Rayonnement et témoignages

 

            Le rayonnement de Bir-Hakeim ne résulte pas seulement des pertes infligées  à l'ennemi(1), ces combats suscitent aussi maints témoignages d'admiration: ''Ici Londres, les Français parlent aux Français'' Jean Marin, jean Oberlé, Maurice Schumann font connaître sur les ondes, par la B.B.C, aux familles de France penchées sur leurs postes, ce fait d'armes qui les remplit d'orgueil.

             Le Général de Gaulle exprime avec émotion la fierté qu'il a ressentie « quand à Bir-Hakeim un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front de ses soldats, le monde a reconnu la France ».

            Un message parvient de Yougoslavie, dès le 9 Juin ''Au Général Koenig, l'Armée Yougoslave envoie l'expression de sa grande admiration pour l'héroïque résistance que les Français Libres, sous vos ordres, ont offerte dans la défense de Bir-Hakeim''. A Santiago du Chili, un drapeau tricolore à Croix de Lorraine est déployé en pleine séance Parlement par un député. A Mourmansk, les Marins F.N.F.L de la couette ''Roselys'' du sont reçus par les Marins soviétiques et la Pravda compare, dans un article, Bir-Hakeim à Verdun.

 

Le Lieutenant-Colonel AMILAKVARY, un authentique prince géorgien, à la tête de la 13ème D.B.L.E.

 

            Le 12 Juillet 1942, Winston Churchill déclare à la Chambre des Communes: ''Les Forces Françaises Libres résistèrent avec la plus grande bravoure à Bir-Hakeim.En arrêtant pendant quinze jours l'avance allemande, elles permirent de gagner du temps, le temps d'amener des troupes de Palestine et de couvrir l'Egypte''.

            Le Général Sir A. F. Brooke, chef de l'Etat-major impérial termine ainsi son hommage : ''De tels exploits prolongent les plus nobles traditions de la France et ne manqueront pas de faire vibrer les coeurs de tous vos compatriotes, bien plus, de tous les peuples libres. Permettez moi au nom de l'Armée britannique de vous témoigner ma sincère admiration pour la vaillante force d'âme dont a fait preuve la 1èreBrigade des Forces Françaises Libres sous les ordres du Général Koenig''.

           Enfin,le Général Auchinleck, Commandant en chef des Forces du Moyen-orient conclut son ordre du jour: ''Les Nations Unies se doivent d'être remplies de gratitude et d'admiration à l'égard de la 1ère brigade Française et de son vaillant Général''.

          Le Maréchal Rommel note à plusieurs reprises dans ses carnets, l'admiration qu'il a ressentie devant l'attitude des soldats français combattants dans un enfer, sous des bombardements plus intenses que ceux de Verdun.

          Durant l'été 1942, Hitler lui-même précise, à propos des durs combats livrés à Bir-Hakeim: ''Vous entendez, Messieurs, ce que raconte Koch, c'est une nouvelle preuve de la thèse que j'ai toujours soutenue selon laquelle les Français sont, après nous, les meilleurs soldats d'Europe.''(2)

 Victoire tactique sur terre, Bir-Hakeim est aussi, une victoire aérienne.

          "Alors que la lutte pour Stalingrad battait son plein, dépendant très largement des possibilités de ravitaillement par la Luftwaffe'' (3) le Général A. Schmidt, Chef d’Etat-major de la VIème Armée qui assiège la ville, apprend l'importance des pertes subies en Marmarique, et déclare que Bir-Hakeim est une victoire aérienne ennemie.

           Le Maréchal Kesserling écrit dans un rapport, d'abord que les avions, utilisés sur Bir-Hakeim, ont sévèrement manqué en U.R.S.S, et, ensuite. que le ''deuxième front'' (4), constitué par la résistance imprévue des Français Libres à Bir-Hakeim, a contribué à la défaite allemande de Stalingrad, les pertes subies sur la position française représentent en effet une diminution de 20 % du potentiel de la Luftwaffe (5), qui déjà n'avait pu obtenir la supériorité aérienne en Russie. La production des usines du Reich, bombardées, n'arrive plus à combler les pertes, aussi la Luftwaffe, qui jusque-là jouait le rôle principal dans les succès allemands n'aura plus jamais la possibilité de lancer une offensive massive sur le front de l'Ouest, Bir-Hakeim aura subi la dernière, avec mille cinq cents sorties aériennes.

           Dans le cadre des relations diplomatiques, la France Libre ancre son existence, ainsi dans le Transvaal, à Johannesburg, la mission qui la représente, jusque-là méconnue, prend un rang égal à celui de l'ambassade de Vichy.

           Au cours du premier semestre 1942, les relations ne sont guère privilégiées entre M. Churchill et le Général de Gaulle. Les ingérences de nos alliés au Levant, la rivalité franco-britannique en Afrique Orientale, après la libération de l'Abyssinie(6)  et les difficultés survenues à propos de Madagascar, entretiennent une grande instabilité dans les rapports de la France Libre avec la Grande-Bretagne.

            Le combat de Bir-Hakeim fut l'occasion saisie par Winston Churchill pour renouer des relations cordiales. Le 11 Juin, précisément, le Général de Gaulle traite du problème de la Grande Île de l'océan Indien avec le Premier Ministre britannique. Il est, en cet instant anxieux du sort de la garnison de Bir-Hakeim, quand le Général Sir Alan Brooke, en fin d'après-midi lui fait connaître la réussite de la sortie.

Resté ''seul'' il s'exprime ainsi: ''Oh ! coeur battant d'émotion, sanglots d'orgueil, larmes de joie ''.

            Pour le Président Roosevelt, toujours réservé à l'égard du Général de Gaulle, la France n’est qu'une grande puissance cobelligérante. Mais l’Amérique préoccupée par la menace japonaise, porte un certain intérêt aux possessions françaises des Nouvelles-Hébrides et de Nouvelle-Calédonie, bases aériennes de valeur et productrices de métaux non ferreux dont elle a besoin.

            Quoiqu’il en soit, un tournant favorable se dessine. Le 9 Juillet, les États-unis reconnaissent dans la France Libre ''le symbole de la résistance française contre l'Axe''. Le Général veille à maintenir la souveraineté française sur les territoires français libres. Il vient du reste, d'adresser un Ordre du jour au Haut-commissaire de France dans le Pacifique:

 ''Les volontaires du Pacifique, ont repoussé à Bir-Hakeim, l'attaque de la Division « Ariete »' puis de la 102ème  Division d'infanterie italienne.Les volontaires du Pacifique, à la pointe du combat, confirment la valeur militaire dont ils avaient fait preuve au cours des opérations qui ont précédé la bataille et donnent la preuve de l'attachement à la France de ses enfants du Pacifique. La France est fière de ses soldats du Pacifique''

          Peu de temps après la sortie, la presse étrangère se déchaîne avec enthousiasme, elle s'empare du nom de Bir-Hakeim, et le fait connaître à Santiago, à New York, à Sydney, à tout le monde libre: « La défense de Bir-Hakeim est un des plus splendides exploits de la guerre » écrit le Daily Herald. « Bir-Hakeim prouve que l'esprit de Verdun vit toujours » affirme le Daily Mail. « L'entente cordiale renaît par ce fait d'armes ».

 Mais, quel fut, en France, l'impact de la Bataille de Bir-Hakeim ?

          En zone libre, la presse n'en parle que pour mentionner les forces italo-allemandes et leurs communiqués, alors que la Royal Air Force lâche des tracts annonçant: « Bir-Hakeim est une victoire françaises » Des brochures et journaux clandestins commentent déjà la première revanche prise sur les Allemands ;  ''Libération'' écrit : ''Bir-Hakeim n'est qu'un épisode dans la guerre, ce n'est qu'un combat dans la bataille de Libye, mais pour la France c'est une résurrections.

           De son côté, la presse pro allemande de zone occupée affirme que ''ces français sans discernement, mais non sans courage en l'occurrence, sont sacrifiés dans l'indéfendable Bir-Hakeim par l'État-major britannique et abandonnés à leur sort comme le furent les défenseurs de Dunkerque...'' et, parlant du ''déclin du Gaullisme (7) militaire'' un quotidien espère que ces ''militaires égarés, mercenaires traîtres à la parole de leur chef le Maréchal Pétain, formeront le dernier carré à se battre pour la cause de l'Angleterre, alliée au bolchevisme et aux ploutocrates judéo maçonniques.'' Dans l'hebdomadaire, ''l'Illustration'' , un article est consacré à la chute de Bir-Hakeim, illustré de quelques photographies de prisonniers ''Français Libres''.

            C'est alors que des groupes de résistants, des maquis choisissent le nom désormais prestigieux de ''Bir-Hakeim'' l'un d'eux fondé par le groupe ''Combat'' au cours de l'été1942, en Languedoc, connaîtra le succès, mais aussi la douleur par la déportation des siens, et par deux fois livrera des combats sans espoir. Le 27 Mai 1943, dans les forêts de l'Aigoual, il perd quatre-vingt-treize hommes tués, deux officiers capturés, puis pendus, et vingt-sept prisonniers, torturés puis fusillés. Un an plus tard, le 28 Mai 1944, à la Parade, soixante maquisards disparaissent dans les mêmes conditions atroces. Ce maquis, constamment reconstitué, quand un maquisard tombe, un ''ami sort de l'ombre à sa place'',  ira jusqu'en Allemagne recueillir la part de gloire qui lui est due. Le Général Eisenhower lui décerne des récompenses pour ''services exceptionnels rendus aux Armées alliées.''

             En zone Sud, dans le centre de la France, en Franche-comté, des journaux clandestins qui portent le nom de « Bir-Hakeim » paraissent ; le risque est grand, une partie des éditeurs du journal créé dans l'Ain en Mars 1943, sera victime de son courage, arrêtés par la gestapo dix-sept membres de l'équipe seront martyrisés jusqu'à la mort.

             Au moment où le Général de Gaulle réalise l'intégration, dans une même armée des Forces Françaises Libres, des réseaux de renseignement, et des mouvements de résistance, le combat de Bir-Hakeim lui apporte un élément constructif. Le 18 Juin 1942, dans le discours prononcé à l'Albert Hall, il déclare qu'il n'y a aucune différence entre la lutte menée par la France Libre et celle menée par la France clandestine et, il adresse son salut fraternel aux vaillants groupements d'action en France, à ''Libération'' à ''Combat'' à ''Vérité'' à ''Libération Nationale'' et à tous les autres, à tous leurs chefs et à tous leurs combattants.

          Déjà, Jean Moulin, de retour d'une mission à Londres, travaille à la réalisation de l'union morale et matérielle de la France Clandestine : ''un seul combat, un seul chef. Christian Pineau, syndicaliste, un des chefs de ''Libération Nord'' arrive en Grande-Bretagne, accompagné de François Faure qui apporte le ralliement des F.T.P. à la France Libre. Au cours de ses entrevues avec le général, Christian Pineau lui expose le point de vue et les activités de la résistance car ''le terrain de l'action clandestine était pour nous entièrement nouveau'' (8), puis celui-ci repart avec un manifeste qu'il diffuse dans la presse clandestine le 23 Juin 1942 et qui est en même temps publié à Brazzaville, Beyrouth et Londres.

           Brossolette, journaliste normalien, ami de Léon Blum, devient sur le territoire français, l'adjoint de Passy, Chef des Services Secrets, Philip, résistant, et Vallon, mandataire du parti socialiste, rejoignent Londres où ils deviennent respectivement Commissaire l'intérieur et Chargé de l'Action Politique dans le Comité National Français.

          Le 29 Juillet, la ''France Libre'' devient la '' France combattante'' marquant l'unité d'une à même participation à la guerre des résistants et des soldats de l'Empire.

          La France Libre de Bir-Hakeim et la Résistance intérieure de la France captive forment bien les éléments constitutifs, indissolublement liés, d'une seule et même France combattante.

 

 

 

(1):51 chars, 13 automitrailleuses, 7 avions, plusieurs milliers de combattants

(2) :''Rommel'' Lutz Koch

(3) et (5): Etude de R.J. Poujade, Résistant déporté au Japon

(4): Souligné dans le texte

(6): Le Bataillon de Marche n°4 participe a la Campagne d'Abyssinie, il entre le premier à Gondar

(7) : Le terme ''Gaulliste'' été créé a par l'ennemi, Degaullisti pour les Italiens et Gaullistiche Truppe pour les nazis nous nous appelions îles Français Libres''

(8) : Général de Gaulle "'Mémoires"

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