"Français versé par le sang"
Comme un seul homme, les 13000 invités de la 148e cérémonie commémorant la bataille de Camerone se lèvent. Honneur et respect lorsqu'entre sur la voie sacrée du quartier Viénot d'Aubagne, maison mère de la Légion étrangère la musique principale. Aux pas du "Boudin", l'hymne Képi Blanc, les détachements se mettent en place. Des applaudissements nourris les accompagnent. Des Champs Élysées, pour le 14-Juillet, à Aubagne pour cette tradition, la cote d'amour de la Légion va crescendo. Surtout en cette année 2011 où, sur le théâtre Afghan, de nombreux militaires bataillent dans des conditions délicates. En ce 30 avril, personne ne l'oublie. Surtout pas le ministre de la Défense et des anciens combattants, Gérard longuet, qui évoque "la tradition, l'identité, la valeur de ce corps d'élite. La France est fière de compter dans ses rangs des légionnaires". Une fierté qui sera davantage marquée lors de la remise des décrets de naturalisation à un Britannique et un chinois (lire ci-dessous). "À la Légion, on peut devenir français par le sang versé et non par le sang reçu" si, comme le stipule une récente loi, tout légionnaire blessé en opérations exprime le souhait d'embrasser la nationalité française. Et le ministre d'insister dans son discours sur "la citoyenneté, un devoir parfois ignoré". Pour présider ce Camerone 2011, il était entouré du général d'armée, chef d'Etat-Major de l'armée de terre Elrik Irastorza, du général de division Alain Bouquin, commandant la Légion étrangère, ainsi que du préfet de Région Hugues Parant, des députés UMP Guy Teissier, Bernard Deflesselles et du maire PC d'Aubagne, Daniel Fontaine.
Dans les tribunes écrasées par un soleil de plomb, Mme Edmonde Charles-Roux- Defferre, qui ne manque jamais de venir saluer la gloire légionnaire, a suivi avec attention la prise d'armes, toujours impeccablement orchestrée par les Képis Blancs. Temps fort de cette matinée placée sous le signe de l'honneur et de la loyauté, la remontée de la voie sacrée du général Raymond Lohro qui portait la main de bois articulée du capitaine Danjou, officier héroïque qui, le 30 avril 1863, a résisté avec sa poignée d'hommes aux assauts des soldats mexicains, à Camerone.
LE P O R T E U R E T L E S A C C O M P A G N A T E U R S
Le général (2s) Raymond LOHRO portera la main. Deux mois après l’invasion de la France libre par le Reich, un jeune homme de dix-huit ans se présente à l’engagement. Il s’appelle Raymond LORHO et en voyant cette jeune recrue, qui peut croire que son engagement provisoire de trois ans durera finalement presque quarante ans ? Le soldat de 2ème classe LORHO est affecté au 5ème Régiment de chasseur. Ardent, organisé et d’un excellent état esprit, le jeune Raymond ne tarde pas à se faire remarquer. Il est nommé brigadier-chef en avril 1943. Durant presqu’une année, il continue de faire ses preuves si bien qu’il est inscrit pour suivre le cours des aspirants de Cherchell. Il en sort le 1er avril 1944 et choisit de servir au 1er Régiment étranger de cavalerie. La guerre ne tarde pas à commencer pour l’aspirant LORHO. Le 13 septembre il embarque à Oran : Direction la France où la campagne de la Libération bat son plein. L’aspirant LORHO commande un peloton du 3ème escadron. Il a tout juste vingt ans mais sa jeunesse est à l’exemple de sa fougue, de son allant et de son courage au combat. «
Cette année, la cérémonie était rehaussée par la présence d'un détachement d'élèves officiers de l'école militaire de Saint-Cyr de Coëtquidan, de l'hôpital d'instruction des armées de Laveran de Marseille et d'une compagnie du 4e RE de Castelnaudary. Et, on regardant le ciel, lorsque de ses fumées tricolores la patrouille de France a survolé le quartier Viénot, on ne pouvait imaginer meilleur hommage pour les 36000 légionnaires morts aux combats depuis 1831, création de ce corps vraiment pas comme les autres.
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Camerone, 30 avril 1863
Dans la mystique de ce corps d'élite, un fait d'armes, symbolise son héroïsme et son sens du devoir, Camerone.
L'expédition mexicaine
Le combat de Camerone est un épisode de l'expédition du Mexique, décidée par Napoleon III
en 1861, en pleine guerre de Sécession américaine, pour contrer l'expansion des États-Unis et leur domination sur tout le continent américain, l'Empereur estimant alors qu'ils menaçaient les intérêts européens, et français particulièrement. Il s'agissait « de marcher sur Mexico, d'y planter hardiment notre drapeau » pour y établir une monarchie, proposée à l'archiduc Maximilien, frère de l'empereur d'Autriche, et acceptée par lui après une longue hésitation.
Le port de Vera Cruz, dans le golfe du Mexique, et la ville fortifiée de Puebla, protègent alors la route de Mexico. Au début de 1863, le régiment de Légion envoyé au Mexique en renfort des troupes françaises qui s'y trouvent déjà depuis deux ans, reçoit comme mission d'assurer la sécurité des convois de ravitaillement des unités qui assiégent la place.
Les deux bataillons de la Légion étrangère ont débarqué à Vera Cruz le 28 mars 1863. Deux jours plus tard ils sont affectés à la sécurité de la route vers Puebla, vitale pour le ravitaillement du corps expéditionnaire français en train d’assiéger la ville. En effet, les convois sont régulièrement accroché par les forces juaristes locales.
Intervention de la Légion étrangère
Il s'agit d'une compagnie du 2e régiment étranger commandé par le colonel Jeanningros
basé à Sidi-bel-Abbès en Oranie. Embarqués sur le "Saint-Louis" les légionnaires arrivent dans le port de Veracruz le 26 mai 1863. Les hommes de Jeanningros ont mission de surveiller une partie de la route de Veracruz à Cordoba, le tronçon des « Terres chaudes», Tegeria-Chiquihuite.
Le 29 avril 1863, Jeanningros apprend qu'un gros convoi emportant trois millions en numéraires, du matériel de siège et des munitions est en route pour Puebla.
Le capitaine Danjou, son adjudant-major, le décide à envoyer au-devant du convoi une compagnie. Le 30 avril, le colonel Jeanningros demande à la compagnie du capitaine Danjou de faire une reconnaissance près de Palo Verde, à une dizaine de kilomètres de Camerone. A ce moment, l'ennemi se montre, le combat s'engage.
Arrivé à la hauteur de l'auberge de Camerone, vaste bâtisse comportant une cour entourée d'un mur de 3 mètres de haut, il décide de s'y retrancher pour fixer l'ennemi
Le capitaine Danjou
répond ainsi au militaire mexicain le sommant de se rendre : « Nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas ». Puis, levant la main, il jure de se défendre jusqu'à la mort et fit prêter à ses hommes le même serment.
Ses soixante hommes résistent à deux mille Mexicains : huit cents cavaliers, mille deux cent fantassins.
A midi, le capitaine Danjou est tué d'une balle en pleine poitrine. Vient le tour du sous-lieutenant Vilain
deux heures plus tard qui tombe frappé d'une balle au front. A ce moment, le colonel mexicain réussit à mettre le feu à l'auberge.
Les légionnaires persévèrent, nombre d'entre eux sont tués, si bien qu'à 5 heures, il ne reste que 12 hommes autour du sous-lieutenant Maudet.
Les Mexicains vont donner l'assaut général par les brèches qu'ils ont réussi à ouvrir, mais auparavant,
le colonel Milan
adresse une dernière sommation au sous-lieutenant Maudet. La bataille terminée, il ne reste que six hommes : le sous-lieutenant Maudet, le caporal Maine
les légionnaires Katau, Wensel, Constantin, Léonh art. Chacun d'eux cependant garde encore une cartouche, et, dans un coin de la cour, le dos au mur, ils font face.
Le sous-lieutenant Maudet et deux légionnaires tombent frappés à mort ; Maine et ses deux camarades vont être massacrés quand un officier mexicain se précipite sur eux et les sauve; il leur crie : « Rendez-vous! » - « Nous nous rendrons si vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous laissez nos armes ». Leurs baïonnettes restent menaçantes. « On ne refuse rien à des hommes comme vous! » répond l'officier ...
Les soixante hommes du capitaine Danjou auront tué 300 soldats mexicains et blessé autant.
Reconnaissance
L'empereur Napoléon III décide que le nom de Camerone sera inscrit sur le drapeau du Régiment Étranger et que, de plus, les noms de Danjou, Vilain et Maudet, seront gravés en lettres d'or sur les murs des Invalides à Paris.
Une vision grandiose de la commémoration du centenaire.Avec le général Rollet (couvert de décorations),
alors inspecteur de la Légion étrangère et en fond le monument au mort de la Légion, ramené de Siddi-Bèl-Abbès
à Aubagne après l’indépendance de l’Algérie en 1962. Les légionnaires qui présentent les drapeaux au général portent des uniformes anciens.
Un monument est élevé en 1892 sur l'emplacement du combat. Il porte l'inscription :
" ILS FURENT ICI MOINS DE SOIXANTE OPPOSÉS A TOUTE UNE ARMÉE
SA MASSE LES ÉCRASA
LA VIE PLUTÔT QUE LE COURAGE
ABANDONNA CES SOLDATS FRANÇAIS
LE 30 AVRIL 1863 A LEUR MÉMOIRE LA PATRIE ÉLEVA CE MONUMENT "
Chaque 30 avril, fête de la Légion, date anniversaire de Camerone, a lieu une cérémonie militaire à Aubagne, au cours de laquelle est lu, devant le front des troupes, le récit de Camerone, dans chaque unité de Légion, où qu'elle se trouve, et quelles que soient les circonstances.
A cette occasion, un légionnaire porte sur un coussin la main de bois. Il remonte la voie sacrée qui conduit au monument aux morts rapporté morceau par morceau de Sidi-bel-Abbès.
La main du capitaine Danjou
Après le combat, la colonne de secours du colonel Jeanningros ne retrouve que des corps dépouillés. On cherche en vain la main articulée que le capitaine Danjou, dix ans plus tôt, en Algérie, s'était fait fabriquer à la suite d'un accident d'arme à feu. La prothèse est retrouvée
le 20 juillet 1865 par un lieutenant autrichien Grüber chez le propriétaire français d'un ranch des environs de Tesuitlan ; il l'achète pour 50 piastres.
Elle est actuellement au musée d'Aubagne.
Le mémorial de Camerone, au Mexique, commémore le combat livré le 30 avril 1863, lors de l'expédition du Mexique (1862-1867), par le 3e Compagnie du Régiment Etranger commandé par le Capitaine Danjou.
Le monument rend hommage à la "Valeur militaire". Il a été érigé à l'endroit où a été livré, le 30 avril 1863, le combat au cours duquel s'est illustré la 3e Compagnie du Régiment Etranger lors de l'intervention française au Mexique sous le Second Empire. Soixante-cinq légionnaires, réfugiés dans la ferme de Camerone, ont tenu tête à 2000 guérilleros mexicains.
En 1906, l'anniversaire de ce combat est devenu la fête de la Légion Etrangère.
L'édifice actuel a été réalisé entre 1962 et 1965. Le Capitaine Danjou et ses hommes ont d'abord été inhumés dans une fosse commune le 1er mai 1863. En 1892, le Consul de France à Veracruz fait aménager une tombe unique. Le 6 avril 1863 enfin, les cendres des légionnaires sont transférées sur le site actuel.
Il est situé sur le territoire de la commune de Ville Tejeda, anciennement Camaron dans l'état de Veracruz à 60 km de sa capitale éponyme. La construction est installée à 500 mètres du village, sur le chemin qui mène au cimetière municipal. Elle occupe une superficie enclose de 8 hectares. Le mémorial lui-même est constitué par une plate-forme générale cimentée de près d'un hectare qui abrite la tombe collective des légionnaires de la 3e Compagnie du Régiment Etranger.
L'ensemble du site est propriété privée de l'association "Camerone" (Camarone Association Civil) depuis 1966. Elle en assure la gestion et l'entretien avec le soutien financier de la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives.
Chaque année une cérémonie commémorative rassemble autour de la population du village, de la municipalité de Camerone, les autorités mexicaines (Gouvernement de Vera Cruz), des détachements de l'Armée de Terre et de la Marine, ainsi que des écoles des environs et de nombreuses délégations. __