Le thé à Merzouga
Traducció de Josep Maria Jarque. Ed Mirall de Glaç. Terrassa, 2004.
Le thé à Merzouga
Traducció de Josep Maria Jarque. Ed Mirall de Glaç. Terrassa, 2004.
Le renard du désert veille aux portes de Merzouga.
MÉRITE
Un groom charrie bagages enfoui dans une robe dans laquelle il semble avoir rétréci au bout des années. En saillissent les mains, énergiques et une petite tête où, comme un sillon en plus, frétille un sourire permanent.
RÉPLIQUE
Après la pluie, les paroles sillonnent l’air, mais elles sont solennellement ennuyeuses. Le professeur en fait l’échange avec le secrétaire du ministère et, bien sûr, ils ne se doutent pas qu’un oiseau secret se charge de les jeter une à une dans l’océan.
MERVEILLE
Chemin de l’Atlas, la vie passe comme un travelling à 90 km l’heure. Elle est tendre et imprévisible, porte djellaba, et se recroqueville à l’abri du tissu omnivore du destin.
SCEPTICISME
Les cailloux ont des obsessions contraires: les uns roulent d’oasis en oasis, les autres ont fini de débouler et s’apitoient subtilement de la candeur de la jeunesse.
ASTUCE
Les années sont révolues où les enfants saluaient en voyant une voiture d’étrangers. Maintenant le geste est autre, et la locution est devenue: Avez-vous un stylo?
SAGESSE
En allant de Tiznit à Tata ce n’est pas difficile de voir le monde comme une succession de palmiers. Mais, si on a un regard attentif, on peut voir, dans un palmier, le monde entier.
CONSCIENCE
Le temps se déplace à la vitesse de l’eau. Deux jeunes filles trempent les pieds dans le ruisseau, la mère y fait la lessive, un homme descend au jardin potager par le chemin journalier... Mais l’eau n’est plus jamais la même.
ÉVOCATION
Les tentes simples et parfaites des familles nomades sont disséminées dans la vallée déserte absolument comme les syntagmes d’une grammaire indomptée.
FIDÉLITÉ
Les cailloux ont des obsessions contraires: les uns roulent d’oasis en oasis, les autres ont fini de débouler et s’apitoient subtilement de la candeur de la jeunesse.
FANTAISIE
La lumière des rêves diurnes voyage avec la poussière rouge et s’estampe sur les murs de la vallée d’Iriki.
CONTENANCE
Averroès dort d’un sommeil éternel dans une étagère de la bibliothèque. Tout proche de là, le bibliothécaire porte dans ses yeux les premières étoiles d’une nuit perpétuelle.
ENNUI
Un muezzin électronique appelle à la prière avant que l’aube éveille la vie dans la vallée du Drâa tandis que un moustique sournois imite le son des vendeurs, qui sont déjà en train de se réveiller.
SOLITUDE
La silhouette des montagnes rocheuses encadre l’ombre d’un arbre solitaire au-dessus de l’erg. Impossible de faire un dessin plus clair, plus beau, plus plein avec un acore cloué comme si de rien n’était à la Terre.
SAVOIR-FAIRE
Le renard du désert veille aux portes de Merzouga et, quand le voyageur y arrive, il part diligent, parce qu’il sait que le langage est une source de malentendus.
INQUIETUDE
La lune fait éclater le désert fanatique. Le vent transporte, avec l’arôme de la menthe, le tapage des tambours et en fait des dunes de projets faillis, d’illusions puériles, de sentiments tendus jusqu’à se rompre. Un escarbot les parcoure et en fui effrayé.
PHILANTHROPIE
La lumière du premier soleil fait toujours naître les mêmes couleurs: le jaune du désert, le vert de l’oasis et le bleu de la liberté. Le reste est silence, ou thé.
EMPRUNTS
Sagesse, contient une idée due à Kabir (1398–1448); probablement, la voix plus influente parmi les poètes quattrocentistes du Nord de l’Inde. L’idée –idée comprise comme image mentale– c’est: «N’importe qui peut voir une goutte d’eau qui se fond dans la mer. Mais la mer absorbée dans une goutte d’eau seulement quelqu'un étrange pourrait la voir».
Conscience, a été emprunté á plusieurs; le premier parmi eux Héraclite (540–470 avant Christ).
Contenance, est né sous l’influence de Catulle (87–54 avant Christ): «Le soleil peut se coucher et se lever à nouveau: en ce qui nous concerne, quand la brève lumière sera éteinte, nous devrons dormir pedant une nuit perpétuelle».
Savoir-faire, a été produit après que la vision d’un renard du désert ouvrit comme par un coup de vent le souvenir de Le petit prince, d’Antoine de Saint-Exupéry (1900–1944).
Inquiétude, est le résultat d’une vérification empirique: le fanatisme du désert, dont Aurora Bertrana (1899–1974) nous avait déjà parlé.
Philanthropie, est dû à Ludwig Wittgenstein (1889–1951), qui nous a aidé à voir le monde correctement. Le poème part de la dernière proposition du Tractatus: «Il faut garder le silence de ce dont on ne peut pas parler».
ENVOIS
Mérite, a Anna Maria Casadellà. Réplique, a Ammar Tihri. Merveille, a Ana Judith Martínez. Scepticisme, a Ferran Morillas i Sílvia Samaniego. Astuce, a Teresa Jarque. Sagese, a Dolors Reig. Conscience, a Àngel Colom. Évocation, a Esteve Rojas i Roser Segura. Fidélite, a Núria Casajuana. Fantaisie, a Pilar Ferràs. Contenance, a Mohammed Moncef Al Kadiri. Ennui, a Roger et Bet. Solitude, a Moustafa El Kadiri. Savoir-faire, a Teresa Vilasís. Inquietude, a Àngel Morillas i Maria Dolors Vilanova. Philanthropie, a Muhand Saidi.
CHRONOLOGIE
Mérite: Marrakech, 11, avril 2003. Réplique: Agadir, 13, avril. Merveille: Tiznit, 13, avril. Scepticisme: région du Souss, 14, avril. Astuce: région du Souss, 14, avril. Sagese: Tata, 15, avril. Conscience: Tissint, 15, avril. Évocation: loin de Foum-Zguid, 15, avril. Fidélite: vallée d’Iriki, 15, avril. Fantaisie: Zagora, 15, avril. Contenance: Tamegroute, 15, avril. Ennui: Zagora, 16, avril. Solitude: chemin de Merzouga, 16, avril. Savoir-faire: Merzouga, 16, avril. Inquietude: Merzouga, 16, avril. Philanthropie: Merzouga, 17, avril.