Les trente-sept d'Anefgou
Traducció de Josep Maria Jarque. Ed. Mirall de Glaç. Terrassa, 2008.
L’hiver de l’année 2007 a laissé une centaine de morts dans l’Atlas marocain. Rien que dans le village d’Anefgou, trente-sept personnes, la plupart des bébés, on perdu la vie à cause du manque de médicaments. Sans électricité, ni eau courrante, ni médecin, ni ambulance, ni pharmacie, il a fallu élargir le cimetière. Ceux qui suivent sont les trente-sept d’Anefgou.
LAHSEN AÂCHARI HADDA
(Huit jours)
Quand les cigognes
sont venues te voir
tu ne pleurais plus.
MOHAMED PUTBRAHIMT
(Dix jours)
Le froid ce filtre
à travers ta longue nuit
comme une dague.
MOHAMED LHARIS
(Dix jours)
Avec des yeux de terre
tu regardes ta terre,
toi aussi, terre.
HAYAT AZDIK
(Quinze jours)
Rien que de penser a toi
apparaît ton visage
d'herbe mouillée.
SAÍD OUHNINI
(Quinze jours)
Là où maintenant tu habites
tout ce passe en silence,
comme dedans la mère.
ÂICHA ÂZDOUZ
(Vingt jours)
Qui est-ce qui te chantait
des chansons ensorceleuses
de fièvre et d’eau?
HENOU ÂZDOUZ
(Vingt jours)
Tu te rappelles seulement
de la mère, le murmure:
ton prénom d’air.
HADDA HNINI
(Vingt jours)
Le vent pénètre
glaciel par les djellabas.
Qui sera le suivant maintenant?
HADDA OUKOUT
(Vingt jours)
Tout est silence.
Tu sens quelqu'un qui tremble
quand il t’emmalloite.
BASSOU HNINI
(Vingt jours)
Il y a quelqu’un qui essaie,
désolé, de te retenir.
Subtile mirage.
HSAYEN HNINI
(Trente-cinq jours)
La faim ne passe pas.
Le froid ne passe pas. Toi, tu appelles?
Personne ne passe.
YOUSSEF MOUJAN
(Un mois et demi)
Nuit étoilée.
Miroir allumé d’êtres
qui t’accompagnent.
ÂLI HENTRA
(Deux mois)
Je pourrais seulement penser,
sans honte,
ton prénom, Âli.
BASSOU HENTRA
(Deux mois)
Jamais tu n’aurais pu
croire que ton cœur jeune,
soit de nuit blanche.
NOURA ZIBAB
(Deux mois)
Chaque crépuscule
quand la mère arrive
tu l’entends se pencher.
OUBASSOU ACHEHBAN MOUHA
(Trois mois)
À la maison,
le père pleure encore
inconsolable.
ÂICHA OUÂBBI
(Trois mois)
Sera-t-elle plus tendre
que ton sourire
l’herbe que tu feras croître?
HAMMOU OUBOUAZZA
(Quatre mois)
Un nouveau crépuscule
descend de la montagne
pour t’accompagner.
ZAYD OUBOUAZZA
(Quatre mois)
Personne ne peut te dire
le pourquoi des choses.
Comment te l’expliquer?
ZAYD ZINOU
(Quatre mois)
Comme tu te balançais
heureux dedans la mère.
Nuit pleine d’astres.
RABEHA BENÂÏSSA
(Cinq mois)
Les nuages viendront
te visiter, légers
comme une ombre.
FATMA ÂARJI
(Sept mois)
Avec le regard
bien haut, demande-nous.
faut-il plus de paroles?
MOHA OUKOUT
(Dix mois)
Les enfants s’endorment
parfois pour toujours
Moha, pour toujours.
RABEHA JEBBAR
(Onze mois)
Les poupées s’en vont loin,
en cherchant d’autres mères.
Elles se sentent seules.
BAHOUCH HANAN
(Onze mois)
Comment te démontrer
qu’un train se fait avec trois boites de conserve
et un morceau de corde?
RABHA HAWKOUJANT
(Douze mois)
Il y a la tendresse
unie maintenant pour toujours.
à ton beau prénom.
MERYEM OUÂBIBI
(Douze mois)
Quelle honte:
l’oubli jour après jour.
Tout est calme.
ÂICHA OUÂBIBI
(Douze mois)
Maintenant paroles
comme ruche, miel ou abeille
quel sens ont-elles?
FATMA BENÂLI
(Treize mois)
Écoute Fatma
les oiseaux lointains chantent
pour vous tous.
HADDA JAMI
(Quatorze mois)
Vraiment, je voudrais
t’imaginer jeune
comme une aube.
HENNOU ÂRJI
(Quatorze mois)
Au nord, nous nous sentons
aussi très tristes,
Hennou, très tristes.
ZAHRA KHEDDOUR
(Une année et demie)
Tu marchais déjà
presque sans tomber.
Tu disais: père.
RABEHA LJIHEL
(Deux ans)
Le printemps apportera
beaucoup de choses
inexplicables.
AICHA TARMCHOUNT
(Quatorze ans)
Cela te fera rire:
où j’habite, les gens parfois
ont du regret.
ITTO JEBBAR
(Vint-cinq ans)
Qui est-ce qui peut comprendre
que les enfants sont de cristal,
de sang qui gèle?
AMZIL HEDDOU
(Soixante-dix ans)
La saveur de la terre
a toujours été âpre
sur les lèvres.
HEMMOU OUABBOUD
(Soixante-dix ans)
Ô combien de tristesse!
Entouré de petits enfants
humides et froids.
Link: http://arehal.blogspot.com/2007/01/reportage-photos-anefgou.html