Le comité AlliéEs de l'école De Rochebelle a transformé la Journée de lutte à l'homophobie en Semaine de lutte AlliéEs afin d'offrir des activités variées dans le but de sensibiliser le plus grand nombre de personnes, autant élèves que membres du personnel, à la diversité sexuelle et de genre. La semaine fut un succès!
Informations supplémentaires auprès de Madame Mariane Beaupré, enseignante et accompagnatrice du projet : mariane.beaupre@cssdd.gouv.qc.ca
Cela fait maintenant 15 ans que le comité alliées à De Rochebelle existe. Il a démarré à l'initiative d’une élève et a maintenu sa présence dans l’école grâce à la participation de nombreux élèves au cours des années. Récemment, la Journée de lutte à l’homophobie s’est transformée en Semaine de lutte AlliéEs afin de d’offrir des activités variées. L’objectif de cette semaine (ainsi que du comité en général) est de contribuer à créer et maintenir un milieu de vie qui accueille et célèbre la diversité. Les mots d’ordres du comité ont toujours été : éducation et célébration. Malgré des avancées claires dans notre société pour les droits des personnes LGBTQ+, les gestes et commentaires homophobes et transphobes sont encore fréquents en milieu scolaire. C’est donc dans le but de sensibiliser le plus grand nombre de personnes dans notre milieu que les élèves du comité ont eu l’idée de créer une semaine complète d’activités variées du 19 au 23 février. Nous souhaitons sensibiliser autant les élèves que les membres du personnel, qui sont notre public cible.
Le comité AlliéEs met en place des activités tout au long de l’année (tournée de classe informative, kiosque à l’agora, concours variés, page Instagram d’informations, publicités sur les télévisions de l’école. La semaine de lutte, elle, est l’activité culminante de l’année qui permet de rejoindre le plus grand nombre d’élèves dans l’école. Bien que les membres du comité appartiennent principalement au 2e cycle, il s’agit d'une activité ouverte à tous, qui implique des élèves de tous les niveaux et tous les programmes. Les activités que les élèves ont décidé de mettre en place durant la semaine sont les brigades arc-en-ciel pour maquiller les élèves et les membres du personnel volontaires en début de journée, les midi vernis à ongle, la création de l’oeuvre collective, la conférence de Gris-Québec, le Kahoot, le rallye historique et la rave, un midi de danse. Les activités ont été organisées lors des midi du comité, avec les élèves. Le projet se démarque principalement par la grande mobilisation des élèves et des membres du personnel accompagnateurs cette année, par l’originalité des activités et par la créativité dont les élèves ont fait preuve pour l’organisation.
1 : Déterminer le calendrier de réalisation et de planification. Lors des années précédentes, notre événement était souvent en conflit d’horaire avec d’autres activités de l’école, que ce soit pour l’accessibilité des locaux ou la disponibilité des élèves. Après une consultation en comité, les élèves ont décidé de faire l’événement cette année en février. L’importante participation aux activités cette année nous confirme que c’est le moment idéal pour la tenue de la semaine. Les élèves ont aussi déterminé différents comités pour gérer les activités, la publicité (dont les annonces à l’intercom) et coordonner les présences de chacun. Il fallait aussi prévoir au moins un enseignant de présent pour chaque activité pour s’assurer d’un climat de respect et du bon déroulement des activités.
2 : Déterminer et organiser les activités qui seront vécues lors de la semaine de lutte. Le comité souhaitait avoir un équilibre entre des activités d’informations, de partage et de célébration. Nous vons envoyons aussi le calendrier des activités, qui a été élaboré par les élèves, accompagnés parles enseignants. Gris Québec a été contacté pour une conférence lors de la semaine et des achats ont été faits pour des activités créatives et pour le rave arc-en-ciel. Des équipes ont aussi été choisies pour offrir du maquillage arc-en-ciel aux différentes portes des pavillons toute la semaine. Des élèves du deuxième cycle ont travaillé tout au long de l’année pour planifier les activités en détail, trouver les informations pour certaines activités et créer la base de la création collective. Une fois par cycle, de septembre à février, un sous-comité d’élèves du premier cycle a créé du matériel promotionnel, tel que des bracelets aux couleurs des différents drapeaux de la communauté LGBTQ+, pour qu’il soit distribué lors de la semaine. Les principaux défis des élèves ont été de mettre du temps pour animer les activités et monter les ateliers avant la tenue de ceux-ci, sans tout de fois trop empiéter sur leur horaire de cours.
3 : Lors de la semaine de lutte, différentes activités ont eu lieu. Tous les matins, différentes équipes étaient postées aux portes des pavillons pour offrir du maquillage arc-en-ciel aux élèves et aux membres du personnel qui le souhaitaient. Chaque jour, en début de la deuxième période, différentes activités étaient annoncées à l’intercom. La plupart des activités étaient concentrées sur l’heure du dîner à la salle polyvalente, les élèves étaient donc invités à cet endroit à partir de 12h25 pour participer aux activités, qui varient d’un midi à l’autre (voir calendrier). Une fois arrivée, une équipe à l’accueil (un enseignant et un élève) invitait les élèves à participer de manière à ce que tous se sentent concernés par la semaine de lutte et comprennent les divers enjeux et réalités de la communauté LGBTQ+. À l’intérieur, différentes équipes d’élèves animaient et guidaient des activités (création collective, Kahoot, rallye historique, activité vernis à ongle, mur d’informations, mur de création d’affiches).
L’annonce et la réalisation d’une semaine complète d’activités permet aux élèves s’identifiant à la communauté LGBTQ+ de se sentir plus acceptés dans leur milieu scolaire. L’ampleur de la participation par les membres du personnel et les élèves représente sans conteste pour eux une preuve que leur milieu scolaire les accueille et les célèbre dans leur identité. L’organisation et la mise en œuvre de la semaine ont aussi mené à beaucoup d’apprentissages organisationnels pour les élèves et à travailler en équipe. Cela leur permet de comprendre tout ce que ça implique de mettre en place une si grosse activité et d’être à l’écoute des autres membres du comité, autant au niveau de la réservation des locaux, l’achat du matériel, les réunions pour l’organiser, la promotion de l’événement, la logistique des activités lors de la semaine et autre. Tout l’organisation fût un processus d’envergure, mais les élèves ont réalisé qu’avec de la passion et de la persévérance, ils pouvaient mettre beaucoup d’énergie sur une cause qui leur tient à cœur pour réaliser de grandes choses. Ces réalisations leur ont aussi donné un sentiment du devoir accompli. En effet, voir concrètement la réussite d’un projet que tu as participé à élaborer sur plusieurs mois, pour une cause qui est importante pour eux, donne un sentiment du devoir accompli qui est très important pour bâtir la confiance en soi et en ses capacités. Parmi ces apprentissages organisationnels s’est aussi retrouvé la notion de comment aborder des questions délicates en public. En effet, comme la semaine a nécessité de la part des élèves de notre comité qu’ils abordent de différents enjeux qui sont controversés pour d’autres élèves, comme ceux de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, nous les avons « coachés » pour en parler de manière respectueuse et convaincue, sans tout de fois être trop revendicateur. Cette approche nous assurait que les discussions puissent se passer dans le respect et protégeait nos élèves des réactions d’autres, pour qui la différence LGBTQ+ peut être confrontante.
Il ne faut pas négliger non plus que d’organiser et de participer à une activité sur le thème des droits LGBTQ+ dans une école nécessite une prise de risque pour les élèves. En effet, comme indiqué précédemment, encore plusieurs élèves du secondaire ont une opinion négative du mouvement LGBTQ+ et l’expriment parfois vocalement dans les corridors et à l’extérieur des murs de l’école. Ainsi, les élèves qui ont participé à l’organisation de la semaine de lutte s’exposent à de possibles commentaires et jugements de la part des autres élèves. Cependant, le très bon fonctionnement de la semaine et le fort achalandage aux différentes activités a confirmé aux élèves l’importance de cette prise de risque et les a motivés à continuer à s’impliquer de la sorte, car leur effort a porté ses fruits.
Finalement, nos élèves ont dû faire preuve de leadership tout au long de l’organisation et de la mise en oeuvre de la semaine de lutte. Par exemple, certains élèves étaient en charge d’animer certains pans de divers ateliers, de guider des élèves et des membres du personnel dans l’école ou encore à la salle multifonctionnelle où se trouvait plusieurs activités et de prendre la parole à différents moments. Malgré le risque de jugement d’autres adolescents de l’école, les élèves qui ont organisé la semaine ont fait preuve d’agentivité en allant chercher des amis ou des groupes de personnes dans l’école pour les encourager à participer à nos activités et les guider vers celles-ci. Sans ce leadership de nos élèves, l’événement n’aurait pas eu l’ampleur qu’il a eu.
La semaine de lutte contre l’homophobie et la transphobie a eu un impact important dans notre milieu scolaire chez notre public cible, autant les élèves que les membres du personnel. Ce fut un événement festif, amusant et invitant qui a offert un beau rayonnement aux élèves. Plusieurs élèves ont participé à la semaine sans toutefois s’être impliqués pour son organisation. Nous estimons que le nombre de participants au total pour la semaine se situe entre 350 et 400 élèves différents, en plus des membres du personnel qui sont passé encourager les élèves. Ce nombre représente approximativement 17% des élèves de notre école, ce qui est énorme pour une grosse école comme la nôtre. Pour ces élèves, la semaine de lutte met de l’avant l’importance de cette cause dans le milieu scolaire et leur a permis de s’éduquer sur différents enjeux vécus par la communauté LGBTQ+.
Pour les élèves qui ne souhaitaient pas participer aux activités, la semaine a aussi amené différentes réflexions. En effet, comme la salle des activités est géographiquement centrale dans l’école et que l’accueil avec le maquillage arc-en-ciel était réalisé à toutes les portes de notre établissement, il était impossible pour un élève d’ignorer la semaine d’activité. Ainsi, même un élève qui ne souhaitait pas participer était quand même dirigé vers une réflexion. Pour certains, cela les a amenés à se remettre en cause dans leur valeurs et dans leurs connaissances antérieures. La semaine provoque aussi des discussions autant dans les cours que dans les corridors qui, bien que parfois inconfortables, sont primordiales pour le vivre-ensemble. Par des témoignages d’autres enseignants qui ont vécu ces discussions, nous croyons que notre semaine aide à cultiver un respect de l’autre et de la différence dans notre école. Un bilan donc très positif. L’ampleur de la réussite de la semaine, dans le respect et l’ouverture, a mené des élèves à vouloir s’impliquer dans d’autres causes qui leur tiennent à cœur (lutte au racisme) et à comprendre que des efforts sont à mettre en place pour ce que l’on souhaite réaliser. Cela les invite ainsi à participer à d’autres activités et à s’impliquer dans d’autres comités tout au long de l’année.
Tout au long de la semaine, nous avons observés certains élèves augmenter leur niveau d’implication d’activité en activité. Par exemple, certains élèves sont venus seuls à la première journée pour participer aux activités et ont tellement apprécié leur expérience qu’ils ont décidé le lendemain de convaincre leurs amis, qui ne sont pas forcément familiers à la cause LGBTQ+, à les accompagner. Pour certains de ces élèves, demander à leurs amis d’aller à une activité de la semaine de lutte comportait une prise de risque, comme il se pouvait que leurs amis aient une opinion négative de la cause. Cependant, cette prise de risque fût payante pour plusieurs élèves qui, en plus de pouvoir participer aux activités accompagnés de leurs amis, ont réalisé que, par leurs actions, ils pouvaient contribuer à faire comprendre les enjeux de la communauté LGBTQ+ à leur entourage. Nous espérons que cette augmentation de l’agentivité des élèves se poursuivra après la semaine et qu’ils souhaiteront continuer à s’impliquer, par exemple en participant au comité l’an prochain.
L’approche entrepreneuriale permet aux élèves de développer leur pouvoir d’agir comme citoyen ici et maintenant. Notamment, ça les motive à s’impliquer dans différentes autres causes, à faire preuve de leadership et à oser proposer des idées. Les élèves ont développé à travers ce projet des compétences qui leur seront utiles toute la vie, comme citoyen et aussi pour réaliser des projets personnels. Par ailleurs, c’est une approche qui permet aux enseignants de changer de rôle par rapport au projet pédagogique où ce sont eux qui décident et planifient. Les enseignants ont donc été plus accompagnateurs et coach pour aider les élèves à faire des choix judicieux.
Pour les élèves qui ont travaillé toute l’année pour mener à bien ce projet, la tenue et la réussite de la semaine de lutte fût une très belle réalisation qui les as rendu fiers de participer à ce projet. Pour eux, voir la concrétisation de leurs efforts leur a démontré que par l’action, le temps et la collaboration, il est possible de bâtir de grandes choses et d’avoir un impact positif dans son milieu. Lors des activités, il était beau de voir le visage des élèves de notre comité rayonner lorsqu’ils observaient le grand nombre de participants aux activités. Certains ont même été félicités par d’autres membres du personnel, ce qui contribue à leur estime de soi, leur fierté et leur sentiment de devoir accompli.
Lors de la semaine de lutte, plusieurs élèves sont venus aux activités dans le but de pouvoir discuter avec des amis de leur réalité comme personnes faisant partie de la communauté LGBTQ+ sans être jugé. En effet, comme l’équipe d’enseignants s’assurrait du maintien du respect lors des différentes activités, la salle multifonctionnelle dans laquelle se tenait plusieurs événements de la semaine devenait un espace-sûr (safe space) pour les élèves LGBTQ+. Cela leur permettait de pouvoir être qui ils sont et discuter de leurs réalité, sans jugement.
Finalement, la semaine de lutte a probablement permis à plusieurs élèves de réaliser qu’ils pourraient être acceptés et célébrés s’ils faisaient leur dévoilement (coming-out), même s’ils ne sont pas encore rendus là dans leur cheminement. Plusieurs élèves qui sont encore dans le placard se retrouvent dans des situations où ils font semblant de rire à des blagues homophobes ou transphobes de leurs camarades, dans le but de ne pas être rejeté ou de ne pas semer le doute sur leur orientation sexuelle ou identité de genre. Pour plusieurs de ces élèves, bien qu’ils soient pas encore rendu à faire leur dévoilement, le fait de voir plusieurs centaines de personnes de leur école célébrer la différence leur a probablement fait un baume sur le coeur et fait comprendre qu’une communauté sera là pour eux le jour où ils seront prêts à être qui ils sont.