Le déchargement du charbon
Le transport du charbon par voie fluviale remonte aux premières années de l'existence de l'usine.
Les premiers dirigeants ont su mettre à profit ce mode de transport peu coûteux en utilisant le canal du Rhône au Rhin qui passe à Krafft à 3 kilomètres de l'usine.
Tout d'abord des péniches venant des centres miniers transportaient le charbon sur le canal jusqu’à Krafft, où il était transbordé dans de petits bateaux fluviaux qui l'amenaient en face de l'usine, passant par un bras de l'Ill et le Murgiessen.
Ce travail a été exécuté par des pêcheurs qui en tiraient un gain appréciable, car ils arrivaient à faire sept à huit fois la navette Krafft-Erstein, gagnant un Mark par voyage.
Mais souvent le chargement et le déchargement étaient assez pénibles car il y avait aussi des blocs de plus de 50 kilos !
De 1880 à 1892, pour satisfaire les appétits féroces des nouvelles chaudières, ces transports ont été confiés à deux entreprises d'Erstein : Wittenburg et Fassel qui disposent de barques plus grandes que leurs prédécesseurs.
Mais le Murgiessen étant de plus en plus envasé, les crues de l'Ill en hiver, et les algues en été, allongent régulièrement les délais de livraison.
Après 1893 la Compagnie des Transports Strasbourgeois s'est chargée de cette tâche.
La Filature a fait réaliser un embranchement particulier sur la ligne de tramway Erstein-gare / Sucrerie.
Le charbon a alors été livré jusque dans la cour de l'usine par wagons entiers. (voir dessin de 1893 : 14-1892 Albert-Reichard)
A partir de 1896 enfin, les péniches pouvaient amener leur cargaison par voie fluviale directement au quai de déchargement de la Filature, car on avait entre-temps fait creuser le nouveau canal de décharge de l'Ill, et approfondi le lit du Murgiessen.
Pour aider à la manœuvre, des paysans d'Erstein y attelaient une paire de chevaux et les halaient en marche arrière dans le port de la Filature. S'il y avait des algues il fallait quatre chevaux ou sinon la locomobile de Wittenburg !
Mais le chargement se faisait encore à la main, des péniches vers le tas de charbon de l’île du "Schlossdichel", et ceci par tous les temps, car il fallait libérer le bateau au plus vite.
Une équipe de 10 ouvriers était nécessaire pour décharger une péniche de 250 tonnes à raison de 10 heures par jour durant 5 jours, soit 500 heures au total.
Ces ouvriers avaient droit à des habits spéciaux : bottes, cirés, et chapeau "chinois" jaunes, et pouvaient utiliser les bains de l'usine.
Le charbon stocké en tas était ensuite transporté avec des chevaux attelés de tombereaux, de l’île vers les chaudières en passant par le pont du canal du moulin.
Toutes ces multiples manipulations étaient très pénibles et exigeaient beaucoup de main d’œuvre.
La Filature consommait 7500 tonnes de charbon par an à cette époque, soit en moyenne 25 tonnes par jour et 30 péniches par an.
Il fallait trouver une solution plus rationnelle. Et c'est ainsi que la Filature a entrepris la construction du monorail de déchargement du charbon en 1928.
Plan du quai de déchargement avec la rectification des berges et le creusement du "Schlossdichelwasser". Les travaux sont achevés en 1896. (Fonds Pierre Drach)
Carte des cours d'eau à Erstein en 1893 avec la localisation des moulins.
Le Canal du Rhône au Rhin se situe en bas à droite en dehors de la carte. Le cheminement des péniches figure en pointillés rouges.
Les pointillés dans le bas de la carte préfigurent le tracé du canal de décharge de l'Ill. (Fond de carte des Archives de la Ville d'Erstein)
Un plan plus grand est à voir ICI
Carte postale avec le quai et une péniche au nettoyage. (Photo tirée du livre "Regards sur le Passé")
Carte postale représentant la filature vue du nord-est, le "Bruhlydich" et les péniches au port de déchargement du charbon. (Photo tirée du livre "Regards sur le Passé")
Plan du tracé du monorail (Fonds Pierre Drach)
Construit en 1928 par l'entreprise "Leuprecht & Ebell de Bâle (Suisse). Haut de 15 mètres, il a une longueur développée de 225 mètres.
Il est muni d'une cabine de grutier avec une benne d'une capacité d'une tonne et permet de décharger une péniche de 250 tonnes en 15 heures.
Le monorail vu du haut de la cheminée, les jardins ouvriers à gauche, et au second plan à droite, l'usine du Bruhly. (Photo prêtée par Yves-Benoit Nicolas)
Le monorail vu du "Bruhlydich" (Photo prêtée par Marc Nicola)
Accidents au monorail
Le premier accident survient en 1928, à un monteur du constructeur du monorail.
Ayant manqué la barre de fer à laquelle il voulait se tenir, il tombe d'une hauteur de 6 mètres et se fracture la jambe à deux endroits.
Le deuxième accident est dû à l'imprudence du jeune manœuvre Ludaescher qui monte sans autorisation sur le dessus de la charpente métallique, est pris de vertige et tombe d'une hauteur de 15 mètres.
Il succombe le même jour soit le 24 septembre 1929 des suites de lésions internes.
Sur cette photo de 1934, la cabine du monorail s'est brusquement ouverte en deux parties, le conducteur a pu se hisser sur la structure et s'en est sorti indemne.(Photo Archives de la Ville d'Erstein)
Détail des livraisons de la Société Strasbourgeoise de Combustibles en 1931, avec la date, le nom de la péniche et le tonnage livré au kilo près !
On voit que les bateaux se suivaient souvent, il fallait donc en décharger deux à la suite. (Fonds Pierre Drach)
Vue hivernale de la cour de la filature, avec le charbon qui part en fumée. (Photo prêtée par Marc Nicola)
Panoramique du côté Est en 1932 (Fonds Pierre Drach)
Vue du Muhrgiessen
De gauche à droite, les bâtiments en sheds de la teinture-impression, le magasin colorants, le poste d'arrivée de haute tension, le château d'eau, la cheminée du lavage, la grande cheminée de la chaufferie, la chaufferie et le monorail.
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