Ce dimanche matin, ils n'étaient pas nombreux à vouloir affronter les éléments sur la côte Catalane...
Je dis "ils" délibérément, car cette sortie là était exclusivement masculine...
Je redoutais déjà, tôt le matin entre garçons, cette ambiance spécifiquement virile, phallocratique et parfois vulgaire qui choque régulièrement mon être déconstruit !
Notre intention, ce jour-là, était de redécouvrir une plongée du bord, délicate et profonde, mais pleine de promesses : "la route vers l'inconnu, est toujours bien venue" disait un vieux chant de marche.
Nous arrivâmes dans la petite crique de Cadaqués et le doute nous prit, quand tout près de nous, des nuages d'écume blanche déferlaient sur les rochers saillants.
Le doute, ce n'est pas bon, surtout quand on choisit un site très protégé de tous les vents, sauf de la houle du sud qui s'engouffre dans le goulet. Il me vient toujours en mémoire, en ces moments de choix délicats, un jeu de mots du regretté docteur Sciarli : plonger dans l'eau d'ici plutôt que dans l'au- delà ?
Les risques étaient bien là : serions-nous aspirés par le ressac comme de vulgaires suppositoires ? Allait-on se faire brosser sur les rochers acérés ?
La sagesse nous poussait à changer de site, mais, dans la crique d'Es Caials, tout à côté, Neptune avait aussi décidé de nous casser les burnes.
La situation étant inquiétante, mais pas désespérée, nous décidâmes d'aller tester les forces hydrauliques en présence dans la petite baie.
Équipés léger, nous risquions peu de choses, hormis le traumatisme crânien, bien entendu.
Alex dit : "Heureusement que nous ne sommes pas nombreux !"
Et Jacques de renchérir : "Heureusement qu'on n'est qu'entre mecs !"
Me bouchant les oreilles pour ne pas entendre cette dernière réflexion, je me glissais avec délice dans une eau limpide et capricieuse... Il y a parfois dans les criques rocheuses, quelques mètres carrés de paradis au milieu de l'écume, avec de l'eau claire et des poissons familiers .
A nos mines réjouies, ceux qui étaient restés sur la côte comprirent que nous allions passer un moment exceptionnel, exclusivement masculin certes, pour paraphraser mes camarades plongeurs, qui, je peux vous l'avouer maintenant, ont dit des choses bien pires.
Les consignes s'imposaient à nous : se mettre à l'eau dans la zone protégée après un relevé de cap de haute précision, faire l' exploration, et revenir pile poil au même endroit au mètre près.
Je lisais dans les yeux de Tim quelques impressions de doute, mais sa curiosité l'ayant emporté sur ses craintes, il s'immergea.
Déjà, au milieu des blocs de roche, il y eut des poissons à profusion, des poulpes comme s'il en pleuvait, et une petite seiche familière se prêtant au jeu de nos turpitudes .
A force d'avancer dans l'eau claire, la pente finit par s'incliner franchement jusqu'à un magnifique coralligène à l'extraordinaire exubérance, qui nous dévoilait, à la profondeur de 30 mètres, la quintessence des paysages méditerranéens : corail, langoustes, girelles paon , murènes... De profundis clamavi ad te, il était temps de faire demi-tour à la boussole, sans se tromper, au micromètre de poil de cul, car nous étions partis très loin.
Tout se déroula avec rigueur et discipline, et nous nous échouâmes dans la crique prévue avec l'air satisfait de garnements ayant réussi un mauvais coup.
Jacques : Faut quand-même admettre que c'est plutôt une plongée d'homme.
Robert : C'est du brutal.
Guy: J'ai connu une polonaise qui plongeait là au petit déjeuner...
Tim : Vous avez beau dire, y' a pas seulement du poulpe, y'a aut' chose... ça serait pas des fois de l'holothurie ?
Alex : Si, y'en a aussi !
Pendant que nous échangions nos impressions, le flux et le reflux emmenaient vers nous des roses rouges et salées, restes funèbres d'une cérémonie.
De profundis clamavi ad te.
C'était décidément une drôle de plongée !
Merci à Alex, Jacques et Guy pour les photos et vidéos :)