LES NOTIONS FONDAMENTALES
Dans le cadre de cette leçon, j'aborderai les notions suivantes : le signe, le signe linguistique, le phonème, le morphème, la double articulation, le mot, le lexique et le vocabulaire.
Plan :
1. Le signe
2. Le signe linguistique et ses caractéristiques
3. La double articulation
4. Le phonème
5. Le morphème
6. La lexicologie
7. Le lexique vs le vocabulaire
8. Le mot : délimitation et différents types de mot
9. L'unité lexicale
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1. Le signe
Le signe signifie, dans la langue courante, une "chose perçue qui permet de conclure à l'existence ou à la vérité une autre chose, à laquelle elle est liée" (le dictionnaire Le Robert). Il existe donc différents types de signe : indice, signal, symbole.
- L'indice : c'est un fait immédiatement perceptible qui fait connaître quelque chose à propos d'un autre qui ne l'est pas.
La couleur sombre du ciel est un indice d'une pluie possible.
Des boutons rouges sur la peau sont l'indice d'une maladie.
La fumée est l'indice du feu.
- Le signal : A la différence des indices, les signaux sont produits dans une intention de communiquer et pour comprendre leur signification, il faut un apprentissage préalable.
Le drapeau rouge sur la plage indique la baignade dangereuse.
La croix verte indique une pharmacie.
Le feu vert indique le passage libre.
- Le symbole : c'est un signal qui marque un rapport analogique, constant dans une culture donnée, avec l'élément qu'il signifie.
Une tête de cheval indique une boucherie chevaline.
Un dessin de cuiller et fourchette entrecroisées indique un restaurant.
Une balance est le symbole de la justice.
2. Le signe linguistique et ses caractéristiques
Pour Ferdinant de Saussure, le signe linguistique est une entité à double face indisssociable qu'il compare au recto verso d'une feuille de papier : une face signifiante (le Sa) et une face signifiée (le Sé).
La face signifiante ou le signifiant est "l'image acoustique" (forme graphique ou phonique), c'est-à-dire la séquence de phonèmes que l'usager associe mentalement à une notion.
La face signifiée ou le signifié est "le concept" (ou la notion ou autrement dit la signification) que l'usager associe à une image acoustique.
Le signe "fauteuil" est une entité à double face : un signifiant qui est une image acoustique qu'on peut représenter conventionnellement par une transcription phonétique [fotoej] et un signifié qui est un concept dont on pourrait faire un dessin ou qu'on pourrait représenter entre guillemets "fauteuil".
Autrement dit, chaque mot a une forme et un sens, il n'y a pas de mot sans aucun sens et inversement.
* Le référent : c'est un élément de l'univers de la communauté linguistique auquel un signe linguistique réfère. Cet élément peut être physique ou abstrait et fait partie de son expérience (personne, chose, notion).
Tous les usagers du français comprennent que "tableau noir" désigne un tableau dans une salle de classe bien qu'en réalité, les tableaux dans les salles de classe ne soient pas tous noirs !
* Les caractéristiques du signe linguistique
Le signe linguistique a les caractéristiques suivantes :
- Il est humain : Ce caractère vient du pouvoir d'abstraction qui n'existe que chez les humains.
- Il est une abstraction de la réalité. Par exemple quand on parle d'un chat, on n'a pas besoin de le voir.
- Il est arbitraire : c'est-à-dire qu'il n'y a pas de lien entre le signifiant et le signifié. En effet, pour désigner une même chose chaque langue a son mot, comme par exemple : coq en français, rouster en anglais, gà trống en vietnamien.
Cependant il est à signaler que pour certains mots on y observe aussi un certain lien entre le signifiant et le signifié. On parle alors de motivation. C'est le cas des onomatopées comme : cocorico, coucou, miaou, clac, etc.
- Il est conventionnel : le signe est inventé par l'Homme pour communiquer. Il est donc le produit de chaque communauté linguistique et imposé ainsi à tous les usagers qui sont sensés les connaître, par apprentissage.
- Il est linéaire : C'est-à-dire qu'on ne peut prononcer plusieurs syllabes en même temps, mais qu'il faut prononcer l'une après l'autre.
- Enfin, le signe est doublement articulé, dont nous allons parler ci-après.
3. La double articulation
Jusqu'ici on voit qu'une chaîne parlée est composée de mots si l'on fait une analyse de sens, et de morphèmes si l'on fait une analyse de l'écriture. Autrement dit, une chaîne parlée est une combinaison de mots ou morphèmes, ce qu'on voit de prime abord en lisant et qu'on appelle première articulation.
Au niveau plus bas, une chaîne parlée est aussi une combinaison de phonèmes qu'on appelle seconde articulation. L'articulation ici signifie division en plus petites unités.
4. Le phonème
Le phonème est la plus petite unité qui ait la valeur distinctive mais pas de sens. Prenons l'exemple : dans [bo] (beau), si on substitue le [b] au [p], on obtiendra [po] (peau). Les phonèmes /b/, /p/ sont donc les unités les plus petites de l'analyse du signifiant qui aident à distinguer [bo] de [po] (qu'on appelle la paire minimale) mais qui n'aient de sens que lorsqu'ils se combinent avec un autre phonème, ici avec [o].
Chaque langue naturelle possède un certain nombre de phonèmes avec lesquels on peut construire une infinité d'unités lexicales et morphologiques.
Le français comporte 36 phonèmes répartis en 17 phonèmes consonantiques (/p/, /b/, /f/,/t/,/s/, /ʃ/, /k/, /v/, /d/, /z/, /ʒ/, /g/, /m/, /n/, /l/, /r/, /ɲ/), 16 phonèmes vocaliques (/a/, /ɑ/, /ã/, /ə/, /e/, /ɛ/, /ɛ̃/, /oe/, /oẽ/, /ø/, /o/, /ɔ/, /ɔ̃/, /i/, /y/, /u/) et 3 phonèmes semi-consonantiques (ou demi-consonnes, ou semi-voyelles, ou demi-voyelles) (/j/, /Y/, /w/).
* Le graphème : Signe graphique minimal qui correspond, dans la langue écrite à ce qu’est dans la langue parlée l’unité distinctive minimale ou phonème. Dans l’écriture graphique, le graphème est une lettre. Le français en dénombre 26, compte non tenu des 5 signes diacritiques (voir ci-après).
- un digraphe = un double graphème transcrivant en un seul, par exemple : <ph> transcrit le phonème /f/ dans l’éléphant, typhon ou phonétique.
- un trigraphe : <eau> transcrit le phonème /o/ dans eau, beau, chapeau
(un digraphe ou un trigraphe est représenté à l’intérieur du signe <> , un phonème entre / /)
- un signe diacritique : un signe graphique qui porte sur une lettre et qui est destiné à distinguer la valeur phonétique ou à distinguer des homonymes, ou à marquer la trace de l’histoire du mot. Les signes diacritiques du français sont les trois accents (aigu, grave et circonflexe), le tréma et la cédille :
ç sert à transcrire le son [s]
a / à ; ou / où → distinguer des homonymes
âne : l’accent circonflexe est la trace de « s » de l’ancien français asne (latin : asinus)
5. Le morphème
Le morphème est la plus petite unité douée de sens, c’est-à-dire qu’il est indécomposable et qu'il a un sens. Le mot travaillons est composé de deux morphèmes : travaill– (du verbe travailler) et –ons (marque de la première personne du pluriel)
On distingue, en outre, deux types de morphèmes : les morphèmes lexicaux et les morphèmes grammaticaux.
- Les morphèmes lexicaux (ou lexèmes) appartiennent à des paradigmes ouverts (ou classes ouvertes) : le nombre des éléments de ces paradigmes est théoriquement non limité. Les radicaux nominaux, verbaux, adjectivaux, adverbiaux sont donc des lexèmes. Les lexèmes, on peut en créer de nouveaux sans que la structure de la langue soit modifiée.
- Les morphèmes grammaticaux (ou grammèmes) appartiennent à des paradigmes fermés (ou classes fermées) : Il serait possible de les définir en extension, c'est-à-dire en énumérant les membres de ces paradigmes. Les déterminants, les prépositions, les conjonctions, les pronoms et les marques morphosyntaxiques (marques de genre, de nombre, de personne, de temps et de mode) sont donc des grammèmes. Ils constituent un paradigme réduit et stable. Si l’on ajoute un article par exemple, on modifie alors la langue française.
Dans le mot danserons, dans– est un morphème lexical qui exprime l’idé de « danser », –er– un morphème grammatical qui exprime l’idée du futur et -ons un autre morphème grammatical qui exprime la première personne du pluriel.
En outre, un même morphème peut avoir deux sens différents : -eur dans chanteur, danseur, marcheur, etc. désigne l’agent de l’action, c’est-à-dire celui qui chante, qui danse, qui marche, etc. mais dans blancheur, fraîcheur, grandeur, -eur désigne la qualité de ce qui est blanc, frais, grand. Il s’agit là de deux morphèmes homonymes, c’est-à-dire deux formes de prononciation identique mais de sens différent.
On voit par ailleurs certains morphèmes qui peuvent fonctionner de façon autonome, en tant que mots et d’autres qui sont toujours rattachés à une base (qui peut être un mot ou un radical d’un verbe). Le mot enfant est constitué d’un seul morphème et peut fonctionner de façon autonome tandis que le –in ne le peut pas.
Tableau synoptique des morphèmes en français
* Le fractomorphème : Le fractomorphème est un fragment de morphème qui le représente dans un mot construit.
Ex. : Dans...
petrodollar : petro– est un fragment du morphème pétrole
narcotrafiquant : narco– est un fractomorphème qui représente narcotique
Paralympiques : para– est un préfixe (du grec) et lympiques est un un fractomorphème qui représente olympique
téléski ou télésiège : télé– est un fractomorphème qui représente téléphérique
téléfilm : télé– est un fractomorphème qui représente télévision
Mais télé- est aussi un préfixe, par exemple dans télévision, télescope.
* Le paléomorphème : Ce sont des affixes accolés à des bases qui ne constituent pas des mots français, mais qui existaient en tant que morphèmes lexicaux dans la langue d’origine.
Ex. : Dans...
sist (se tenir) : assister, consister, résister, subsister, etc.
fer (porter, contenir) : différer, transférer
duct (faire, aller, conduire) : conducteur, induction, introduction, reproduction
* Le quasi–morphème : Le quasi-morphème est un élément qui a un sens, au même titre qu’un mot mais il n’a pas l’autonomie. Le quasi-morphème n’est pas un fragment d’un mot plus long qu’il représente.
Ex. : Dans...
homophobe : homo– est un fractomorphème qui représente homosexuel, – phobe est un quasi–morphème, dérivé du grec phobia.
reprographie : repro– est un fractomorphème qui représente reproduction, graph– est un quasi-morphème et –ie est un suffixe.
téléphone : télé– est un préfixe, –phone est un quasi-morphème
graphisme : graph– est un quasi-morphème, –isme est un suffixe
6. Lexicologie
La lexicologie est l'étude du lexique. Elle étudie comment les mots sont formés et leur sens. Mais qu'est-ce que le mot ?
7. Le lexique et le vocabulaire
- le lexique : ensemble des mots qu'une langue met à la disposition des locuteurs. Les dictionnaires de langue comme Larousse par exemple repertorient le lexique d'une langue donnée.
- le vocabulaire : ensemble des mots utilisés par un locuteur donné dans une situation donnée, orale ou écrite. Ainsi le vocabulaire est une réalisation concrète du lexique qui est plus ou moins abstrait. A la fin d'une leçon dans un manuel bilingue, on voit la plupart du temps la partie vocabulaire.
8. Le mot : délimitation et différents types de mot
Les mots sont des éléments du discours. Ils sont généralement séparés l'un de l'autre par une espace, du point de vue typographique. Mais ce n'est pas toujours le cas lorsqu'il s'agit de mots composés par exemple.
Dans nous avons acheté un kilo de pommes de terre, les typographes comptent 9 mots mais les linguistes n'en comptent que 6. Car ces derniers, en considérant un mot, voient comment il est formé et son sens, son interprétation qu'il peut y avoir dans l'énoncé. Ainsi, avons acheté est en tout cas le verbe acheter mais au passé composé tandis que pommes de terre, bien que constitué de 3 éléments, a le comportement d'une seul mot qu'on peut fort et bien remplacer par oranges ou tomates.
Si on continue notre examen, on voit la complexité du point de vue orthographique, comme par exemple des mots :
aujourd'hui = 1 mot
l'enfant = 2 mots
portefeuille = 1 mot
porte-clés = 1 mot
Les chaînes parlées offrent également des cas intéressants à analyser. La chaîne sonore [tõmãtoɛtuvɛR] peut être décomposée en : Ton manteau est ouvert ou Ton manteau est tout vert.
Tout cela veut dire qu'on ne peut pas se baser sur un seul critère pour définir un mot.
* La lexie : C'est une unité lexicale qu'une personne doit mémoriser au cours de son apprentissage d'une langue et qui constitue un élément de la compétence d'un usager. Par exemple zut, ONU, livre, anticorps, tire-bouchon, à toute vitesse, chercher midi à quatorze heures sont des lexies.
Losrqu'on examine la forme d'un mot, on peut constater qu'il y a certains mots dont la forme change mais le sens ne change pas à côté d'autres qui à nouvelle forme nouveau sens. On parle de mots fléchis d'une part et de mots dérivés et composés d'autre part.
===> à voir : mots naturels et mots construits.
9. L'unité lexicale
Cruise définit l'unité lexicale comme la plus petite partie répondant aux 2 critères suivants : 1/ une unité lexicale doit être au moins un constituant sémantique, et 2/ une unité lexicale doit être au moins un mot. [2]
L'élément mé- dans mécontent ou méfiance a un sens mais n'est pas un mot, n'est donc pas une unité lexicale tandis qu'étant un mot, lune n'est pas une unité lexicale dans lune de miel parce qu'il n'est pas un constituant sémantique. Et pourtant, mécontent, méfiance, lune de miel sont des unités lexicales. Il faudra souligner ici que l'objet de la lexicologie est l'étude du lexique et ce sont des unités lexicales comme celles-ci qui intéressent et font l'objet.
Références bibliographiques
[1] Aïno Niklas-salminen, La lexicologie, Armand Colin.
[2] Hélène Huot, Morphologie : Forme et sens des mots du francais, Armand Colin.
[3] Nicole Tournier et Jean Tournier, Dictionnaire de lexicologie, Ellipses.
[4] Paul Bogaards, Le vocabulaire dans l'apprentissage des langues étrangères, Hatier/Didier.