Que serais-je sans toi

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement.J'ai tout appris de toi sur les choses humainesEt j'ai vu désormais le monde à ta façonJ'ai tout appris de toi comme on boit aux fontainesComme on lit dans le ciel les étoiles lointainesComme au passant qui chante on reprend sa chansonJ'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement.J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerneQu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleuQue le bonheur n'est pas un quinquet de taverneTu m'as pris par la main dans cet enfer moderneOù l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deuxTu m'as pris par la main comme un amant heureux.Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement.Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristesN'est-ce pas un sanglot que la déconvenueUne corde brisée aux doigts du guitaristeEt pourtant je vous dis que le bonheur existeAilleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.Terre, terre, voici ses rades inconnues.Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontreQue serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormantQue cette heure arrêtée au cadran de la montreQue serais-je sans toi que ce balbutiement.
Louis Aragon, Jean Ferrat