sans travail

"Je revenais du travail

Personne ne m'attendait"

Même mon chat n'était pas, comme il en avait pourtant l'habitude, couché sur le tapis de la salle de bain.

Et le lendemain...

"J'abandonnais mon travail

Et quelqu'un survenait"

Subitement, dans mon dos, je sentais sa présence. Je venais juste d'entamer une passionnante partie de solitaire sur mon ordinateur. Je m'y étais pourtant préparé, laissant en seconde fenêtre un document Excel ouvert. Je n'avais qu'à cliquer dedans pour cacher mon méfait mais... trop tard ! Mon patron a pointé du doigt, le bras passant par-dessus mon épaule, le roi de coeur en me disant "celui-là, tu peux le mettre sur la dame de pique".

"Je reprenais mon travail

Ce quelqu'un s'ennuyait"

Car je l'ai vu rentrer dans son bureau vitré, s'y installer, taper une adresse internet et se retrouver face à l'écran que je venais de quitter.

"Je revenais du travail

Et seul me retrouvais"

Mon chat, décidément, devait s'être fait la malle.

Et le lendemain...

"Je revenais du travail

Personne ne m'attendait"

Cette fois je décidai d'aller chercher mon chat. Je commençai par ma voisine, la plus jolie. Mais elle eut vite fait de m'envoyer balader. Il faut dire que j'arrivais manifestement au-milieu de son dîner. Aux chandelles, le dîner... Dépité, j'abandonnais - déjà !- mes recherches.

"J'abandonnais mon travail

Et quelqu'un survenait"

Le jeune gars du premier, s'apprêtant à me croiser sans même me regarder, sembla se raviser, leva la tête et me dit que sans doute, je devais m'inquiéter pour mon chat, coincé dans un arbre là-bas, au fond de la cour, depuis deux jours.

"Je reprenais mon travail

Ce quelqu'un s'emportait"

M'accusant d'être un bien mauvais maître, même pas capable de faire quelques dizaines de mètres pour retrouver son chat. Pourtant, ce fut vite fait. Me voyant arriver, mon chat me sauta dans les bras. Nous pouvions rentrer.

Mais le lendemain...

"Je revenais du travail

Et seul me retrouvais"

Ce chat décidément, avait décidé de fuguer. Cette fois, je décidai de ne plus aller travailler tant que je ne l'aurais pas retrouvé. Ce que je ne savais pas encore, c'est que cette fois, mon chat m'avait définitivement quitté.

"On m'enlevait mon travail

Plus seul je me sentais"

Le nez dans les offres d'emplois, du soir au matin et du matin au soir. La solitude et le manque d'activité me pesaient. Je finis même par me rendre aux entretiens d'embauche.

"Je recherchais du travail

Là, plus tout seul j'étais"

Nous étions des dizaines, dans des dizaines de files, chaque jour.

"Je recherchais du travail

"où je suis ?" il faisait"

Je me sentais nargué, largué, jeté.

"Je renonçais au travail

qui alors m'ignorait"

Mais le plus dur était de ne pas savoir où était mon chat et ce qui lui était arrivé.

L'appartement de taille

A être intimidant

Pour l'homme seul

Me poussait à chercher du travail"

A nouveau, je croisais les mêmes visages dans d'autres files. A nouveau, cela me décourageait. Alors à nouveau, je laissais tomber la recherche d'un travail.

"Qui maintenant m'attend

Et m'attendra longtemps

Qui maintenant m'attend

Et m'attend, et m'attendra longtemps"


Anne

40' d'écriture

texte inspiré par la chanson de Dominique A, Le travail

La rencontre avec le patron vient de se clôturer. C’est la dernière étape de ce processus de recrutement de merde. Ça me fatigue ces processus à rallonge pour finir avec une appréciation subjective d’un seul individu. Soumettre un dossier de candidature, calibrer une lettre de motivation qui parait-il est rarement lue, adapter son curriculum vitae à ce qu’on perçoit être le jargon de l’organisation. Si on est chanceux, passer à une étape avec des tests techniques et ensuite, une ribambelle de rendez-vous soit avec des groupes d’individus ou en individuel. Parfois, des jours différents. Pour se retrouver devant ce vieux type. Il faut du courage pour assurer cet ouvrage !

L’air libidineux du patron m’a laissé las. Une gueule de vieux dandy déchu. En tenant du bout de ses longs doigts tachetés mon curriculum vitae, je le voyais frémir en me lisant de façon articulée à haute voix les pays par lesquels je suis passé et renvoyer en arrière sa tête pour que la petite vague de ses cheveux reprennent du volume. Je ne devrais que très rarement travailler avec lui, mais il tenait absolument à me rencontrer m’a-t-on dit. « Vieux cochon ». J’ai vu l’autre candidate dans la salle d’attente. On se ressemble, il a un type et tout le processus de recrutement s’organise pour qu’une petite naïve rentre. Je ne veux pas de cet employeur.

SAm

20 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Madame, Monsieur,

C’est dans les toilettes d’un cabinet dentaire que je suis tombée par hasard sur votre annonce, publiée dans le Figaro Enchaîné, journal qui me tombe généralement des mains. Cette annonce pour le poste d’administrateur de données junior n’a pas vraiment retenu mon attention et loin de moi l’idée de vouloir postuler pour ce job qui me semble particulièrement ennuyant.

J’ai toujours ressenti la plus vive suspicion envers les banques d’affaires, qui plus est celles gérant des patrimoines immobiliers et des portefeuilles de créances immobilières. Je ne connais bien sûr rien au secteur mais j’imagine que vos clients sont des gens nés une cuillère en argent dans la bouche et dont la fortune est sûrement bâtie sur l’exploitation et la sueur d’autrui, et installés dans un paradis fiscal. Pour ce qui est de la fonction en elle-même, j’ai beaucoup déchanté lorsque je me suis rendu compte que les systèmes SQL Plus dont il était question ne signifiait pas que vous proposiez des Séances de Qi Jong Libérateur Plus mais qu’il s’agissait d’un logiciel. Tout comme l’Oracle dont il était question n’était pas l’Oracle de Delphes ou une personne de l’équipe qui proposerait des consultations pour réfléchir à nos chemins de vie. De même, me rendre compte que l’intégrité des données de la base ne faisait vraisemblablement pas référence à l’infinie générosité et coopération entre chaque membre d’une société mais plus certainement d’octets et de megabites binaires.

N'ayant jamais été intéressés par ce type d’emploi, je n’ai bien sûr aucune expérience dans le secteur, et ne sont pas du tout disponible pour un entretien.

Je ne suis donc pas dans l’attente d’une réponse de votre part.

Salutations.

Zoé

Lettre de non-motivation

Ma mère travaillait, genre bête de somme, usine, gestes répétitifs, inintéressant, sans avenir…. Puis le chômage, paf, la tuile, les charges, les vacances, l’avenir ?

Formations ? Va pour des formations, sympa l’ANPE ! Pas mal d’apprendre, de réaliser qu’on peut apprendre de nouvelles choses, que la tête retient et restitue tout ça… à cet âge ! Fière d’elle ma mère, et tellement boostée et motivée qu’elle décroche un super emploi, motivant, des contacts, ah les contacts, les discussions, les heures qui passent…et mon père qui travaillait et vivait sans comprendre qui était cette nouvelle épouse si épanouie.

Jeannick

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Nous sommes le mercredi 18 mars 2020, et ça y est, après un hiver pluvieux, gris et pas assez froid pour avoir de la neige, et néanmoins trop nuageux et humide, en bref trop long et bien déprimant, le printemps est enfin là!

En plus, les consignes de confinement me libèrent de toute obligation professionnelle, en tout cas psychologiquement.

Je peux donc faire ce que je veux et profiter pleinement du temps qui s'offre à moi.

Ce matin, j'ai donc enfourché mon vélo pour aller faire, une dernière fois, les magasins. Et puis, surtout, pour rouler sans but, sans raison ni justification.

Je me suis rendu jusqu'à l'ascenseur des Marolles et j'y ai apprécié un magnifique point de vue sur la ville. Libérée d'une bonne partie du trafic et du bruit qui d'habitude la congestionne.

Et cette après-midi, me voilà tranquille chez moi, sur ma terrasse, au soleil.

Un petit café, un carnet, un bic et c'est parti. Mon bonheur je le couche sur tes lignes, précieux petit carnet, et il est très simple.

Ah, quelle délicieuse invention que l'écriture...

Et puis, dans la cour intérieure du building où j'habite, les enfants des voisins jouent. Quelle douce musique à mes oreilles que ces voix enfantines. Rares et précieuses. Fallait-il nous confiner pour les retrouver?!...

Et mon coloc vient de ressortir la vieille guitare qui, dans un coin du salon, trônait, remplie de poussières, depuis des années.

Oh oui, aujourd'hui j'ai mille raisons d'être heureux.

Philippe

10' d'écriture - thème imposé

Le garçon entre dans le bâtiment gris. Il est très tôt mais c'est déjà bondé. Plus une chaise libre et une file de gens se forme déjà dans le hall. 

Clic. Le son de la machine à tickets qui s'active. 93 ! Le gars est choqué, il va y passer la matinée à avoir son rendez-vous chez Actiris. Tu peux rien faire d'autre qu'attendre. En plus, tu entends toutes les questions de la dame de l'accueil. Un son monotone répété à chaque nouvelle tête qui se voit appelée au guichet par son numéro de ticket. 

"Nom ? Vous avez rendez-vous ? Merci veuillez patienter dans la salle je vous prie."

Plus loin, c'est les bureaux, où sont dispatchés les gens après avoir passé la gardienne du comptoir. 

Le ton est à peine plus enjoué ! "Qu'est-ce que c'est votre dream job ?""Vous recherchez quoi dans le travail ?" Quelqu'un de dépassé et déprimé te demande d'y croire toi à toute cette mascarade. 

Du coup, à son tour, on lui demande : "Et comment aimez-vous travailler ?". Du tac au tac, il lui répond.

J'aime pas travailler debout

J'aime pas travailler assis

J'aime pas travailler à genoux

J'aime pas ouais travailler du tout

Choquée, elle en appelle à son manager qui, plus confiant, lui répond : "Qu'aimez-vous donc faire ?" avec un regard à sa subalterne du genre, regarde et apprends débutante. 

Notre homme, pas déstabilisé du tout, rétorque. 

Moi ce que j'aime c'est glander

Quand je glande, faut pas m'emmerder

Et pour être sur de me lever tard

Tous les soirs je me fume un pétard

Les deux, tout penauds, font aller chercher le patron du service. Toute la salle d'attente suivait, vu les sons moins monotones que cette affaire produisait. 

Une fois sur place, le patron, pour faire argument d'autorité devant l'auditoire rassemblé, parla fort pour que tous entendent : "Même à toi, on trouvera un emploi". 

Il lui rétorqua.

J'aime pas travailler patron

Tu crois que j'te prends pour un con

Tu aimerais bien me virer

Si je t'avais laissé m'embaucher

Même si tu me trouve un emploi

Sache que je ne bosserai pas pour toi

Je préfère rester au chômage

A me dorer le cul sur une plage

C'est que son discours dénotait et tout le monde l'écoutait maintenant. Et il l'avait bien senti.

Et si un jour, un beau matin

Je dois m'en aller au turbin

Je prendrai mes jambes à mon cou

Et je partirai pour le Pérou

Taïno

50 minutes d'écriture - texte inspiré par la chanson de Zoufris Maracas J'aime pas travailler

Il ne changera jamais ! Son allure négligée, ses cheveux hirsutes, sa barbe mal rasée, ses sandales élimées, rien n’invite à lui faire confiance. Si vous ne le connaissez pas vous ne pouvez imaginer que se cache sous cette apparence peu commune : un artiste à l’imagination débordante.  Il peint, il transforme, il bricole, construit et déconstruit avec dextérité et talent. Il réalise un travail remarquable qui laisse sans voix.  Vous serez même séduit-e par un certain charme que  cet indécrottable dégage sans le savoir. Engagez-le, vous ne le regretterez pas. . .

Jeannine10' d'écriture

Texte inspiré par l'association des mots "travail" et "indécrottable"

Offre d'emploi : 

CHERCHE FEMME DE MENAGE POUR LE VENDREDI 14 OCTOBRE

Ville : Rouen

Cherche femme de ménage pour effectuer 4 heures de ménage chez un particulier (sols, cuisine, salle de bain et entrée, entre autres). Grand ménage à faire dans un appartement de 55 mètres carré. Contactez-moi par téléphone. 


Lettre de non-motivation

 

Bonjour M. Anonymous,

 

Je ne voudrais pas postuler pour ce poste, car je pense que le poste est déjà pris, moi de tout façon j’envoie cette lettre juste pour m’assurer que je ne suis pas embauché. Maintenant je vais vous expliquer pourquoi ma candidature n’est pas adaptée au poste :

Je suis un homme… comme le jour où je suis né.

Si cela ne suffit pas je peux aussi vous dire que je n’ai jamais nettoyé de ma vie.

Je peux aussi vous dire que j’habite à une distance modeste de 358km de chez vous.

 

Merci M. Anonymous pour votre attention je vous souhaite une bonne continuation et adieu.

Ilias

Ici repose le travail pour tous

disparu inopinément

à sa mémoire qui s'efface

à sa trace qui n'est plus

n'y pense plus

Val - thème imposé

Vademecum du chômeur contrôlé : comment (ne pas) rentrer au port

Toute chômeuse, tout chômeur, est potentiellement confronté au contrôle de la garde marine pour justifier si, oui ou non, elle ou il « mérite » encore de naviguer en eaux troubles. Voici quelques pistes et informations à prendre en compte lors de vos explorations maritimes :

Phase 1 : explorations dans un rayon de 2 miles

Normalement, les contrôles dans ce périmètre sont plus fréquents, mais sont effectués par des patrouilles en jet ski non armées. Pour y faire face, il suffit de faire preuve de bonne volonté et de démontrer un entrain spontané pour atteindre une quelconque destination.

Phase 2 : explorations dans un rayon de 10 miles

Normalement, le port est encore visible à l’œil nu depuis votre embarcation. Il est parfois même encore possible d’entendre des bruits émanant de la côte et des navires accostés. À cette distance, les contrôles sont effectués par des bateaux à moteur munis de harpons. Ceux-ci sont utilisés pour s’accrocher à votre embarcation et vous ramener au port dans le cas de négligence ostentatoire de l’écologie maritime. Pour éviter tel scénario, il est conseillé d’avoir une trajectoire définie et concrète pour atteindre votre destination, que ce soit un port industriel, une presqu’île, une baie ou autre.

Phase 3 : explorations dans un rayon de 100 miles

À ce stade, vous naviguez presque en pleine mer. Vous êtes complètement livrés à votre instinct. Il est déconseillé de tomber à court d’essence à cette distance. C’est pourquoi tant d’explorateurs qui prévoient d’effectuer un long voyage partent plutôt en voilier. À cette étape du parcours, les contrôles se font rares mais sont aussi les plus risqués. Ils sont effectués par hélicoptère et mènent parfois à un abattage de votre embarcation. Souvent, les explorateurs concernés sont alors à la recherche d’une île précise où faire escale. Rassurez-vous ils la trouvent, celle-là ou une autre similaire, avant un éventuel abattage.

Phase 4 : exploration dans un rayon de 200 miles

Vous êtes perdus. Dame nature se chargera de votre sort. Bonne chance !

Ayla

40 minutes d'écriture - genre imposé

La scierie avait connu des coups durs, comme on dit. Des accidents, des grèves, des vagues de licenciements et des morts, bien sûr.

Mais aujourd’hui, c’était pire, qu’ils disaient, tous ceux qui n’avaient connu ni les grèves, ni les licenciements, ni les morts.

Les autres, ceux qui étaient passés à travers tout, se taisaient. Et cela confirmait aux jeunes que cette fois-ci, c’était pire, pire que tout. Ils hurlaient, dès sept heures du matin, devant les bureaux.

Le silence des anciens augure le silence des machines.

Ils hurlaient pour remplir le silence.

Au fond, personne ne savait ce qui était pire.

La fraude des patrons, eux qui se disaient compréhensifs, disponibles, à l’écoute ?

La pandémie qui avait précarisé et, disons-le, envoyé à la misère tout un tas de gens ?

Ils en parlaient sur la pause midi. Le cousin d’untel était tombé au C.P.A.S., la fille d’une telle était revenue vivre chez ses parents. X avait arrêté sa formation, pour aider sa mère. Y n’était plus payé par le chômage depuis quatre mois.

Peut-être que le fait que la scierie était la dernière usine à 100 kilomètres à la ronde rendait la situation pire, pire que tout. Et les ouvriers se sentaient comme des irréductibles gaulois : seuls résistants face à l’envahisseur.

Ils n’aimaient pas particulièrement leur travail, non, ils étaient fatigués et mal traités et mal payés mais qu’allaient-ils pouvoir faire d’autre, si la scierie s’éteignait ?

Alors ils criaient, pour éloigner le silence qui bientôt s’abattrait sur eux.

Un matin, ni patron ni personne des bureaux ne vint leur dire de se taire. Le matin suivant, non plus.

Et tous les matins suivants, ce fut pareil.

Ils se comprirent perdants. On ne les ferait plus taire. On ne les ferait plus rien du tout ; c’était fini.

Le silence gagna les cœurs et les plus hardis, ou les plus désespérés, tentèrent de s’organiser, sur leur fatigue, des moments de paroles.

Des solutions, un accompagnement, le chômage, une réorientation, pré-pension, ensemble, les compétences. Voilà, ce qu’ils disaient, à bout de souffle.

 

Et puis, un matin, les machines s’arrêtèrent toutes en même temps. Le vacarme cessa. Tous furent soulagés.

Delphine

30 minutes d'écriture - chute imposée