rémunération

  • Quand penses-tu appeler la main d’œuvre qualifiée ?

  • Oh, pas avant d'avoir trouvé quelques candidats potentiels. J'ai des doutes sur ce projet : la promesse d'une rétribution minable pour tant de sueur et de larmes, on n'est pas près de trouver...

  • Oui mais il faudra bien trouver une stratégie pour attirer des personnes au profil pertinent... L'événement a lieu dimanche prochain, on a encore un peu de temps ! Mais il nous faut d'abord trouver la tête de dragon, c'est plus rare...

  • T'inquiète, j'ai refilé la patate chaude, c'est Nico qui a pris la main. Il a des relations chez les artistes du papier mâché, il va nous fournir ça sans peine.

  • Du coup, j'aimerais qu'on parle du salaire des artistes justement. J'avais pensé payer les participants en voyage initiatique en terres flamandes. Tu en penses quoi ?

  • Waouw, pas mal ! J'ai des tas d'idées, on va leur concocter un mixte de musées, cathédrales, canaux, vieux centre-villes et moules et frites. Payer le labeur par des vacances, quelle bonne idée ! J'espère juste que la direction ouvrira grand la bourse...

  • Tu sais, j'ai toujours détesté parler de la direction dans l'open space. On devrait plutôt se parler par mail... Je ne sais jamais si les murs ont des oreilles. En plus, parler des bourses de la direction, c'est vraiment limite Véronique !

Ayla et Véronique

Forme et mots imposés

Des heures supplémentaires en veux-tu en voilà. Le rythme était insupportable et ces heures supplémentaires nous mettaient toutes à genoux. Nous n’en pouvions plus de travailler 15, voire 16 heures par jour. Parfois on devait même venir le samedi pour finir notre ouvrage. Aucune de nous n’arrivait à terminer dans les temps ce que nous devions faire. Les tâches étaient pourtant sans grande difficulté. Il n’y avait pas de geste particulièrement technique ou compliqué à réaliser mais c’était répétitif et la productivité demandée par l’entreprise était gigantesque. Les dirigeants voulaient sans cesse produire plus et plus pour, disaient-ils, rester compétitifs. C’est pour rester compétitifs également qu’ils refusaient d’augmenter notre salaire, qui lui ne l’était pas du tout compétitif. Heureusement nous pouvions, de temps à autre récupérer une partie de ces heures supplémentaires. C’était déjà ça mais ce qu’on aurait voulu, c’était une augmentation quand même. En effet, à force de faire des heures supplémentaires, nous ne voyions plus ni nos enfants, ni le soleil, même en été.

Zoé

20 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Règlement de travail

Article 1er - Durée de travail.

La durée hebdomadaire à temps plein convenue est illimitée pour les ouvrier et de 60 heures minimum pour les employés. Ainsi, tant que la tâche demandée n'a pas été accomplie, le travailleur peut considérer la présente entreprise comme sa seconde maison, son repère, sa tanière, exceptionnellement son tombeau. Car comme le dit Shakespeare : "Les hommes doivent souffrir leur départ comme leur venue ici-bas : le tout est d'être prêt".

Article 2 - Dépassement de la durée hebdomadaire de travail.

Non-applicable dans le présent contrat. Car comme le dit Shakespeare : "Ce sont les étoiles, les étoiles tout là-bas qui gouvernent notre existence".

Article 3 - Les horaires de travail sont fixés comme suit : chaque journée de travail débute dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, transport en commun non-inclus. La fin du traval dépend de la capacité de chaque travailleur à se mouvoir en surhomme, comme détaillé dans l'article 1er. Repos accordé : 30 minutes à répartir non pas par jour mais sur les 6 jours de travail par semaine. Car comme le dit Shakespeare : "Il est des coutumes qu'il est plus honorable d'enfreindre que de suivre".

Le remplacement d'un horaire normal par un horaire flexible sera communiqué en temps et en heure avec application immédiate, mais ne doutez pas que l'annonce sera faite en toute poésie.

Article 4 - Les jours habituels d'inactivité sont déterminés en fonction de la production, semaine après semaine, évitant ainsi la monotonie des semaines qui se suivent et se ressemblent. Car comme le dit Shakespeare : "Combien le train du monde me semble lassant, insipide, banal et stérile".

Article 5 - Les jours fériés seront officiellement fériés mais officieusement travaillés. Car comme le dit Shakespeare : "L'espérance d'une joie est presque égale à la joie".

Noël, Pâques, Toussaint, Ascension et Pentecôte : n'ayant de Dieu que le travail, ces jours ne sont pas considérés comme fériés.

Article 6 - Rémunération.

La rémunération est calculée au feeling, à l'instinct, avec en vue l'horizon limpide du lendemain ; mais n'oublions pas tout de même Skakespeare qui écrivit avec grande justesse : "Celui qui accepte avec le sourire d'être volé vole lui-même quelque chose au voleur".

Article 7 - Augmentation et promotion.

Ces deux notions donnant l'illusion au travailleur que demain chantera peut-être, alors que peut-être pas, nous préférons les exclure de la dynamique de l'entreprise car comme Sakespeare ne manqua pas de le souligner : "Qui n'a pas d'espoirs n'aura plus de regret".

Article 8 - Obligations incombant aux travailleurs.

Le travailleur a l'obligation d'exécuter son travail avec soin, conscience, et sans mot dire car comme Shakespeare le nota un jour : "Les hommes qui parlent le moins sont les plus vaillants".

Article 9 - Protection des travailleurs.

C'est mus par cette même citation que les syndicats et toute association de travailleurs sont formellement interdits dans l'entreprise.

Article 10 - Fin de contrat.

Le travailleur sera remercié sans préavis ni indemnité mais en se souvenant toujours de cette phrase de Shakespeare : "Rien n'est bon ni mauvais en soi, tout dépend de ce que l'on en pense".

Enfin, le travailleur reconnaît avoir pris note avant signature de cette dernière citation finale : "Tout esclave a en ses mains le pouvoir de briser ses chaînes".

Jennifer

60 minutes d'écriture - forme du texte et genre littéraire imposés

Bilal est comptable. Ce n'est pas quelqu'un de particulier. On l'oublie assez vite et il oublie aussi vite les autres. Il travaille bien, sans être dans la perfection, ni à la virgule près. Les clients l'aiment bien, sans l'adorer non plus. Il est sociable sans être affable. Bilal est comme la plupart des chiffres qu'il surveille et range : dans la moyenne. De temps en temps, il sort une blague, qui révèle à son auditoire un sens de l'ironie aiguisé.

Quand la direction de Dreamland le convoque à la réunion ce jour-là, Bilal ne sait pas quel est l'ordre du jour et il ne se l'est pas demandé. Voilà, c'est ça : Bilal enchaîne les rendez-vous, les réunions, les ordres du jour, sans ennui mais sans curiosité non plus.

Faillite et licenciement sec sans indemnité. Quand Bilal le comprend et il est l'un des premiers à le comprendre, rien ne surgit en lui. Ni stress ni colère. Sur le parking de la boîte, il rebrousse quand même chemin pour entrer dans le magasin. Il passe dire bonjour à une des vendeuses, celle qui lui a indiqué le bureau de la direction la première fois qu'il est venu. Elle est maintenant enceinte jusqu'au cou et c'est pas mal de travailler chez Dreamland dans ce cas-là. Elle a -25% sur tout le magasin et quand elle a dépassé le nombre d'articles autorisé par vendeur, il lui suffit d'attendre une semaine et de demander à tel collègue de lui prendre ça, ça et ça. C'est ce qu'elle lui explique.

Bilal a déjà mené à bien des faillites, y compris des faillites frauduleuses. Quand il regarde cette vendeuse, rien ne l'émeut, rien ne dépasse de tout ça. Il rentre au bureau, peut-être qu'il prend un café, peut-être pas. Il annonce en tous cas qu'il finira tard ce soir, à ses collègues mais aussi à sa femme. Ne m'attends pas, il s'entend lui dire.

Le lendemain, quand le téléphone sonne, d'abord à 8h, puis à 8h10, puis à 8h15 puis toutes les 10 minutes jusqu'à 16h, personne ne décroche.

Officiellement, Dreamland a fait faillite. Bilal était chargé de la liquidation. Avant ça, il était chargé du paiement des salaires des employés licenciés. Ça lui plaisait plus. Il avait accès à tous les comptes. Durant la soirée, toujours de sa manière pragmatique et carrée, il a remis à chacun 3 mois de salaire. Et à la vendeuse enceinte 3 mois de plus. Quand mon amoureux me l'a raconté, à ma question : il a pas eu des emmerdes ? il a conclu par : c'est lui qui avait les clés de la boîte, c'est le comptable, qu'est-ce que tu voulais qu'ils fassent ? Un procès après une faillite frauduleuse ? Histoire vraie.

Personne n'aurait pu le prévoir, même pas ses collègues.

Jennifer

30 minutes d'écriture, chute imposée