Atelier d'automne 2022

Un beau dimanche d'automne, après 3 jours de consignes en tous genres, de lectures et de discussions sur le thème du travail "mais pas que"... nous nous quittons en nous souhaitant une belle soirée. Voici quelques traces de ces 3 belles journées.

(sur l’air de Dès que le vent soufflera de Renaud)

C’est pas l’homme qui prend le taf

C’est le taf qui prend l’homme

Moi le taf il m’a pris

J’me souviens un mardi

J’ai troqué mes santiags et mon cuir un peu zone

Contre une paire d’escarpins et un vieux tailleur noir

J’ai déserté les crasse qui m’disaient

Soit prudente, le taf c’est dégueulasse,

Les patronnes crient souvent

Dès que le vent soufflera,

On t’embauchera

Dès que les vents tourneront

Ils te licencieront

C’est pas l’homme qui prend le taf

C’est le taf qui prend l’homme

Moi le tarf il m’a pris

Au dépourvu en CDI

J’ai eu tant de labeau

Du lundi au judie

Que j’ai fais 36 heures

Sans permis de midi

J’me suis trompée partout

J’ai bossé dans des lieux fermés

Ca m’a cassé le cou

C’est du taf pas cher payé

Dès que le vent soufflera

Je démissionnera

Dès que les vents tournerons

Nous nous tirerons. Ta dam

Zoé

À l’attention du Département RH

Je vous écris au sujet de l’offre d’emploi provenant de votre entreprise, que j’ai trouvée sommairement glissée dans ma boîte aux lettres ce jour. Permettez-moi de vous dire que je trouve ces manières rustres, voire vulgaires, une remise de ce pli en main propre aurait, je vous l’assure, été plus appropriée, mais passons.

Passons à la typographie employée. Plus inesthétique, c’est impossible !

Un peu de ménage au sein de votre département graphique ne ferait pas de mal. Et que dire de la façon agressive d’utiliser les lettres capitales et d’insérer sournoisement les points de suspension, si bien qu’on lit « Et vous avez envie de… REUSSIR… », quand un simple et délicat « Et vous avez envie de réussir » aurait, je vous l’assure, était plus approprié, mais passons.

Passons à cette envie justement, envie de réussir oui, mais penser que ce la soit possible en devenant, comme vous le proposez, « responsable enseigne bricolage » ou « responsable secteur caisse/fichier article » est, pardonnez-moi d’avance pour ce terme un peu cru, tout à fait niais. Avez-vous déjà entendu au journal télévisé un quelconque politicien, un quelconque capitaine d’industrie, un quelconque artiste dire : « Je crois avoir eu une carrière réussie, mais pas autant que celle de mon fils, actuellement en formation « responsable secteur caisse/fichier article ». Non.

Passons à la rémunération, je cite, un contrat « rémunéré 65% du SMIC dans tous les cas. »

Et en conclus que concernant :

-la réussite brandie dans votre annonce, il ne s’agit manifestement pas d’une réussite financière

-qu’une si faible rémunération ne me permettrait même pas de couvrir mes frais fixes : loyer, alimentation, manucure et brushing journaliers

-que le trafic de stupéfiant, dans lequel j’hésite à me lancer pour des questions d’éthique semble de loin, bien plus porteur

Je vous remercie cependant de l’attention accordée à mon profil brillant et hautement qualifié,

Sincères salutations


Letizia

lettre de non-motivation - 50 minutes d'écriture

Le travail dont je veux vous parler est celui d’artisan-fromager. Il m’est arrivé de voir des reportages sur des personnes qui se sont réorientées, et en particulier celui d’un jeune informaticien qui un jour avait suivi une formation d’affineur, et qui depuis avait reçu plusieurs récompenses pour son fromage. Je n’ai aucune idée de ce à quoi peut ressembler son quotidien. Cultive-t-il le fourrage des vaches, les traie-t-il lui-même ?

Mais quand je vois les hautes étagères, appelées bibliothèques, remplies de grandes meules dorées, ce métier me paraît rempli de poésie...

Sonia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Si j’étais riche, j’aurais les moyens politiques et financiers de faire pression afin que ce mot soit reconnu pour ce qu’il est : un métier.

Être riche requiert une multitude de compétences que les non-riches n’ont, je suppose, pas le luxe d’avoir le temps d’imaginer. Il faut savoir son patrimoine administrer, ses placements faire fructifier, parler la langue du notaire, du comptable, du fiscaliste, de l’avocat d’affaires.

Il faut savoir-être, amadouer plus puissant que soi, terroriser plus petit que soi, tout cela, comme vous pouvez aisément le deviner, ne s’apprend pas en un jour. Être riche est un noble métier, qui comme bien d’autres, se transmet de père en fils.

Letizia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Je me suis sentie utile quand je travaillais comme bénévole dans un refuge pour oiseaux blessés. C’était il y a une quinzaine d’années dans le cadre d’un bénévolat. Mon contrat de numérisation d’ouvrages précieux à la bibliothèque nationale avait pris fin la semaine précédente et j’éprouvais une sensation de vide. A court d’idées sur la suite à donner à ma carrière, cette petite annonce à la boulangerie du coin écrite en hâte sur une petite fiche cartonnée attira mon attention : Cherchons bénévoles pour notre association. Drôles d’oiseaux bienvenus.

Je me reconnus dans ces mots et pris contact avec l’association. Je m’y rendis dès le lendemain sans attentes particulières, mon expérience avec les animaux se limitant à celle avec Jeannot, mon poisson rouge, qui, hélas, n’avait pas fait de veilles arrêtes.

Sonia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Ma patronne est un être abject qui pourrait décider sur base de la couleur de votre pull le traitement qu'elle vous fera subir (oui, subir) pour votre journée. Nous avons listé certaines couleurs qui ont systématiquement des effets négatifs : le corail, le pourpre et le turquoise.

Par contre, le jaune, orange et noir conviennent mieux. Cet assortiment de couleurs est très flatteur pour le teint. Avec le changement des mois et les jours qui raccourcissent, les soirées qui s'allongent, les prix de l'énergie qui montent en flèche, s'éclairer deviendra bientôt un crime. Tout comme se chauffer ou boire de l'eau potable. Jean-Claude Van Damme n'était-il pas visionnaire lorsqu'il disait : "Buvez de l'eau. Dans vingt ans, il n'y en aura plus" ? Mais n'est-ce pas le juste retour des choses, sachant que des êtres humains meurent de soif et que nous (autres êtres humains) déféquons dans de l'eau potable.

Ça n'empêchera sans doute pas les enfants Bengalais de mourir de soif, ni les femmes Éthiopiennes ou Soudanaises de devoir faire vingt kilomètres en plus pour aller chercher l'eau qu'elles ramènent sur leurs têtes dans de hautes cruches, mais - disait l'expert - les toilettes sèches sont une solution durable.

"Durable" c'est le mot clé qui fait vendre, et l'expert le sait bien. De toute sa carrière d'expert, il n'a jamais vu ça, un mot magique qui fait basculer les hésitants, bondir les ventes de 72%. Chez lui, l'expert dispose de toilettes classiques, parce que, quand même, on n'est pas des sauvages.

Texte collectif rédigé sur le principe du cadavre exquis

La petite soixantaine, le caractère jovial, Patrick avait travaillé toute sa carrière dans l’industrie des farines céréalières. On peut dire sans mauvais jeu de mots que c’était son gagne-pain.

Fils de meunier, son métier était quelque peu dans la continuité de celui de ses ancêtres. Il avait un rêve secret, celui de concevoir le plus grand site de vente en ligne de moulins miniatures. Passionné de bricolage, ses pensées étaient hantées par les moulins : moulins à vent, hydraulique, électriques. C’était devenu sa raison de vivre. Le seul obstacle à la mise à exécution de son projet était son épouse Louise. Prudente et trop “terre-à-terre” à son goût, elle ne perdrait pas de vue la mise en danger de leur confort financier. Mais il avait un plan...

Sonia

20 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Le travail de ma mère est presque terminé, pas parce que c’est, plus ou moins, l’heure de la retraite mais parce que nous sommes, plus ou moins, devenues grandes.

Ce ne fut pas un travail, ce fut un marathon.

Professeur, nous transmettant sa si belle langue dans ce pays étranger.

Gouvernante, nous ordonnant de ranger nos chambres sous peine de jeter, je cite « tout ce qui traînera encore d’ici cinq minutes ».

Taxi, nous dispatchant en temps et en heure à l’école, à la danse, aux cours de musique, aux anniversaires.

Chef-cuistot exerçant à l’époque des surgelés et autres commodités de la vie moderne.

Letizia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

DONNE

Dotation pour l’Optimisation de la Nourriture Naturalisée sur le sol Européen

Fonds structurel accordé annuellement par la Commission européenne aux entreprises, visant à augmenter le rendement et le nombre de calories contenues dans les denrées alimentaires produites à partir d’animaux ou de plantes ayant obtenu la nationalité d’un état membre de l’union.

Sonia

Chargée de projets en éducation permanente

Personne (souvent de sexe féminin) qui porte en elle une certaine quantité de projectiles et donc les tâches principales et la responsabilité morale est de développer de manière méthodique des brouillons et des ébauches de modèles réduits de la société, brouillons et ébauches permettant de comprendre les usages et pratiques de ladite société, notamment la pratique qui contraint certaines femmes à se mettre des fers chaud dans les cheveux pour les faire onduler de manière durable.

Zoé

Réinventer son métier

Le peintre entre dans son atelier, les narines frémissantes, accueilli plein d’attente par une toile fraîche.

Travail ! Certains jours tu me désespères ! Que puis-je encore produire qui n’ait pas déjà été représenté ?

C’est mon lot, hélas ! Pauvre bougre que je suis ! Et pourtant …

La vie me réserve chaque jour des nouvelles possibilités. Commençons par trinquer à chaque nouveau jour !

Santé !

Sonia

Acrostiche

Le jour était tombé depuis peu, bientôt les rues scintillant de mille feux

« Travail, famille, patrie » hurle la télévision, et la maisonnée acquiesce plus que de raison

C’est un grand jour pour l’Italie, on annonce, main tendre sur le cœur « le chaos c’est fini »

La place est à l’ordre et à l’honneur retrouvés, basta de se laisser marcher sur les pieds

« Santé » chantent les verres qui trinquent, sous le regard fou de ce tout nouveau Sphinx

Letizia

Acrostiche

Pourquoi un bureau a-t-il 4 pieds ?

Pour former un carré parfait.

Pour avoir les idées bien carrées.

Par manque d’idées.

Car quatre pieds sont plus symétriques que trois ou un seul pied et sont plus économiques que cinq ou six pieds.

Sonia

Le travail dont je veux vous parler est mal connu du grand public et souvent accusé à tort de sombre escroquerie. Je travaille dans le milieu de la pharmacie et je suis fréquemment confrontée à cette réplique : « Ah ! Vous les pharmaciens, ce qui vous intéresse c’est l’argent ! Grâce à nous, vous vous en mettez plein les poches ! ». Je mentirais si je disais que non. Certes l’industrie pharmaceutique a gagné en millions voire en milliards d’euros ces dernières années ; et oui, les pharmacies sont devenues aujourd’hui des commerces pouvant brasser beaucoup d’argent, mais nous, le personnel de la pharmacie, nous ne sommes que le revers de cette médaille. Voyez-vous, nous sommes sur le terrain, jour et nuit, pendant les jours fériés, les fêtes et les congés. Il y a toujours quelque part une pharmacie à la disposition du peuple ; nous sommes la porte ouverte à tous, à toutes. Le pharmacien a dans sa poche maintes cartes. Certaines fois, il est le psychologue, d’autres fois, il est l’infirmier, il peut être l’assistant social et le médecin, l’herboriste et le cosmétologue, le secouriste et le sophrologue. Oui, nous entendons les cris de la population, les plaintes de la société, on entend des hurlements, des voix brisées, qui peuvent hanter nos pensées pendant de longues années. Oui, on s’imprègne de ça, de ce tumulte d’émotions qui entraine de plus en plus les nôtres à vouloir quitter ce métier. Le pharmacien a la responsabilité de garantir une qualité ultime de ses produits, le tout, honorer de conseils pertinents et toujours à la pointe des dernières recherches. Sans relâche, nous devons nous maintenir à jour, et nous nous devons de répondre aux demandes de toutes les classes sociales. De la bourgeoisies aux personnes les plus vulnérables de la société. Nous devons les maintenir en bonne santé mentale et physique, « un corps sain dans un esprit sain » dit-on. Mais nous, le sommes nous nous-mêmes ? Les heures supplémentaires, les responsabilités de plus en plus lourdes, les honoraires misérables, les horaires de plus en plus longs… Où va-t-on ? Le pharmacien est psycho-physiquement déprimé. Nous soignons le public alors que nous-même nous avons besoin d’aide. Des fois je me demande comment nous faisons pour avoir ce sourire aux lèvres pour accueillir chaque patient ? Comment faisons-nous au quotidien pour rester sains d’esprit tous les jours ? Ou alors peut-être que je me trompe, peut-être que nous somme déjà tous fous.

Fozia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

TRAVAIL

Ensemble des activités peu coordonnées en vue de produire le chaos.

Activité nécessaire à l’accomplissement d’une tâche indéfinie.

Action ou façon de travailler une pâte à choux.

Ensemble des mécaniques bien huilées pour parvenir à un résultat.

Manière dont un problème, une invention saugrenue faite par l’homme, ont été exécutés.

Activité laborieuse contre-productive et inutile.

Activité économique des martiens (aidés ou non par les habitants d’autres galaxies) organisée en vue de produire des clous et des vis répondant aux besoins des astronautes et pilotes des vaisseaux spatiales.

Sonia

A partir d'un "texte à trous"

C’est un cauchemar, j’entre et ne lui serre pas la main, histoire d’installer une certaine distance dès le départ. Elle ne s’en formalise pas. Il est 18h47 et les bureaux sont presque tous vides. Dans le sien il y a un grand écran sur une grande table, et elle derrière assise qui me fixe et qui attend. De toute façon je vais bien finir par parler et elle le sait. Elle sait aussi pourquoi on vient la voir, pas pour les bonnes nouvelles en général. Pour se plaindre, feindre ou déclarer une maladie, pour réclamer, pour dénoncer. Je me dis qu’elle aussi doit être fatiguée, mais sourire corporate oblige, rien ne transparaît. Drôle de labeur que de faire semblant d’être toujours pétillant.

Il y a une chaise vide pour faire s’asseoir les épanchements. Je n’y prends pas place. Reste debout pour me donner l’impression de maîtriser la scène. Si je suis ici, c’est pour choisir mon destin et cela ne se fait pas en position assise. Je dis : « je veux partir » et ma voix debout comme moi, ne tremble pas. Sur la table je fais glisser la feuille avec « démission » écrit en gras et en lettres capitales.

Ses yeux me regardent mais pas elle. On dirait qu’elle a vu ce spectacle un million de fois. « Ce ne sera pas possible » dit-elle et elle le dit sans affect, sans intention particulière, prosaïquement comme on dit « au suivant » à l’adresse de la personne à la tête d’une file qui patiente.

« Ce ne sera pas possible » reprend-elle, la direction a donné des consignes, le quota de démissions pour tout le quadrimestre a déjà été atteint. Il faudra attendre le prochain. Mais ne vous inquiétez pas, je vous inscris sur la liste d’attente. »

Letizia

20 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Il est assis tous les jours à la même table, les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur portable. Je le vois le matin quand je vais chercher mon croissant au beurre, le midi quand, avec mes collègues, nous nous installons à une table voisine, avaler en vitesse un croque-monsieur, le plat du jour, ou juste pour boire un café. L’air hypnotisé par son écran, il lève à peine la tête quand la serveuse vient débarrasser sa table. Je serais incapable de deviner la langue dans laquelle il lui adresse la parole pour commander sandwiches ou boissons. Ni son métier. Peut-être suit-il simplement le cours de ses actions en ligne ?

Sonia

10 minutes d'écriture

Le travail dont je veux vous parler n’est pas celui que je fais au quotidien et dont je suis un peu lassée. Je ne sais pas comment on se retrouve, au sortir des études ou

en début de vie professionnelle sur tel ou tel rail, dans telle ou telle filière. Qu’est-ce qui fait que, alors que je me voyais agronome ou interprète, je me retrouve,

année après année, employée dans des associations, engluée dans mille réunions, les mains scotchées à un ordinateur, le regard rivé sur un écran ? Ça n’a jamais été

ça le travail dont j’aurais voulu vous parler.


Le travail dont je veux vous parler est celui qui procure du plaisir et de l’apaisement

Le travail dont je veux vous parler serait un travail qu’on ne devrait pas faire tous les jours.

Le travail dont je veux vous parler serait un travail différent chaque jour.

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on met les mains dans des bassines de fleurs séchées

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on peut respirer l’air frais et entendre le bruit des vagues

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on cuisine de bons mets pour les autres

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on peut écrire et lire

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on partage les savoirs

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on va de temps en temps à l’autre bout du monde

Le travail dont je voudrais vous parler serait un travail où l’on retourne la terre et l’on plante des graines.

Zoé

10 minutes d'écriture - Début du texte imposé

Dialogue dans un petit bureau très encombré...

S : Fallou, tu ne penses pas que Christine devrait suivre une formation pour mieux prendre soin des plantes ?

F : Bon, les plantes sont importantes, mais la formation est son gagne-pain.

S : Je ne comprends pas ce que tu veux dire par là ? Tu veux dire qu'elle a déjà assez de travail pour s’occuper en plus des plantes ? Pour les voir toutes desséchées, je préfèrerais qu’elles soient planquées sous son bureau !

F : Peut-être que Christine n’a pas le mode d’emploi ?

S : Tant qu’on ne doit pas les arroser de notre sueur !

F : Donc il faut trouver une manière pour les arroser...

S : Je propose qu’on applique la méthode hawaïenne !

F : Ca vaut la peine d’aller à Hawaï pour voir les plantes sur place...

S : Si tu vas à Hawaï, je veux bien y aller aussi, pour m’occuper de production de plantes vertes qui ne dessèchent pas.

Sonia et Fallou

Mots imposés dans un dialogue improvisé

Le temps est précieux.

Travail, tu sortiras victorieux.

C’est sûr, le parcours sera tumultueux.

La richesse en tirée, te rendra vertueux.

Santé, à la tienne, que ton avenir soit glorieux.

Fozia

Acrostiche

Si j’étais conceptrice de décors de théâtre, je serais bricoleuse, j’aurais le sens de la spatialisation et des couleurs. Aucun jour ne ressemblerait au précédent, car il y aurait autant de décors que de pièces de théâtre. J’aurais beaucoup de travail de recherche préparatoire pour m’imprégner d’une époque et d’un univers. Les réunions d’équipes avec les différents intervenants seraient fréquentes : metteurs en scène, acteurs, scénographes, costumiers, techniciens du son et des lumières...

Sonia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Bruxelles, octobre 1937.

Comme tous les dimanches, la maison était remplie. Famille, amis, collègues, tous se retrouvaient pour écouter Sabir dans le salon familial des Michel. Sabir, ce n’est pas le lointain cousin venu d’ailleurs. C’est le poste de radio fabriqué par la SBR : la Société Belge Radioélectrique. C’est Denise, la cadette de la famille qui a proposé ce nom et ça a été vite adopté. La famille Michel était la seule du quartier à posséder ce gros poste de radio et Sabir trônait majestueusement sur le buffet de la salle à manger. A l’époque, peu de gens pouvaient se permettre cet achat coûteux. Les Michels n’étaient pas particulièrement riche mais Jacques Michel travaillait à la SBR et chaque ouvrier méritant en avait reçu une. Ce moment d’écoute des informations était un moment collectif, partagé, au cours duquel tous, hommes et femmes, jeunes et vieux, se retrouvaient autour d’une tasse de café et d’un morceau de tarte, le dimanche après-midi. Le poste de radio permettait d’écouter les informations belges, mais aussi d’avoir accès aux nouvelles venues d’ailleurs. Ils écoutaient ainsi Radio Vatican (surtout pour la messe en latin), ou Radio Londres, mais aussi des radios plus lointaines, comme Radio Kinshasa qui donnait des informations des colonies.

Le fait d’écouter ces voix venues d’ailleurs, sortant de cette boite en bois, fascinait Denise. Elle n’était pas sûre de comprendre comment cette magie avait lieu,ni par quel procédé c’était possible, mais elle était certaine d’aimer cela. Elle se sentait proche de ces voix mais aussi des autres sons qui en sortaient. Denise aimait particulièrement le programme de 15h30 qui proposait les dernières chansons à la mode. Mais ce n’était pas seulement un poste de radio. L’objet recelait plus de secrets. En effet, on pouvait tirer une petite languette et la boite s’ouvrait, laissant voir un intérieur pas complètement vide. En effet, on y trouvait un tourne-disque. Lorsque l’oncle Fernand apportait les derniers disques à la mode, ceux de Tino Rossi, Lys Gauty et sa chanson du vent, ou les disques de Mahalia Jackson ou Benny Goodman, tout le monde se mettait à danser et chanter autour de l’appareil. Mais ça c’était seulement lorsque les nouvelles étaient bonnes : comme lorsqu’on apprenait les mesures sociales que le gouvernement de front populaire mettait en place en France, comme l’instauration des congés payés par exemple.

Zoé

30 minutes d'écriture - texte inspiré par un objet exposé au Musée bruxellois des industries et du travail

En 2122...

Manou avait entendu dire qu’il y a cent ans, le plein-emploi était considéré comme une utopie. Elle ne pouvait même pas s’imaginer un monde où des gens sans emploi avaient été rémunérés. C’étaient des temps étranges, où l’on se rendait dans des endroits appelés magasins pour acheter des vêtements ou de la nourriture que l’on préparait, une fois rentré après sa journée de travail.

Sa grand-mère lui avait raconté plein de récits pittoresques sur ses voyages durant ses vacances annuelles d'été, lors desquels elle se rendait à la mer ou dans la montagne dans des contrées lointaines afin de se changer les idées. Aujourd’hui tout le monde pouvait se rendre en pensée dans tous les pays réels et imaginaires sans bouger de sa chaise. Mais plus personne n’en éprouvait l’envie. Pourquoi vouloir utiliser son esprit déjà sur-sollicité quotidiennement pour voyager en pensées ?

De nos jours, tout le monde travaillait par transmission de pensée. Il n’y avait plus de rémunération. Les travailleurs, toutes catégories d’âge confondues, recevaient trois fois par jour des comprimés composés de tous les nutriments nécessaires pour se maintenir en bonne santé jusqu’à un âge très avancé.

Manou travaillait dans l’unité de production des comprimés Alpha et Omega pour augmenter la concentration des travailleurs. On avait constaté une baisse de production comparé à l’année dernière et il fallait y remédier...

Sonia

30 minutes d'écriture - époque imposée

Le travail de ma mère est celui de nombreuses femmes dans la société, mais il n’est pas rémunéré. Il consiste à s’occuper des tâches ménagères et de maintenir l’unité familiale. Les corvées sont fastidieuses, les prises de têtes innombrables ; non, ce n’est pas amusant de faire la lessive et le repassage de toute la maisonnée, et non, l’inspiration ne fuse pas tous les jours pour concocter de nouveaux plats. Alors oui, ce travail peut avoir certains avantages, le chef de la maison, c’est elle. Le jour où elle décide que c’est sa journée coocooning, au diable le mari et les enfants, ils n’ont qu’à se débrouiller eux-mêmes. Et c’est là, qu’elle se rend compte de sa fonction vitale, le désespoir et la peur de l’inconnu se lisent sur leurs visages. Oui, si elle n’est pas là, ils perdent tous leurs repères.

Fozia

10 minutes d'écriture - thème imposé

Selim travaille dans la petite épicerie fruits et légumes de son oncle, située avenue de la Reine à Schaerbeek. Malgré ses vingt ans, il a l’impression d’y avoir travaillé depuis toujours. II avait à peine douze ans que son oncle lui demandait déjà ponctuellement de l’aide pour des travaux plus légers : aider à ranger des boîtes dans les rayons, disposer les fruits et légumes dans les cageots, assurer la surveillance du magasin le temps que son oncle fasse des petites courses. De manière générale, il est satisfait de son travail, malgré les longues journées. Il connaît la plupart des clients, qui habitent pour la plupart le quartier. Les courses à l’épicerie sont souvent un prétexte pour échanger des nouvelles sur la famille ou l’actualité en Belgique ou au Pays. Aujourd’hui par exemple, Monsieur Kosoglu vient acheter un paquet de 500 grammes de fromage bejaz pejnir et une boîte d’olives noires genlik. Sans s’intéresser au football, Selim sait que ce soir se joue le match décisif entre son équipe favorite Galatasaray contre sa rivale Adana Demirspor...

Sonia

Texte inspiré par une photo tirée des collections du centre de documentation de La Fonderie

Je me suis sentie utile lorsque je travaillais comme guide interprète avec Saint Pierre. A l’arrivée au Paradis, les gens sont toujours un peu déboussolés et en sont pas toujours sûrs d’être au bon endroit. Sont-ils en enfer, au paradis ou encore au purgatoire ? Pas simple en effet d’y voir clair. Chez Saint Pierre comme ailleurs, c’est en effet la crise et dans les différents couloirs une ampoule sur deux seulement est allumée. Il est donc facile de s’y perdre si l’on ne connait pas le chemin. Et se perdre dans les ruelles du Paradis, je ne connais pire enfer. Du coup, mon job, qui n’a l’air de rien est vraiment utile. Je guide les gens aux travers de tous ces méandres et surtout je leur traduis les différentes indications sur les règles de vie à respecter pour l’éternité, écrites dans d’anciens hiéroglyphes que plus personne ne comprend. J’ai déjà fait remarquer à Saint Pierre que ce n’était pas un langage très inclusif, mais le vieux bougre ne veut rien entendre. Je suis donc là, à traduire pour celles et ceux qui, passés de vie à trépas, se retrouvent sur le pas de la porte du Paradis

Zoé

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Un/une responsable de la documentation technique des collections doit répondre de ses actes ou ceux d’autrui et est la cause volontaire d’actes raisonnables et réfléchis lors de la recherche de documents basée sur des procédés méthodiques fondés employés à la production de réunion d’objets précieux et intéressants.

Son métier consiste en d’autres mots à légitimer sa personne, celle de ses collègues, à légitimer ses recherches par une méthodologie validée par ses pairs pour produire et réunir ensuite les objets de valeur.

Sonia

Il était une fois une animatrice de jeux télé.

Elle faisait très bien son métier.

Parler lui était naturel depuis toujours.

Pourtant, ce qu'elle préférait par-dessus tout

c'était le silence. C'est pourquoi elle trainait toujours dans les cimetières.

Elle avait besoin de ça, se retrouver avec les morts pour donner du sens à sa vie. C'était son exutoire. Elle pouvait pleurer sans qu'on lui reproche d'être faible, elle pouvait déverser son émotion sans aucune retenue. Elle se présentait crue aux morts pour qu'ils la guident.

Ce moment où les morts ont le choix entre répondre à sa demande de l'emmener à jamais est un moment suspendu. Son cœur est partagé entre l'excitation et la terreur. Elle est là, statique, en contrôle de sa respiration. Elle attend que la décision soit prononcée. Un cliquetis de charnières démarre. La réponse est proche.

Texte collectif rédigé sur le principe du cadavre exquis

Ma mère était sous-cheffe dans un laboratoire de biochimie d’un hôpital bruxellois. Aujourd’hui elle est retraitée depuis de nombreuses années. Comme sous-cheffe, elle avait des longues journées et ne quittait le labo qu’à l’arrivée de l’équipe de nuit pour s’assurer que les machines servant aux analyses fonctionnaient correctement. Il lui arrivait de ramener du travail à la maison. Elle me demandait alors de l'aider à vérifier les résultats d’analyses de patients. Je parcourais avec elle les colonnes comportant plusieurs centaines de valeurs avec des virgules. Après l’école, il m’arrivait de me rendre au labo pour rentrer avec elle le soir. J’étais toujours fascinée par son univers étrange : le bruit haché des machines, les tubes en verre remplis de réactif aux couleurs pastel, les odeurs pénétrantes de produits...

Sonia

10 minutes d'écriture - thème imposé

Des heures supplémentaires en veux-tu en voilà. Le rythme était insupportable et ces heures supplémentaires nous mettaient toutes à genoux. Nous n’en pouvions plus de travailler 15, voire 16 heures par jour. Parfois on devait même venir le samedi pour finir notre ouvrage. Aucune de nous n’arrivait à terminer dans les temps ce que nous devions faire. Les tâches étaient pourtant sans grande difficulté. Il n’y avait pas de geste particulièrement technique ou compliqué à réaliser mais c’était répétitif et la productivité demandée par l’entreprise était gigantesque. Les dirigeants voulaient sans cesse produire plus et plus pour, disaient-ils, rester compétitifs. C’est pour rester compétitifs également qu’ils refusaient d’augmenter notre salaire, qui lui ne l’était pas du tout compétitif. Heureusement nous pouvions, de temps à autre récupérer une partie de ces heures supplémentaires. C’était déjà ça mais ce qu’on aurait voulu, c’était une augmentation quand même. En effet, à force de faire des heures supplémentaires, nous ne voyions plus ni nos enfants, ni le soleil, même en été.

Zoé

20 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Madame, Monsieur,

C’est dans les toilettes d’un cabinet dentaire que je suis tombée par hasard sur votre annonce, publiée dans le Figaro Enchaîné, journal qui me tombe généralement des mains. Cette annonce pour le poste d’administrateur de données junior n’a pas vraiment retenu mon attention et loin de moi l’idée de vouloir postuler pour ce job qui me semble particulièrement ennuyant.

J’ai toujours ressenti la plus vive suspicion envers les banques d’affaires, qui plus est celles gérant des patrimoines immobiliers et des portefeuilles de créances immobilières. Je ne connais bien sûr rien au secteur mais j’imagine que vos clients sont des gens nés une cuillère en argent dans la bouche et dont la fortune est sûrement bâtie sur l’exploitation et la sueur d’autrui, et installés dans un paradis fiscal. Pour ce qui est de la fonction en elle-même, j’ai beaucoup déchanté lorsque je me suis rendu compte que les systèmes SQL Plus dont il était question ne signifiait pas que vous proposiez des Séances de Qi Jong Libérateur Plus mais qu’il s’agissait d’un logiciel. Tout comme l’Oracle dont il était question n’était pas l’Oracle de Delphes ou une personne de l’équipe qui proposerait des consultations pour réfléchir à nos chemins de vie. De même, me rendre compte que l’intégrité des données de la base ne faisait vraisemblablement pas référence à l’infinie générosité et coopération entre chaque membre d’une société mais plus certainement d’octets et de megabites binaires.

N'ayant jamais été intéressés par ce type d’emploi, je n’ai bien sûr aucune expérience dans le secteur, et ne sont pas du tout disponible pour un entretien.

Je ne suis donc pas dans l’attente d’une réponse de votre part.

Salutations.

Zoé

Lettre de non-motivation

Monsieur, Madame,

Pôle Emploi m’a envoyé cet après-midi votre annonce pour une femme de ménage. Je vois que c’est pour commencer aujourd’hui pour une mission de seulement 4 heures.

Etant donné que je suis tenue d’envoyer dix candidatures par semaine, et que j’en avais déjà envoyé neuf depuis lundi, j’ai le plaisir de vous annoncer que vous êtes l’heureux destinataire de cette dixième lettre de non-motivation de cette semaine !

J’habite Mont-Cauvaire et ce déplacement vers le centre-ville en voiture me coûterait non seulement cher en essence et en parking, mais également en temps ; trois heures de trajet dans les embouteillages pour seulement quatre heures de travail. J’ai vérifié les horaires et calculé le temps de voyage en transports en commun qui est à peu près équivalent à cause des raccords et des temps d’attente.

De plus, comme vous pouvez voir dans le CV ci-joint, je n’ai pas de compétences dans le nettoyage de gravats de construction. Je propose que vous recontactiez l’entreprise responsable de l’état de votre appartement. Bien que très courageuse et assidue à la tâche, je ne suis pas assurée pour ces risques.

Je vous souhaite de trouver la candidate idéale pour remettre votre appartement en état !

Veuillez agréer, Monsieur, Madame, mes plus humbles salutations.

Sonia

Lettre de non-motivation

Encore une journée où mes doigts ont été piqués par ces fines aiguilles. Une petite goutte de sang fait son apparition sur mon index ; vite que je prenne un mouchoir pour stopper l’hémorragie. Si par malheur je tâche ce corset, on va me renvoyer travailler sur cette foutue Singer. Je préfère encore broder cette lingerie qui ne me sera sans doute jamais accessible. Oui, je couds pour la grande bourgeoisie, pour ces dames qui pensent que s’étouffer chaque matin avec cet instrument de torture, en serrant une à une ces agrafes et ces ficelles, les placeront plus haut dans les sphères mondaines. Tic, tac, tic, tac, je ne me ferai jamais aux bruits de ces machines. Cela fait à présent deux ans que je travaille dans cet immense atelier. Les sons y sont tellement forts qu’ils ont percé mes tympans. Ils font partie de moi, c’est un bruit de fond qui ne cessera jamais. Est-ce que j’aurai un jour la possibilité moi aussi de porter ce genre d’extravagance ? Je me pose souvent cette question, mon père me dit : « tu as du pain sur la table, soit clémente de ce que le bon Dieu t’offre ! » je ne suis pas ingrate envers ma vie vous savez, mais « le corset : l’aimée », ta future propriétaire sait-t-elle ce que j’ai enduré pour lui confectionner cette pièce pour son plaisir coupable ? Elle qu’on ne verra jamais dans les environs ici, chez la sous-classe des travailleurs industriels. Et mon père aime ajouter : « Tu verras d’ici quelques années, ce seront ces machines qui nous remplaceront ». Je suis une optimiste dans l’âme vous savez. Moi j’espère seulement que dans le futur, certains se souviendront de nous, les travailleurs de la Fonderie.

Fozia

30 minutes d'écriture - texte inspiré par un objet exposé dans l'exposition permanente du Musée bruxellois des industries et du travail (machine à coudre Singer)

Règlement de travail de la STGP (Société des Tueurs à Gage Psychopathes)

REGLES GENERALES

  1. Les membres de l’organisation n’ont pas d’horaire et doivent être disponibles à toute heure, de jour et de nuit, 24 h/24 et 7J/7.

  1. Il est strictement interdit à tous nos membres de laisser son téléphone portable se décharger. La batterie doit être chargée en permanence, à toute heure, tout comme les armes à feu.

PAIEMENT : MODALITES

  1. Non-traçabilité de paiement : les paiements se font uniquement en liquide et sont ensuite transférés via plusieurs comptes intermédiaires aux Iles Caïmans ou au Panama (Choisir sa préférence)

  1. Non-traçabilité du travail : Le montant du paiement dépendra de l’appréciation du chef et sera en fonction de l’originalité du moyen d’exécution ainsi que de la netteté du travail.

EQUIPEMENT

5) Les outils de travail sont laissés à l’appréciation du travailleur (arme tranchante, arme à feu, corde, mains, poison ou autre)

RESPONSABILITE JURIDIQUE

6) L’organisation est uniquement orientée résultat et décline toute responsabilité en cas d’imprévus et de poursuites judiciaires.

7) Tout membre de l’organisation est tenu de régler les cas de harcèlement par ses propres moyens avec les outils mis à sa disposition.

AUTRES

8) Hygiène et discrétion : Chaque criminel doit avoir une tenue irréprochable. Toute tache produite dans l’exercice de ses activités doit être effacée et tout son étouffé.

Lu et approuvé (date et signature)

Fait en deux exemplaires (chaque partie ingère son exemplaire)

Sonia

60 minutes d'écriture - règlement de travail dans le genre littéraire "horreur"

EN-CAS

Employée Nullipare - Chargée d’Apaiser le Stress

Zoé

Ma mère a trouvé un nouveau travail, mais elle culpabilise car elle dit qu’à cause d’elle, d’autres travailleurs vont devoir avoir des horaires plus longs. Aujourd’hui, on se rend aux étangs de Boitsfort, nous allons devoir allumer tous les réverbères qui longent cette longue étendue d’eau. Ma mère a travaillé dix ans dans une confiserie, elle se dit clémente vis-à-vis de la société de gaz qui l’a engagée malgré son handicap. Après avoir emballé d’innombrables bonbons toutes ces années, elle ne sait plus bouger son poignet, toutes les articulations de sa mains sont douloureuses. Alors c’était bien pratique pour elle que je l’accompagne travailler maintenant que je suis en âge de l’aider. On se rend sur place une heure avant le coucher du soleil, et je monte sur cette longue échelle en bois. Je suis petit et léger, c’est facile pour moi, et puis, je n’ai pas peur de la hauteur, et mes petites mains sont bien pratiques pour pénétrer dans ces lampes en verre. Un cliquetis, un, deux, trois, la lumière apparait. J’aime cette sensation, du haut de mes six ans, j’ai l’impression d’être un magicien qui illumine Bruxelles comme par magie.

Fozia

20 minutes d'écriture - texte inspiré par une photo faisant partie des collections de La Fonderie

Le doux chuchotement arrivait à ses oreilles

Travail, travaille travaille et gagne plein d’oseille

C’est en suivant ce pathétique conseil

La mort dans l’âme, le corps en veille

Santé foutue, vie perdue. Médecin conseil

Zoé

Acrostiche

Madame, Monsieur,

Je ne souhaite pas me présenter car je pense que ce serait une lecture inutile pour vous.

Votre poste de « chargé de projet » est porteur de messages de renouveau mais personnellement, je pense que c’est une vraie plaie.

Qui dans ce monde accepterait de travailler 40 heures par semaine ? Et puis, qu’est ce que vous entendez par « chargé de projet » ? Un titre aussi désuet n’aurait jamais du voir le jour. Je n’ai aucune volonté d’utiliser le moindre de mes neurones pour comprendre les objectifs du travail que vous proposez.

L’imaginaire, la fantaisie, ce n’est pas fait pour moi ! Je recherche du concret, et votre entreprise demande de moi tout à fait autre chose.

Un travail à temps plein et de jour, mais quelles sont ces conditions ? Vous auriez pu quand même préciser à quelle heure commence une journée et à quelle heure elle se finit, et de quels jours de la semaine parle-t-on ?

Non, vous faites partis de ces nouvelles boites qui laisse le libre choix ; moi, je ne souhaite pas choisir. Le travail est le travail et ma vie personnelle est privée. Et non, je ne veux pas faire partie de ces gens qui disent « mon travail, c’est ma vie ».

Alors oui, je n’ai aucune motivation à postuler dans votre entreprise ; je veux qu’on me donne un cadre et qu’on me l’impose !

Je n’ai pas le temps pour les rêveries, et après tout ce que j’ai écrit, vous comprendrez bien que vous m’avez fait perdre mon temps !

Cordialement.

Fozia

Lettre de non-motivation

Pourquoi le bureau a 4 pieds ?

Parce que s’il en avait deux ce serait un homme. Parce que la nuit il se transforme en chat. Parce que trois ça porte malheur. Parce que le constructeur n’avait que deux mains. Pour se rappeler des points cardinaux. Parce que c’est un fossile de libellule.

Zoé

Il était une fois un professeur de français. Ce professeur détestait que les élèves se trompent durant les dictées. Chaque fois qu'un élève se trompait, il trouvait un moyen de tuer cet élève, pour ce qu'il qualifiait de "sacrifice pour sauver la langue française". Le professeur cachait les cadavres des élèves dans la bibliothèque, où il voulait que personne ne mette les pieds.

Le professeur était un homme malingre, vieux garçon de son état, toujours jovial. Il vivait dans le patelin depuis Dieu sait combien de temps. Par conséquent, il connaissait l'histoire de toutes les familles. Une seule fois, il avait été amoureux, et se désespérait d'avoir gardé ce secret.

Il n'avait en effet jamais rien dit et en particulier, il n'avait pas avoué à la personne concernée qu'il l'aimait. Vingt ans plus tard, lorsqu'ils se croisaient, il frémissait à l'idée d'avouer sa passion. Peut-être ressentait-il encore quelque chose ?

Texte collectif rédigé sur le principe du cadavre exquis

Il est mort en juin. Ou peut-être en avril. Personne ne sait si c’est du covid ou d’avoir trop fumé des sans-filtre. Peut-être est-ce plutôt l’humidité constante des vestiaires ou les effluves de chlore émanant de la piscine qui lui ont abimé les poumons. On ne sait pas. Mais il manque à tout le monde. Guy ? Serge ? Marc ? Je pense que peu de nageurs connaissaient son prénom, mais tous l’avaient croisé au sortir du grand bassin des Bains de Bruxelles, à côté de la place du Jeu de Balle, au deuxième étage, avec vue sur la ville. C’est lui qu’on appelait pour ouvrir les cabines. La trente-trois. La cent soixante-deux. La soixante-dix. Et il répondait « j’arrive », en faisant tinter ses clés. Il nous ouvrait la cabine et repartait, répondant à d’autres nageurs. Plus personne n’entendra ses slaches claquer sur le carrelage mouillé.

Zoé

10 minutes d'écriture

Dans ma vie de tous les jours, j’aime planifier mes journées, je sais souvent quels seront mes plans pour les quinze voir vingt jours à venir. Le travail, une ou deux sorties au restaurant, une visite chez la famille, quelques verres trinqués avec mes amis et puis un peu de temps pour mes plaisirs personnels aussi. Mais fort heureusement, je ne suis qu’un être humain, et il m’arrive des fois de tout envoyer en l’air et de décider de ne rien faire. Aujourd’hui nous sommes dimanche et mon occupation est de rester à mon domicile et de ne pas me permettre de perdre une seule goutte de sueur. « PROCRASTINATION » est le mot d’ordre. Il me faut juste un plaid, mon mug d’un demi-litre de tisane et un sofa, « NETFLIX AND CHILL » comme le diront certains. Je ne veux pas penser au futur, je souhaite rester en « STAND BY » et apprécier le moment présent, sans me soucier de tout ce qui se passe dans le reste du monde, je veux me mettre en veille quelques heures, l’histoire de reprendre ma vie avec un nouvel élan.

Fozia

10 minutes d'écriture - 5 mots imposés

Si j’étais dompteur de fauves, je me réveillerais le matin dans ma caravane, identique aux caravanes de autres membres de la trouve du cirque. Dans ce petit espace j’aurais toute ma vie, quelques habits de ville et des costumes de cérémonie, tous plus chatoyants les uns que les autres ; une coiffeuse en acajou, devant laquelle je me maquillerais avant chaque représentation. Dans cette caravane j’aurais aussi quelques livres : des biographies de dompteurs de fauves célèbres, des manuels d’éthologie et d’histoire du cirque. Chaque matin je me réveillerais dans cette caravane, dans une ville différente, chaque semaine, au gré des tournées de notre cirque. Mes matinées seraient consacrées à prendre soin des animaux que le grand public pense être féroces et sauvages. Moi je sais que ce ne sont en fait que de grands chatons un peu patauds et parfois maladroits dans leurs gestes. J’aime être en contact avec eux, leur parler, leur communiquer la passion du public, faire en sorte qu’ils n’aient plus peur des cris des enfants et des applaudissements. Les rassurer.

L’après-midi je prendrais du temps pour moi, me reposer et me concentrer pour le soir et le grand spectacle. Malheureusement, dompteur de fauves, ça n’a plus d’avenir. En effet, les cirques ne pourront bientôt plus avoir d’animaux sauvages et je devrai ranger mes fouets et costumes à paillettes. Alors je me reconvertirai et me contenterai de dompter les puces de mon chat Minouche.

Zoé

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

ASSISTANT PHARMACEUTI-TECHNIQUE

Un technicien chargé de secourir en urgence le personnel pharmaceutique pour empêcher un homicide en pharmacie.

Fozia

Réinventez votre métier

2122. Cela fait 50 ans maintenant que la chaleur est devenue insoutenable sur terre et que l’eau s’est raréfiée. Seules quelques grottes situées dans les hauteurs, en Himalaya, dans les Andes ou les Alpes, sont encore aptes à accueillir des humains et quelques rares animaux. Plus aucune surface de la terre n’est apte à la culture des plantes, ni aucun océan à la survie des poissons. Paysans, maraîchers, pécheurs : toutes ces professions n’existent plus. Après un regain d’intérêt dans les années 2020 pour ce qu’on appelait alors la néo-ruralité, ces personnes ont du se reconvertir et trouver d’autres façons de vivre (ou survivre) . En 2022, Vandana Shiva, célèbre activiste indienne, posait la question de savoir qui nourrissait réellement l’humanité. A cette époque déjà sa réponse faisait peur et pourtant, alors que cela faisait déjà 50 ans (depuis le sommet de la terre de 1972) que les scientifiques alertaient sur l’urgence de changer nos modes de vie, notamment en retournant vers une agriculture paysanne plus respectueuse des sols et de l’environnement. Rien de tout cela n’a changé les choses. COP après COP, l’humanité continuait sa course folle. C’est donc la mort dans l’âme que, petit à petit, les paysans ont dû changer de vie, acceptant bien contre eux de voir se développer les méga-industries produisant les pilules nécessaires à la survie des corps humains. Certains et certaines d’entre eux se sont réfugiés dans les montagnes ou les forêts, là où l’ombre et l’humidité permet encore quelque culture peu gourmande en eau. D’autres se sont laissés appâter par les salaires et avantages matériels que leur faisait miroiter Nestlone et Bayonto, quittant champs et binettes pour travailler dans des laboratoires à concevoir pilules et sérums. D’autres encore sont morts, de faim pour certains. Suicidés pour d’autres. Petit à petit, il n’a plus été possible de produire de la nourriture autrement qu’à partir de synthèse d’éléments artificiels. Bêches, binettes, grelinettes, rateau, serfouettes, autant d’outils qui, dans un premier temps, ont été relégués au fin fond des musées, comme la Fonderie, et qui, à mesure que la vie dans les villes et les plaines est devenue insoutenable, ont été complètement abandonnés et oubliés. Tout comme les mots paysans, paysannes, terre, culture, récolte.

Zoé

40 minutes d'écriture - époque imposée

Ce dimanche était presque pareil à tous les dimanches. Après la messe, Simon rentra à la maison avec ses parents. Leur maison était située dans le quartier des Marolles au fond de l’impasse des Souliers. Cette matinée était particulièrement ensoleillée. Simon se souvint que le dimanche s’appelait zondag en flamand, “jour de soleil”.

Sur le chemin, il avait vu au loin ses amis Norbert et Jean en train de jouer aux billes, mais il sut d’avance qu’il était inutile de demander à ses parents de pouvoir se joindre à eux. Il devait aider son père à finir de peindre des petits soldats miniatures en bois, car l’anniversaire du fils aîné de la famille De Brouwers était ce mercredi et la commande devait être prête pour demain soir.

Alors que ce matin, il était de bonne humeur, la perspective de passer une journée entière à travailler à l’intérieur assombrit ses pensées. D’autant plus que Nicolas, le destinataire du cadeau, lui était insupportable. Fils du docteur De Brouwers, Nicolas était l’élève préféré de l’instituteur Monsieur Schoonjans, qui l’avait installé au premier rang. Bon élève, il n’était surpassé par Simon qu’en géographie, en histoire et en gymnastique. A chaque fois qu’ils se croisaient, ils s’ignoraient ostensiblement. De toute façon, ils n’étaient pas du même monde.

Et voilà que son père lui avait demandé hier soir de l’aider à la décoration des costumes de ces malheureux soldats, précisément à cause de ses connaissances en histoire militaire ! Après le dîner, une soupe à l’oignon et une tranche de pain, qui fut vite expédié, ils se mirent à l’ouvrage. Les dents serrées, Simon s’installa à côté de son père, comme jadis les galériens à leurs rames. La pièce ne comptait qu’une seule table, c’était celle de la salle à manger qui servait tant au repas qu'aux divers travaux de la famille, couture et travail sur bois pour ses parents et devoirs d’école pour Simon. Le temps s’écoula lentement. La lumière diminua au fil des heures, jusqu’au moment où l’obscurité l’empêcha de distinguer les contrastes. En temps normal on se souciait d’économiser l’éclairage, mais vu l’importance du client, on alluma la lampe à pétrole. Après le souper, son père sortit un moment pour discuter avec son voisin. Comme si sa main n'avait attendu que cet instant, et sans qu’il puisse l’arrêter, il se vit écrire des mots injurieux sur le torse des soldats. Le cœur battant, il guetta le retour de son père. Cette offense lui vaudrait dix des coups de ceinture.

Au retour de son père, une couche de peinture avait déjà recouvert son méfait et, les joues brûlantes, il acheva les boutons des redingotes.

-Terminé, fiston ? demanda son père avec un grand sourire.

-Oui, tout juste !

-Bravo, tu me sauves, ça c’est du beau travail, je suis très fier de toi ! Ils sont magnifiques !

Le mercredi matin, Simon vit Nicolas, entouré de ses camarades qui lui souhaitaient un bon anniversaire. A son grand étonnement, ce dernier afficha une mine contrariée. Sa mine maussade dura jusqu’à la fin de la semaine. Simon finit par oublier l’incident. Parfois, en y repensant, il lui arrivait de rire rétrospectivement.

Leurs chemins se séparèrent. Malgré l'opposition de son père, Simon parvint à poursuivre des études artistiques en cours du soir. Il s'inscrivit à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles à l’aide d’une bourse. A présent il y enseignait la peinture.

Bien plus tard, il eut parmi ses élèves un jeune homme prometteur mais très timide nommé Charles De Brouwer. Se pourrait-il ?

Un jour, le père du jeune garçon l’attendit à la sortie du cours. Il le reconnut immédiatement malgré les trente ans écoulés depuis et les kilos installés. Ce camarade, qu’il avait toujours jugé hautain et froid, se révéla être gentil et réservé. Nicolas avait renoncé à son rêve de devenir danseur pour reprendre le cabinet de médecine de son père.

Lorsque Simon lui reparla du cadeau, il lui sembla avoir ravivé un mauvais souvenir.

- Oui, je me souviens de ce jeu, qui était magnifique, mais qui m’avait effectivement fort contrarié. Je vous fais mes excuses car j’ignorais que vous l’aviez fabriqué. Seulement, voilà que mon père a pensé à m’offrir des soldats alors que j’ai toujours détesté le cours d’histoire et encore plus l’histoire militaire ! J'ai retrouvé ce jeu en rangeant mon grenier et je l’ai offert à un musée bruxellois !

Si un jour ce musée décidait de faire restaurer les soldats, on pourrait découvrir des mots tracés d’une main d’enfant malhabile. Mais il n’est pas sûr que l'on en comprendrait le sens, car l’usage du bruxellois s’est perdu.

Sonia

30 minutes d'écriture - texte inspiré par un objet exposé au Musée bruxellois des industries et du travail