Atelier en soirées 2023

Le printemps se fait attendre. Mais le premier soir de l'atelier 2023 s'avère plus doux que les jours qui l'ont précédé. Pourvu que cela soit un bon présage...

Le travail, c'est un mot masculin. Au pluriel, ça donne travaux, comme dans travaux forcés, une punition en soi. Mais ce n'est pas le juge qui l'ordonne, c'est la condition de chacun. 

Le fait même de penser "chacun" était insupportable pour Elon Musk. Depuis qu'un gouvernement éco-socialiste avait remporté les élections, "chacun" avait droit à la même quantité (limitée) de pétrole, de gaz, etc. C'était l'égalité. Mais comment allait-il faire décoller ses fusées ?!

Vers les espaces lointains, mondes inhabités et à terraformer... Laissant loin derrière la belle bleue, terre-mère ou mer, berceau de notre (in?)humanité. 

Joëlle, Josua et Serge

Texte collectif rédigé sur le principe du cadavre exquis

Vous présenter mon métier ? Je suis artisan luthier. Luthier cordes pincées, pas cordes frottées, je crée principalement des guitares. Les guitares c’est avant tout la caisse de résonance, son ton, sa tessiture.

Le bois est rare, les essences rares sont très coûteuses. C’est alors toute une équation : utiliser le bois, le faire revivre, le magnifier pour produire de la musique ? Ou ne pas l’utiliser du tout pour espérer le laisser vivre sa vie d’arbre ?
Je peux utiliser les matériaux composites, ils rendent des sons nouveaux, parfois étonnants, mais le toucher est rarement aussi chaud, aussi sensuel : c’est différent. Il y a sans doute cette nostalgie de manipuler le matériau vivant, détonnant.

Lorsque c’est le cas, je dégage tout le temps possible ; c’est plus qu’une commande, c’est une œuvre. Pas question alors de rentabilité, ou de productivité et si les Intelligences Artificielles préconçoivent les plans, je retouche toujours celui que je choisis. Pas uniquement pour mettre ma patte, mais les IA, si elles sont performantes en pertinence, en robustesse, leur résultat est… plat, incolore, inodore bref prévisible. Or il faut avant tout créer la substantifique moelle rabelaisienne autant pour la jouabilité que pour la résonance. Cela seul est digne d’un instrument de 2123.

 

Joëlle

30 minutes d'écriture - époque imposée

Les usines Bollinckx a Bruxelles - vous connaissez ? Les ateliers, tout près de la rue de l’école ?

 

J’écris mes premières lignes à l’abri de grandes toiles qui nous présentent la vue générale des usines dans l’exposition de La Fonderie.

De loin, le dessin ancien essaie de me mesmériser avec ses lignes fumées, en sépia. Mon regard se pose sur la fumée des fourneaux, sur le toit des grands bâtiments sur lesquels le dessinateur a sans doute appliqué des étiquettes qui décrivent l’affectation de chacun d’eux : chaudronnerie, bois et modèlerie, outillage, montage.

De près, la vue commence à perdre son allure, on peut voir des silhouettes des hommes (pas de femmes), des chevaux et pièces de métal, des grues. On se rend rapidement compte qu’ici c’est le métal qui règne, au moins dans la cour des ateliers, car de l’autre côté règne le silence.

 

En poussant la porte on arrive tout juste dans l’arène ou l’homme s’attaque à dompter le métal. On voit le tour tout noir, graisseux, on peut entendre son souffle, son sifflement quand il montre ses défenses et il tourne, tourne en cercle. Malgré lui, il continue à tourner et à façonner d’autres pièces en métal, en grinçant des dents dans des charges interrompues d'étincelles.

 

Comment pouvoir expliquer, dans une publicité, ce qui se passe dans l’atelier ? Sur le papier on voit seulement des bouts de métaux rassemblés, des outils. On comprend leur utilité... au moins, les autres magiciens du métal la comprennent et les commandent en continuant de faire tourner une autre courroie, insaisissable, qui bouge les autres usines, des autres bureaux et qui domptent les autres métaux, les plus précieux. Celle qu’on voit dans l’atelier et qui nous effraye le plus est celle qui fait courir le tour a métaux. Le même matériel que la bride qui aide les travailleurs à porter leurs sabots.

La peau de grosses bêtes qui même mortes continuent à aider, donner au métal la forme requise.

La vie et la mort qui font porter le monde. La peur et la fierté qui font naitre des nouvelles choses.

Je regarde à nouveau le dessin. On voit les silhouettes des hommes, on ne sait rien d’eux, on voit seulement le métal, les bâtiments, les sabots.

Mara

50' de recherches, lecture et écriture - texte faisant le lien entre différents objets exposés au Musée bruxellois des industries et du travail

Ma collègue était plus jeune que moi mais qu'importe, elle était ma patronne et elle savait le montrer chaque jour. Pourtant, les dernières deux semaines, elle n'était pas dans son assiette. 

A y regarder de plus près, elle pouvait sentir quelque chose bouger. En son for intérieur, une transformation s'opérait, sans bruit, sans larme, sans cri. 

Naturellement, j'étais assez contrariée. Ça m'interpellait beaucoup mais, malgré cela, je restais sans rien dire, sans rien faire. J'avoue que j'étais également curieuse de savoir pourquoi. 

Conclusion, on a beau penser que les mauvais jours sont derrière nous, il suffit d'une rencontre, d'un regard, d'un bruit pour que rejaillissent les fantômes du passé qui nous font craindre l'avenir. 

Mara et Serge

Texte rédigé sur le principe du cadavre exquis

A bien y prêter la gueule, l'enfance voit le diamant dans le charbon et l'été dans toute saison. 

La famine subsiste dans le fond du cartable et avec elle les jours à l'horizon noir

mais le vermisseau y trouve son nord, n'en déplaise au ciel et aux hommes.

Comme eux ne parlent que de terre, c'est heureux!

Le vermisseau, lui, fait la cigale sous la pluie chaude, sans attendre que la nuit vienne faire la bise à la montagne. 

Maintenant il doit prier jusqu'à en crier pour qu'on le voit.

La foi et les coups, ça se trouve dans un trou de terril, au fond de la fosse. 

Mais l'enfance viendra poser sur sa joue rose et généreuse une bise des yeux

Tous les jours de kermesse qu'il dansera au pays des mineurs. 

Serge

40' d'écriture - tous les mots proviennent d'une liste de mots imposés

Quand j’étais petite je travaillais dans mes cahiers à tracer des lettres. Des bâtons obliques d’abord, penchés vers la droite juste un petit peu, comme les amis de grand-père après avoir bu un verre de plus. Comme je n’aimais pas l’eau vive ni que grand-père perde son équilibre, je préférais les tracer pareils aux herbes hautes d’été qui m’effrayaient parfois quand on faisait la taille. Je les comptais, et à la fin de page, je les trouvais très semblables.

Seule ma mère, bon gardien de la correctitude faisait signe de sa tête et de ses sourcils froncés afin que je comprenne que je devais recommencer une nouvelle page avec la même consigne.

J’aimais les lettres de tout mon cœur mais je gardais un amour égal pour les herbes de mon enfance.

Mara

10 minutes d’écriture – début du texte imposé

Briser le cercle du conflit...

Vous êtes-vous senti lésé ?

Lorsqu’une dispute éclate, vous sentez-vous démuni ?

Vous vivez un conflit et vous ne savez pas comment le résoudre ?

Vous comprenez alors qu’il est difficile de sortir de cette impasse.

WINWIN vous offre la solution pour gérer les conflits de manière satisfaisante.

Notre logiciel d’Intelligence Artificielle vous procure le cadre et les moyens nécessaires à la résolution de votre désaccord.

Mara, Serge et Joëlle

Les horizons des hommes dépourvus

Parlent fort comme les verres de vin.

 

Leurs jours heureux sont six fois trente

Ils voient leurs photos et ils prient.

 

Leurs métiers mineurs leur donnent

Des petits morceaux de généreuses kermesses.

 

Au fond de la fosse les diamants, on dit 

La leçon du temps les fait voir seul le charbon.

Que leurs cheveux blancs les font comprendre : le nord fait défaut

 

La terre et ses animaux.

Quelle foi !

Mara

40' d'écriture - tous les mots proviennent d'une liste de mots imposés

Lorsque je travaille, je me contemple de l'intérieur et je vois un cygne blanc qui s'étire en prenant son envol. Il traverse les nuages des mots sur papier. Il écrit son histoire d'amour pour les mots. Mais bosser, ça use les ailes de cire jusqu'à les rendre molles. Les muses s'amusent avec et les comptables aussi. Travailler dans l'édition, c'est prendre soin des âmes têtus avec des peaux, c'est fabriquer le consentement, l'exploiter, l'exporter une fois, et vendre au passage. 

Mara et Serge

Ecrit ensemble, 4 mots à la fois 

Quelques définitions du mot "travail":

Ensemble des activités buccales coordonnées en vue de produire du plaisir (Serge)

Ensemble des activités ouatées coordonnées en vue de produire la relaxation (Joëlle)

Action ou façon de travailler une toile (Mara)

Activité nécessaire à l'accomplissement d'une activité (Serge)

Action ou façon de travailler une glaise (Joëlle)

Activité laborieuse ininterrompue et ressourçante (Mara)

Activité laborieuse, pénible et chronophage (Joëlle)

Activité économique des méninges (aidés ou non par les AI), organisée en vue de produire des bulles et des sons répondant aux besoins métaphysiques et mystiques (Joëlle) 

Elle ne dort pas beaucoup. 4 heures par nuit lui sont plus que suffisantes. Elle fait le métier qu’elle aime, qu’elle a toujours aimé, bien avant le moment de la cérémonie qui devait annoncer la guilde à laquelle elle serait assignée.

Elle a l’habitude de prendre un petit déjeuner très frugal. Deux cachets lui suffisent. Elle les reçoit chaque semaine dans sa boite postale selon la commande qu’elle a faite la veille. Elle aime bien changer les couleurs de l’emballages et des cachets eux-mêmes. Aujourd’hui le café était bleu-ciel et le croissant couleur pistache.

Elle touche son poignet gauche de son pouce et commence sa journée de travail. Elle reçoit les données de son premier client : femme, blanche, 33 ans, rendant visite à ses futurs beaux-parents. Le pouls élevé, adrénaline. Normalement, elle ne devrait plus recevoir ce type de tâches depuis sa promotion, le mois passé.  Elle appuie de nouveau sur son poignet, et encore une fois... Le client suivant. De nouveau une femme, 74 ans, une année avant de prendre sa retraite, vient de recevoir le message de son management concernant une faute de travail.

Le pouce sur le poignet elle cherche le contact bleu et commence à transmettre la traduction au manager. Elle ferme les yeux, boit rapidement un verre d’eau et continue.

Après avoir fini avec son quatrième client, le témoin vert commence à clignoter. Elle reçoit pour la première fois un rapport de non-conformité : « Madame la traductrice d’émotions, vu la situation du dossier no. 212307151002, vous devez impérativement suivre 3 heures de mise a jour de vos compétences. Contactez votre superviseur endéans les 60 minutes ».

Mara

50 minutes d’écriture – époque imposée

Étiqueter toute la caisse :

Scratch

Scratch

Scratch

Aujourd’hui ce sont des petits contenants. Un truc bobo. Petit et cher.

Quelle besogne !

Puis il faut les placer joliment. Qu’entend-t-on par joliment ? Le chef a dit : « étiquette sexy sur le devant – régularité dans le positionnement dans le rayon ». Tu parles…

– Y a-t-il du Krafkem dedans ?

Le bonhomme est rondouillard, fringué costard, quinquagénaire pas du genre à faire ses courses.

Il dit ça comme on dirait du lait...

– Du quoi ?

– Du Krafkem 

Il dit ça comme on dirait du lait...

– C'est quoi ça ?

– Ça vient du japon

– Oui, eh bien le produit vient du japon...

Sans relever qu'il a répondu un tant soit peu à côté, le client continue de farfouiller :

– Bon, je n'en vois pas dans celle-ci...

Et de prendre un à un les flacons : il les approche de son nez puis les éloigne. Il doit avoir oublié ses lunettes. En attendant, adieu la belle ordonnance du rayon...

Thomas se redresse, passe d'un pied sur l'autre. Il pense à tous les rayons à agencer encore avant de pouvoir partir. Et il y a là des dizaines de petites bouteilles.
Aussi, pour aider, il en saisit une. Tout est en japonais. Il veut dire que tous les produits sont identiques, mais remarque que le côté arrière varie d'un article à l'autre. Etonné, et pour s'en assurer, il en dispose plusieurs sur une partie libre du rayonnage, côté pas sexy face à lui.
Et la farandole devient compréhensible. C'est comme un déclic, un nouveau langage qu'il connaîtrait de façon innée, et sous ses yeux le message s'inscrit clairement :

« Le voyage commence ici... »

 Joëlle

40' d'écriture - genre littéraire imposé

Elle n’avait plus vu sa voisine depuis 3 semaines. La porte était restée entrouverte jusqu’aujourd’hui matin. A sept heures moins quart, deux camions étaient garés devant sa porte et devant la maison voisine.

Des travailleurs commencèrent à fourmiller à l’intérieur. Elle entendait les bruits et les voix agaçantes des gens qui se chargeaient de mouvoir les meubles. Il n’y avait pas d’élévateur et elle entendait de temps a autres des claquements des bois qui atterrissaient dans le jardin, en écrasant les rosiers et les parterres de fleurs flétries.

Elle vit les déchargeurs entassant les meubles du salon, encore joliment préservés, dans le camion, direction Troc.

Les anciennes étagères en bois simple gisaient démantelées dans le jardin. Les travailleurs avaient fini leur boulot vers midi et elle s’aperçut que dans le jardin, au lieu des planches brisées, deux sacs étaient adossés à la haie. Des livres, assurément, selon le contour des sacs.

Elle descendit et sortit pour jeter un coup d’œil. Un papier jaune sur un des sacs disait : « à donner ou déchèterie ». Elle prit le premier sac et le traina jusqu’à l’entrée puis fit de même avec le deuxième. Par terre, encore une pile des volumes liés à l’ancienne.

Les derniers déchets ramassés elle les monta chez elle.

Mara

50 minutes d’écriture – fin du texte imposée

Gaston avait grandi dans une famille de mécaniciens. Le jour, son père et ses frères réparaient les bus scolaires de tout l’Etat. Le soir, Ils s’occupaient de leurs propres voitures ou de celles des copains. Le weekend, ils retapaient la grande maison où ils vivaient tous ensemble. Ils préparaient une extension de véranda, un étage en plus, etc. L’un était spécialiste de la découpe, l’autre de l’électricité, le dernier des matériaux. Tous étaient constamment informés des dernières nouveautés en matières d’outils et de techniques. Alors ils ne parlaient que de ça, nuit et jour. Même les vacances étaient du travail prolongé. Mais c’était un travail libre, car sans pression de rendement, ni contrôle qualité. Du coup, la période de commandes intense au garage n’impliquait pas de changement de discours à la maison, au contraire.

Gaston, lui, aimait les chiens, la cuisine, les BD, les filles, les pique-nique dans l’herbe, les après-midi entières à rouler dans les bois en écoutant des podcasts. Il ne s’était jamais passionné pour la mécanique, l’électricité, les nouvelles générations de câbles, la soudure ou le pas de vis. Quand on lui parlait de moteurs allemands, il s’interrogeait sur la collaboration nazie des grands constructeurs automobiles. Quand on s’affolait pour les voitures chinoises, il enquêtait sur le droit de propriété intellectuelle dans un régime se réclamant du communisme.

Gaston était de leur sang mais pas de leur monde. Cette obsession pour la ferraille et les vrombissements, pour les plans d’extension de terrasse et les contreplaqués isolants l’ennuyait profondément. Il se sentait seul et dès qu’il obtint son premier emploi, il planifia ses vacances. Avec son chien Jimmy et son vélo Turtle, il entreprit de voyager à travers l’ouest jusqu’à chez son vieil oncle, qui vivait à Seattle. 1750 kilomètres… c’était à la fois excitant et effrayant. Il avait calculé que même en roulant à son rythme, il lui faudrait pas moins de 20 jours compte tenu des fortes côtes à plusieurs endroits. Le retour se ferait en bus, avec le vélo accroché derrière. Il avait vu ça à la télé.

Gaston fit plusieurs tests, avec son chien Jimmy. Un jour, puis un weekend entier, pour vérifier qu’il tenait le rythme. Quand il revenait tout heureux et bronzé de ses périples, son père et ses frères lui demandaient : et si tu tombes en panne ? Tu sais changer la chaîne ? Et tes vitesses ? Et les rayons des roues ? Et la potence ? Et les freins ? Et Gaston balayait du revers d’une main. Il en avait marre qu’ils gâchent son grand projet avec leurs obsessions. Pour une fois qu’il avait une idée à lui, il fallait qu’ils viennent y mettre leur grain de sable, lui rappeler qu’il ne savait pas faire. Il se rassurait en se disant qu’il avait envoyé son vélo au garage du coin pour un contrôle technique, et que tout allait bien.

Le jour du départ finit par arriver et, tout à son bonheur, Gaston prit la peine d’embrasser ses frères et son père avant de s’élancer. « Surveille tes freins ! ». Il leur sourit et claqua la langue pour que Jimmy se mette à trotter. C’était une magnifique journée de mai, le soleil brillait haut dans le ciel bleu sans pour autant le brûler comme en été. Les champs fleuris l’accueillirent avec des ondées odorantes, si bien que la montée si redoutée ne fut pas si difficile. Quelle chance d’être porté par cette énergie de la nature ! Bientôt il arriva au sommet de la colline et la vue de la vallée était spectaculaire. Il l’admira longuement, tout en se régalant d’un bon sandwich qu’il partagea avec Jimmy.

Celui-ci bondit soudain vers le bas de la route. Il courrait derrière un lapin, qui lui-même se dirigeait vers la bretelle d’autoroute ! Gaston voyait le drame arriver. Jimmy allait finir percuté par une voiture. Il enfourcha son vélo et se lança à sa poursuite. A mesure qu’il s’approchait et gagnait de la vitesse, le chien accélérait à son tour. Il était si têtu ! Gaston dut se résigner à ralentir car à cette vitesse, la traversée des trous dans la chaussée qu’il apercevait pourrait être fatale. Il freina, mais les freins ne répondaient pas. Ils avaient lâché. Il ne les avait pas vérifiés, donc pas resserrés. Il n’aimait pas le bricolage. 

Josua

Thème imposé : bricolage – genre imposé : tragédie - 50 minutes d'écriture


Je sentais la chaleur m’envahir, mes joues étaient en feu. Même collée contre le poêle de mes grands-parents, je n’avais jamais ressenti une telle chaleur.

Je regardais les couleurs qui faisaient naitre cette chaleur, effrayée. Le rouge, l’orange, le jaune sortaient d’une grosse bouche de métal en branlant et en brayant. Les couleurs devenaient des cercles, je ne pouvais même imaginer les toucher, même si l’envie était là, même si les cercles étaient mous, comme une spirale jouet dans les mains d’un géant. Si j’étais un géant, j’aurais pu jouer avec.

La bande passait en dessous de nous, les couleurs s’estompaient, refroidies. Ma mère me tenait la main, j’étais une gamine de 5 ans. Elle ne disait rien, car le bruit nous faisait nous comporter comme des sourds-muets. Mais j’avais bien compris ce qu’elle voulait me dire : le lamineur, c’était là son travail dans l’usine.

Mara

10 minutes d’écriture – thème imposé