Plakmoya

Sarah est une fillette imprudente et suite à une terrifiante excursion qui tourne au drame, elle devient incontrôlable. Ses parents sont dépassé tout comme les autorités. A vrai dire, personne ne semble pouvoir l'arrêter.

Chapitre 1 : Vedette

Déjà une semaine, depuis que ma vie a basculé. La notoriété, c’est grisant. Je fais interview sur interview et je suis une vedette, alors que je vidais les poubelles du fastfood dans lequel je travaillais avant que l'événement le plus marquant de ma vie n’arrive. Une découverte si étonnante que les médias en font leurs choux gras, et c’est grâce à eux que je suis encore de la partie. Ils ont fait de moi la coqueluche planétaire des jeunes comme des moins jeunes, mais aussi celle des scientifiques. J'ai même du mal à dormir tellement tout tourbillonne autour de moi. Je commence à recevoir des lettres par dizaines sans vraiment comprendre la motivation de la plupart de leurs expéditeurs. J’ai lu les premières pour m’amuser, mais j’en ai vite eu marre. De toute façon, je n’ai pas le temps de m’y consacrer plus. Je profite de mon droit obtenu par les médias pour suivre au plus près les équipes en charge de l’exploration, même si j'ai déjà une grande partie du bâtiment. Je suis en quelque sorte euphorique, mais sans plus, car c’est loin d'être le cas de ma petite sœur qui n’a pas eu une expérience aussi merveilleuse que moi. Pour elle, l’aventure a vite tourné au cauchemar. Et je ne sais pas si elle s'en remettra. Une telle expérience, à onze ans, est loin d’être l’idéal. Je suis les recherches de près pour être certain qu’elle ne sera pas oubliée le moment venu, et les médias me sont d’un grand secours, car ils ont attendri l’opinion publique en racontant sa mésaventure. Son état semble se stabiliser selon les médecins, mais je reste inquiet. Car même si ses jours ne sont plus en danger, elle ne parle plus et montre des difficultés pour s’alimenter depuis le terrible choc qu’elle a subi. J'étais à deux pas d’elle quand tout s’est passé. Juste de l’autre côté de la cloison et à la fois de l’autre côté du bâtiment en suivant le chemin pour la rejoindre dans les méandres des lieux. J’imagine parfaitement qu’elle soit traumatisée. Mais que sa santé se soit si rapidement dégradée les deux premiers jours reste une énigme tant pour moi que pour les médecins. Surtout maintenant que tout est revenu à la normale sans qu’aucun traitement ne lui a été prodigué, comme demandé par nos parents. L’air marin en est peut-être la raison. Dès lors, les énigmes se sont multipliées à mesure que les découvertes affluaient.

Chapitre 2 : Nuit noire

Le bruit d’un impressionnant fracas déchira le silence de la nuit. Ce qui ne manqua pas de réveiller la petite Sarah. L’enfant âgée d’à peine onze ans bondit hors de son lit et se rua vers la fenêtre de sa chambre sans la moindre hésitation. Elle trébucha sur une chaussure qui trainait là, mais se rattrapa de justesse au rebord de la dite fenêtre. Son insatiable curiosité lui jouait souvent des tours, car elle oubliait de faire attention dans sa précipitation. Debout sur la pointe des pieds elle jetait un œil dehors, mais la nuit était si noire que même en écarquillant les yeux elle ne parvenait pas à définir la cause de ce vacarme. La seule chose qu’elle était parvenue à déterminer, c’était que du bois venait de craquer sous l’impact de quelque chose d’imposant. Elle imaginait immédiatement, comme à son habitude, une multitude de scénarios possibles expliquant l’événement qu’elle venait d’entendre. Et celui qui lui semblait le plus probable était que le ponton auquel son père amarrait sa barque de pêche venait de subir un violent choc.

Trop impatiente de découvrir la vérité, elle dévala les escaliers bousculant son frère qui sortait de sa chambre les yeux encore dans le vague. Elle saisit une lampe torche dans le placard en même temps qu’elle prenait et passait son manteau, franchit la porte d’entrée en toute hâte et s’approcha sans hésiter du ponton. Des grincements sans cesse plus importants, dus à ce qui devait être un frottement de bois, la confortant dans l’hypothèse qu’elle avait tout de suite imaginée. Soudain, une douleur à son gros orteil lui fit réaliser qu’elle était pieds nus et que les échardes étaient loin d’être ses amies. Tout en avançant, elle sautillait en essayant d’enlever d’une main l’écharde et de l’autre éclairant de sa lampe torche devant elle. Le petit bout de bois enfin retiré, le faisceau lumineux devant elle cessa de danser, reprenant un mouvement cohérent. Mais un épais brouillard avait élu domicile sur le bord de mer. Si bien qu’elle ne voyait pas le bord du ponton alors qu’elle n’en était qu’à quelques pas. Elle connaissait par cœur la distance qui la séparait du bord, à force de s’élancer pour plonger dans l’eau le plus loin possible. Elle poussa encore plus la témérité en s’enfonçant dans le brouillard afin de découvrir ce qui pouvait bien frotter. Sous ses pieds, elle sentait bien l’humidité tout comme dans l’air. Mais c’était plus que de l’humidité, car un picotement au niveau de l’écharde qui lui avait certainement fait une entaille lui fit réaliser que c’était dans de l’eau de mer qu’elle marchait maintenant. C’est alors que la voix de son frère retentit, du pas de la porte, celui-ci criait :

- Revient Sarah, j’ai eu papa au téléphone. Il arrivera une fois son intervention terminée.

Peut être que son père allait revenir, mais pour le moment ce qui lui importait c’est de savoir ce qui avait bien pu provoquer un tel bruit et rien de ce que lui dirait son frère ne l’empêcherait de résoudre ce mystère. Sans savoir pourquoi, elle s’arrêta soudainement, éclaira au sol et réalisa qu’à quelques centimètres devant elle le sol était enfoncé par ce qui devait être la proue d’un bateau. Elle remonta alors tout doucement le cône de lumière le faisant glisser sur le bois pour finalement pousser un cri strident lorsqu’apparut devant elle un large crâne qui la fixait droit dans les yeux. Aussi courageuse qu’elle pût être, ses jambes se dérobèrent la laissant chancelante quelques secondes, mais rapidement elle reprit le dessus.

- Rentre à la maison, sinon je viens te chercher, hurla son frère dans son dos.

La surprise qu’elle venait d’avoir, était telle, que tout ce que pouvait dire son frère n’était rien. Elle sortait de nouveau la tête qu’elle avait enfoncée dans ses épaules, et ne lâcha pas du regard le crâne qui la surplombait et lui lançait un regard menaçant. Pour finalement crier victorieuse à son frère :

Je crois que c’est un drakkar.

Chapitre 3 : Sans réponse

Monsieur Allanson était au chevet de sa fille et refusait qu’on lui enlève pour l’enfermer dans un hôpital. Elle restera chez nous, avait-il dit au médecin. Même si ses jours n’étaient pas en danger, les médecins insistaient pour la garder en observation. Ils estimaient que sa léthargie ne devait pas rester sans surveillance. Mais son refus catégorique et le soutien de son fils, les avait obligés à laisser une équipe médicale avec un véhicule équipé dans le fond de la cour.

Elle dormait imperturbablement, les yeux mi-clos et la respiration lente, mais régulière, alors qu’un tapage permanent troublait le silence habituel si appréciable de leur demeure. Le va-et-vient incessant des équipes techniques et scientifiques et des médias faisait que pas une seconde ne se passait sans qu’une personne en hélât une autre pour lui demander quelque chose. Il avait tant de difficulté à supporter la présence de tous ces gens, mais son fils parvenait à les tenir à l’écart de la maison, même si un infirmier venait toutes les quatre heures, hormis la nuit, pour voir l’évolution de l’état de Sarah.

Assis sur une chaise, il regardait sa fille, puis jetait un coup d’œil accusateur dehors sur l’énorme bateau encastré dans son ponton. Il ne comprenait pas pourquoi tous ces gens le parcouraient, ignorant le risque de se retrouver aliter et léthargique comme sa fille. Cupidité, curiosité, besoin de sensationnel et bien d’autres raisons sans doute, mais pour lui aucune ne valait le risque encouru.

Ce vestige du passé livrait aux hommes qui s’y aventuraient une somme surprenante d’artéfacts et tous aussi intriguant que le fait qu’un tel vaisseau a existe encore à notre époque. Étudié sous toutes les coutures, le drakkar était devenu le centre d’intérêt de la Terre, et pour il ne savait quelle raison sa fille et son fils l’était tout autant. Seul point positif à ce tableau tellement négatif des événements, l’absence de l’armée. Malgré tout, il subodorait que cela ne durerait pas longtemps, si une découverte, permettant un progrès militaire, quel qu’il soit, survenait. Car encore beaucoup de zones restaient inexplorées, et ce phénomène venu du fond des temps semblait loin d’être tari de ses secrets.

Le battage médiatique ne devait certainement pas être à leur gout non plus, car tout le monde se demandait maintenant comment ce drakkar âgé de plus de mille ans et d’origine inconnue avait pu remonter sur plusieurs centaines de kilomètres sans que personne ne l’ait pillé ou même seulement remarqué. Une telle chose aurait fait le tour d’internet en quelques heures.

Toutes ses réflexions furent soudainement interrompues par un léger grognement venu du lit. Bondissant sur ses deux pieds, Gustave s’approcha de sa fille. Ses lèvres semblaient remuer, mais il n’entendait aucun son s’en échapper. Il se pencha au-dessus d’elle, mais toujours rien alors que sa bouche restait entrouverte. C’est alors qu’une violente quinte de toux secoua la fillette et perlant de tout son corps de la sueur mouilla les draps comme si elle venait de sortir de l’eau. Voulant l’essuyer, son père se leva et courut chercher une serviette dans la salle de bain. À son retour, la fillette l’entendit arriver et se releva légèrement en tendant le bras. Affolé Gustave se précipita vers elle pour la soutenir et la serra contre lui. Elle était si mouillée que ses vêtements le furent tout autant en quelques secondes. C’est alors que d’une petite voix rauque elle émit un son que son père ne comprit pas.

- Qu’as-tu dit ? s’écria-t-il. Il colla alors son oreille près de sa bouche afin de mieux entendre. C'est seulement quand elle fut prise de violent, de spasmes, et qu'elle serra son père, si fort qu’il manqua rapidement d’air, qu’un mot sortit. Alors ils s’écroulèrent tous les deux. Elle, sur son lit, et son père sur le sol, juste aux pieds de son fils, qui venait d’arriver attiré par le bruit. Devant la scène improbable de son père et de sa sœur, tous deux inanimés, le jeune homme resta coi.

Chapitre 4 : Poussière

Si la situation était on pouvait plus effrayante pour une fillette de onze ans, c’était loin d’avoir cet effet sur Sarah. Bien que la vue du crâne, à l’aspect d’un terrible dragon, ne manquait pas de terrifier et de dissuader de s’approcher de celui qui le regardait. Quelques secondes suffirent à Sarah pour passer outre ce sentiment et de pousser un peu plus en avant et s’approcher du bateau. Trois pas de fait, et elle aperçut une brèche dans laquelle se faufiler. Elle avait juste la place de passer, mais c’était loin d’être le cas de son frère qui faisait preuve d’un certain embonpoint et d’une trop grande taille pour la suivre.

Une fois à l’intérieur, tout changea. C’était comme si elle venait de changer d’époque. Rien que l’air aussi humide que celle d’un marais la plongeait dans l’ambiance. À la fois oppressante et chargé d’odeur d’eau stagnante. Mais rapidement l’aspect ludique de la situation changea. Elle était seule sans son frère pour la protéger, mais l’excitation de la de l’exploration lui donnait du courage. Autour d’elle, la lumière de sa torche dévoilait le bois noirci par les années et la moisissure. Mousses et champignons qui avaient partiellement recouvert les murs ne manquaient pas de l’intriguer, alors que les algues qui recouvraient le sol et le rendaient glissant étaient désagréables à souhait en passant entre ses orteils. Le lieu semblait vide, hormis d’imposantes poutres verticales qui l’obligèrent à aller plus en avant et à s’éloigner de la fissure par laquelle elle venait de pénétrer dans l’antre du navire. Bientôt, elle ne la vit plus, et la voix de son frère devint juste comme un bruissement le long de la coque. Ses yeux scrutaient d’un endroit à un autre au gré du faisceau lumineux oscillant à cause de sa démarche chaotique provoquée par les algues. Elle perdit finalement l’équilibre et s’écroula visage le premier sur l’un des poteaux puis ne pouvant retenir sa chute, se retrouva presque couchée sur le sol à quelques pas de sa lampe qu’elle venait de laisser tomber. Elle allait rire de sa chute quand elle sentit que quelqu’un l’observait. Un frisson de frayeur lui parcourut le dos la poussant à se jeter comme une furie sur sa lampe, unique moyen d’observer autour d’elle. Une fois en main, elle fit volte-face et fit courir tout autour d’elle la lumière. Mais tout semblait vide. Elle avait surement rêvé. Sans doute un bruit que son frère avait fait à l’extérieur. S’étant rassurée, elle continua son exploration, tout en maitrisant ses pas, qui la menèrent rapidement à une petite porte. À peine plus grande qu’elle. Elle était entre ouverte et un léger frôlement sembla la muer. Elle stoppa net sa progression et se figea. Mais la curiosité l’emporta rapidement, sur le danger potentiel. D’un pas décidé, mais prudent, elle se lança en direction de la porte, foulant le bois centenaire du plancher comme l’aurait une exploratrice s’apprêtant à faire la découverte de sa vie. Le passage de la porte ne manqua pas de provoquer une poussée d’adrénaline quand elle l’ouvrit dans un grincement aussi désagréable qu’inquiétant en pesant de tout son poids pour ce faire.

Alors qu’elle s’attendait à ce que la poignée de métal rouillée se détache du bois, rien ne se fit et se retrouvait dans ce qui semblait être une cabine. D’un côté se trouvait un tonneau près de ce qui avait dû être une table. Au sol, dans les algues, étaient éparpillés bon nombre d’objets. Tous étaient en très mauvais état. Victimes du temps pour la majorité, d’autres, cassés, pour elle ne savait quelles raisons. Le long d’un des pieds de la table, elle crut reconnaitre ce qui devait être une sorte de crayon, mais ne vit pas de papier ni de livre à proximité. Elle fouilla plus en avant pour finalement, pousser un cri de surprise quand elle déplaça le cadavre d’un rat, coincé derrière le tonneau. Vexée d’avoir été victime d’un moment de faiblesse, elle alla plus en avant dans ses recherches et s’attela à déplacer le fameux tonneau afin de savoir ce qui avait bien pu attirer le rat pour qu’il soit coincé par ce dernier. Il était lourd, très lourds et très glissant de surcroit. Mais Sarah ne s’avouait pas vaincue et prenant appui sur le mur, elle le poussa l’aide de ses pieds. Elle sentit soudain payer ses efforts quand le fut commença à se déplacer. Mais la joie de la victoire fut de courte durée quand dans un violent craquement le fut bascule en s’enfonçant dans le sol, fermant et la bloquant ainsi de l’intérieur. À ce moment-là elle sut qu’elle n’arriverait pas à le déplacer. Qu’à cela ne tienne, elle ne se laissa pas démonter et poursuivit ce qu’elle avait commencé à faire. La zone qu’elle venait de dégager laissait maintenant apparaitre un bout de tissu plié soigneusement autour d’un objet, ce qui fit immédiatement oublié toutes les mésaventures quelle venait de subir. Elle saisit le tissu et réalisa que ce qui était dedans était plutôt lourd et rigide sans pour autant être dur. Elle comprit tout de suite ce que cela pouvait être. Elle le prit et le serra contre elle et continua sa visite de la pièce afin de se poser pour dévoiler la merveille qu’elle venait de trouver. À l’opposé d’où se trouvait son trésor, pendait du plafond un large tissu. Après avoir mieux éclairé, Sarah réalisa que c’était une sorte de rideaux qui pouvait glisser sur une corde, elle-même attachée de part et d’autre de la pièce. Il faisait office de cloison, et hormis la poussière qui le recouvrait, il était en parfait état. Ce qui décida la fillette à le tirer sans inquiétude.

Au même moment sa lampe perdit de son intensité n’éclairant qu’à quelques centimètres. Elle balaya rapidement et comprit que le rideau abritait tout simplement un lit et cette pièce devait être une cabine. Avant de ne plus avoir de lumière, et désireuse d’en savoir plus sur son trésor, elle s’assit sur le bord du lit et déballa avec précaution ce qui se révéla être ce qu’elle avait imaginé. Un livre. Elle jeta le tissu derrière elle et commença à feuilleter les premières pages du livre. C’est avec tristesse qu’elle comprit qu’elle serait incapable de le lire. Mais de magnifiques dessins illustraient les textes écrits d’une main experte. Les signes écrits étaient d’une étonnante régularité. Et elle se chuchota :

- Qui a bien pu écrire cela ?

À ce moment-là, un bruissement à sa droite lui fit tourner la tête et une voix étouffée répondit :

- Plakmoyaaaaa !

Son sang se glaça et seul un petit cri étouffé de terreur parvint à sortir de bouche. Dans le faible faisceau de sa lampe se dressait devant elle une femme si grande qu’elle touchait le plafond et était penchée sur elle. Son visage blanc, à la peau desséchée, ne s’exprimait que par ses yeux vitreux profondément enfoncés dans leurs orbites, et ceux-ci la fixaient d’un regard accusateur. Sarah tremblait tellement que les pages du livre faisaient voler la poussière alentour. La fillette, incapable de soutenir ce regard, baissa le sien pour en définitive réaliser que la femme tendait une de ses mains pour récupérer son livre. Dans son dos une autre voix répéta :

- Plaaaak moya !

N’osant se retourner, Sarah souleva le livre et l’approcha de la main décharnée devant elle, mais alors qu’elle le soulevait, la poussière s’engouffra dans sa gorge et elle fut prise par une quinte de toux qui lui fit lâcher le précieux objet. Terrifiée par ce qui venait d’arriver, Sarah voulut ramasser le livre et alors qu’elle se penchait, elle vit une lame dans la seconde main de la femme. Incapable de se contrôler, elle eut un mouvement de recul et s’empêtra dans le rideau tombant à la renverse. Au même moment la femme se jeta sur elle, plantant la lame à côté de son visage. Et se lèvres se posèrent sur les siennes comme pour lui donner son dernier baiser avant de lui prendre la vie. Son cœur lui parut exploser dans sa poitrine, alors que quelque chose l’empêchait de respirer. Puis tout fut noir et silencieux.