Interview d'un jour

Interview d’un jour

- Bonjour. Comment t’appelles-tu ?

- Joshua.

- Bien.

- Et toi, comment tu t’appelles ?

- Moi c’est Alice.

- Bonjour Alice.

- Quel âge as-tu ?

- J’ai bientôt 7 ans.

-Tu es un grand garçon.

- Oui, et je sais presque lire tous les mots sur les affiches.

- C’est très bien tout cela.

- Je peux vous montrer si vous voulez.

- Un peu plus tard, et je t’aiderai si tu as besoin.

- D’accord.

- Raconte-moi ce que tu aimes faire.

- J’aime jouer à la balle avec mes camarades, mais en ce moment je suis un peu fatigué alors je les regarde par la fenêtre.

- As-tu d’autres choses qui te plaisent ?

- Oh oui !

- J’aime pêcher sur le lac avec mon grand frère.

- Et tu y vas souvent sur ce lac ?

- Tous les matins quand mon frère est en congé.

- Tu as d’autres frères ?

- J’ai une sœur.

- Elle est gentille ?

- Oui. Très.

- Tu fais quoi avec elle ?

- Je prépare des gâteaux, et j’aime quand elle me lit des histoires avant de me coucher. Mais je suis sûr qu’elle invente certaines choses.

- Et ça ne te plaît pas.

- Si, mais j’aimerais entendre les mêmes fins que quand maman me les racontait.

- C’est aussi pour cela que tu veux apprendre à lire ?

- Aussi.

- Quel âge a-t-elle ?

- Quinze ans, c’est une grande. Mais moins que mon frère qui travaille à la carrière. Lui il a dix-sept ans.

- Qu’aimes-tu faire d’autre ?

- Chasser avec mon papa.

- Tu chasses ?!

- Oui. Le lapin. Comme je suis plutôt petit, j’arrive à me glisser dans les plus gros terriers, comme cela Flac et Spot nos deux chiens peuvent rabattre les lapins vers papa.

- Tu n’as pas peur de rester coincé.

- Non, papa est là pour m’aider à sortir.

- Cela t’est déjà arrivé.

- Oui. La dernière fois c’était la semaine dernière.

- Que s’est-il passé ?

- Hé bien, j’ai entendu un gros BOUM quand j’étais dans un terrier un peu étroit, et la terre à tremblé.

- Il y a eu un tremblement de terre !

- Non une explosion. Et la terre s’est effondrée autour de moi.

- Et ton papa t’a aidé à ressortir.

- Oui, mais nous n’avons pas pu sortir Flac et Spot.

- Pourquoi ?

- Papa n’en pouvait plus de faire des efforts. Il avait mis déjà beaucoup de temps à me sortir et j’ai eu très peur.

- Et maintenant.

- Ça va mieux, mais je fais des cauchemars.

- À cause de ce qui t’est arrivé ?

- Non.

- Pourquoi alors ?

- À cause de papa.

- Qu’est-il arrivé ?

- Il a été brûlé sur tout un côté lors de l’explosion.

- Et toi tu n’as pas été brûlé ?

- Pas vraiment, mais quand j’étais dans le terrier j’ai senti la terre chauffer tout autour de moi. J’ai même eu du mal à garder mes mains au sol tellement il était chaud. Et il y a eu un énorme souffle qui a fait tourbillonner la terre au sol. J’en ai eu plein les yeux et j’ai toussé si fort que la terre s’est effondrée autour de moi. Mais je n’ai pas pleuré.

- C’est très bien, tu es très courageux.

- C’est ce que papa m’a dit.

- Que tu étais courageux ?

- Que je devais être courageux !

- Pourquoi t’a-t-il dit cela ?

- Parce qu’il venait de perdre ses dents.

- Ses dents ?

- Oui, mais il avait déjà perdu ses cheveux trois jours avant.

- Ses cheveux aussi.

- Oui.

- C’était quand ?

- Avant hier.

- L’as-tu revu depuis ?

- Oui. Hier.

- Et que t’a-t-il dit ?

- Qu’il était fier.

- Pourquoi était-il fier de toi ?

- Je lui ai lu un poème que maman aimait.

- C’est gentil de lui avoir lu ce poème.

- En vérité, c’est ma sœur qui me l’a donné pour que je lui lise.

- Elle est gentille.

- Oui, mais elle pleure beaucoup depuis l’explosion.

- Elle est triste.

- Je le sais, surtout quand papa nous a dit au revoir avec les larmes aux yeux.

- Tu étais triste aussi ?

- Oui, et je le suis toujours, car je sais que je ne le révérai plus.

- Pourquoi dis-tu cela ?

- Parce que c’était un adieu et pas un au revoir. Il souffrait et je l’ai entendu, avant d’entrer, prier pour que Dieu l’emporte très vite pour que nos souffrances soient abrégées.

- Et toi qu’en penses-tu ?

- Je pense qu’il est mort et c’est pour cela que je ne l’ai pas vu depuis deux jours et que vous êtes là pour me l’annoncer.

- Je ne suis pas là pour t’annoncer quoi que ce soit. Je viens pour parler de ton histoire et la raconter à d’autres pour que cela n’arrive plus.

- Ma sœur et mon frère vont être très tristes.

- Ton père va leur manquer.

- Oui !

- Et à toi aussi.

- Non ?

- Pourquoi ?!

- Parce que je vais bientôt le rejoindre.

- Qu’est-ce qui te fait dire cela ?

- Hier quand mon frère est venu dans ma chambre après être allé voir mon père, il a passé sa main dans mes cheveux, il s’est mis à pleurer.

- C’est certainement par ce que la situation de ton père est dure à vivre.

- Peut-être, mais ce n’est pas à cause de ça.

- Pourquoi penses-tu cela ?

- Quand il a retiré sa main de mes cheveux, une partie est restée entre ses doigts. Et bientôt ce seront mes dents qui partiront, comme celle de papa.

- Ce n’est pas certain.

- Ce n’est pas grave ?

- Il ne faut pas dire cela.

- Je vais rejoindre mes parents et mes petites sœurs que je vais enfin pouvoir rencontrer.

- Tu es content ?

- Je le serai si personne ne va plus chasser.

- Ha ?

- C’est dangereux et tous les enfants n’ont pas quelqu’un à retrouver et être seul c’est dur.

- C’est gentil de penser aux autres.

- Vous pouvez me serrer dans vos bras ?

- Bien sûr.

- Sur votre badge il y a écrit journaliste.

- Bravo !

- Vous direz à mon frère et ma sœur que je les aime.

- Tu leur diras toi-même.

- Je ne pense pas, ils ne pourront pas venir aujourd’hui ni demain et je viens d’avaler ma première dent.

Le village de Joshua est situé non loin d’un centre d’essai balistique militaire.

Ce jour-là, une erreur de calcul a été faite.

Mais le plus grand malheur c’est que le projectile était équipé avec une matière radioactive…

S.CHANSON 30/05/2014