Un nouveau monde

Un nouveau monde

- Bonsoir Alice.

- Bonsoir Monsieur X.

- Il est temps pour moi.

- Vous êtes donc prêt à tout me raconter.

- En effet, ce monstrueux souvenir a besoin d’un auditoire.

- Pourrais-je le partager ?

- Vous le pouvez.

- Vous sentez-vous coupable ?

- Pas dans le sens où vous l’imaginez.

- C’est-à-dire ?

- C’était la guerre, et les ordres sont les ordres, mais là…

- La guerre ?

- Oui, une terrible époque.

- Auriez-vous aimé agir autrement ?

- J’ai toujours des doutes. Mais serions-nous là à parler le cas échéant ?

- Racontez-moi.

- Les moteurs faisaient un bruit assourdissant qui résonnait dans toute la carlingue. Comme mes compagnons de bord, je n’y prêtais pas attention. Notre mission nous inquiétait, mais nous n’avions pas le choix. C’est ce que nos supérieurs nous avaient dit. La tension et nos peurs intérieures étaient palpables. Osant à peine nous regarder, craignant d’immiscer le doute. Et pour cause, nous devions tous avoir les mêmes. Soudain, une voix autoritaire s’invita via les communications. Mes mains tremblaient sur le manche, mais je gardais le cap que l’on m’avait ordonné de suivre. Mon compagnon avait les yeux rivés sur ses instruments. Terrifié à l’idée de ne pas arriver à atteindre la cible, il essuyait sans cesse ses mains moites sur son pantalon, tout comme les gouttes de sueur sillonnant son front. Et malgré l’obscurité qui régnait dans le cockpit, je voyais sa pâleur inhabituelle. Derrière moi, j’entendais un de mes compagnons marmonner une prière. Tandis qu’un autre semblait retenir des larmes en reniflant.

« - Cible en approche, 3, 2, 1, larguez »

Une vague hésitation, et la bombe s’échappa de l’appareil. Le temps s’est alors arrêté tout comme notre souffle. Nous attendions . Je ne sais plus vraiment quoi ?

Quand finalement elle explosa. Un bruit de fin du monde et un éclair de souffrance plus tard, c’était l’ère du nucléaire.

Était-ce ça le nouveau monde ? Celui qu’on nous avait promis. Peut-être, mais à quel prix ?

- Vous vous demandez si vous auriez dû changer de cap ?

- Parfois.

- Pourquoi ?

- Il y a toujours la guerre, malgré tout cela.