Analyse_3

1.d4 Nf6 2.c4 g6 3.Nc3 Bg7 4.e4 d6 5.Nf3 O-O 6.Be2 e5 7.d5 Nbd7 8.Bg5 h6 9.Bh4 g5 10.Bg3 Nh5 11.O-O Nf4 12.Ne1 Nxe2+ 13.Qxe2 f5 14.exf5 Nf6 15.Nd3 Bxf5 16.f3 Qe8 17.Nf2 Qg6 18.Nfe4 g4 19.Rfe1 gxf3 20.gxf3 Nxe4 21.Nxe4 Qh5 22.Rac1 b6 23. Rc3 a5 24.b3 Rf7 25.a3 Raf8 (coups joués dans la partie Wexler-Fischer, Mar del Plata, 1960)

Suite préconisée par {stockfish_14053109_32bit} après 1 heure 30 d'analyse : 26. Te3 Fd7 (Eval : -1.31)

La question était : avec 27. Tf1, le pion f3 est-il définitivement consolidé ? Répondons y en trois temps.

1° temps : celui de l'indice (computer assisted evaluation)

Intuitivement, la réponse à la question est négative, puisqu'au terme de son analyse, {stockfish_14053109_32bit} recommande implicitement (par 27. b4) de se désintéresser de ce qui se passe à l'Aile Roi.

De nos jours, l'ordinateur, de par sa puissance de calcul, est supérieur aux meilleurs joueurs mondiaux, de sorte que s'il n'a pas retenu 27. Tf1, c'est qu'il doit y avoir vu des inconvénients.

Mais peut-être ce coup 27. Tf1 n'est-il après tout que légèrement inférieur (second-best computer move) à 27. b4 qu'il considère comme le meilleur.

Il faut donc essayer de comprendre la situation par soi-même, et analyser scientifiquement la position sous deux autres angles - et ceux-ci ne dépendent que de soi-même :

1. adopter le point de vue de l'adversaire : quel est son plan ?
2. critiquer ses propres coups : répondent-ils à la (aux) menace(s) créée(s) par le dernier coup de l'adversaire ? ou, si l'adversaire n'avait fait que réagir défensivement, le plan adopté par soi-même est-il réellement sans faiblesse ? N'autorise-t-il pas une contre-attaque à l'adversaire ?

2° temps : celui de la rétro-analyse : comprendre le plan de l'adversaire

On a bien compris que l'idée explicite (= le plan) de Bobby Fischer était d'évacuer la colonne f afin que les deux Tours (qui avaient été doublées aux 24° et 25° coups) exercent une pression maximale avec la Dame (qui avait été posée en h5 au 21° coup)

3° temps : celui de l'auto-analyse : saisir les forces et faiblesses de son propre plan

Revenons au dernier coup de l'analyse : le Fou se déplace de f5 en d7 (26... Fd7)

On a vu dans un diagramme précédent que le Fou avait, outre d7, quelques cases à sa disposition pour évacuer la colonne f (h3, g6, h7 et c8)

Diagramme 2 (rappel)

En revanche étaient alors interdites au Fou noir :

• la case e6 : si 26... Fe6 27. dxe6
• la case g4 : si 26... Fg4 27. fxg4

La faiblesse du plan qui a consisté à amener la Tour sur la case f1 pour soutenir le pion f3, c'est que (contrairement au Diagramme 2), la case g4 est ainsi redevenue accessible au Fou noir.

Diagramme 7

L'apparent sacrifice que font les Noirs de leur Fou est en réalité très momentané, puisqu'au coup suivant, ils s'emparent de la Tour avec échec : c'est un gain de qualité ; après l'échec; il ne reste plus aux Noirs qu'à évacuer leur Dame de h5 vers une case hors d'atteinte des pièces adverses.

En outre, la déviation du pion vers la colonne g permet aux Noirs d'obtenir une attaque à outrance de pièces blanches incapables de se lier entre elles pour développer du contre-jeu, ni contre le Roi, ni contre la Dame, ni contre la moindre des deux Tours noires.

Voici, pour s'en convaincre, l'activité respective des pièces blanches après 28. fxg4 Txf1+ 29. Rg2 Dg6

Le sacrifice du Fou en g4 a également a permis aux Noirs d'envahir la position blanche, mais aussi de s'assurer un contrôle exclusif, non seulement de tout ce qui est susceptible de se passer

• le long de la colonne f
• mais aussi le long de la première rangée du camp des Blancs

par exemple, toujours après 28. fxg4 Txf1+ 29. Rg2 Dg6 :

• a) 30. h4 Ta1
• b) 30. a4 Tb1 31. h4 Tff1
• c) 30. Fe1 T1f4

Dans chacune de ces variantes, la sécurité du Roi blanc peut s'avérer précaire.