Bienne 1990 R04

La Ronde 4 en un coup d'œil

Ulf ANDERSSON - Anatoli KARPOV

1. Cf3 Cf6 2. c4 b6 3. g3 Fb7 4. Fg2 e6 5. O-O Fe7 6. Cc3 O-O 7. d4 Ce4 8. Dc2 Cxc3 9. Dxc3 c5 10. b3 d6 11. Fb2 Ff6 12. Tad1 Dc7 13. Dd2 Td8 14. dxc5 dxc5 15. Df4 Ca6 16. Dxc7 Cxc7 17. Fxf6 gxf6 18. Cd2 Fxg2 19. Rxg2

r2r2k1/p1n2p1p/1p2pp2/2p5/2P5/1P4P1/P2NPPKP/3R1R2 b - - 0 19

Les Dames et les Fous ont déjà disparu de l'échiquier.

19... Rf8 20. Ce4 Re7 21. Cc3 Ca6 22. Txd8 Txd8 23. Td1 Txd1 24. Cxd1

8/p3kp1p/np2pp2/2p5/2P5/1P4P1/P3PPKP/3N4 b - - 0 24

Et exit les Tours également.

24... Cb4 25. Cc3 f5 26. f4 Rf6 27. Rf3 Rg6 28. e3 Rh5 29. h3 Rg6 30. e4 h5 31. exf5+

Une partie bien décevante entre les deux Elo les plus élevés du Tournoi.

(+0.00 Stockfish 6 5') 1/2-1/2

Diagramme 1 : Andersson-Karpov, position finale

8/p4p2/1p2p1k1/2p2P1p/1nP2P2/1PN2KPP/P7/8 b - - 0 31

Nick DE FIRMIAN - Vlastimil HORT

1. e4 c6 2. d4 d5 3. Cd2 dxe4 4. Cxe4 Cf6 5. Cxf6+ exf6 6. c3 Ff5 7. Ce2 Fd6 8. Cg3 De7+ 9. Fe3 Fg6 10. Fd3 O-O 11. Cf5

Diagramme 2 : De Firmian-Hort, position après 11. Cf5

rn3rk1/pp2qppp/2pb1pb1/5N2/3P4/2PBB3/PP3PPP/R2QK2R b KQ - 0 11

Une idée intéressante : le Cavalier espère, en gagnant un tempo sur la Dame, s'échanger contre l'excellent Fou d6.

Mais Vlastimil Hort ne l'entend pas de cette oreille et préfère opérer l'échange de son autre Fou, sensiblement moins bon que son homologue de cases noires, (11... Fxf5 12. Fxf5), puis gagner à son tour un tempo (12... g6 13. Fd3) et profiter du clouage du Fou e3 afin d'éviter que les Blancs ne conservent la paire de Fous : 13... Ff4 14. Df3 Fxf3 15. Dxf3.

Et pour égaliser, il lui suffit enfin de fermer son roque en achevant d'en placer son dernier pion sur une case blanche (celle du Fd3) : 15... f5.

De fait, après quelques derniers coups de développement (16. O-O Cd7 17. Tae1 Cf6), la percée 18. e4 ne peut ainsi aboutir qu'à un échange général le long de la colonne e : 18... Cxe4 19. Fxe4 fxe4 20. Txe4 Dd7 21. Tfe1 Tae8 22. h3 Txe4 23. Dxe4 f6 24. De7 Dxe7 25. Txe7, de sorte que les deux joueurs s'accordent pour le partage du point après 25... Tf7.

1/2 - 1/2

Joël LAUTIER - Anthony MILES

1. d4 d6 2. Cf3 Fg4 : voici une ouverture qui, quoique plutôt passive du point de vue des Noirs, se joue dans l'esprit de l'école hypermoderne des années '20 (Breyer, Reti, Nimzovitch, ...) qui prônait un contrôle indirect du centre plutôt que son occupation d'entrée de jeu. Elle se rattache dès lors au corpus des défenses qualifiées péjorativement d'Indiennes (comprendre "exotiques") par les tenants de l'école classique (Steinitz, Tarrasch, ...)

3. c4 Cd7 4. e4 e5 5. Fe2 Fe7 6. Cc3 Fxf3 7. Fxf5 Fg5

(voir le diagramme ci-dessous à gauche)

(après 7... Fg5) (variante)

L'idée est ici pour les Noirs de n'empêcher les Blancs de conserver leur paire de Fous, que ce soit de gré (8. Fxg5 Dxg8) ou de force, comme ici dans la partie : 8. O-O Fxc1 9. Txc1. L'inconvénient en est que les Noirs renoncent à faire pression sur les pions c4 et e4, ce qui risque de leur causer un souci d'espace.

Un traitement alternatif de cette ouverture consiste à faire le ménage sur la grande diagonale de cases noires et l'occuper par le Fou : 7... exd4 8. Dxd4 Ff6 pour aboutir à la position du diagramme ci-dessus, à droite : certes, les Blancs disposent encore de leurs deux Fous et d'un mur de Maroczy (voir la partie Karpov-Lautier jouée à la Ronde précédente), mais le contre-jeu noir existe grâce à la maîtrise de la diagonale a1-h8, ainsi qu'à la faculté de roquer d'un côté ou de l'autre.

9... Cf6 10. g3 O-O 11. Fg2 a6 12. Dd2 Db8

Diagramme 3 : Lautier-Miles, position après 12... Db8

rq3rk1/1ppn1ppp/p2p1n2/4p3/2PPP3/2N3P1/PP1Q1PBP/2R2RK1 w - - 0 13

Les Noirs viennent de jouer un coup d'attente : aucun pion n'ayant encore été échangé, ils craignent par dessus tout de rester avec un pion arriéré en d6 dans l'hypothèse où les Blancs parviendraient à jouer c4-c5, ou si eux-mêmes se décidaient pour c7-c6.

Mais ce coup provoque également une nouvelle perte d'influence au centre, car à présent, Lautier peut jouer 13. Cd5 - ce dont il ne se prive pas.

13... Te8 14. dxe5 dxe5 15. c5 c6 (Miles a finalement pu conserver une saine structure de pions)

16. Ce3 Da7 (à nouveau un coup qui ne prête guère à conséquence, mais dont la finalité immédiate ne saute pas aux yeux ...)

17. Cf5 g6 18. Cd6 Ted8 19. b4 a5 (... Lautier voulait en fait mettre tout le poids de ses pièces sur une colonne en voie de s'ouvrir)

20. a3 axb4 21. axb4 b6 (la liquidation de l'Aile Dame continue)

22. Dc3 bxc5 23. bxc5 Da3

r2r2k1/3n1p1p/2pN1np1/2P1p3/4P3/q1Q3P1/5PBP/2R2RK1 w - - 1 24

(position après 23... Da3)

Il devient ainsi évident qu'après la disparition des Dames, les béliers c5/c6 et e4/e5 neutralisent tous les espoirs offensifs, en dépit du rayonnement exercé par le Cavalier blanc.

24. Tfd1 Dxc3 25. Txc3 Cf8 26. f4 serait-ce là le dernier espoir de créer un déséquilibre ?

26... Ce6 Voilà qui est finement joué, car après 27. fxe5 Cg4, ce sont les Cavaliers qui bloquent la progression des pions blancs.

28. Fh3 h5 : ce pion de plus ne sert visiblement à rien (-0.12 Stockfish 6 30") ; du coup, Lautier doit se résoudre à un échange de pièces légères puis d'une paire de Tours avant de restituer son pion de plus, mais il ne progresse pas d'un iota pendant la petite dizaine de coups suivants.

29. Fxg4 hxg4 30. Tf1 Td7 31. Rg2 Cg5 32. Tc2 Tda7 33. Tf4 Ta2 34. Txa2 Txa2+ 35. Rf1 Txh2 36. e6 Cxe6 37. Txf7 Cd4

Ce Cavalier peut même être considéré comme très légèrement supérieur au Cd6, lequel est resté en plan depuis le 18ème coup (+0.00)

38. Tf4 Cf3 39. Txg4 g5 40. e5 Tc2 41. Ta4 Cxe5 42. Ce4 g4

La position est désespérément égale. 1/2 - 1/2

Diagramme 4 : Lautier-Miles, position finale

6k1/8/2p5/2P1n3/R3N1p1/6P1/2r5/5K2 w - - 0 43

Lev POLOUGAÏEVSKI - Matthias WAHLS

1. d4 Cf6 2. c4 g6 3. Cc3 Fg7 4. e4 d6 5. Fe2 O-O 6. Cf3 e5

Construction thématique classique, du point de vue des Noirs, à partir du moment où les Blancs n'ont pas avancé leurs quatre pions c-d-e-f.

7. O-O Cc6 8. d5

Et les Blancs choisissent de ne pas endommager les structures de pions.

8... Ce7 9. Cd2 a5

Comme au jeu de go, il 'agit par ce coup d'occuper la partie du terrain où l'adversaire n'a encore rien entrepris. Certes, il y a un trou dans la position noire en b5, mais il sera toujours possible de déloger par c7-c6 un Cavalier blanc qui s'y hasarderait.

10. Tb1 Cd7 11. a3 f5 12. b4 Rh8 13. f3 Cg8 14. Fc2

Les deux joueurs restent sur les sentiers battus de la théorie : selon l'explorateur d'ouvertures disponible sur le site chessbites.com (onglet "Openings", option "Explorer"), 252 parties de la pratique contemporaine aboutissent à la position ci-dessous.

Diagramme 5 : Polougaïevski-Wahls, position après 14. Dc2

r1bq1rnk/1ppn2bp/3p2p1/p2Ppp2/1PP1P3/P1N2P2/2QNB1PP/1RB2RK1 b - - 2 14

La continuation la plus convenue consiste à achever le déploiement complexe du Cavalier qui a déjà visité les cases c6, e7 et g8 au moyen de 14... Cgf6, mais ici, le jeune Allemand préfère s'emparer de la diagonale c1-h6, bien plus dégagée que la grande diagonale.

14... Fh6

Ce faisant, il s'attend à un coup tel que 15. Cb3 et à des échanges destinés à apaiser la tension tels que 15... axb4 ou 15... Fxc1.

Mais c'est le moment que choisit Lev Polougaïevski pour produire une nouveauté théorique : 15. exf5.

Plusieurs options s'offrent aux Noirs :

• ouvrir la colonne a par 15... axb4 16. axb4 (+0.34 Stockfish 6 10') ;
• poursuivre l'idée du seizième coup avec 15... Fe3+ 16. Rh1 gxf5 (+0.62) et prendre pied sur la diagonale a7-g1 ;
• reprendre par 15... gxf5 (+0.31) et accepter de vivre avec l'hypothèque que constitue l'ouverture de la colonne g ;
• un mix de deux de ces idées, à savoir compenser l'inconvénient de l'ouverture de la colonne g par celle de la colonne a.

Tel est le choix de Wahls : 15... axb4 16. axb4 gxf5

Une stratégie pouvant certes sembler la plus raisonnable, mais après 17. Cb3 se pose soudain la question de savoir si la sortie du Fou en h6 était si appropriée que cela.

r1bq1rnk/1ppn3p/3p3b/3Ppp2/1PP5/1NN2P2/2Q1B1PP/1RB2RK1 b - - 1 17

(position après 17. Cb3)

En effet, il est désormais trop tard pour jouer Fh6-e3. En outre, un échange des Fous en c1 ouvrirait de dangereux appels d'air sur les cases noires, ainsi que sur les colonnes g et f.

Par ailleurs, l'ouverture de la colonne a compense-t-elle vraiment la suprématie blanche à l'Aile Dame ?

Les Noirs jouent donc le piteux 17... Fg7 et doivent venir défendre le pion f5 après 18. Fd3 Cdf6.

Après 19. Fg5 Ce7, le fait est que les Cavaliers noirs sont patauds et que les Blancs peuvent espérer cultiver leur important avantage d'espace.

Un joueur positionnel aurait pu continuer dans la même veine d'accumulation patiente de petits avantages successifs, par exemple en continuant par 20. b5 h6 21. Fe3 avec des pièces légères blanches sensiblement supérieures aux noires.

(variante : 20. b5 h6 21. Fe3)

Mais Lev préfère immédiatement porter la contradiction sur la colonne a. Ce faisant, il laisse passer sa chance, car la contre-offensive par c7-c6 devient possible et aboutit à l'égalisation.

20. Ta1 Txa1 21. Txa1 c6 22. dxc6 bxc6

Il est assez rare qu'une bévue soit aussi évitable que ce qui va à présent se produire.

Diagramme 6 : Polougaïevski-Wahls, position après 22... bxc6

2bq1r1k/4n1bp/2pp1n2/4ppB1/1PP5/1NNB1P2/2Q3PP/R5K1 w - - 0 23

Pourtant, il était clair que depuis 21... c6, les Noirs menaçaient de donner un échec en b6 et de s'emparer de b4. Aveuglement ou volonté de jouer "activement", Lev disposait ici de 23. Ta4 (+0.36 Stockfish 6 30""), de 23. b5 (+0.24) voire de la possibilité de soustraire leur Roi à l'échec adverse par 23. Rh1 (+0.27), 23. Df2 (+0.18) ou 23. Fe3 (+0.12).

Toujours est-il qu'après 23. Ta8 Db6+ 24. c5 Dxb4 25. cxd6 Dxd6, les Blancs se sont retrouvés avec un pion de moins. La question reste néanmoins de savoir dans cette position si ce pion (c6) et les pions pendants (e5 et f5) constituent ou non un avantage suffisant pour les Noirs.

26. Fe3 Cd7 27. Cd2 Df6 28. Ce2 Cd5 29. Ff2 C7b6 30. Ta7 (la Tour a-t-elle vraiment servi à quoi que ce soit de concret ?) 30... Cb4 31. Db1 Cxd3 (Wahls voit-il dans les échanges la possibilité de faire valoir le pion de plus ?) 32. Dxd3 Td8 33. Dc2 Cd5.

2br3k/R5bp/2p2q2/3npp2/8/5P2/2QNNBPP/6K1 w - - 3 34

(position après 33... Cd5)

De fait, la batterie défensive sur la deuxième rangée semble de nature à supporter l'assaut éventuel des pions noirs. Polougaïevski peut donc continuer à temporiser jusqu'à un éventuel échange du pion f contre le pion e.

34. Ta8 Cc7 35. Tb8 Cc5 36. Cf1 Cd4 37. Db2 Fe6 38. Ceg4 Txb8 39. Db8 Df8 40. Dc7 De8 41. Da5 (attaquer un pion, puis l'autre) 41... Dg6 42. f4

Les pions en sont enfin venus au contact, sans que les Noirs aient eu l'occasion de progresser.

42... Cb3 43. Dd8+ Fg8 44. fxe5

Plutôt que de reprendre par 44... Fxe5 et prolonger la guerre de tranchées en essayant de tirer parti du seul pion c6, Matthias Wahls estime qu'il lui est préférable de restituer le pion.

44... f4 45. Ce2 Fxe5 46. Cxf4 Df6 et voici que s'annonce le dernier échange important avant la paix des braves.

47. Dxf6 Fxf6 48. Cg3 c5 49. Ce4 Fe7 50. Fe1 Rg7 51. Fc3+ Rf8 52. Cf6

1/2 - 1/2

Diagramme 7 : Polougaïevski-Wahls, position finale

5kb1/4b2p/5N2/2p5/5N2/1nB5/6PP/6K1 b - - 7 52