Mots clés sur Google : Blanchiment, Lin, Trégor, Kanndi.
Les buanderies (en breton candy, kanndy ou ar c´handy, littéralement « maison à blanchir ») sont de petits bâtiments de plan rectangulaire construits au sein ou légèrement à l´écart des hameaux, et toujours à proximité d´un cours d´eau. Pourvues d´une cheminée, elles abritaient les installations nécessaires au traitement du lin : une ou deux grandes cuves circulaires en granite aux fonds percés d´un trou de vidange et surmontées d´un anneau en granite, une alimentation en eau courante, un bassin (douet) délimité par des grandes dalles de schiste et couverts de plusieurs dalles (repamoirs). Le lin était laissé « à rouir » dans des bassins d´eau stagnante à proximité des buanderies ; les fibres étaient, par la suite, blanchies dans les cuves à l´aide de cendres et d´eau chauffée dans la cheminée, puis rincées dans le douet.
Le kanndi
Le kanndi, désigné par le terme de maison buandière ou plus rarement par buanderie, est l'élément essentiel dans le blanchiment du fil de lin. En Bretagne, contrairement à d'autres régions textiles, c'est le fil qui est blanchi et non la toile.
Le kanndi tire son nom de kanna : blanchir, laver et de di déformation de ti : maison. Son orthographe est très fluctuante dans l'état des sections ou la matrice du cadastre napoléonien établi dans les années 1820-1840. L'étude des plans cadastraux et des noms des parcelles permet de retrouver l'emplacement d'un kanndi aujourd'hui disparu. La nécessité d'avoir un ruisseau pour alimenter le kanndi en eau courante explique qu'il est souvent à l'écart du village.
Un kanndi se présente sous la forme d'une petite bâtisse, couverte de gled (chaume) ou plus rarement d'ardoises, construite avec les matériaux trouvés sur place : schiste, moellons, avec une cheminée en pignon.
Une porte ouverte dans l'un des murs permet d'y pénétrer, en face il peut y avoir une petite fenêtre. Une cheminée en pignon sert à chauffer de l'eau dans un gros chaudron. Contre l'autre pignon, un bassin ou douet constitué de dalles de schistes (« Men glas » traduit dans les inventaires par pierres vertes) est alimenté par un ruisseau qui le traverse de part en part. Deux ou trois dalles, plus étroites, sont disposées en travers et au-dessus du bassin pour y poser les écheveaux de fil afin de les faire égoutter. On trouve une cuve, parfois deux, à proximité de la cheminée. Elle peut être en granit, dans ce cas elle est en deux morceaux : la partie inférieure, la cuve proprement dite, percée à sa base d'un trou de vidange, est surmontée d'un anneau. L'ensemble a un peu plus de 1,30m de diamètre extérieur et 1,10m intérieur et environ 1,60m de haut. L'étanchéité est assurée par un joint de chaux.
Les cuves en bois sont en général en sapin, entourées d'un ou deux cercles de fer et scellées sur un dalle de schiste circulaire qui présente un bourrelet périphérique. Dans certains kanndi, on note la présence d'une couchette avec sa couette de balle : un domestique y passe la nuit, peut-être armé d'un fusil, pour surveiller le contenu de la cuve lorsqu'elle est pleine de fil car les vols sont fréquents.
Le blanchiment
Le fil à blanchir dans une cuve a une valeur importante. La valeur du contenu d'une cuve est fonction du nombre de buées (lessives) que le fil a subi. Lors du blanchiment la masse du fil diminue, la lessive l'use et il devient plus fin. La diminution de la masse est fonction du nombre de buées subies, elle peut être évaluée à environ 25%.
La masse de fil cru dans ses tonneaux est de l'ordre de 1 000 à 1 200 livres (de 490 à 590 kg), pour une valeur de 25 sols la livre (487 grammes). Après le blanchiment les tonneaux contiennent de 460 à 800 livres de fil blanc, estimé quelque 50 sols la livre. Chaque buée apporte une plus value au fil car plus le fil a de buées plus il est blanc.
Pour blanchir le fil, on utilise de la cendre de bois ou charrée. Elle a des propriétés saponifiantes analogues à celles du savon. Stockée à proximité du kanndi, elle vaut aux alentours de 5 livres la barrique.
Les écheveaux de fil à traiter sont mis dans la cuve, avec, au-dessus, la cendre de bois tamisée placée dans des sacs. Lorsque la cuve est ainsi préparée, on verse de l'eau chaude. L'eau est soutirée par la bonde inférieure, réchauffée puis reversée par dessus. Au bout de 24 heures, la cuve est vidangée, les écheveaux retirés, rincés dans le douet puis mis à sécher sur une corde, dans le courtil à fil, le liorz neud. Le blanchiment se poursuit sur le pré. Le fil reste sur le pré, sur des cordes, une quinzaine de jours. Pendant ce laps de temps il est retourné et secoué fréquemment. Le cycle blanchiment-rinçage-séchage est répété jusqu'à ce que le fil ait atteint le degré de blancheur souhaitée en fonction de son utilisation.
La valeur du fil peut attirer des convoitises, pour cette raison la présence d'une logette avec une couchette dans le courtil à fil est fréquente, comme dans le kanndi, une personne peut assurer une surveillance nocturne. Il y a dans les procès plusieurs affaires liées au vol de fil blanc.
Aujourd'hui, les "kanndi" sont le plus souvent enfouis sous un amas de végétation exubérante due à la présence d'eau, au fond des vallées, au milieu des prairies, sous le couvert des arbres, difficilement accessibles. Il en reste peu de nos jours, dans un état de ruines le plus souvent avancé. Leurs cuves de pierre, malgré leur masse ont été déplacées, trouvant place ici ou là dans les jardins.
Il n'est pas de règle concernant les "kanndi". Carrés, rectangulaires, petits ou grands, avec bassin central ou le long d'un pignon, avec ou sans cheminée, avec deux cheminées, avec une cheminée à double linteau, avec cuve en bois ou en granit, on les devine ou on les imagine encore aujourd'hui dans leurs années fastes, les cuves remplies de fil.