L.A. n° 3 : le procès et la révélation
« Je vais au nord… fin du tableau 35 »
I- La révélation
a) une révélation pour Simon/Sarwane
- la mise en place de la chronologie des événements : « des années, puis » »un matin » depuis le pays d'origine de sa mère après sa mort
- une révélation progressive : le lieu « Kfar Rayat »/ Abou Tarek : « il a donc travaillé avec mon père ? »/ »non, ton frère n'a pas…/ Ton frère est ton père »
- une catastrophe : renversement de situation « tu comprends bien »/ »le ciel tombe » « les étoiles se sont tues en moi/elles ont fait silence/les étoiles font silence à leur tour en toi » : caractère à la fois tabou et sacré de la révélation, idée du cosmos : espace et temps qui se dissipent ou s'élargissent « tu entends ma voix ? On dirait la voix des siècles anciens. Mais non, Sarwane, c'est d'aujourd'hui que date ma voix. On relève l'opposition entre parole et silence « voix, prononcé » et « se taire/silence » comme si la révélation entraînait un bouleversement du monde.
b) une révélation pour Nawal,
- depuis la salle du procès au Canada avant qu'elle ne sombre dans le silence.
-chronologie des événements donnée par Nihad « à mon procès au cours de ces années », « Hier elle est venue », « ma naissance »
- l'objet symbolique, sens du mot symbole « En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le sumbolon était constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr. Le symbole est aussi un mot de passe. » C'est l'objet, le nez de clown qui permet de faire coïncider pour Nawal l'identité de son bourreau, père des jumeaux et celle de son fils. De plus, l'objet est détourné pour devenir une « grimace » l'objet donné par amour en souvenir d'un spectacle vu ensemble est perçu par l'enfant comme une forme de moquerie, d'ironie.
c) une révélation différée dans le temps : le lien du silence
- On commence par la révélation de Simon à Jeanne, puis de Chamseddine à Sarwane/Simon, puis de Nihad à Nawal : on remonte le temps et les repères spatio-temporels sont à nouveau débordés comme en témoigne la didascalie finale.
- le silence comme point commun : seule réaction à l'indicible : Simon dit à Jeanne « Tu te tais. Comme je me suis tu quand j'ai compris/j'ai vu le silence », Chamseddine dit à Simon « les étoiles se sont tues en moi/elles ont fait silence/les étoiles font silence à leur tour en toi », « le silence de ta mère »
II- Le personnage de Nihad
a) une double identité
- les identités doubles : Jeanne/Janaane-Simon/Sarwane-La femme qui chante/Nawal(reprend rôle de Sawda), Nihad Harmanni/Abou Tarek. On relève qu'il n'a pas de nom d'origine mais dés le début un nom d'adoption. » il a changé son nom/il a oublié Nihad/il est devenu Abou Tarek
b) un double statut
-présence régulière et parallèle des termes « père/frère /mère/fils» , on relève en plus le caractère parallèle des construction qui montre une réalité inextricable : « il a cherché sa mère l'a trouvée mais ne l'a pas reconnu. Elle a cherché son fils, l'a trouvé et ne l'a pas reconnu »/ « il a torturé ta mère et ta mère ,oui, fut torturée par son fils », le chiasme marque l'enchevêtrement , tous les rôles se perdent « le fils est le père de son frère et de sa soeur » les personnages sont réunis dans une association à la fois monstrueuse et contre-nature
c) un personnage débordé par la folie
- « le sens de ta vie » « pas de cause pas de sens », « plus de cause, plus de sens » l'évolution de « pas » en « plus »marque le renoncement , l'absence de sens le conduit à la folie « il tentait de retrouver sa mère/il l'a recherchée des années sans la trouver/ alors il s'est mis à rire à propos de rien »+lien avec le né de clown qui le conduit à penser que la vie n'est qu'une farce tragique
III- L'ambiguité du personnage
a) un personnage violent :
son lien aux armes, « il est devenu franc-tireur », « Machine à tuer », « il avait tué », « Il les avait visés dans l'oeil », champ lexical de la guerre »invasion,armée »
son travail de bourreau : « s'occuper des interrogatoires »euphémisme pour parler de torture : il a torturé, elle fut torturée, le fils a violé, je les ai torturés, je les ai torturés, je les ai tués, ceux que j'ai giflés, celles que j'ai violées, gifle viol, gifle,viol », champ lexical de la violence qui est fondé sur des phénomènes de reprises, comme si Nihad/Abou Tarek redoublait ces actes dans l'aveu qu'il en fait et dont il ne regrette rien+ froideur du propos, syntaxe claire, ponctuation neutre qui marquent la distance du personnage face à ses actes, comme s'ils lui étaient étrangers, un personnage déconnecté de toute émotion, de toute forme d'empathie.
-il accepte les faits et ne manifeste aucun remords : « je ne conteste rien »,
- un personnage lui même victime de la violence : privé d'origine, « on l'a trouvé, paraît-il dans le seau où on m'a déposé », « cet objet est une trace de mes origines » , « d'après l'histoire il m'a été donné par ma mère », il ne sait de ses origines que des bribes, des propos rapportés dont il n'est pas sûr + modalisation du discours qui marque l'incertitude. « Qu'est-ce que ça veut dire ? Ma dignité à moi est une grimace laissée par celle qui m'a donné la vie. Cette grimace ne m'a jamais quitté , laissez-moi la porter... » la reprise du terme « grimace » souligne le caractère désespéré de ce personnage cruel et fou à la fois et Nawal ne peut que se sentir accusée, en entendant ce discours, de n'avoir pas tenu sa promesse.
b) une figure d'artiste ?
- il est présenté et se présente comme un artiste : « une vraie réputation d'artiste », « Le spectacle, moi, c'est ça ma dignité »
- champ lexical de l'art visuel : « il collectionnait les photos », « je voudrais d'ailleurs les remercier car ils m'ont permis de réaliser des photos d'une grande beauté », « visages plus émouvants »
- champ lexical du chant : « On l'entendait chanter », »il ne l'a pas tuée car elle chantait et il aimait sa voix », « «Pas assez de musique, alors je vais vous chanter une chanson », « La femme qui chante » , « sans rythme, sans aucun sens du spectacle », « vous chanter une chanson »
- une vision singulière de la réalité : l'humain l'ennui, le terme revient régulièrement : » Le procès que vous m'avez fait fut ennuyeux, endormant, mortel », « «Que ce procès était d'un ennui », « pour sauver la dignité du terrifiant petit ennui », on relève que Nihad est un personnage désoeuvré, il n'est pas investi dans son propre procès dont il parle comme de quelque chose qu'on lui fait mais qui, somme toute, ne l'intéresse pas.