I- Repérer une thèse défendue et une thèse réfutée
Dans un texte argumentatif on peut se retrouver confronté à plusieurs thèses. En effet, le locuteur cherche à imposer sa propre thèse au destinataire mais aussi à éloigner son destinataire de la thèse adverse. Ainsi, il convient de distinguer la thèse du locuteur et la thèse des adversaires.
Pour repérer la thèse défendue, il faut d'abord trouver le thème de l'argumentation ensuite on cherche l'opinion exprimée par le locuteur sur ce thème.
Ex 1: « je crois que le ciel a permis pour nos péchés cette infortune, que le plus coupable de nous se sacrifie aux traits du céleste courroux »
Thème :
Thèse :
Ex 2 : « Pour moi, il est certain que les comédies sont de formidables critiques de la société »
Thème :
Thèse :
Pour repérer la thèse réfutée, il convient de procéder en trois temps : recherche du thème, recherche des adversaires, recherchent de ce que pensent les adversaires à propos du thème.
Ex 1: « et bien manger moutons, canailles, sotte espèce est-ce un péché ? Non, non, vous leur fîtes Seigneur en les croquant beaucoup d'honneur »
Thème :
Adversaire :
Thèse adverse :
Ex 2 : « Certains petits esprits soutiennent, à mon grand regret, que le livre sera détruit par l'informatique .»
Thème :
Adversaire :
Thèse adverse :
II- Les arguments pour convaincre et persuader
Dans tout texte argumentatif, le locuteur cherche à imposer sa thèse, pour cela, il dispose de deux moyens : il peut soit persuader son destinataire en jouant sur ses sentiments soit le convaincre en s'adressant à sa raison.
Pour faire admettre sa thèse, le locuteur utilise des arguments qui sont des idées générales servant à justifier ou étayer sa thèse.
On distingue dans le texte argumentatif trois sortes d'arguments
- les arguments du locuteur : l'âne n'aurait pas dû manger l'herbe des moines
- les arguments des adversaires : la faute de l'âne est minime : il n'a tué personne, l'herbe repousse
- les contre-arguments qui sont les arguments dont se sert le locuteur pour réfuter la thèse ou les arguments de l'adversaire : l'âne étant herbivore il ne peut manger des moutons comme le font les carnivores donc il mange de l'herbe, non par vertu mais par nature.
III- Les catégories d'arguments
Les arguments rationnels
Ils cherchent à convaincre le locuteur en s'adressant à sa raison, il se distingue par l'importance des connecteurs logiques.
Ex : « je me dévouerai donc s'il le faut mais je pense qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi, car on doit souhaiter selon toute justice que le plus coupable périsse »
Cas particulier du syllogisme qui se veut rationnel et analogique
proposition majeure : Tous les hommes sont mortels
proposition mineure : Or Socrate est un homme
conclusion : Donc Socrate est mortel.
Faux syllogisme/ l'absurde
proposition majeure : Tous les chats sont mortels
proposition mineure : Or Socrate est mortel
conclusion : Donc Socrate est un chat
(Ionesco, Rhinocéros)
Les arguments par analogie
Le locuteur établit un rapport de ressemblance entre deux réalités, deux opinions, deux thèses. Il s'agit de faire admettre une opinion en la rapprochant d'une autre facile à admettre ou déjà admise. Plus l'analogie repose sur des ressemblances convaincantes plus le destinataire sera amené à adopter l'opinion du locuteur.
Ex : Vous admettez qu'il est naturel pour l'âne qui est herbivore de manger de l'herbe ?
Vous admettrez de la même manière qu'il est naturel pour un carnivore de manger d'autres animaux
Les arguments d'autorité
Le locuteur recourt pour appuyer sa thèse à une autorité extérieure, un personnage célèbre, un groupe qui impose l'autorité, une idée communément admise (proverbes, toute personne un peu intelligente sait bien que...)
Ex : « L' Histoire nous apprend qu'en de tels accidents on fait de pareils dévouements »
Exercice : identifier les arguments rationnels, arguments d'autorité et arguments par analogie
1- Comme Voltaire, je suis d'avis que les religions mènent souvent au fanatisme.
2- Les philosophes des Lumières sont à l'origine de la révolution française, cela s'explique par la grande diffusion de leurs idées qui dénonçaient l'injustice sociale
3- Un bon élève améliore toute sa classe comme le sportif talentueux son équipe.
4- Tout le monde sait bien qu'un homme commet des fautes, l'erreur n'est-elle pas humaine ?
5- Les adolescents ont peur de se distinguer des autres, en effet, ils sont les premiers à suivre les modes.
6- « Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abîmée, et l'on danse à Paris » Voltaire
7- Le roman peut nous donner une illusion du réel, en effet, je pense comme l'a écrit Maupassant dans sa préface de « Pierre et Jean », que la réalité est trop chaotique pour être rendue telle quelle dans un récit.
8- La lecture est un moyen d'évasion comme le voyage
9- Au siècle prochain, tout homme de bon sens verra que notre société a produit des injustices terribles.
10- Il est raisonnable de penser que tous les romans médiocres sont longs, en effet, les industriels du best-seller savent très bien que leurs produits usinés ne doivent pas avoir moins de quatre cent pages »
Eugène IONESCO, Rhinocéros (1959), acte I.
Béranger et Jean conversent à la terrasse d'un café.
Le logicien et le vieux monsieur conversent à la même terrasse.
BÉRENGER, à Jean.
Vous avez de la force.
JEAN.
Oui, j’ai de la force, j’ai de la force pour plusieurs raisons. D’abord, j’ai de la force parce que j’ai de la force, ensuite j’ai de la force parce que j’ai de la forcemorale. J’ai aussi de la force parce que je ne suis pas alcoolisé. Je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais je dois vous dire que c’est l’alcool qui pèse en réalité.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes Donc Isidore et Fricot sont chats.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien.
Mon chien aussi a quatre pattes.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Alors, c’est un chat.
BÉRENGER, à Jean.
Moi, j’ai à peine la force de vivre. Je n’en ai plus envie peut-être.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien après avoir longuement réfléchi.
Donc, logiquement, mon chien serait un chat.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
BÉRENGER, à Jean.
La solitude me pèse. La société aussi.
JEAN, à Bérenger.
Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pèse, ou est-ce la multitude ? Vous vous prenez pour un penseur et vous n’avez aucune logique.
LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien.
C’est très beau, la logique.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur
A condition de ne pas en abuser.
BÉRENGER, à Jean.
C’est une chose anormale de vivre.
JEAN.
Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit.
BÉRENGER.
Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.
JEAN.
Les morts, ça n’existe pas, c’est le cas de le dire !… Ah ! Ah ! … (Gros rire.) Ceux-là aussi vous pèsent ? Comment peuvent peser des choses qui n’existent pas ?
BÉRENGER.
Je me demande moi-même si j’existe.
JEAN, à Bérenger.
Vous n’existez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas ! Pensez, et vous serez.
LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur.
Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Or Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
LE VIEUX MONSIEUR.
Et il a quatre pattes C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
LE LOGICIEN.
Vous voyez…