L.A : Miss Europa va en Afrique
I- La composition du texte : un texte polyphonique
1- Un texte en 4 temps :
- un choeur
- un dialogue autour d'Amir
- un dialogue Lila Nestor
- une voix off
a) Le choeur
référence à la tragédie antique
destin, fatalité : tout est déjà consommé, Amir est mort
impression chorale : relais de la parole, comme si les personnages n'étaient qu'un seul et même corps, celui de l'autorité CRS
absence d'identité : les répliques s'enchaînent comme si les personnages parlaient tout d'une voix.
Sur la fin du choeur, dysfonctionnement : deux voix qui parlent en parallèle sans se rejoindre
b) Les dialogues
deux séries de dialogues dans deux lieux
des dialogues qui fonctionnent sur l'opposition/le contraste :
le vocabulaire/ la teneur de la conversation
Lila/Nestor : l'art (cinéma, peinture) : esthétique/beauté, conversation sur des thèmes abstraits
des réflexions bien pensantes : « je ne fais pas partie de ces gens qui », « moi par exemple » «
« la véritable grandeur d'âme, c'est de »
réflexion sur ce qui est juste/injuste
« avec ma fille tous les soirs on dit une prière pour tous ces gens qui »
Les CRS : l'équipement, il s'agit d'entraver/ de contrôler : casque attaches câbles
désignation d'Amir comme l'agresseur, c'est un homme qui est capable de tout », « qu'il prenne qqun en otage », qu'il nous bute tous », il a failli violer, cet homme n'a peur de rien »
Amir : une victime : il n'est jamais nommé sauf ds la didascalie qui indique qu'il crie, ds les répliques Lila Nestor elle dit on aurait dit un homme, il répond je n'irai pas jusque là( porc chien rat), ce bruit, la source du pb : rôle de l'hôtesse maintenir les passagers dans l'ignorance « refermer les rideaux » allusion au film « vol au dessus d'un nid de coucous » film sur la violence du milieu carcéral et la participation de l'autorité à la destruction de l'individu. Orientation vers un film= ne pas voir la réalité
Le vocabulaire dégénère : les marques de la colère, répétitions, aggravation » ta seule bouche ta putain de bouche ta gueule de chien « sa gueule, sa sale gueule sa putain de sale gueule » : surenchère dans la vulgarité et la violence du propos qui amène inéluctablement à une violence physique de plus en plus radicale « , vulgarité « faire chier, emmerder, couilles molles, gueule, cons, putain », violence des gestes : didascalies, porc/chien, colère qui évolue vers une violence insoutenable qui anéantit l'existence même d'Amir réduit à l'état d'objet qu'on étouffe : « qui se prend pour qqun, t'es rien toi, une merde, moins que rien »+ menace « ou je te... »
« on » va te montrer comment : Amir est seul contre le groupe de crs, contre le groupe des passagers de l'avion des gens qui méritent, qui ont payé cher…
c) La voix off
procédé presque cinématographique, elle rentre en écho avec le drame de façon très ironique
- intervention de la langue anglaise : modification de la compréhension, impression à la fois d'apaisement et renforcement du chaos
- champ lexical de la sécurité
- les issues (pour Amir pas d'issue)
- les masques à oxygène et l'étouffement d'Amir
- closule ; Klausi « enjoy the flight » et la voix off « we wisch you a pleasant flight »
II Les phénomènes d'échos
a) L'hôtesse :
le seul personnage qui passe d'un monde à l'autre
impuissance du personnage qui renonce à agir et à assumer son rôle qui consiste à s'assurer que les règles de sécurité à bord sont respectées : « consignes », « je vais chercher le pilote/je vais aller me renseigner », « je ne suis pas sûre que ça ne soit pas »/ »ça ne va pas être possible/je ne sais vraiment pas/bon d'accord » : formulation négative qui marque l'hésitation du personnage qui ne sait pas se positionner et n'envisage de le faire que par rapport à des consignes non de manière personnelle et morale. Elle apparaît comme une sorte de marionnette qui relaie le discours de l'autorité : « tout va bien/on a déjà identifié la source du problème/seulement un cas de peur aiguë de l'avion/On s'occupe de tout/on ne va pas tarder à décoller », ses répliques procèdent par périphrases et euphémismes afin d'énoncer des semi-vérités et d'atténuer la violence des faits : Amir est dépersonnalisé » la source du problème/ un cas de peur aiguë de l'avion », l'adverbe seulement » contribue à renforcer l'euphémisme, le pronom impersonnel « on » témoigne également de son incapacité à tenir un discours en son propre nom : dés lors personne n'est responsable de ce qui se passe.
Métaphore des rideaux « pour votre confort, je vais refermer les rideaux » : son rôle est effectivement de s'assurer que les passagers de la classe business ne seront pas importunés, l'expression est à prendre dans son sens concret mais aussi comme une métaphore de la réalité qu'on voile.
b) La soumission de l'Afrique à l'Occident :
Deux mondes opposés : pauvreté/opulence
Amir : figure de l'immigré réduit au silence, lexique de la misère « aux frais de l'état »/ « vous n'avez pas ça chez vous. Hein ? », « je parie que ça va te manquer/beaucoup te manquer là où tu vas »/on va te montrer comment on se comporte chez nous », « des gens qui ont payé cher une place dans cet avion »
En regard de cette situation en classe économique, Nestor et Lila développe une conversation formelle :L'argent : marché/consommateurs : on comprend que Nestor est un homme d'affaires qui fait l'apologie de la manipulation= personnage qui joue sur les mots : euphémisme « moins sensibles à la mauvaise propagande de nos adversaires »
apologie de la modernité qui contraste avec le comportement primitif des crs en classe économique
allusion aux labos aux tests, au marché de l'Afrique exploité par les hommes d'affaires européens : « on vient de les lancer sur le marché dans six pays du Moyen Orient et de l'Afrique noire… c'est vrai que les consommateurs là bas sont… moins sensibles à la mauvaise propagande de nos adversaires »
De la même manière le début de leur conversation met en place une vision caricaturale de l'Orient à la fois mythique et magique : « tapis volant, génie, bouteille », « le Caire, les pyramides, l'archéologie », + idée de cinéma « je joue/le tournage/Indiana Jones »+ films de Lila « Nuits orientales »/ « Moments de magie »
Les deux catégories de personnages incarnent donc deux cultures et deux sociétés différentes : Nestor fait l'apologie du capitalisme et de l'esprit d'entreprise « cet artiste (Warhol) me rappelle à l'audace d'oser les choses » « La véritable grandeur d'âme c'est de suivre sa route sans se laisser intimider par les conventions . C'est alors que des grandes visions peuvent se réaliser », « Faut arrêter de materner les gens », « prendre en main son destin… transformer le monde à notre service, à notre confort, à notre goût », on sent dans ces répliques l'esprit d'entreprise, l'assurance de celui qui a réussi socialement et qui ne manque ni de certitudes ni d'arrogance voire de cynisme « Avec ma fille, on dit une prière tous les soirs avant de dormir pour tous ces gens, ces enfants, qui ont eu moins de chance dans la vie que nous, sérieusement on le fait ! Vous me trouvez pathétique ? D'accord, pas tous les soirs » : Nestor incarne une forme de bonne conscience à peu de frais. Autocentré : son discours s'articule autour du pronom « je » , il alterne les formules toutes faites, les tournures impersonnelles « La véritable grandeur d'âme c'est de suivre sa route sans se laisser intimider par les conventions . C'est alors que des grandes visions peuvent se réaliser » « il est important de se rappeler ça de temps à autre. Ca rend quelque part reconnaissant », « faut arrêter de... » « Le droit de choisir librement pour tout le monde », « aujourd'hui, tout est une histoire de mots » « on ne vit plus dans les grottes/On ne cueille plus les fruits des arbres ». Discours à la fois général et imprécis qui ne développe pas de pensée personnelle, Nestor est le porte voix de sa classe sociale « on/nous », il appartient à un groupe socialement et économiquement dominant qui définit le reste du monde comme un « marché/un ensemble de consommateurs »
c) Une frontière infranchissable
- C'est précisément les figures de réussite sociale qu'incarnent Nestor et Lila qui motivent certains à rallier les pays riches
- c'est l'exploitation du continent africain qui conduit à mépriser les pays pauvres au nom d'une forme d'idéologie économique : Nestor fait des affaires en Afrique/Lila (Miss Europa) va tourner un film en Afrique, mais Amir est reconduit à la frontière et mourra dans l'avion qui le ramène de force chez lui
Une tragédie : cf le choeur + fait divers+ jugement déjà prononcé « sursis », « amende », « honte publique »
Des personnages dépassés « Je m'étais toujours considéré du côté de ceux qui font du bien »/ « On a essayé de faire notre boulot après tout »/ »On est humain, ça peut arriver qu'on se laisse emporter »/ « dans la rue parfois, il y en a un qui me regarde avec ces yeux/ et puis le monde change de sens et je ne sais plus qui de nous deux est qui/ou quoi » : on note le vocabulaire de l'absurdité de la situation, il n'y a plus de frontière nette entre bien et mal.
Le cri d'Amir fait basculer la situation vers la violence, les trois personnages perdent le contrôle de leurs propres gestes, comme s'ils étaient dépossédés d'eux mêmes, dévastés par la haine :
violence verbale de plus en plus marquée : caractère haineux du vocabulaire qui génère la violence physique : casque+ attaches câbles, Amir est entravé, « tiens-lui la tête » oreiller= étouffement des cris+, « tiens-le plus fermement »+ réplique saccadée de Gert « c'est/Physique/Ce/Boulot/Plus besoin de faire/De la musculation » les coupures dans la répliques manifestent l'essoufflement de Gert qui neutralise et étouffe Amir, il en va de même dans la dernière réplique de Max qui est scandée par des arrêts et reprises dans une syntaxe totalement déconstruite : « si on veut on te/ T'es rien-Enculé je/tu la fermes- Tu la boucles ou je te » Cette violence s'accompagne enfin d'une violence morale : on assiste progressivement à l'anéantissement, la disparition d'Amir. Il n'est nommé que dans les didascalies, il ne fait pas partie des passagers « occupez-vous de vos passagers », « Vous avez entendu ? On aurait dit un homme./Je n'irai pas jusque là », « la source du pb/un cas de peur panique », « ce bout de viande »+ animal : porc et chien, « t'es rien/moins que rien/T'es rien/ Rien/ »