Peut-on vouloir être esclave

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Peut-on vouloir être esclave ?

Pourquoi la question semble ne pas se poser ?

Le travail forcé nous apprend que seule la contrainte peut réduire un homme en esclavage. En ce sens la question semble absurde et presque scandaleuse. Absurde, parce qu'aucun homme sensé ne pensera une telle chose : évidemment, personne ne peut désirer un tel traitement. Et scandaleuse, parce qu'elle rejette la faute de l'asservissement sur celui qui en est la victime.

Pourquoi elle se pose quand même ?

Mais la question suggère qu'il faut interroger les raisons profondes de la servitude. Il y a soupçon : comment se fait-il qu'il y ait tant d'esclaves alors que le désir de liberté est prétendument si fort en l'homme ? Le maître est-il vraiment seul responsable de la destruction de la liberté ou l'esclave qui consent à son statut ne participe-t-il pas à cette injustice ? L'existence du masochisme et du fanatisme ne nous enseignent-t-elles pas qu'on peut préférer la servitude à la liberté parce qu'on y trouverait des bénéfices compensatoires ?

Formulation de l'opposition

Bref, la liberté est-elle si peu désirable qu'on peut lui préférer la servitude ? Ou le consentement à l'esclavage, non content d'être une contradiction logique serait en outre l'excuse rêvée de celui qui cherche à dominer ?

Pourquoi est-il essentiel de se la poser quand-même ?

L'enjeu est celui de la responsabilité de la servitude et il est essentiel de l'interroger car si on dit qu'on ne peut en aucun cas vouloir être esclave, on affirme que l'esclave ne peut que subir sa situation. Mais alors, cela ne le condamne-t-il pas encore plus à rester dans les fers? Cette question qui est une provocation ne nous rappelle-t-elle pas alors que la liberté doit d'abord être désirée avant d'être obtenue ? Et qu'on ne libère pas quelqu'un qui n'est pas révolté par sa propre aliénation ?

Mais si on affirme trop vite qu'on peut vouloir sa servitude, ne risque-t-on pas de faire de l'esclave le coupable et du maître la victime ? Et si elle est la cause profonde du maintient de l'esclavage, cela ne conduit-il pas à transformer la perspective de celui qui veut briser les fers de l'esclave par la force ?