La rédaction de l'introduction
Règle d'or : l'introduction montre d'emblée à votre correcteur si vous avez compris le texte ou non. Soignez-la !
Évitez de commencer par un truc du genre : "Platon, philosophe grec, a écrit ce texte au IVème siècle avant J.-C. Il a aussi écrit La République, était l'élève de Socrate et le professeur d'Aristote, il adorait les mirabelles et avait la mauvaise habitude de se curer le nez"
- Une telle remarque, même si elle est juste, ne fait pas du tout avancer la compréhension du texte ! Au contraire, elle donne l'impression que vous éviter de le commenter en racontant tout ce qui ne le concerne pas ! En gros, osef !
- Si en plus vous racontez une bêtise, vous paraîtrez prétentieux et idiot ! Autant ne pas prendre un risque inutile !
- De plus, la connaissance de l'auteur ou de sa doctrine n'est pas exigée, et peut même, si elle n'est pas assez solide, vous induire en erreur.
Évitez de commencer en récitant une partie du cours sur la notion en question.
- C'est aussi une forme de refus d'exercice. Il faut rentrer dans le texte sans détour.
- Vous risquez en plus d’oublier le texte et de poursuivre la récitation, parce qu'il est confortable de raconter les choses qu'on sait plutôt que de se confronter à des choses qu'on n'a pas encore comprises. C'est le définition d'un hors-sujet en commentaire de texte.
Reprenez l'essentiel de ce que vous avez fait dans l'analyse du problème
Il faut cependant réorganiser ce matériaux pour l'introduction.
Au brouillon, on trouve la thèse du texte d'abord, et on en induit le thème. Dans l'introduction, on fait l'inverse ! Il est plus logique du point de vue de la présentation, de commencer par la question et de lui faire suivre la réponse qu'en donne le texte. Une fois la thèse énoncée, on insiste sur son caractère étonnant, voire franchement paradoxal. Puis, on déploie l'enjeu du texte, c'est-à-dire qu'il faut évaluer les risques et les gains potentiels qui résulteraient d'un refus ou de l'acceptation de la thèse de l'auteur. Enfin on annonce le plan du texte, qui est le même que celui de notre devoir.
Schématiquement on a donc :
Le texte à commenter d'abord :
« Tant qu'on désire, on peut se passer d'être heureux ; on s'attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de l'illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l'inquiétude qu'il donne est une sorte de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux. En effet, l'homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède, l'illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d'être habité ; et tel est le néant des choses humaines, qu'hors l'être existant par lui-même, il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas. […] Mon ami, je suis trop heureuse ; le bonheur m'ennuie.»
Rousseau, La Nouvelle Héloïse
Une introduction possible :
[Thème] Suffit-il de satisfaire ses désirs pour être heureux ? [Thèse] On pourrait le croire puisque tout désir est implicitement désir de bonheur. En réalité affirmer une telle chose, c'est ou bien valoriser une apathie dont on est pas certain qu'elle n'est pas ennui, ainsi que le fait par exemple Épicure, ou bien, c'est, comme Calliclès, espérer quelque chose que la réalité nous refusera forcément. Rousseau montre alors que la vérité du désir serait plutôt à chercher dans le fait même de désirer. Le beau de la passion, en effet, c'est quand il y a à dire et à souhaiter, c'est quand il y a à fantasmer, à séduire, à inventer, bref à éprouver la joie de désirer dans l'espace laissé par ce qu'on a pas. [Souligner le caractère paradoxal de la thèse] Mais quelle paradoxe alors ! Il n'y a en effet désir que s'il y a espérance d'obtenir ce que l'on désire. Et cependant cette possession est ce qu'il faudrait à tout prix éviter pour jouir du désir. [Enjeu] Si donc on refuse ce que dit Rousseau, on s'expose à être déçu par la réalité - soit par ennui, soit par frustration. En s'accordant avec l'auteur, on évite ce risque, certes, mais ne court-on pas alors celui de renoncer radicalement à la réalité et partant de tomber dans la folie ? [Annonce du plan] Pour fonder sa position, Rousseau décrit alors,dans un premier temps, le plaisir propre qu'il y a à éprouver le trouble du désir. Ce constat le pousse alors à défendre une thèse paradoxale : le bonheur véritable n'est pas celui de la satisfaction car le réalité est toujours décevante, mais celui de l’imagination. Et Rousseau de conclure : le bonheur réel est illusoire, le bonheur illusoire bien plus réel.