P. Rousselot, Cicéron et nous

À l’occasion de la dernière conférence de l’année, nous avons eu le plaisir d’accueillir, Philippe Rousselot, magistrat à la cour des comptes, Président de la Société Internationale des Amis de Cicéron.

La SIAC est une société savante dédiée à l’étude de Cicéron et de la pensée romaine dans tous les domaines (philosophie, littérature, histoire). Son projet revêt de ce fait une dimension pédagogique et culturelle. Vous trouverez sur son site internet http://www.tulliana.eu tous les renseignements qui la concernent et en particulier la composition de son conseil scientifique. Elle diffuse régulièrement un bulletin de liaison, La Gazette Tulliana, publiée en français, anglais, italien et espagnol, relative aux colloques, rencontres scientifiques, publications récentes, institutions amies, nouveautés cicéroniennes.

Ce n’est pas la première fois que la figure de Cicéron fait l’objet de l’intérêt de nos conférenciers. Vincent Descombes et Denis Kambouchner, lors de leur conférence croisée (Le latin, langue philosophique ?) et Pierre Manent (Rome comme question philosophique) s’étaient employés à montrer l’importance d’un philosophe, souvent objet d’une condescendance imméritée de la part de « modernes » pour le moins imprudents dans leur lecture, une importance désormais reconnue par l’institution (Cicéron est au programme de l’agrégation de philosophie). Mais c’est une chose particulièrement intéressante qu’il soit aujourd’hui dévolu à un magistrat d’évoquer celui dont le langage, rappelle Pierre Manent, « indique un déplacement du centre de gravité politique vers le magistrat, un magistrat qui porteur de la persona civitatis, est l’objet de la fides du citoyen ».

*

Cicéron et nous : question ou énigme ? S’il est toujours possible de présenter Cicéron, plus ou moins savamment, il est plus délicat de savoir « qui est nous », pour reprendre la formule d’un économiste célèbre[1]. Les historiens nous ont appris à nous méfier de ce « nous » qui suppose trop souvent une relation heureuse et allant de soi avec l’Antiquité, ses grandes idées et ses grands hommes. La notion de distance, d’un passé révolu, puis d’une altérité radicale, entre « eux et nous » ne date pas d’hier. François Hartog l’a isolé chez Humboldt ou chez Fustel de Coulanges[2]. De même, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet nous ont mis en garde contre ce « miracle grec », pure invention des époques contemporaines.

Paul Veyne, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, intitulée L’inventaire des différences, a posé les jalons de cette attitude critique vis-à-vis d’une histoire narrative qui raconte des histoires trop belles pour être vraies : « Vous me voyez non moins persuadé que les Romains ont existé réellement ; c'est-à-dire qu'ils ont existé d'une manière aussi exotique et aussi quotidienne à la fois que les Thibétains, par exemple, ou les Nambikwara, ni plus, ni moins ; si bien qu'il devient impossible de les considérer plus longtemps comme une sorte de peuple-valeur »[3].

Ce rapprochement entre des hommes éloignés dans le temps - les Romains - et des hommes éloignés dans l’espace – l’ethnie des Nambikwara - est typique du courant de pensée dont P. Veyne fut un des meilleurs maîtres, et qui n’est pas sans rappeler Montaigne et son fameux essai sur les Cannibales. Ainsi, « Nous » doit-il se tenir à équidistance du « grand ancien » et du « sauvage ».

P. Veyne nous invite ainsi à la prudence et à un désenchantement raisonné : « Rien n’est plus loin de nous que cette antique civilisation ; elle est exotique, que dis-je, elle est abolie, et les objets que ramènent nos fouilles sont aussi surprenants que des aérolithes. Le peu qui est passé en nous de l’héritage de Rome est en nous à des doses combien diluées, et au prix de quelles réinterprétations! Entre les Romains et nous, un abîme a été creusé par le christianisme, par la philosophie allemande, par les révolutions technologique, scientifique et économique, par tout ce qui compose notre civilisation. Et c'est pourquoi l’histoire romaine est intéressante : elle nous fait sortir de nous-mêmes et nous oblige à expliciter les différences qui nous séparent d'elle »[4].

La thèse de P. Veyne trouvait un écho récent dans la conférence prononcée dans ses murs par M. Jean-Louis Halperin sur le droit romain[5]. Ce dernier nous a mis en garde, contre toute « exaltation de la continuité qui voudrait relier » le passé au présent, « à ses prétendues « racines » romaines » dont il faut, dit-il, « faire le deuil », car ce passé est « mort », il s’agit « d’un âge géologique ailleurs englouti ». Comme P. Veyne[6], J.-L. Halpérin soutient - et explique fort bien - que notre héritage romain est recomposé au filtre de diverses influences postérieures à Rome même. Il ne reste de Rome qu’une image déformée par deux mille ans d’interprétations.

Il y a dans cette posture intellectuelle quelque chose de robuste et de lucide, de sain et de conscient. Elle nous indique qu’il n’y a rien de bon à se faire un ami de Cicéron. Il est mort, non au sens trivial, mais au sens profond que lui donnent P. Veyne ou J.-L. Halpérin : il est aboli, on ne le fera pas revenir à la vie sauf à se perdre dans des récits faussés par une mythologie de la proximité. Son nom seul subsiste comme un vestige. Entre « Cicéron et nous », titre téméraire de cette conférence, il n’y a plus rien ou alors, pour parler comme P. Veyne, ne subsiste entre « lui » et « nous » que ce qu’il y a entre « nous » et un Thibétain. Tel un ludion, Cicéron ne cesse de parcourir les différents étages du triptyque « Anciens, Modernes, Sauvages », pour reprendre le titre d’un ouvrage de François Hartog[7].

**

On pourrait s’y résoudre, mais en lisant le maître-ouvrage de Paul Veyne, Le pain et le cirque, voici ce que l’on trouve sur Cicéron : « Il y a chez Cicéron une indéniable part de dureté, un tempérament de fanatique ; l’exécution des catiliniens, loin de l’empêcher de dormir, était pour lui un grand souvenir (…), il y avait un rapport entre la jactance sanglante de Cicéron et la naïveté politique du même Cicéron (…) Cicéron n’est que trop porté au terrorisme. La Deuxième Philippique se termine par un appel à peine déguisé au meurtre d’Antoine : c’était donner le signal des proscriptions. (…) Le cas de Cicéron est, je suppose, celui d’un intellectuel peu fait pour l’action et qui a plus le goût de la politique qu’il n’en a le talent. Toute sa vie, il a hésité entre trois rêves d’intellectuel qui a la nostalgie de l’action : conseiller le prince, ou le princeps Pompée, apercevoir un homme d’État quand il se regarde dans un miroir, pouvoir se dire sur son lit de mort que du moins il avait gouverné une fois dans sa vie. Il faut dire à son éloge qu’il manquait, sinon d’habileté et de flair parfois divinatoire, de volonté de puissance. (…) Cicéron veut extirper le mal ; de ce désintéressement noble au terrorisme, le passage n’est que trop aisé. (…) »[8]. Et plus loin dans le même ouvrage : « Cicéron homme politique plutôt qu’homme d’État, connaissant mal les affaires, ne voyant rien au delà des mur du Sénat d’une optique « parlementaire » étroite (…) [son] patriotisme romain très vif tourne à un amour conservateur, romantique, du passé idéalisé »[9] .

Étonnant passage dans lequel l’illustre historien dément son propre programme intellectuel. Le portrait qu’il trace de Cicéron est celui d’un personnage du XXe siècle : fanatique, terroriste, intellectuel, parlementaire, conservateur, romantique, sans compter les détours allusifs par Machiavel et Nietzsche si typiques des années 1970. Ce vocabulaire n’est pas celui de la science. Ce florilège est le témoin fidèle, au mot près, de lieux communs établis dans le premier tiers du XIXe siècle, et qui affectent l’image de Cicéron : jactance, naïveté, vanité, nourrissent un point de vue politique précis, dans lequel s’articulent d’une part une vieille et instinctive méfiance à l’encontre du « parlementaire », homme politique mais pas homme d’État, d’autre part la récusation de toute tentative pour un intellectuel de se mêler de politique – la vraie, celle du gouvernement. L’intellectuel aux affaires, c’est un début de trahison. Planent sur ce texte le souvenir de Robespierre et des Khmers rouges. Comme on voit, Paul Veyne n’aurait pas cru possible l’avènement d’un Vaclav Havel.

Par cette invective, il abdique ici la dimension anthropologique d’un Cicéron mort, exotique ou Thibétain. Il le fait revivre ; pour reprendre ses propres termes, il lui donne une « valeur » - on pourrait dire une contre-valeur.

Mais depuis quand dégrade-t-on une vieille gloire scolaire en lui prêtant les traits de l’intellectuel que le pouvoir corrompt ou, pire, qui corrompt le pouvoir ? Depuis quand lui prête-t-on les traits sinon d’un voisin de palier, du moins d’un collègue universitaire détesté ou d’un homme politique honni (et peut-être le mélange des deux) ? Depuis quand s’en prend-on à Cicéron ? Depuis toujours ou presque. P. Veyne suit ici un chemin emprunté mille fois, chemin qu’il a dénoncé ailleurs, celui des surinterprétations successives, celui du tribunal de l’histoire, celui de l’appropriation idéologique ou celui de ces babouchkas orthodoxes qui vont insulter les icônes à la première contrariété venue. Dans un frisson contraire, elles peuvent aussi les remercier dévotement, en les couvrant de fleurs et de baisers. Car l’excès dans le dénigrement va de pair avec l’excès dans l’éloge. Michael Lind, intellectuel américain influent et talentueux, ne déclarait-il pas, il y a quelques années que « Cicéron est, à la possible exception près de Jésus Christ, la figure centrale de la civilisation occidentale »[10]. Une telle exagération ne va pas dans le bon sens. Elle n’est pas isolée. On la trouve quasi à l’identique chez l’historien Michael Grant en 1960 ; elle est annoncée chez Montesquieu. Cette histoire n’est pas celle de Cicéron, c’est celle de « Cicéron et nous ». Je vous en propose un rapide survol.

**

Le XIXe siècle commençait, pour Cicéron, comme avait fini le XVIIIe : il était une idole. Montesquieu, Voltaire, l’abbé Prévost, Stuart Mill, Edmund Burke, John Adams, David Hume, Victor Duruy : ces quelques noms illustres, cités dans le désordre, avaient fait de Cicéron une icône culturelle autant qu’une référence personnelle. La vieille biographie de Middleton, publiée en 1741, ne cessait d’être rééditée et, au détour des années 1830, l’édition des Œuvres complètes de Cicéron par Joseph-Victor Le Clerc constitue le sommet d’une cicéromanie issue des Lumières. Cicéron était l’éducateur du genre humain.

Or, et je dirais sans préavis, paraissent en 1834 puis en 1854 les Histoires romaines de Drumann et de Mommsen. Comme chacun sait, elles détruisent méthodiquement l’édifice Cicéron pour le rabaisser au plus bas de la hiérarchie des valeurs.

Ces deux auteurs seront bientôt épaulés par l’essor de la philologie allemande, la fameuse Quellenforschung, qui érige la culture grecque au rang d’indépassable modèle et renvoie – pour longtemps – la philosophie romaine au rang d’accessoire. Ainsi, à la critique de Cicéron comme objet biographique – si fidèlement reprise par Paul Veyne - se joint la critique de Cicéron penseur. On lui dénie toute forme d’originalité ; tout au plus celui-ci est-il un passeur, au prix parfois du plagiat ou de la mauvaise copie. « Un vaste désert d’idées », selon Mommsen, un philosophe populaire selon Hegel qui, dans son Histoire de la philosophie, élimine catégoriquement Cicéron de l’espace philosophique proprement dit[11].

Après les travaux pionniers de Pierre Boyancé ou de Michelangelo Giusta, il faudra attendre le dernier quart du XXe siècle pour que Cicéron soit à nouveau qualifié de philosophe, grâce aux travaux de Woldemar Görler, de Malcolm Schofield, de Jonathan Powell, de Walter Nicgorsky et, bien sûr, de Carlos Lévy.

Les ouvrages destructeurs n’ont pas été si nombreux, mais ils jouent un rôle essentiel dans la perception de Cicéron ; les incessantes traductions de l’histoire de Mommsen lui font franchir toutes les frontières et toutes les époques. Un siècle après sa parution, cette entreprise de démolition du monument cicéronien est consacrée par le célèbre ouvrage de Carcopino, Les secrets de la correspondance de Cicéron, qui, en dépit de son érudition vertigineuse, sera un grand succès de librairie. J’ai tenté, dans d’autres lieux[12], d’analyser les raisons de cette haine de Cicéron, dont l’extrait de P. Veyne est un avatar. Pour aller vite, Cicéron est assimilé à ce que plusieurs générations d’auteurs vont détester au plus profond d’eux-mêmes : le bourgeois. Les romanciers ne s’y sont pas trompés, et il y a de nombreux passages de Balzac qui ridiculisent les bourgeois de province qui collectionnent les citations de Cicéron pour les débiter dans les soirées mondaines. Cette détestation du bourgeois, Mommsen ne la nie pas. Alors qu’un de ses correspondants lui demandait s’il ne regrettait pas d’être allé trop loin dans son entreprise anticicéronienne, il répondit : « j’ai voulu faire descendre dans le monde réel les anciens du fantastique piédestal sur lequel il apparaissaient. C’est pourquoi le consul devait devenir le burgomaster. Peut-être ai-je exagéré en ce sens ; mais mon intention était la bonne »[13].

A lire de près ces auteurs, derrière l’image du bourgeois ridicule de Balzac, se profile un personnage complexe, objet de toutes les exécrations, prototype social qui se définit par la conjonction de trois rancœurs : celle que l’on a contre les avocats, contre l’argent et contre les politiciens véreux, parlementaires de préférence. Le portrait de ce personnage menteur, hâbleur, beau parleur, rentier, parvenu et prédateur a été tracé par Édouard Drumont dans la France juive (1886), au cœur de l’affaire Dreyfus. Carcopino, dans son style éblouissant, doit beaucoup à cette imagerie antidreyfusarde. Son Cicéron ressemble à s’y méprendre au juif selon Drumont.

Deux anecdotes récentes et personnelles si vous me le permettez : après avoir contribué à fonder la Société Internationale des Amis de Cicéron, en 2008, je fis du porte à porte dans les couloirs des universités en vue de recruter des adhérents. Quelle ne fut pas ma surprise de m’entendre dire par tel professeur qu’il ne pouvait adhérer à notre association car Cicéron était à ses yeux un auteur de droite ! Et tel autre, savant renommé, déclinait avec regret mon invitation car il se sentait d’abord et avant tout ami de Jules César, l’ennemi intime de Cicéron. Cette survivance fossile d’une haine de Cicéron, je le répète, fait pendant à celle de ses thuriféraires.

Car, parallèlement à l’histoire des ennemis de Cicéron, se déroule, en toute confrontation, celle de ses amis. L’ouvrage de référence en la matière est le fameux Cicéron et ses amis de Gaston Boissier, édité en 1865 et traduit autant de fois que l’a été l’Histoire de Mommsen. Lamartine, Hugo, Jaurès, Blum, ont fait front commun avec les historiens, le suédois Torsten Peterson, le danois Hartvig Fritsch, l’italien Emanuele Ciacerri, l’américain Franck Teney, pour défendre un Cicéron de combat, un Cicéron en lutte contre les factions autant que contre le césarisme. Emmanuele Narducci, éminent cicéronien italien, a bien mis en relief la construction de ce personnage qui appartient à la République des avocats et se fait le champion du « modératisme »[14]. Quant à Louis Laurand, jésuite érudit, il avait fait paraître dans les années 30 un petit livre intitulé « Cicéron est intéressant ». Tout un programme, celui de la défense de Cicéron, mais surtout celui d’une querelle cicéronienne qui semble aujourd’hui relever d’un autre âge.

Ce qui s’est produit, si longtemps et si durablement, est bien le contraire du programme scientifique de P. Veyne. A la radicale altérité qui sépare « Eux et Nous », on a toujours instinctivement opposé un « Eux, c’est Nous ». Cicéron en est le témoin, mieux il en est la grande victime. Pour dire autrement, dans « Cicéron et Nous », il y a ce poids de nos lectures, tous ouvrages qui constituent un prisme d’autant plus déformant qu’il est façonné par des auteurs brillants et parfois savantissimes. L’accès à Cicéron passe par eux, et il est presque impossible de s’en affranchir. Les notes en bas de page des diverses éditions de Cicéron, les cours que nous avons reçus de nos maîtres, les rares apparitions de l’Arpinate dans les médias, constituent un fonds qui s’impose comme premier accès à Cicéron, déformé par la haine ou défiguré par l’amour.

Une anecdote personnelle encore : lorsque j’étais en khâgne, mon professeur de latin, vénéré par moi, fit un long dégagement plein d’esprit au sujet de l’ouvrage qu’Auguste Haury avait fait paraître sur l’humour chez Cicéron[15]. Après nous avoir fait sentir l’incongruité d’un tel titre - comment imaginer Cicéron ayant de l’humour ? - il nous recommanda vivement de lire le brûlot anticicéronien de J. Carcopino. L’étonnant était que mon professeur était membre du parti communiste et vendait l’Humanité le matin devant le lycée. Comment un humaniste de gauche pouvait-il recommander à ses élèves de lire le texte d’un ancien ministre de Vichy qui haïssait Cicéron pour des raisons obscures ? Une explication possible est bien la force de ce « Cicéron et nous », toujours utilisable et malléable, et qui présentait alors à mon professeur l’image d’un Cicéron caricaturalement giscardien. Nous étions en 1981. Comme on voit, cette distance infranchissable qui doit nous séparer des « Anciens », est moins un abîme, un vide immense, qu’un trop plein d’informations, sédimenté par le temps et dur comme la roche.

**

Cette situation, si insatisfaisante pour l’esprit, est à l’origine de ce que j’appellerais la tristesse des cicéroniens qui, pendant de nombreuses années, a imprégné leurs travaux. Celle-ci apparaît nettement dans un ouvrage paru dans les années 1980 qui s’intitulait Présence de Cicéron. L’immense nostalgie qui l’imprègne tout entier laisse penser que l’ouvrage aurait bien pu s’intituler Absence de Cicéron, ou pour parler comme Alain Michel, Disparition de Cicéron. Dans l’article interrogatif qu’il écrit à cette occasion, « Y a-t-il une actualité de Cicéron ? » [16], Alain Michel observe la quasi disparition de l’auteur dans les programmes universitaires et dans les manuels scolaires (il faut attendre 1984 pour y voir apparaître une première mention du De republica): « Après avoir été crucifié, Cicéron n’est plus diffusé ».

D’autre part, Alain Michel désespère : les lieux de rencontre entre spécialistes et public, pourtant décisifs, n’existent plus. Si quelques manifestations publiques ont tenté de contrer cette faillite, en 1957, à l’occasion du bimillénaire de la mort de Cicéron, célébrations et manifestations furent affaire de cénacles, et leur retentissement sur le public fut inexistant. Les universitaires « cicéroniens » vivent, pour reprendre une expression d’Alain Michel, dans un « ghetto ».

Ainsi, notre disponibilité envers Cicéron est-elle déterminée par deux angles d’attaque. D’une part, un amas de jugements biaisés, dépréciatifs ou louangeurs, et tout en exagération ; de l’autre, un début d’amnésie qui installe un désintérêt marqué pour le monde de Cicéron[17].

Pour surmonter cette difficulté, Alain Michel fait une proposition que je n’ai lue nulle part ailleurs. La « présence » réelle et non plus factice de Cicéron ne peut plus se mesurer à ce que l’on en voit. Et pour cause : il a disparu. Certes, les citations explicites de Cicéron sont le meilleur indice de son influence, mais qu’espérer d’une telle démarche dans un monde qui ne cite plus Cicéron ? Cette « présence », il faut aller la chercher, la deviner, la supposer même, dans les textes ou les témoignages qui citent Cicéron implicitement.

L’idée, de prime abord, pourra paraître incertaine voire saugrenue, tant elle expose à des risques inutiles. Il suffit de trouver un texte qui contienne les idées de république, d’amitié, de devoirs, de concorde, d’armes qui doivent le céder à la toge, pour imaginer à peu de frais une « présence » de Cicéron. Mais ce ne sont souvent que des ressemblances ou des coïncidences de vocabulaire. Il y a dans les discours de W. Churchill ou dans ceux de Nelson Mandela des ressemblances frappantes avec des textes de Cicéron. Cicéron dans le De Marcello – ainsi que dans une de ses lettres à Marcellus - défend l’idée que le pire à craindre dans une guerre civile, c’est la victoire. Il faut la surmonter pour aller à la réconciliation[18]. La similitude avec tel discours de Nelson Mandela montre à quel point le concept de clementia est proche de celui de forgiveness dans une rhétorique de la conciliation, pour reprendre une expression de David Frank[19] à propos d’Obama. Mais cela ne doit pas nous abuser. Si l’idée est la même, il reste impossible d’établir un lien factuel de l’un à l’autre. De telles perspectives ne mènent pas loin, tout au plus à un parallèle à la Plutarque. Dans son texte, Alain Michel cède à ce penchant. Il établit ainsi la présence de Cicéron chez Chaïm Perelman en citant un passage de l’Empire rhétorique qui fleure bon son Cicéron. Et d’appuyer cette présence implicite par le fait que « nous pouvons affirmer avec certitude que l’auteur connaît bien la littérature antique et notamment les œuvres de Cicéron ». Argument d’autorité ou faux fuyant, la démonstration est décevante[20]. En ne voyant plus Cicéron nulle part, Alain Michel cherche une méthode pour le trouver partout.

Pourtant, l’hypothèse d’Alain Michel d’un Cicéron qui avance masqué à travers d’autres œuvres, déjà faites ou à venir, mérite d’être explorée. D’autant que la partie visible de Cicéron est, on l’a vu, trop souvent idéologique ou parfois simplement décorative. Plus prometteuse sera la présence de Cicéron dans la grammaire cachée des textes (j’emprunte l’expression, une fois de plus, à P. Veyne). C’est sur ce sentier étroit que je souhaite vous inviter quelques instants ; et nous verrons qu’on peut l’emprunter de différentes manières.

**

Commençons par un étonnement d’Hannah Arendt qui écrit dans la Crise de la culture : « Il est curieux de voir combien le nom de Cicéron apparaît rarement dans les écrits de Machiavel et quel soin il a mis à l'éviter dans ses interprétations de l'histoire romaine »[21]. Cet étonnement est d’autant plus sérieux qu’Hannah Arendt connaissait parfaitement Cicéron et en fit une de ses références premières. À la fin de sa vie, elle avait projeté d’écrire un livre sur Cicéron, ce qu’elle n’a malheureusement pas eu le temps de faire.

Que Machiavel évite de nommer Cicéron nous met sur la voie définie par Alain Michel. En effet, comment peut-il se faire qu’un humaniste, pétri de lettres classiques, père fondateur de la science politique, ne cite pas l’auteur de référence de son époque, et d’une certaine manière le seul auteur qui l’ait précédé, si l’on en juge par la formule de Barthélemy-Saint Hilaire : « De Cicéron à Machiavel, il faut franchir un espace de quinze siècles à peu près sans rencontrer un seul monument » [en sciences politiques][22].

Chez Machiavel, certaines phrases, tout à fait cruciales dans la formulation de sa pensée, sont de purs décalques des phrases de Cicéron. La similarité des termes, des structures grammaticales et des métaphores n’autorise pas le doute. Ainsi, cette pensée maîtresse de Machiavel : « À ce sujet naît une controverse : s'il est mieux d'être aimé plutôt que d'être craint ou le contraire » (chapitre XVII). De quelle controverse s’agit-il ? Celle qu’il entend mener directement avec Cicéron : « De tous les moyens à prendre pour défendre et conserver sa puissance, il n'y en a pas de plus apte que d'être aimé, ni de plus défavorable que d'être craint » (De officiis, 11.7, 23)[23]. On sait que Machiavel pense le contraire. De la controverse naît la divergence, d’autant plus vive que l’un et l’autre sont des penseurs de l’efficacité. Cicéron, citant Ennius, établit que la crainte n’est pas même efficace, car elle conduit inévitablement à la haine et que, au bout du compte, celle-ci aura raison du tyran.

Plus loin dans le Prince, cette prise de position tout aussi essentielle (chapitre XVIII) : «Vous devez donc savoir qu'il y a deux genres de lutte : l'une se fait par les lois, l'autre par la force ; la première est propre à l'homme, la seconde est propre aux bêtes ; mais parce que souvent la première ne suffit pas, il faut recourir à la seconde. Par conséquent, il est nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l'homme ». Il s’agit ici encore d’une reprise de Cicéron (De off., I, XI) «Car puisqu'il existe deux genres de lutte, l'une par la discussion, l'autre par la force et que la première est le propre de l'homme et la deuxième des bêtes, il faut avoir recours à la deuxième lorsqu'il n'est pas permis d'utiliser la première ». Lorsque l’on met les deux phrases en parallèle, leur conformité de structure est frappante. Alors que pour Cicéron la force est l’ultima ratio des hommes de bonne foi, et qu’elle est le premier élan chez la bête, Machiavel inverse la donne : elle est enracinée au cœur du prince, elle est le fondement de sa légitimité, la discussion ou la loi n’étant que ce qu’il est bon d’utiliser que lorsque l’essentiel est assurée : la crainte.

Enfin, dernier passage du Prince, au demeurant célèbre : « Étant obligé de savoir bien user de la bête, il [le prince] doit prendre le renard et le lion parmi les bêtes possibles ; parce que le lion ne se défend pas contre les pièges, le renard contre les loups. On a donc besoin d'être renard pour connaître les pièges et lion pour effrayer les loups ». L’allusion à Cicéron est patente : « Or comme on offense quelqu'un de deux façons, à savoir par la perfidie ou par la force, la fraude semble appartenir, pour ainsi dire, au renard, la force au lion. Or l’une et l'autre façon est parfaitement étrangère à l'homme, mais la perfidie mérite une plus grande haine » (De officiis, 1.13, 41). Ici, point de réminiscence involontaire. L’utilisation directe de la métaphore cicéronienne est manifeste.

De ces trois « présences » de Cicéron dans le texte du Florentin, on sent naître une opposition radicale. Mieux, par un choix subtil de réécriture des phrases du De officiis, Machiavel se présente en inversum de Cicéron. Il souhaite que la justice se rende utile quand le second défend que l’utile doit être juste. Ce que Machiavel permet, Cicéron le défend. Au cœur de cette opposition, le juste et l’injuste. Pour Cicéron, la justice est le cœur de toute vie sociale et préforme la définition de l’homme bon et l’injustice est le mal absolu[24]. Pour Machiavel, ceci n’est qu’illusion[25].

Cet exemple, me semble-t-il, valide l’hypothèse de travail d’Alain Michel. Si Machiavel ne cite pas Cicéron, c’est par jeu littéraire, par coquetterie, mais sans doute aussi par souci de controverser avec une idée[26]. Ce qu’il importe de constater, c’est combien Cicéron permet à un auteur d’avancer dans sa propre voie, fut-elle contraire[27].

Faisons maintenant un bond de cinq siècles. Les questions soulevées par Cicéron et Machiavel ont formé le socle d’une renaissance de la science politique à partir des années 1970 et jusqu’à aujourd’hui. La restauration de Cicéron en penseur de la chose politique est due à des auteurs comme Ernesto Grassi, John Rawls, John Greville Pocock, Quentin Skinner, Philipp Petit, Maurizio Viroli ou Jean-Fabien Spitz qui, en œuvrant à l’apparition d’un humanisme civique contemporain[28] ont fait une large place à Cicéron. Il n’est guère possible ici de discuter de cette riche avancée intellectuelle. Il convient de noter trois choses :

- Ce retour de Cicéron et de ce que l’on appelle « l’humanisme civique » prend le contre-courant de la pensée dominante dite libérale. La friction qui s’est produite entre Machiavel et Cicéron met à jour une idée commune aux deux penseurs : il existe un système politique qui s’appelle République qui se porte garant de la liberté, mieux, qu’il est seul en mesure de réaliser vraiment ; cette communauté politique est fondée par l’attachement au bien commun, attachement qui implique de la part de chacun l’exercice d’une vertu civique. Cicéron et Machiavel partagent l’idée que la république ne peut se soutenir autrement que par le courage de chacun. Il n’y a pas de République sans une éthique des comportements quotidiens. C’est tout le De officiis.

- Le passage obligé par l’humanisme des XIVe- XVIe siècles eut pour conséquence de délaisser le De republica au profit du De officiis. C’est aujourd’hui corrigé. Cicéron y affirme que « la république, c’est la chose du peuple ; mais un peuple n’est pas un rassemblement quelconque de gens réunis n’importe comment ; c’est le rassemblement d’une multitude d’individus, qui se sont associés en vertu d’un accord sur le droit (consensus iuris) et d’une communauté d’intérêts »[29]. Cette définition de la république ne contient rien concernant la manière dont le pouvoir politique est exercé. Ce qui fait la république, c’est « l’accord sur le droit » d’une communauté consciente d’elle-même. C’est ainsi que Cicéron a dressé l’épure du républicanisme contemporain. La Res publica, l’accord sur le droit, consacre le caractère inséparable de la loi et du peuple. Ce thème majeur de la tradition républicaine a pour principal créateur Cicéron. Un historien comme Philipp Pettit a su transposer cette idée cicéronienne, ce qui ne va pas de soi[30], pour développer ce qu’il appelle la démocratie de contestation. Selon lui et ses successeurs, la république ne vit que par la délibération et la contestation, ce goût pour le tumulte que Hobbes reprochait tant à Cicéron et qui était à la racine de la détestation de Drumann pour Cicéron (« l’histoire romaine prouve que les formes républicaines de gouvernement ne saurait convenir durablement pour l’humanité telle qu’elle est…».

- Enfin, la démocratie délibérative, au sein de laquelle la légitimité des pouvoirs constitués est mise en question par des citoyens compétents, est un thème majeur de la philosophie contemporaine. La délibération est la discussion en vue d'une décision à prendre collectivement, selon la vieille norme aristotélicienne. Pendant de nombreuses décennies, philosophes et politologues ont suivi le modèle de Jurgen Habermas, pour lequel la seule bonne délibération réside dans un statut conversationnel. Celui-ci débouche sur un agir communicationnel, opposé à un agir stratégique, qui relève de la négociation, soumise à des normes formelles externes au sujet et de nature souvent égoïste. Ce n'est rien moins que l'inversum de la position cicéronienne, telle qu'elle est définie dans le De officiis, I, 132 : « il y a la parole de l’éloquence et la parole de la conversation. L’éloquence sera de mise dans les débats des tribunaux, des assemblées, du sénat ; la conversation se tiendra dans les réunions, les discussions, les rencontres amicales». Habermas, suivi ou accompagné par d'autres, a minutieusement critiqué, non sans arguments de valeur, la position de Cicéron. Depuis, la séparation entre sermo et contentio chère à Cicéron[31] est de nouveau à l'ordre du jour chez des auteurs importants comme Gary Remer[32] ou Bernard Manin. Ce dernier, après avoir hésité entre les subtilités des deux modèles, admet que «la décision collective peut être favorisée par des discours tenus devant un auditoire ne discutant pas avec les orateurs »[33]. Comme on voit, cette école - ainsi que ses opposants - font retour à Cicéron pour remettre à plat les conditions de l'exercice d'un pouvoir fondé sur l'échange d'idées[34] et dans lequel l'orateur est le représentant du peuple – de la communauté civique - [35] et garantit le mécanisme de la délibération.

Ce passage par la théorie politique – nous sommes dans une période électorale, en France, aux États-Unis, en Grèce, en Allemagne, partout au Maghreb – m’a paru utile pour montrer comment faire crédit à l’intuition d’Alain Michel. Ce trop rapide développement nous met sur la voie d’un Cicéron tout neuf. Il est totalement impliqué dans la mise en forme d’une pensée contemporaine, mieux : d’avant-garde. Non Cicéron n’était pas un conservateur – le mot est anachronique, trop moderne, et pour qu’il fasse sens, il aurait fallu une école libérale à Rome - mais plutôt un théoricien de la stabilité politique des institutions[36]. Plus encore, on a tort d’oublier une donnée constante de la pensée de Cicéron : la nécessité d’innover.

Tout comme les humanistes, il dut se battre à la fois contre un monde ancien à la dérive – dont il n’est pas issu sociologiquement –et se méfier d’un monde à venir qui ne vit que par un détournement des libertés publiques. La déliquescence de la république tardive – guerre civile, proscriptions, coups d’État, assassinats et prévarication – s’accompagne de la montée en puissance des hommes forts, Sylla, Marius, Crassus, Lépide, Pompée, César, Antoine, Octave, sans oublier Catilina, Clodius et les autres membres des factions - Ronald Syme disait des gangs. Ces faits se succèdent, mieux s’entrelacent, et obligent Cicéron à trouver une autre voie, qui n’est ni la défense d’une république sénatoriale en déclin ni celle d’une république factice et autocratique. Aldo Schiavone a parfaitement senti et décrit, dans l’Histoire brisée[37], comment l’échec de Cicéron fut un tournant de l’histoire. Ainsi, me semble-t-il, les récentes réflexions sur le républicanisme nous font apercevoir que la pensée de Cicéron, sans cesse à la recherche d’un cadre stable et pérenne qui tire l’État et l’homme vers le haut, est un facteur d’innovation.

**

Au terme de ce premier parcours, qu’est Cicéron pour nous ? Un laboratoire d’idées, un texte prêt à entendre nos questions, à la fois celles que nous lui posons et celles que nous nous posons à nous-mêmes. J’aurais aimé, avec un peu de temps, vous parler d’autres rencontres possibles et parfois inattendues.

Voyez par exemple l’impression que fait Cicéron dans le monde des entreprises, en lisant la conférence donnée par George Brague, « Profiting With Honor:Cicero’s Vision of Leadership », qui dresse un étonnante analyse du De officiis comme bréviaire du chef d’entreprise éthique[38]. Cette réflexion déontologique se retrouve également chez les avocats[39]. De même, la place de Cicéron dans l’histoire du droit fait l’objet d’une nouvelle évaluation grâce à Mortimer Sellers, (« Marcus Tullius Cicero is the father of modern law and politics »)[40] ainsi qu’à Richard O. Brooks[41]. J’aurais aimé encore passer en revue tous les signes d’un Cicéron qui est moins le représentant d’une culture ancienne qu’un auteur qui s’invite volontiers au cœur des aventures intellectuelles. Un rapide coup d’oeil bibliographique nous le montre agissant sur plusieurs fronts. Dans le monde de la sociologie, son De senectute est largement exploité dans le domaine des “aging studies”, les études sur la vieillissement des sociétés, érigées en sujet majeur dans les sciences sociales du XXIe siècle[42]. Les psychologues ont lu et relu sa correspondance pour créer un modèle clinique du deuil et de la souffrance de l’exil[43]. Et je ne dis rien des études sur la rhétorique et rien non plus de la présence de Cicéron dans certains romans talentueux. Pour reprendre les termes récents de Carlos Lévy, « l’inépuisable richesse » du legs cicéronien vient moins des questions qu’il a tranchées que de celles qu’il laisse à nos propres questionnements[44].

**

Après ce premier détour, je vous propose de changer de cadre, de sortir des lectures savantes et d’aller à la rencontre de Cicéron dans le monde auquel il a tant donné : l’action politique et l’éloquence.

Le 26 juin 1963, John Fitzgerald Kennedy prononce à Berlin un de ses discours les plus fameux, resté dans toutes les mémoires : « Ich bin ein Berliner ». Rappelons le propos : « Today, in the world of freedom, the proudest boast is "Ich bin ein Berliner!"... All free men, wherever they may live, are citizens of Berlin, and, therefore, as a free man, I take pride in the words "Ich bin ein Berliner! ». Il n’est guère difficile d’établir d’où provient cette invention, amorcée par le mot Today. Car voici ce qui la précède : « Two thousand years ago the proudest boast was civis Romanus sum. Today, in the world of freedom, the proudest boast is "Ich bin ein Berliner!"...etc.”. L’origine de ce changement d’identité – je suis berlinois – est le célèbre passage du De suppliciis dans lequel le chevalier Gabius, crucifié à Messine par Verres, proteste, par cette célèbre exclamation civis Romanus sum, de l’injustice qui lui est faite. Ce qui n’a pas échappé à Kennedy, c’est que pour tout esprit moderne, la phrase attendue de Gabius était « je suis innocent » (d’autant, rappelons-le, qu’il l’était vraiment). Mais d’innocence, il n’est pas question. Ce que Cicéron a si magistralement magnifié, c’est que le martyre de Gabius est d’abord un viol de l’habeas corpus – si j’ose dire - qui s’attache à chaque citoyen romain. Et Kennedy, en lecteur avisé, en excellent juriste qu’il est, en orateur féru de rhétorique, en connaisseur de l’histoire de l’éloquence, enfin en homme d’État, a parfaitement saisi, en ramenant le texte de Cicéron à son sens profond, à son noyau, que le crime de Verres est de ne pas respecter le droit. C’est ainsi que "Ich bin ein Berliner! », au-delà de sa force propre à émouvoir la foule amassée ce jour-là, est un moment critique de la relation avec l’Union Soviétique. C’est à ses dirigeants que s’adresse Kennedy : vous avez violé le droit des gens[45], ce fameux ius gentium si génialement élaboré par Cicéron.

Je note au passage que si Kennedy invite Cicéron dans le bain de la politique, il l’invite surtout dans le vaste monde. Cette dimension universelle de Cicéron est rarement mise en avant. Et pourtant, ne le croyons pas cantonné au seul domaine – si étroit – de la vieille Europe et des États-Unis. En Corée du Sud, Cicéron trouve ses jeunes spécialistes, comme Jaewon Ahn, et au-delà de l’étude universitaire, il est à l’œuvre dans les débats publics sur le sens à donner à la constitution de ce pays. En Afrique, il est moins méconnu qu’on ne pourrait le croire. Tel universitaire nigérian tente, non sans brio, de réconcilier Foucault et Cicéron[46] ; tel autre interroge le destin de l’Afrique contemporaine à l’aune du combat livré à Catilina[47]. Enfin, n’hésitons pas un instant à dire qu’Internet est le nouveau lieu de prédilection de Cicéron.

**

Dernier sentier à explorer, le statut de Cicéron. Si vous faites l’expérience de placer sur une table une dizaine d’encyclopédies, peu importe la date et le lieu de publication, peu importe la langue, vous verrez l’article « Cicéron » invariablement commencer par : « orateur, philosophe et homme politique », ou alors, « orateur, homme politique et philosophe », et encore « homme politique, orateur et philosophe », etc. Or, si l’on s’amuse à reconstituer la vie de Cicéron non plus comme une succession d’événements – une biographie en somme – mais comme un emploi du temps, on ne peut que constater que Cicéron passa l’essentiel de sa vie à écrire et, pour écrire, à lire. Voici ce qu’aucune encyclopédie n’écrit jamais : Cicéron écrivain.

Et qu’est-ce qu’un écrivain ? Je ne connais pas de meilleur guide en la matière que Roland Barthes. Ce dernier connaissait bien Cicéron. A l’occasion de son ouvrage sur la rhétorique, il avait étudié en profondeur le théoricien du langage et de l’éloquence, le De oratore, mais aussi le De inuentione. Cependant, alors même que Cicéron m’avait toujours paru être l’auteur sur lequel Barthes aurait dû écrire, comme il avait écrit sur Michelet, je suis resté longtemps affligé de ne rien voir de tel. Jusqu’au jour où lisant Roland Barthes par lui-même, son autobiographie, je m’arrête sur une page consacrée à son enfance, page presque blanche sur laquelle figure une courte phrase ; en regard de celle-ci une photo de Barthes enfant, à l’air triste et timide. La phrase est la suivante : « Enfant, je m’ennuyais souvent et beaucoup ». Dans la perfection de la forme surgit tout le mal et toute l’angoisse qui marquera le reste de la vie de Barthes. Mais d’où vient ce « souvent et beaucoup » ? Retournons au texte de Cicéron, celui qu’il écrivit alors qu’il avait environ vingt ans : « Saepe et multum hoc mecum cogitaui bonine an mali plus attulerit … ». C’est la première phrase du De inuentione. Le lien avec Cicéron est patent : non seulement Barthes avait écrit son ouvrage sur la rhétorique le De inuentione à la main, mais encore faut-il dire que saepe et multum est une expression qui ne se trouve que chez Cicéron. Au moment de faire cette confession douloureuse sur son enfance, Barthes a su se souvenir de cette expression de Cicéron, elle-même parfaite et profonde. Oui, Cicéron est un écrivain aux formes subtiles et aux fortes saveurs pour parler comme Barthes. Son écriture a ses plis et ses mystères.

Ce détour, si rapide, par la sensibilité littéraire nous éloigne de Cicéron philosophe et orateur, mais nous suggère que si le texte de Cicéron est bien un laboratoire d’idées il est aussi une source de joie pour qui aime lire lentement et attentivement.

**

Cicéron et Nous. Ce que j’ai souhaité indiquer aujourd’hui, c’est que ce « Nous » a eu de mauvais jours, et qu’il pèse encore sur notre perception de Cicéron. Mais, en nous donnant le plaisir de suivre l’hypothèse d’Alain Michel, nous avons vu que Cicéron avance masqué. Non, il n’a pas disparu. Une seule condition pour s’en apercevoir : aller au texte. Et une suggestion : voyez comme Machiavel, Skinner, Habermas, Manin, Kennedy, ou Barthes ont su tirer parti de la lecture de Cicéron, une lecture conçue comme principe actif. Tout est là : Cicéron, c’est un texte. Au moment de conclure, rappelons-nous, avec P. Veyne, cette distance qui nous sépare à jamais de l’Antiquité et de Cicéron. Il ne s’agit pas de railler cette idée, tant elle contient de vérité. Mais, s’il faut avec P. Veyne, faire l’inventaire des différences, il faut ne pas craindre de faire celui de la similitude, l’éloge de la friction, du questionnement, de la familiarité, de la propinquintas disait Cicéron.

Oui, Cicéron est mort ; c’est une difficulté.

Mais c’est lui qui, finalement, répond le mieux au problème en apparence insoluble posé par P. Veyne : il faut parler avec les morts. Il y a dans le De Amicitia, VII une formule extraordinaire : quod difficilius dictu est, mortui vivunt. Jacques Derrida en fut vivement frappé. Je le cite: « Voilà qui doit s'énoncer, voilà qui doit se rappeler, car il y va d'un acte de mémoire ; voilà qui doit engager la mémoire au présent, si on peut dire, en présence des morts ; car si difficile que cela reste à dire (Cicéron le notera, difficilius dictu est, mortui vivunt), les morts vivent et les absents sont présents. Ils veillent encore sur ceux qui veillent sur eux »[48]. Quelle formulation parfaite ! Elle indique à la jeunesse du XXIe siècle que Cicéron est son passé et qu’il est aussi son avenir. Elle a un devoir envers lui, qui est de se rendre disponible pour le lire sans préjugé. Il peut être à la fois une botte secrète, une consolation et un excitant.

Oui, difficilius dictu est. Il faut renoncer, comme Cicéron l’admet lui-même, à vouloir dire les choses à tout prix. Sur ce point, je laisse à Jacques Derrida le mot de la fin : « Ceux qui ricanent devant les discours sur l'indécidable se croient très forts, comme on sait, mais ils devraient commencer par s'en prendre aussi à un certain Cicéron. Par le lire, donc ».

[1] Robert B. Reich, “Who Is Us?”, Harvard Business Review, Jan 01, 1990, 11 pages.

[2] . François Hartog, Mémoire d’Ulysse, Récits sur la frontière en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, p. 210, cette citation d’Humboldt : « C’est seulement dans la distance, dans la séparation d’avec l’ordinaire, seulement comme passé révolu que doit nous apparaître l’Antiquité ». Voir également la préface de François Hartog à : Fustel de Coulanges, La cité antique, Flammarion, coll. Champs classiques, 2009, 698 p. : « Le livre pourrait porter comme sous-titre "Pour en finir avec l'imitation des Anciens". Entre eux et nous, les Modernes, la distance est infranchissable et se méprendre sur eux n'a pas été sans conséquence sur nous».

[3] Paul Veyne, L'inventaire des différences, Leçon inaugurale au Collège de France, Seuil, 1976, p. 8.

[4] Paul Veyne, op.cit., p. 13.

[5] Jean-Louis Halpérin, Droit romain et droits contemporains, Conférence du 22 novembre 2011. En ligne sur le site de l’ALLE.

[6] La conférence de M. Halperin est annoncée dans une saillie de P. Veyne, ibid., p. 40 : « Le lecteur sent non moins obscurément que l'attitude du juriste romain qui interprète le droit ne ressemble qu’extérieurement à celle d'un juriste moderne qui fait la même chose ; et [le lecteur] a bien raison : les deux attitudes n’ont rien de commun ».

[7] François Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, Éditions Galaade, 2005. 256 pages.

[8] Paul Veyne Le Pain et le cirque. Sociologie historique d'un pluralisme politique, Paris, Seuil, « L'Univers historique », 1976, p. 501-2 (rééd. dans la collection « Points-histoire », 1995, p. 781).

[9] Ibid, p. 515.

[10] Michael Lind, « Founding Father », Washington Post, June 23, 2002, « With the possible exception of Jesus of Nazareth, the Roman statesman and philosopher Marcus Tullius Cicero (106-43 B.C.) is the central figure of Western civilization. (…) No great mind in Western history -- not even Socrates, Plato or Aristotle -- has influenced so many other great minds ».

[11] G.W.F. Hegel, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie, Sämtliche Werke, Bd. 17-19, Stuttgart 1927 (1940), II, vol. 18, p. 429 et III, vol. 19, p. 219.

[12][12] Philippe Rousselot, “Cicero and the age of extremes”, The Journal of Greco-Roman Studies, vol. 42, 2010.

[13] Lettre à Wilhelm Hensen, sans date, cité par George Peabody Gooch, History and Historians in the nineteenth Century, London, et al. 1913, p. 457.

[14] Emanuele Narducci, Cicerone, la parola e la politica, Laterza, 2010.

[15] Auguste Haury, L'Ironie et l'humour chez Cicéron, Leiden : E. J. Brill, 1955, 328 p.

[16] michel Alain, « Y a t-il aujourd’hui une actualité de Cicéron », in : Chevallier R. (ed.), Présence de Cicéron, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 298.

[17] Paul Veyne lui-même tourne en rond autour de cette question : L’inventaire des différences, op. cit., p.12 : « (…) notre époque est plus profondément cultivée que d’autres : elle n’apprend plus beaucoup de latin, mais en revanche, elle comprend plus de choses au monde qui est le sien. Or il est incontestable que notre époque se détourne des études classiques. Je ne vois à cela que deux explications possibles : si le public cultivé ne s'intéresse plus guère à l'Antiquité, c'est, ou bien parce que l'Antiquité n'est pas intéressante, ou bien parce que nous autres, antiquisants, n'avons pas su y intéresser les gens ».

[18] Voir par exemple Nelson Mandela's inaugural speech, Pretoria, 10 mai 1994 : « We would also like to pay tribute to our security forces, in all their ranks, for the distinguished role they have played in securing our first democratic elections and the transition to democracy, from blood-thirsty forces which still refuse to see the light. The time for the healing of the wounds has come. The moment to bridge the chiasms that divide us has come. The time to build is upon us. ( …) We must therefore act together as a united people, for national reconciliation, for nation building, for the birth of a new world. Let there be justice for all ».

[19] David A. Frank & Mark Lawrence Mcphail, « Barack Obama’s Address to the 2004 Democratic National Convention: Trauma, Compromise, Consilience, and the (Im)Possibility of Racial Reconciliation », Rhetoric & Public Affairs, Vol. 8, No. 4, 2005, pp. 571-594.

[20] Pour une mise à jour de la présence de Cicéron chez Perelman : David A. Frank & Michelle K. Bolduc, « Chaïm Perelman’s “First Philosophies and Regressive Philosophy”, Commentary and Translation », Philosophy and Rhetoric, Vol. 36, No. 3, 2003.

[21] Hannah Harendt, Crise de la culture, note 59, p. 372

[22] Aristote, Politique, Trad. en français par J. Barthélemy-Saint Hilaire, Député à L'assemblée Nationale, Membre de l'Institut (Académie des Sciences Morales), troisième édition, revue et corrigée, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1874.

[23] Ce passage trouve son application opératoire dans la 1ère Philippique, XIV.

[24] « Donc enlever quelque chose et augmenter ses aises par le tort fait à un homme est encore plus contre nature que la mort, la pauvreté, la douleur ou tous les autres maux qui peuvent arriver au corps ou aux biens extérieurs. Car cela détruit le principe même du lien humain et de la société» (De off., 1.7 à 1.13)

[25] Pour l’ensemble de ce passage, on peut consulter : Pierre J. Goumarre, « La Morale et la politique: Montaigne, Cicéron et Machiavel », Italica, Vol. 50, No. 2, 1973, pp. 285-298 - Marcia L. Colish, « Cicero’s De Officiis and machiaveli’s Prince », Sixteenth Century Journal, 9, 1978 - Gérald Allard, « Machiavel, lecteur des Anciens », Laval théologique et philosophique, vol. 46, n° 1, 1990, p. 43-63 - Barlow J.J., « The Fox and the Lion: Machiavelli replies to Cicero », History of Political Thought, Volume 20, Number 4, 1999, pp. 627-645 - Michelle Zerba, « The Frauds of Humanism: Cicero, Machiavelli, and the Rhetoric of Imposture », Rhetorica, 22, 2004, pp. 215-240 - Remer, Gary, « Rhetoric as a Balancing of Ends : Cicero and Machiavelli », Philosophy & Rhetoric, 42.1, 2009, pp. 1-28 - Jean-Claude Zancarni, « Se pourvoir d’armes propres » : Machiavel, les « péchés des princes » et comment les racheter », Astérion [En ligne], 6, 2009 - Michelle Zerba, « The Politics of Skepticism and Sublimity in Cicero and Machiavelli », 2010, APSA 2010 Annual Meeting Paper. Frederick G. Whelan, Hume and Machiavelli: Political Realism and Liberal Thought, Lexington Books, 2004, 416 pages, contient d’excellent passages sur le parallèle Cicéron Machiavel (pp. 20-25). Selon lui, c’est par défiance pour son antimodèle que Machiavel ne cite pas Cicéron dans le Prince, alors même qu’il joue un rôle essentiel dans les chapitres centraux. On rappelle que Hume suit fidèlement le De officiis. Voir aussi ci-dessous au sujet du « républicanisme ».

[26] Le fait est que machiavel cite Cicéron rarement dans son œuvre. Trois apparitions explicites dans les Discorsi (I, 4 ; I, 33 ; I, 52).

[27] C’est en partie pour Cicéron qu’il écrit (chapitre XV) : « Comme moi je sais que beaucoup d'hommes ont écrit là-dessus, je crains d'être tenu pour présomptueux en écrivant moi aussi là-dessus, en me démarquant des institutions des autres surtout pour discuter de cette matière-ci. Mais comme mon intention est d'écrire quelque chose d'utile pour qui le comprendra, il m'a paru plus convenable de suivre la vérité effective de la chose que l'imagination qu'on a d'elle. Beaucoup d'hommes se sont imaginé des républiques et des principautés qu'on n'a jamais vues ni jamais connues existant dans la réalité... ». Pour Machiavel, Cicéron est naïf.

[28] Philip Pettit, Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, Gallimard, 1997. Pour suivre cette école de pensée toujours à l’œuvre : Pocock, J. G. A. The Machiavellian Moment: Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition. Princeton, 1975 - Bock, Gisela, Quentin Skinner, and Maurizio Viroli, eds. Machiavelli and Republicanism. Cambridge, U.K., and New York, 1990 - Rahe, Paul A. Republics Ancient and Modern: Classical Republicanism and the American Revolution, Chapel Hill, N.C., 1992 - Philip Pettit, Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, Gallimard, 1997 - Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Albin Michel, 2001- Radford, R.T. Cicero: A Study in the Origins of Republican Philosophy. Amsterdam, Rodopi, 2002. Avec davantage de recul, Nicgorski, W., « Cicero’s Paradoxes and His Idea of Utility », Political Theory, 12 (4), 557-578, 1984 - Sellers, M.N.S., The Sacred Fire of Liberty: Republicanism Liberalism and the Law (Basingstoke, 1998) ; - Walter Nicgorski, ed., Cicero's Practical Philosophy, University of Notre Dame Press, 2012, 336 p. On devra aussi se référer aux travaux en cours de Luca Fezzi.

[29] Cicéron, La République, Livre I, xxv, 39, Gallimard, collection Tel, 1994

[30] Pettit, Ph., Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement (1997), trad. fr. Spitz, J.-F. et Savidan, P., Paris, Gallimard, 2004. Pour des prolongements plus récent : Sau, R., Il paradigma repubblicano, «Il modello della democrazia contestaria», Milano, FrancoAngeli, 2004 ou encore Thierry Ménissier, La liberté des contemporains. Pourquoi il faut rénover la république, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2011, 273 p.

[31] Je me permets de renvoyer ici à Ph. Rousselot, « Les conditions du langage politique ; le point de vue de Cicéron », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, octobre 1996, 3, pp. 232-260.

[32] Voir Gary Remer, “Political Oratory and Conversation: Cicero versus Deliberative Democracy”, Political Theory, Vol. 27, No. 1 (Feb., 1999), pp. 39-64. Sous un jour plus sociologique : Philippe Urfalino, "La délibération n’est pas une conversation", Négociations, n°2, 2005 (de Boeck, Louvain), p. 1-19

[33] Bernard Manin, «Délibération et discussion», Revue Suisse de Science Politique, Volume 10, 4, Winter 2004, p. 180. Voir également : Bernard Manin, "Comment promouvoir la délibération démocratique ? Priorité du débat contradictoire sur la discussion", Raisons politiques, 2011/2, n°42, pp. 83-113.

[34] Une intéressante étude sur le rôle et le place de Cicéron dans le renouveau des sciences politiques à partir du concept de rhétorique délibérative : Bryan Garsten, Saving Persuasion: A Defense of Rhetoric and Judgment, Harvard University Press, 2009, 276 pages.

[35] Gary Remer, “The Classical Orator as Political Representative:Cicero and the Modern Concept of Representation”, delivery at the 2008 Annual Meeting of the American Political Science Association, August 28-31, 2008.

[36] Xavier Márquez, Cicero and the Stability of States, Political Science and International Relations Programme, Work in progress, 2009, a bien montré la différence entre « conservatisme » et stabilité de l’Etat.

[37] Aldo Schiavone, L'Histoire brisée. La Rome antique et l'Occident moderne, traduit de l'italien par Jean et Geneviève Bouffartigue, Belin (coll. L'Antiquité au présent), 2003.

[38] George Brague, « Profiting With Honor:Cicero’s Vision of Leadership », 2007, Western Business and Management Conference, San Francisco,

[39] Un seul exemple parmi tant d’autres : Bowman, Byrne A., “Cicero Learns about Modern Law Practice”, American Bar Association Journal, Sep78, Vol. 64 Issue 9, p1365, 5p.

[40] Sellers, M.N.S., «The Influence of Marcus Tullius Cicero on Modern Legal and Political Ideas », Colloquium Tullianum Anni MMVIII

[41] Richard O. Brooks, ed., Cicero and Modern Law, Ashgate, 2009, 662 p.

[42] Par exemple, : Judith de Luce, « Reading Cicero on Aging » ; « Continuity and Change: Four Disciplinary Perspectives on Reading Cicero's De Senectute » (335-338) ; « Theme and Variations in the De Senectute » (361-371), Journal of Aging Studies, 7(1994), 333-381 - Rodeheaver, D. (1993). « Psychological adaptation and virtue: Geropsychological perspectives on Cicero’s De Senectute », Journal of Aging Studies 7(4): 353–359

[43] Par exemple : Nordenfelt, Lennart, “The Stoic Conception of Mental Disorder: The Case of Cicero”, Philosophy, Psychiatry, & Psychology, 4.4, December 1997 - Pivnicki, Dimitrije: “Marcus Tullius Cicero and The Psychotherapy of Pain”, Psychiatric Forum, Vol. 15, (1). 1989 (Win.).

[44] Lévy, Carlos, « Médecine et philosophie : à propos de l’édition du De indolentia de Galien dans la C.U.F », Chronique de philosophie antique, Bulletin de l’association Guillaume Budé, 2011, 1, p. 198.

[45] On pourrait concevoir que ce ciuis romanus sum provienne de Paul au jour de son procès (Actes, 22, 24-5). Mais dans ce cas, il s’agit davantage d’un point de procédure (Paul souhaite que son procès soit transporté à Rome). Il est à noter que ciuis romanus sum a été utilisé par d’autres orateurs, comme Lord Palmerston, mais ici dans une optique différente : l’exclamation de Gavius est adaptée à l’inviolabilité de tout citoyen britannique dans le monde (discours devant la Chambre du 25 Juin 1850). C’est d’ailleurs dans ce sens que Kennedy avait déjà employé la référence cicéronienne dans un discours du 4 mars 1962 (JFK, Remarks in New Orleans at a Civic Reception).

[46] Johnson Segun Ige, « Self-Fashioning in Political Turmoil : Power, Truth, and Rhetoric in Cicero », Quest: An African Journal of Philosophy, XVI, 1-2 (2002).

[47] Charles Wola Bangala, Servir la république Catilina - César - Cicéron : Quel modèle pour l'Afrique ?, Pensée Africaine, 2012, 306 p.

[48] Jacques Derrida, Politiques de l'amitié, Éditions Galilée, 1994, p. 116.