A. Sueur : La rhétorique musicale : une approche de la musique nourrie par le latin (XVIe-XVIIIe siècle)

Conférence de mai 2015.

Depuis la création de l’association, nous avons accueilli des poètes et spécialistes de littérature, des philologues, des historiens, des philosophes, des juristes, ou encore des mathématiciens. Agathe Sueur, docteure en littérature comparée et professeure en classes préparatoires, ouvre pour nous le domaine de la musique, avec la période baroque qui s’est elle aussi tournée vers l’Antiquité. Que l’Institution oratoire de Quintilien ait eu une influence durable sur la création littéraire en France n’est plus un secret pour personne, mais l’œuvre a également connu un autre destin, musical, en cette période où les différents arts sont pensés en parallèle, et en concurrence. Agathe Sueur nous retrace avec brio le portrait de Joachim Burmeister, maître de musique à Rostock au XVIIe siècle et auteur d’une théorisation de la musique sur le modèle de la rhétorique antique. Et pour ceux, sans aucun doute nombreux !, à qui la conférence donnerait envie de lire dans le texte l’œuvre de Joachim Burmeister, signalons l’édition (avec traduction) de sa Musica poetica par Agathe Sueur et Pascal Dubreuil : Musica poetica (1606) augmentée des plus excellentes remarques tirées de Hypomnematum musicae poeticae (1599) et de Musica autoschédiastikè (1601), Wavre, Mardaga, 2007.

Adeline Desbois-Ientile

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Je remercie vivement Adeline Desbois-Ientile et Cécilia Suzzoni de m’avoir proposé de prendre la parole dans le cadre des cycles de conférences de l’ALLE.

Le domaine de la rhétorique musicale peut de prime abord apparaître extrêmement technique et quelque peu exotique, notamment pour des non-musiciens, mais l’intérêt de ce domaine d’études tient notamment au fait qu’il n’est pas nécessairement besoin de lire la musique pour en saisir les tenants et les aboutissants, pour en comprendre la force et les enjeux.

Au plan historique, la notion de rhétorique musicale est attachée à la période de l’histoire de la musique qui s’étend, à grands traits, de la toute fin du xvie siècle aux dernières décennies du xviiie siècle : pendant ces deux siècles, la passion des humanistes pour les arts du discours a conduit les théoriciens et les musiciens à penser la musique comme un discours, comme un art de la parole. L’idée s’est répandue dans les milieux érudits et lettrés, dans les académies italiennes, puis dans toute l’Europe musicale, notamment en France et en Allemagne. L’idée de la rhétorique musicale est en effet présente dans des compositions musicales aussi diverses que celles de Monteverdi et des compositeurs italiens du début du xviie siècle ; elle sous-tend la démarche musicale des compositeurs du xviie siècle, par exemple en France, pour donner quelques noms, M.-A. Charpentier, F. Couperin ; elle est encore vigoureuse en Allemagne au xviiie siècle, par exemple chez J. S. Bach et ses fils, dont le célèbre Carl Philipp Emanuel, ou encore chez G. Ph. Telemann.

Il ne saurait être question d’aborder ici tous les aspects de la rhétorique musicale et l’on se concentrera aujourd’hui davantage sur le moment de sa naissance, à la fin du xvie siècle, et sur une aire géographique, le nord de l’Allemagne. L’approche rhétorique de la musique doit en effet sa naissance aux réflexions d’humanistes qui étaient plongés dans la lecture, l’examen, le commentaire des textes antiques, en grec et en latin. Autrement dit, la rhétorique musicale est impensable sans l’humanisme et sans le latin, et elle constitue une évolution tout à fait remarquable par rapport au modèle médiéval des arts libéraux : on se souvient que les sept arts libéraux se répartissent en un trivium qui rassemble la grammaire, la rhétorique et la dialectique et un quadrivium qui comprend la géométrie, l’arithmétique, l’astronomie et la musique. Penser la rhétorique musicale, c’est faire basculer la musique du quadrivium dans le trivium.

Le statut de la musique au xvie siècle : art d’éloquence ou art sophistique ?

L’idée que la musique est un art qui présente des affinités avec l’art de l’éloquence est très répandue au xvie siècle, elle se fonde sur un constat unanimement partagé : des trois charges qui incombent à l’orateur, instruire (docere), plaire (placere ou delectare) et émouvoir (movere, flectere), la musique en appelle deux d’une manière évidente : elle suscite les affects (adficit), les passions, autrement dit elle émeut (movet), et elle délecte les oreilles et l’esprit (placet, delectat). La relecture des textes des Anciens, qui ont fréquemment souligné les points communs entre les deux arts, nourrit les réflexions des humanistes sur l’éloquence de l’art musical. Il faut ici rappeler deux références antiques célèbres, qui ont particulièrement marqué les mémoires : d’abord une célèbre anecdote antique, rapportée entre autres chez Quintilien, Plutarque, puis chez le philosophe et théoricien de la musique du vie siècle après J. C. Boèce ; elle figure aussi dans les Adages d’Érasme, ce qui a favorisé sa diffusion pendant toute la Renaissance. Un jour, le philosophe Pythagore rencontre sur son chemin des jeunes gens ivres. Pour empêcher que l’un d’entre eux ne s’en prenne de manière indigne à une honnête femme – il est sur le point de la violer – le philosophe fait ordonner de jouer une mélodie dont les rythmes sont fondés sur des pieds spondées (– –), correspondant à deux temps longs, graves et équilibrés ; le choix musical se révèle parfaitement efficace, le jeune homme est apaisé et ramené à une attitude tempérée grâce à la musique. La seconde référence remarquable parmi tant d’autres se trouve chez Cicéron, qui a évoqué dans L’Orateur (57) l’existence, dans l’art oratoire le plus abouti, de ce qu’il appelle un cantus obscurior, un « chant assez obscur » (au sens d’indéfinissable). Par cette formule, Cicéron fait référence à certains passages des discours dans lesquels les orateurs utilisent des intonations qui approchent de la voix chantée, sans être pour autant un chant. Il rappelle que les orateurs grecs Démosthène et Eschine se sont reproché réciproquement ces inflexions de voix si particulières qu’ils employaient tous deux dans leurs discours : elles engendraient des effets puissants sur les auditeurs. La référence au cantus obscurior, qui reste elle-même en partie obscure, faute de témoignages sonores directs de la prononciation des orateurs antiques, a été reprise dans l’Institution oratoire de Quintilien puis a traversé les siècles et a alimenté les spéculations des humanistes. Rappelons d’ailleurs que Quintilien conseille, pour la formation de l’orateur, l’apprentissage de la musique, qui favorise le bon développement de la voix et le sens de l’harmonie, le sens des proportions et du rythme.

Au xvie siècle, le rapprochement entre la musique et l’éloquence s’impose naturellement. Dans certaines circonstances, il conduit même les humanistes à voir dans la musique un art sophistique, équivoque, ambigu, plein de duplicité. En effet, si la musique est éloquente, cela signifie qu’elle présente toutes les nobles ressources de l’éloquence, mais aussi qu’elle en possède tous les prestiges trompeurs, lorsque précisément elle se dégrade en sophistique. Ainsi, la musique est soumise à deux types de jugements de valeur. Parfois, elle est considérée comme un art louable, qui élève l’âme de l’auditeur. Les réformés par exemple soulignent que la musique rapproche l’homme de Dieu son créateur : elle enracine la foi du chrétien, l’aide à mémoriser les leçons de l’Évangile. Le réformé luthérien chante des cantiques, des chorals et des psaumes à la gloire du Créateur, dont certains ont été composés par le père de la Réforme, Luther lui-même. Mais tout au contraire, la musique est parfois considérée comme un poison qui séduit les oreilles par un plaisir purement sensible, qui égare l’auditeur, l’empêche de s’instruire, le tient prisonnier d’une délectation superficielle. La musique possède alors un pouvoir de persuasion diabolique. Dans ce cas, l’idée de l’éloquence musicale ne va plus de soi car la musique apparaît plus proche de la sophistique que de l’art oratoire le plus noble : le musicien joue des passions humaines à sa guise, il séduit l’auditeur et le trouble. Il faudrait en ce sens théoriser une « sophistique musicale »…

La « musique poétique »

On pourrait considérer que la question de l’éloquence musicale tient essentiellement au statut des passions dans la musique et à ces questions des charges de l’orateur, instruire, émouvoir et délecter. L’orateur musical conduit l’auditeur où il veut, lui fait éprouver de multiples passions, la joie, la colère, l’indignation, la tristesse, la compassion. Mais on ne saurait s’en tenir là. La seconde moitié du xvie siècle a été le théâtre d’une entreprise nouvelle : le propos ne s’est alors plus limité à ces affinités générales et des théoriciens ont développé une approche de la musique qui empruntait à l’art oratoire ses codes, ses nomenclatures, et ce de manière systématique, jusque dans le plus subtil détail, comme on va le voir. Ce phénomène a été propre à l’Allemagne, en ce sens que ni en Italie, ni plus tard en France ne se développe un système de rhétorique musicale aussi poussé, aussi pointu dans ses formulations. La théorisation pointue et systématique de cette « rhétorique musicale » a été le fait d’humanistes allemands qui écrivaient en latin, qui évoluaient dans des sphères culturelles latines, et notamment dans ces villes universitaires allemandes où le latin est à l’époque la langue usuelle pour échanger, partager et diffuser des idées. On se concentrera ici sur la figure intellectuelle la plus marquante en ce domaine, sur l’homme qui a été le pionnier sur ces questions et qui, de manière remarquable, a proposé un édifice conceptuel pour penser la rhétorique musicale qui n’a jamais été égalé par la suite, du moins en langue latine. Cet homme s’appelle Joachim Burmeister.

Portrait de Joachim Burmeister

Joachim Burmeister, issu d’une famille relativement modeste, est né à Lunebourg en 1564, et mort dans la ville septentrionale de Rostock en 1629. Il est célèbre aujourd’hui essentiellement pour son traité intitulé Musica poetica, composé en latin et édité à Rostock en 1606, mais en amont il a publié d’autres ouvrages et différentes versions de ce traité, toujours en latin : un traité présentant les rudiments de la notation musicale du chant, un traité intitulé Hypomnematum musicae poeticae synopsis, c’est-à-dire une « présentation synoptique des remarques sur la musique poétique », paru en 1599. L’expression « musique poétique » désigne à l’époque la musique que l’on compose. Puis il a édité la version la plus étendue de ses réflexions, sous le titre Musica autoschédiastikè (1601), « la musique à l’improviste ». Il a également édité en 1609 un texte latin de l’humaniste Henricus Brucaeus, intitulé Musica theorica, qui est consacré à la « musique théorique » comme son nom l’indique, c’est-à-dire à la partie de la science musicale qui étudie les proportions et les rapports mathématiques constitutifs de l’harmonie. Burmeister l’a assorti de commentaires en latin. Enfin, il a fait paraître une pièce de théâtre scolaire, qu’il a en revanche composée en langue vernaculaire.

Du théâtre scolaire : en effet, Joachim Burmeister fut avant tout professeur, et professeur de langues anciennes. Dans son enfance il a étudié à l’école de Lunebourg, particulièrement réputée pour son enseignement, notamment celui du latin – l’établissement est une Lateinschule, selon les termes allemands. Lunebourg est connue à l’époque parce que ses enseignants y forment d’excellents esprits qui rejoignent ensuite les grandes villes universitaires humanistes. Elle est aussi connue aujourd’hui parmi les musiciens et amateurs de musique parce qu’aux alentours de 1700 Johann Sebastian Bach lui-même y a étudié la musique, mais aussi le latin et la rhétorique. Après avoir manifesté des dispositions certaines pour les humanités, Burmeister arrive à l’âge de vingt-deux ans à l’Université de Rostock, pour y étudier à la faculté des arts. L’Université, liée au réseau de la Hanse, est alors florissante, marquée de l’empreinte des célèbres frères David et Nathan Chytraeus, qui ont étudié sous la houlette de Philipp Melanchthon, le « pédagogue de l’Allemagne » comme on l’appelle.

Sous la direction de multiples brillants esprits et au côté de condisciples qui deviendront à leur tour des figures d’autorité dans l’Université, Burmeister obtient son magistère en arts et, vite reconnu pour ses qualités de pédagogue et de musicien, il devient professeur à l’école élémentaire locale, puis professeur de langues anciennes dans l’école de la ville, réputée. Il obtient alors le titre de praeceptor classicus et enseigne dans des classes avancées, ce qui constitue une forme de reconnaissance de ses capacités. Au fil de sa vie, Burmeister a donc enseigné à des générations d’élèves les textes et la grammaire latine, les bases (et un peu plus) de la rhétorique, de la poésie latine et de la métrique, ainsi que les bases de la grammaire grecque. Parallèlement à ces tâches, il assume pendant quelques années des charges de cantor dans différentes églises de Rostock, dont certaines sont prestigieuses : il compose des petits motets et des mises en musique des psaumes, s’occupe de la partie chantée de l’office luthérien, enseigne les rudiments de la musique aux enfants. Ses compositions sur les psaumes ont connu un réel succès dans le nord de l’Allemagne au début du xviie siècle.

Burmeister enseignant

Il faut ici toucher un mot des qualités de l’enseignant Burmeister : elles sont rapportées dans l’éloge funèbre en latin qui a été composé à sa mort par un de ses collègues. Ce discours de 1629 montre bien que certaines réalités de l’enseignement sont permanentes à travers les âges :

« […] totos 40. annos in pulvere scholastico magna cum patientia contrivit & consumpsit, Sysiphiumque [sic] hoc saxum indefesso labore volvit, & id quidem ea dexteritate & laude, ut honestam sui memoriam, meritò omnibus, qui ipsum norunt penitiùs, relinquat. »

« Il a usé et consumé quarante années de sa vie dans la poussière de l’école, roulant dans un effort incessant ce rocher de Sisyphe, et il l’a fait avec tant d’habileté et d’honneur, qu’il laisse un digne souvenir de lui, au moins à tous ceux qui l’ont connu d’un peu près. »

L’éloge funèbre laisse entendre dans les lignes qui suivent que Burmeister a pu apparaître comme un enseignant sévère et austère, mais que cela était ô combien nécessaire face à une jeunesse insolente et indisciplinée, qui s’égare si facilement… Il a donc enduré son épreuve spartiate jusqu’à son dernier souffle – c’est la formule même du texte. Burmeister s’est tué à enseigner. Plus sérieusement : conformément à une représentation très répandue à l’époque, Burmeister est dépeint comme l’enseignant de rang secondaire qui accomplit avec un courage héroïque des tâches épuisantes et pour partie ingrates, dans des conditions difficiles.

Défense et illustration de la musique poétique

Les ouvrages de Burmeister ont marqué la naissance de la « rhétorique musicale » à proprement parler. Dans ces textes, le théoricien a élaboré puis constamment remanié une approche de la musique fondée sur une référence continue à l’art oratoire hérité des Anciens. Or la question est tout d’abord de savoir pourquoi et comment Burmeister s’est engagé dans cette entreprise si particulière. Son double intérêt pour les lettres humanistes et la musique y est pour beaucoup. Mais c’est aussi le contexte de Rostock qui a engendré cette entreprise.

En effet, pendant la seconde moitié du xvie siècle, la ville de Rostock a connu des tensions confessionnelles entre les divers courants luthérien et calviniste et celles-ci ont eu des conséquences sur la pratique musicale dans la ville. Il existait à Rostock un collegium musicum, une « académie de musique » donc, un cercle qui rassemblait les amateurs de musique pour des discussions érudites mais aussi pour des séances musicales. Or en 1569, les partisans d’un luthéranisme austère réussirent à faire fermer ce collegium musicum, au motif que la jeunesse s’y dévoyait et que les adultes qui le fréquentaient corrompaient cette même jeunesse et se déshonoraient ce faisant. Dès lors, la musique sombre dans le discrédit à Rostock, notamment dans la sphère universitaire, où elle est particulièrement déconsidérée, et parfaitement absente de l’enseignement, sous quelque forme que ce soit. Une telle situation a dû désoler Burmeister et il semble que dans un tel contexte, il ait conçu ses écrits comme une manière de défendre et illustrer l’art musical, en lui redonnant toute sa dignité. Pour ce faire, il a fait le choix de rattacher l’art musical aux arts de la parole les plus nobles, les plus dignes, à l’art de l’éloquence en l’occurrence. À travers ses ouvrages successifs, Burmeister travaille donc à faire entendre aux illustres membres de l’Université de Rostock, de l’academia rostochiensis comme ses membres la désignaient en latin à l’époque, que la musique n’est pas un art vil et lascif. C’est bien à eux qu’il s’adresse dans ses textes, c’est à eux qu’il pense en formulant ses idées dans un latin de très haute tenue, qui n’a rien à voir avec le latin rudimentaire des petits manuels scolaires de l’époque. Burmeister compose à l’intention de ces membres de l’Université une présentation de l’art musical très rigoureuse, érudite, et il la compose dans des termes qui sont aisément compréhensibles pour ces lecteurs choisis : il reprend du vocabulaire rhétorique, avec beaucoup de discernement et de méthode. Ainsi, son discours sur la musique se révèle parfaitement compréhensible pour des hommes qui sont avant tout des latinistes.

Ses trois textes majeurs – ceux dont les titres ont été évoqués plus haut – ont été reconnus pour leurs qualités par les autorités universitaires, avant même leur publication. Burmeister a dû solliciter leur avis, discuter avec eux de ses idées, puis il a obtenu leur assentiment, dont les ouvrages conservent l’empreinte : outre le fait qu’ils sont publiés par les imprimeurs habituels de l’Université, ils présentent en leurs parties liminaires des poèmes d’éloges de ces illustres professeurs – Eilhard Lubin, Johannes Possel, Paul Tarnow – louant Burmeister et son entreprise ; une lettre du professeur d’éloquence J. Simonius célèbre la clarté et la justesse de ses rapprochements entre l’art musical et l’art oratoire. Il faut bien se représenter que pour le modeste professeur de l’école de Rostock qu’est Burmeister, voir ses ouvrages ainsi placés sous les heureux auspices de ces noms illustres constitue une forme de reconnaissance intellectuelle, mais aussi sociale : dans un monde très hiérarchisé comme l’est celui de Rostock à l’époque, il est plus que rare qu’un humble professeur de collège puisse espérer traiter d’égal à égal avec d’augustes professeurs de la faculté de théologie.

Un peu de rhétorique musicale : que propose Burmeister ?

Le tableau ci-dessous recense les différents aspects de l’art oratoire qu’exploite Burmeister à l’appui de sa démonstration.

De la grammaire à la rhétorique musicale

(Le contenu des rubriques indiquées en gras est

abordé par Burmeister dans ses ouvrages)

I. Grammaire

Syntaxe et solécismes

II. Rhétorique

Inventio (recherche des idées)

Dispositio (agencement des idées)

Elocutio : figures de style (ornements), rythmes, clausules

Memoria

Actio : prononciation et gestes

Registres : typologie des styles

Qualités du discours : correction, clarté, ornement et variété, convenance

Grammaire

Burmeister propose une approche de la composition musicale qui est constamment fondée sur la référence aux arts du discours. En ce sens, avant même d’aborder l’enseignement oratoire, il se fait d’abord grammairien, pour établir les bases et les fondements du discours musical. Qu’on se rappelle que l’Institution oratoire de Quintilien commence aussi par des considérations d’ordre grammatical. Ainsi donc, les premiers chapitres des ouvrages de Burmeister sont consacrés aux bases de la composition et rappellent très fortement, dans leur esprit et leur démarche, les manuels de grammaire latine utilisés dans le monde scolaire de l’époque, et notamment la grammaire latine de Donat. Burmeister énonce par exemple des lois syntaxiques musicales qui permettent d’agencer correctement des sons (au plan mélodique) et des accords (au plan harmonique). Puis il recense et explique toutes les fautes, tous les solécismes qu’il convient d’éviter absolument pour souscrire à l’exigence de correction dans l’expression musicale.

I. Grammaire

Les solécismes musicaux

Définition

« Soloecismus autem est duorum concentuum, quorum alter alterum gradu proximô sequitur, tortuosus flexus, qui […] motu suô incompositô Harmoniam tecte obscurat. »

« On appelle solécisme la tournure embrouillée de deux intervalles harmoniques, dont l’un suit l’autre selon un degré très proche ; […] il obscurcit l’harmonie par son mouvement mal agencé, sans qu’il y paraisse. »

Liste des solécismes

1. Tautoëpia, 2. Strophe, 3. Syzygia praeceps, 4. Catachresis Quartae, 5. Simploce Disparatorum, 6. ἄσπετον intervallum, 7. Diplasis concentuum imperfectorum, 8. κακόκρυψις Dissonantiarum 9. Disparatorum κακοσυνθεσία, 10 ἔλλειμμα, 11. Tonoparatasis.

1. Tautoëpia, 2. Strophe, 3. Syzygia précipitée, 4. Catachrèse de la Quarte, 5. Simploce des Altérations 6. lntervalle aspeton, 7. Diplasis des intervalles harmoniques imparfaits, 8. Kakokrupsis des Dissonances, 9. Kakosynthesia des altérations, 10. Êlleimma, 11. Tonoparatasis.

À titre de comparaison, les solécismes recensés par Donat, un des manuels de grammaire les plus couramment utilisés, portent pour certains les noms suivants : acyrologia, cacemphaton, pleonasmos, perissologia, tautologia, tapinosis, cacosyntheton, amphibolia… Le parallèle est donc tout à fait frappant.

Une fois traitées les questions de grammaire, il est temps d’en venir à la rhétorique elle-même, qui permet de rendre la composition éloquente. Les textes du théoricien fourmillent alors de références à l’art oratoire ; l’horizon de la réflexion est constamment rhétorique.

Dispositio

Dans l’art de la disposition de la composition musicale, Burmeister suit sans difficulté les leçons aristotéliciennes :

« Exordium, est prima carminis periodus, sive affectio, Fugâ ut plurimum exornata, quâ auditoris aures & animus ad cantum attenta redduntur, illiusque benevolentia captatur. »

« Corpus Cantilenarum est intra Exordium & Finem affectionum sive periodorum comprehensa congeries, quibus textus velut variis Confirmationis Rhetoricae argumentis, animis insinuantur, ad sententiam clarius arripiendam & considerandam. Hoc non excrescat nimium, ne propterea, quod sit nimis extensum in auditoris odium incurrat. Omne enim nimium ingratum est, & in vitium verti solet. »

« Finis est Clausula Principalis […] »

« L’exorde est la première période, la première affection du poème [musical] qui, le plus souvent ornée d’une Fugue, sert à rendre les oreilles et l’esprit de l’auditeur attentifs au discours musical et à capter sa bienveillance. »

« Le Corps des Cantilènes est l’accumulation d’affections et de périodes comprise entre l’Exorde et la Fin, grâce à laquelle les mots du texte s’insinuent dans les esprits, comme le feraient les arguments variés de la confirmation rhétorique, pour saisir et considérer de façon plus claire la pensée exprimée. Il faut éviter que ce corps ne prenne de trop grandes proportions, de peur que, trop développé, il ne suscite le dégoût chez l’auditeur. Car tout ce qui est excessif manque de grâce et devient ordinairement un défaut. »

« La Fin est la Clausule Principale […] »

La composition musicale comporte un début, un milieu et une fin, en d’autres termes un exorde, un corps, qui constitue en quelque sorte une « confirmation rhétorique » par l’accumulation des idées musicales qui sont autant d’arguments. La fin est la conclusion de la composition musicale, qui constitue une péroraison. La bonne disposition de la composition musicale regarde le compositeur en général et l’apprenti compositeur en particulier, mais elle intéresse aussi l’auditeur : ce dernier doit percevoir cette structure éloquente, qui a pouvoir de conviction et de persuasion.

Elocutio

Après la disposition habile des composantes du discours vient le travail d’élocution : le compositeur pare son argumentation musicale de figures, de la même façon que l’orateur utilise des tropes et des figures de style pour donner plus de relief et de mouvement à son discours. Cette liste de figures musicales est aujourd’hui la partie des écrits de Burmeister qui est la plus célèbre et la plus étudiée. Le théoricien propose d’abord une définition de la notion d’ornement qui apparaît très proche de la formulation proposée par Quintilien dans l’Institution oratoire :

« Ornamentum sive Figura musica est tractus musicus, tàm in Harmonia, quàm in Melodia, certâ periodô, quae à Clausula initium sumit & in Clausulam desinit, circumscriptus, qui à simplici compositionis ratione discedit, & cum virtute ornatiorem habitum assumit & induit. »

« Un Ornement, aussi appelé figure musicale, est un développement musical qui, dans l’harmonie comme dans la mélodie, s’inscrit dans une période déterminée qui commence après une clausule et se termine sur une clausule, qui s’écarte de la manière simple de composer et qui, avec énergie, prend et revêt une allure plus ornée. »

Il propose ensuite une liste de figures, classées selon qu’elles ressortissent à l’harmonie, à la mélodie ou aux deux à la fois :

Liste des figures

Ornements de l’harmonie

1. Fugue Réelle. 2. Métalepse. 3. Hypallage. 4. Apocope. 5. Noëma, 6. Analepse. 7. Mimesis 8. Anadiplose. 9. Symblema. 10. Syncope ou synérèse. 11. Pléonasme. 12. Auxèse. 13. Pathopoeia. 14. Hypotypose. 15. Aposiopèse. 16. Anaplokè.

Ornements de la mélodie

1. Parembole 2. Pallilogie. 3. Climax. 4. Parrhesia. 5. Hyperbole. 6. Hypobole.

Ornements de l’harmonie et de la mélodie tout à la fois

1. Accumulation. 2 ὁμοστιχάοντα, c’est-à-dire progression parallèle ou ὁμοιοκινεόμενα, mouvement parallèle ou Faux Bourdon. 3. Anaphore. 4. Fugue imaginaire.

S’il n’est pas possible ici d’évoquer en détail chaque figure, on peut donner une idée de celles dont le nom est le plus transparent aujourd’hui pour des non-spécialistes de musique :

– le noëma est l’équivalent musical de la figure de la sentence : les voix de la composition musicale se développaient dans un mouvement de contrepoint et soudain, elles chantent toutes dans le même rythme, voire sur les mêmes notes, une courte phrase musicale qui met en valeur quelques mots frappants. Le contraste est saisissant pour l’auditeur, et son attention se porte sur la signification des mots ainsi mis en valeur.

– l’hypotypose : en musique, l’hypotypose est le procédé par lequel le compositeur met en relief le sens du texte, qui est ainsi rendu lumineux, mis en pleine lumière. « L’hypotypose est ce fameux ornement par lequel la signification d’un texte sort tout à coup de l’ombre de telle manière que ce qui se cache dans le texte et y est dépourvu de vie et de souffle, paraît doué de vie. »

– l’aposiopèse est le silence éloquent, imposé de manière simultanée dans toutes les voix de la polyphonie.

– le climax, plus connu en français sous le nom de « gradation », est la figure correspondante en musique : dans une mélodie, des sections s’enchaînent en s’élevant ou en s’abaissant par degrés.

L’examen approfondi des figures définies et expliquées par Burmeister révèle qu’il aspire, dans la lignée d’Érasme, à ce que ce dernier a appelé la « juste abondance » qui rend le discours éloquent. Burmeister appelle de ses vœux un style musical qui ne soit ni surabondant, ni trop bref et sec, autrement dit un style qui observe une juste mesure dans l’abondance. À cette fin, le compositeur doit employer un certain nombre de figures qui engendrent l’abondance – beaucoup de ces figures ont leur équivalent direct dans l’éloquence traditionnelle : anadiplose, climax (gradation), accumulation, anaphore par exemple. Mais il doit également employer des figures qui engendrent de la brièveté, par exemple l’apocope, qui introduit une coupure dans le discours en abrégeant la phrase d’une voix, ou la sentence (le noëma), qui est toujours brève. Autrement dit, s’adressant à ses collègues universitaires, Burmeister présente la musique en se montrant attentif aux grandes controverses stylistiques qui agitent la République des lettres. Au tournant des xvie et xviie siècles en effet, la querelle de l’atticisme fait rage, opposant plusieurs conceptions du style d’éloquence idéal. Dans ses ouvrages, Burmeister transpose ce débat à la musique, en soulignant que le discours musical doit éviter l’excès qu’est la prolixité (qu’on qualifierait aujourd’hui d’asianisme) mais aussi l’excès qu’est le laconisme. Burmeister est le seul théoricien en son temps à avoir utilisé ce genre de catégories rhétoriques extrêmement fines et exigeantes pour penser le discours musical.

Registres

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner qu’il ait proposé une partition des styles, autrement dit des registres. Les plus célèbres tripartitions antiques, celles proposées par Cicéron et par Quintilien, comptaient trois registres, le sublime, le moyen, l’humble ; Burmeister s’est inspiré des modifications qu’avaient apportées à ce modèle tripartite des générations de rhétoriciens. Proposant une partition qui converge par exemple avec celle du professeur Bartholomäus Keckermann, qui enseigne en voisin à Dantzig à la même époque, il distingue donc quatre styles :

« Styli genera sunt 4 : 1. Humile, 2. Grande, 3. Mediocre, 4. Mixtum. »

« Il existe quatre genres de Style : 1. l’Humble. 2. le Grand. 3. le Moyen. 4. le Mixte. »

Le quatrième style, le « style mixte », désigne à cette époque le style de Démosthène : certains humanistes ont insisté sur l’idée que l’éloquence du « prince des orateurs grecs » est tellement accomplie qu’il mélange constamment dans ses discours les styles, avec la plus parfaite convenance. Fort de cette culture, Burmeister a désigné dans ses écrits celui qu’il déclare l’égal de Démosthène et de Cicéron en musique : le célèbre compositeur Roland de Lassus (1532-1594) lui fournit quantité d’exemples pour illustrer les figures musicales et les registres, et représente le modèle du style musical éloquent parfaitement accompli, « mixte ».

Actio

Chez Burmeister, la rhétorique musicale ne peut se concevoir sans une réflexion poussée sur l’actio musicale, c’est-à-dire sur l’art de la prononciation éloquente. C’est dans son texte de 1601 que le théoricien s’y est intéressé plus particulièrement. La section en question comporte une dizaine de pages, elle est un texte extraordinaire et encore largement méconnu, d’une densité et d’une richesse dans ses références latines qui sont restées sans égales dans toute l’histoire de la rhétorique musicale. Visiblement, Burmeister a été fasciné par la fameuse anecdote qu’on rapporte au sujet de Démosthène. On avait demandé à l’orateur athénien, connu pour la vigueur énergique et persuasive de ses discours, ce qui selon lui importait le plus dans l’éloquence. Il avait répondu que c’est l’action du discours. Lorsqu’on lui avait demandé à quoi il attribuait le deuxième puis le troisième rang dans l’éloquence, il avait de nouveau répondu, par deux fois : l’action. La prononciation expressive accompagnée des gestes et expressions adéquats apparaît décisive pour rendre un discours parfaitement éloquent. Burmeister, théorisant la rhétorique musicale, affirme à son tour le caractère essentiel de l’actio. Pour appuyer son argument, il cite plusieurs passages de l’Institution oratoire de Quintilien :

« Non tam refert, qualia sint, quae intra nosmetipsos composuimus, quàm quô modô efferantur. Nam ita quisque, ut audit, movetur. »

« Ce qui importe n’est pas tant la qualité de ce que nous avons composé en privé pour nous-mêmes, que la manière dont nous le prononçons. Car c’est en écoutant que chacun est ému. »

Puis il cite de nouveau :

« Affectus omnes languescant necesse est, nisi voce, vultu, totius propè habitu corporis inardescant. »

« Il est inévitable que les passions s’affadissent si elles ne sont enflammées par la voix, par le visage et, enfin, par toute l’allure du corps. »

Et un autre passage :

« Equidem vel mediocrem orationem commendatam viribus actionis affirmaverim plus habituram esse momenti quàm optimam pronunciatione destitutam. »

« Et de fait j’oserais affirmer qu’un discours de qualité moyenne servi par les forces de l’action oratoire sera considéré comme plus opportun que le meilleur discours dénué de prononciation. »

Burmeister cite les définitions de l’actio avancées par Cicéron et Quintilien ou puise dans la Rhétorique à Herennius ; il définit les qualités de la voix en suivant parfois mot à mot les recommandations de Quintilien. L’éloquence musicale n’est donc pas pure spéculation intellectuelle, elle est audible, sensible.

Portée de cette proposition de rhétorique musicale de Burmeister

Il est difficile d’établir avec certitude quelle a été l’influence précise des écrits de Burmeister. Les ouvrages eux-mêmes ont été assez peu diffusés, ils sont sans aucun doute apparus d’une érudition déconcertante à de nombreux lecteurs, mais il existe des preuves d’une réception de ses textes en Allemagne, en Suède et au Danemark. Les théoriciens allemands ont probablement eu une connaissance essentiellement indirecte de ses réflexions, même si au moins une exception est notable : en 1664, un étudiant de Tübingen appuie sa dissertation de doctorat composée en latin sur des pans entiers du travail de Burmeister. Il cite ses sources mais au fond son travail relève de la copie, du plagiat dirait-on aujourd’hui.

Sans qu’il soit sûr que Burmeister ait joué un rôle direct et décisif dans cette évolution, il se trouve que dès les années 1610, les traités de figures musicales fleurissent, composés à l’époque en langue latine : c’est en effet cet aspect de la rhétorique musicale qui est le plus accessible et le plus marquant. De la même façon qu’aujourd’hui, dans les études, le premier contact avec la rhétorique passe par la découverte des figures de style, de même à l’époque, la partie la plus saillante des traités évoquant la rhétorique musicale est celle qui est consacrée aux figures. Ensuite, au fil des décennies, les traités en langue latine commencent à coexister avec les traités en langue vernaculaire.

La fortune de la rhétorique musicale, initialement théorisée par des Allemands réformés, a été telle qu’elle a engendré une riposte de la part des jésuites romains. Il était inimaginable que les jésuites laissent les luthériens s’imposer dans ce domaine. En 1650, le célèbre Athanase Kircher, grande figure du collegium romanum à Rome, lui-même Allemand par ailleurs, intègre donc à son grand ouvrage sur la musique, la Musurgia universalis, des chapitres consacrés à la rhétorique musicale. Au xviiie siècle, les Allemands, qui continuent à s’exprimer en latin dans un certain nombre d’ouvrages érudits, restent très attentifs à la question de la rhétorique musicale. Leurs ouvrages sur la question sont jalonnés d’expressions latines précises, qui renvoient à la tradition d’enseignement de la rhétorique. Ils conservent aussi l’empreinte des traités antiques, qui ont ainsi été transmis et assimilés sur une durée de plusieurs siècles. C’est le cas du traité publié par le musicien Johann Joachim Quantz, qui fut le flûtiste en titre du roi Frédéric II de Prusse à la cour de Potsdam, et son professeur personnel. Ce traité, intitulé Essai d’une méthode pour apprendre à jouer de la flûte traversière, a été publié en 1752 à Berlin, dans une version allemande, mais aussi dans une version française, puisque le français est la langue parlée dans les milieux aristocratiques allemands. Ses recommandations concernant l’expression musicale comptent aujourd’hui parmi les plus éloquentes et les plus instructives pour les musiciens qui pratiquent la musique ancienne « sur instruments d’époque ». Les différents chapitres fourmillent de références parfaitement assimilées à Cicéron et Quintilien, attestant la permanence d’une tradition oratoire :

§ 1 De la bonne Expression en général, lorsqu’on chante ou qu’on joue

L’Expression dans la Musique peut être comparée à celle d’un Orateur. L’Orateur & le Musicien ont tous deux le même dessein, aussi bien par rapport à la composition de leurs productions qu’à l’expression même. Ils veulent s’emparer des cœurs, exciter ou appaiser les mouvemens de l’ame, & faire passer l’auditeur d’une passion à l’autre. Il leur est avantageux, lorsqu’un l’un a quelques notions des connaissances de l’autre.

§ 2 On sait assez, quels sont les effets que produit sur les esprits des auditeurs un discours bien prononcé : de l’autre côté on n’ignore pas, quel tort peut faire à un discours, quelque bien écrit qu’il soit, une mauvaise déclamation. On sait encore, que si le même discours devroit être prononcé par diverses personnes, on préfereroit toujours à l’entendre prononcer par l’un que par l’autre. Il en est de même de l’expression dans la Musique : de sorte que si une pièce est chantée ou jouée par differentes personnes, elle produit toujours des effets differens.

§ 3 L’on demande d’un Orateur, qu’il ait la voix forte, claire & nette ; la prononciation distincte & parfaitement bonne ; qu’il ne confonde pas les lettres ensemble, & qu’il ne les mange pas ; qu’il s’applique à une agréable diversité dans les tons de la voix & des paroles ; qu’il évite l’uniformité dons la déclamation ; qu’il fasse entendre le ton des syllabes & des mots, tantot avec force, tantot avec douceur, tantot vitement, tantot lentement ; qu’il élève la voix à des certains mots qui exigent de la force, & qu’il sache la modérer à d’autres ; qu’il exprime chaque passion avec le ton de voix qui lui est propre ; qu’il se régle en général à l’étenduë de l’endroit où il parle ; enfin qu’il se conforme à toutes les régles qui font réussir les talens de l’éloquence. Il faut par conséquent qu’il observe soigneusement les préceptes que son art a établi pour faire sentir la difference qu’il y a entre une Oraison funèbre, un Panégirique, un Discours badin & un Discours sérieux &c. Enfin à toutes ces qualités il faut joindre celle d’avoir un extérieur agréable. »

Quantz en attend autant du musicien dans son domaine : à lui de se faire orateur pour mener son auditoire où il veut, pour susciter en lui cette efficace persuasion. On le voit, l’actio musicale éloquente est restée durablement – et reste encore aujourd’hui – l’horizon pour les musiciens qui cherchent à défendre et illustrer leur art.

Agathe Sueur, docteur en littérature comparée, professeur en classes préparatoires.