Les ouvriers et le pouvoir à Kharkov de 1920 à 1933,

à travers les archives régionales

Cahiers du Mouvement ouvrier (CERMTRI),

(n°13 et 14, avril et juin 2001)

La récente chute de Milosevic a permis aux journalistes de présenter une fois de plus la classe ouvrière comme la "privilégiée" des régimes staliniens. A cet égard, la grève politique des mineurs de Kolubara aurait été une sensation… Inutile de rappeler aux faiseurs d'opinion les multiples révoltes des ouvriers polonais, la révolution hongroise ou la manifestation de Berlin-Est en 1953… Tout cela reflète évidemment des préjugés sociaux, dont une grande crédulité à la parole des puissants.

L'historiographie a souvent pris, elle aussi, les proclamations staliniennes au pied de la lettre. Le déclin de l'URSS a certes permis la remise en cause de "l'analyse de classe" stalinienne. Mais dès lors, prévaut "l'idée que les attitudes ouvrières à l'égard du régime ont été largement déterminées par des facteurs d'ordre matériel" (J.P. Depretto)[1]. Si l'on ne peut nier l'importance des conditions de vie, il reste que ce schéma explicatif semblerait beaucoup moins naturel appliqué à d'autres groupes sociaux, tels que paysannerie ou intelligentsia. En réduisant l'ouvrier à un être de besoins, on retrouve des clichés très anciens. Surtout, on diminue sensiblement les chances d'une "psychologie politique" (S.V. Jarov[2]) pourtant possible grâce à l'ouverture des archives. L'absence de conscience politique, résultat de l'asservissement, devient une hypothèse de départ. Elle permet d'affirmer l'adhésion de larges fractions de la classe ouvrière à la politique stalinienne, en la motivant par l'appétit de promotion sociale[i].

Préparant une thèse sur le mouvement communard, j'ai eu l'occasion de travailler longuement aux archives de Kharkov[3], en étant attentif aux prises de position singulières, qu'elles soient d'engagement ou de révolte. Soixante-dix-sept des liasses dépouillées au gré de ces recherches concernent les ouvriers. Elles émanent surtout du Parti (sections féminines, jeunesses communistes, sections d'entreprises…) mais aussi de l'Etat (administration d'entreprises). Ces sources, qui n'ont pas été consultées dans une démarche systématique, m'ont tout de même donné une autre idée des rapports de pouvoir entre les ouvriers et les autorités de 1920 à 1933. Cet article n'a d'autre ambition que d'en faire part au lecteur.

1920 : patronner

Les archives du Parti pour 1920 recèlent les comptes-rendus de trois "réunions de ville des déléguées féminines" ainsi que de tout le travail préparatoire (assemblées générales d'entreprise ou rapports des militantes des sections féminines). Pour comprendre la fonction de ces réunions hors des structures des soviets ou du Parti, un retour en arrière s'impose.

Kharkov étant un des plus grands centres urbains et industriels de l'empire tsariste, les ouvriers avaient une expérience révolutionnaire certaine. Après des manifestations armées en novembre 1905, le mois de décembre avait vu plusieurs insurrections ouvrières, aux chemins de fer et à l'usine Gelferich-Sade (rebaptisée Faucille et Marteau après la révolution)[ii]. Mais, si l'activité ouvrière reprend naturellement en 1917, le soviet, partagé entre conciliateurs et pro-bolcheviques, ne prend pas le pouvoir en novembre. Dès lors, la situation politique de la ville dépend uniquement d'interventions militaires extérieures[iii].La ville est tenue par les Rouges de janvier à avril 1918, puis de janvier à juin 1919. Elle est deux fois perdue. La brutalité des dirigeants bolcheviks en Ukraine[4] leur aliène le soutien populaire, ce qui explique les deux défaites. La cruauté supérieure des Allemands, des nationalistes ukrainiens puis de Dénikine permettent le retour de la ville dans le giron soviétique[iv]. Mais, après la reprise définitive de la ville en décembre 1919, il s'agira d'être plus prudent, de plus tenir compte de l'avis de la population. Cela explique la tenue de "conférences sans-parti", parmi les femmes, les paysans ou les ouvriers. Elles s'inscrivent également dans le souci général de ramener les classes pauvres vers la politique, alors que les soviets ont été désertés.

Pour les militants communistes, c'est un retour au travail politique parmi la masse des travailleurs, après deux ans d'activité conspirative et/ou guerrière. A la lecture des rapports du début de l'année 1920, on voit des militants réagir de façon opposée à la méfiance des populations urbaines et rurales. Devant l'échec de la propagande, certains prônent le recours systématique à la force[v]. A l'inverse, d'autres attribuent l'hostilité populaire aux manières mêmes des militants : "il ne vient à l'idée de personne de garder avec soi ne serait-ce que de vieux journaux pour discuter avec les paysans. On voyage comme des fonctionnaires tsaristes [činovniki] qui se rendent de district en district"[vi].

Les sections féminines (ŽenOtdel) du P.C. de la région de Kharkov sont créées dans ces circonstances, en janvier 1920[vii]. Leur champ d'action est très vaste : éducation politique évidemment, mais aussi sociale et syndicale[5]. Commençant une activité totalement nouvelle, les militantes débordent d'enthousiasme et d'abnégation[6], sans connaître le cynisme ou l'amertume de leurs camarades masculins évoqués plus haut. Les "procès verbaux des assemblées générales des ouvrières des fabriques, usines et administrations soviétiques de la ville de Kharkov pour l'élection des déléguées à la conférence sans-parti féminine"[viii] sont d'autant plus éclairants sur les "retrouvailles" entre militants et travailleurs du rang.

La plupart des procès verbaux sont très laconiques, indiquant juste le nombre de travailleuses réunies et le nom des déléguées élues. Dans 15 réunions (dont sept dans l'industrie) pourtant, le débat est plus développé grâce à la présence d'une opinion contradictoire. Des mencheviks interviennent dans cinq réunions[7] et le mandat qu'ils proposent est adopté trois fois contre celui du P.C.. L'organisation "partisane", bolchevique, de la conférence sans-parti suscite également la méfiance.

Ainsi, des travailleuses rejettent le mandat du P.C. en alléguant leur non-appartenance[ix]. Deux autres assemblées générales refusent le vote par liste de parti, préférant les candidatures individuelles[x]. Enfin, le mandat du P.C., accepté, est assorti de restrictions : on affirme "le plein droit [des déléguées] à voter ou présenter des propositions (…) d'autres partis, à condition que ce soit en accord étroit avec les intérêts des travailleuses" ou on tient à "rejeter les étroites querelles de parti pour travailler exclusivement dans l'intérêt du prolétariat et du pouvoir soviétique"[xi]. Ces différents votes manifestent une défiance clairement politique : la question des partis ou fractions est posée, pas celle des conditions de vie pourtant éprouvantes[8].

Comme ces velléités oppositionnelles n'apparaissent que dans les administrations et services[9], les travailleuses de l'industrie peuvent sembler plus acquises au bolchevisme. Ce n'est pourtant pas évident pour plusieurs raisons. Le "multipartisme" est moins fréquent dans les réunions d'ouvrières que dans celles d'employées et il est plus souvent limité aux alliés des bolcheviks ("borot'bistes" c'est à dire SR de gauche ukrainiens). Surtout, les secteurs industriels représentés sont des plus archaïques (tabac, couture, cartonnage). L'expression y est moins facile et/ou plus fruste. Ainsi, le 28 janvier 1920, "les ouvrières [de la première manufacture de tabac] ont quitté en masse l'assemblée générale à cause de leur méfiance et de leur incompréhension envers la conférence elle-même". En mai, l'assemblée générale des mêmes travailleuses vote à une écrasante majorité de chômer pour la fête du… chemin de croix[xii] !

D'autres documents donnent une idée saisissante des nuances de l'opinion ouvrière en 1920. Soixante billets écrits par les participantes d'une réunion de déléguées ont été conservés par hasard dans un dossier. Il s'agit de billets adressés aux "camarades représentantes", à la tribune du congrès[xiii]. On leur adresse des demandes d'intervention contre un patron, un bourgeois, un voisin ou contre ses collègues de travail. La déléguée de l'usine de locomotives (XPZ), une des plus grosses de Kharkov, attend l'arrivée d'agitateurs pour contrer les ouvriers, partisans d'un "pouvoir semblable à Dénikine".

Les déclarations d'enthousiasme sont assez naïves. "Vive le pouvoir soviétique ! Vive le parti communistique [komuničisckaja partija] de nos chers libérateurs !" affirme l'une. Une Juive remercie l'orateur qui a évoqué les nationalités; grâce à lui "nous, Juifs, avons perdu beaucoup d'ennemis". Ces déclarations proviennent de gens conscients de leur infériorité. Une participante écrit à la fin de son papier : "Je suis fruste et peu éduquée. Je suis une ouvrière fruste". Les connaissances politiques semblent faibles en effet : alors qu'un billet demande pourquoi il y a un portrait de Lénine et pas de Trotsky, un autre se plaint exactement de l'inverse!

Les enjeux de la conférence sont évoqués dans cinq billets. Deux prennent parti contre l'influence menchevique, de façon manœuvrière ou flagorneuse. Les trois autres expriment de l'exaspération face aux luttes d'appareil. En effet, la conférence réunit des "membres des syndicats et pas seulement du P.C.". D'ailleurs, dit une autre, "il me semble que nous ne nous sommes pas réunies (…) pour juger si tel ou tel autre parti est bon et c'est pourquoi je propose de commencer à édifier la vie nouvelle au plus vite; on aura bien le temps ailleurs de décider si les mencheviks (ou d'autres du même genre) sont bons pour ça". Le dégoût de la politique peut conduire à un rejet plus global : "Et pourquoi donc l'intelligentsia a-t-elle pu s'introduire ici ? Et qui a donné des laissez-passer ?"

Le tableau est cohérent. L'opposition aux bolcheviks existe dans les secteurs les plus cultivés, les moins industriels. Il tend à s'infléchir en refus général des luttes politiques. Dans le milieu le plus ouvrier, les réactions d'adhésion ou de rejet sont moins politiques. L'attitude bolchevique tient compte de cette configuration. Les procès verbaux de réunions préparatoires après février 1920 ne font plus état d'interventions dissonantes et cultivent le consensus moralisant et unanimiste. Plusieurs comptes-rendus affirment que "l'assemblée générale a décidé de s'organiser intégralement en une famille unie pour la défense des intérêts féminins". Plus d'opposition organisée pour porter la contradiction. Les bolcheviks, raidis et justifiés par la guerre civile, se sentent investis d'un magistère et du droit de l'imposer.

L'orientation du travail des sections féminines en ville vers les "travailleuses les plus arriérées" confirme ce sentiment de supériorité morale. L'éducation aux droits personnels, sociaux et syndicaux qui se développe avec la NEP[xiv] place les travailleuses en situation d'élèves voire d'obligées. Les petits patrons, les nepmen, servent d'ersatz de bourgeoisie. Les militantes retrouvent ainsi les sensations de l'action révolutionnaire, sans risquer de contestation. Elles recueilleront au mieux l'admiration plutôt passive de leur base, au pire une indifférence conformiste. La relation pédagogique qui s'établit entre le Parti et la classe ouvrière[xv] est grosse de dangers.1926-1930 : contrôler

Alors que la masse est passive parce que peu politisée, les documents de 1920 montrent que les expressions de mécontentement ne se cristallisent pas sur les conditions de vie, ni sur l'idéologie bolchevique elle-même. Malgré les difficultés, tout le monde affirme son attachement au "pouvoir des soviets" et la volonté d'édifier la "vie nouvelle". Par contre, les méthodes utilisées pour faire prévaloir les idéaux choquent. Pour qui se donne la peine de réfléchir, ces méthodes paraissent grossières et en contradiction avec les buts affichés. La question retrouve naturellement son acuité lors de l'affrontement entre le clan stalinien et l'Opposition Unifiée (1926-27).

Très peu de documents pourtant évoquent ce problème. C'est que la dépolitisation règne également dans le Parti. Les réunions et conférences prennent des décisions purement administratives. Quand elles traitent de thèmes généraux, ils sont sociaux (alcoolisme, religion etc.) plus que politiques et correspondent à ce que la presse de l'époque discute. De plus, le thème de l'unité (du Parti, du pays) devient une obsession. Rien ne favorise donc la discussion contradictoire.

Dans les documents consultés, le voile opaque qui dissimule la réalité du pouvoir n'est levé qu'une fois, lors d'une "conférence des organisateurs du Parti du quartier de l'Usine Rouge"[xvi] en décembre 1926. Le sténogramme reproduit ces discussions entre petits responsables dans leur naturel. Cette fois encore, les questions traitées sont plus morales que politiques. Pourtant, le jeune communiste Kon, de l'usine de vêtements Kutuzov, prend la parole sur un tout autre thème. Sur le ton de l'anecdote pittoresque, il explique que sa cellule de la J.C. a voté pour l'Opposition !

Il rassure tout de suite ses camarades qui se récriaient : la cellule n'a pas voté par conviction politique, mais parce qu'elle a été révoltée par les procédés utilisés. Les adhérents ont été mis au courant trop tard du choix à faire. Ils n'avaient plus le temps de discuter à fond les thèses en présence. Ils ont voté pour l'Opposition afin de garantir le droit d'expression de cette dernière et de son représentant à l'usine, un dénommé Mekkler. Par la suite — soulagement ! — la cellule s'est reprise et s'est ralliée à la majorité… Le rejet des méthodes "staliniennes" provoque une incrédulité presque hilare chez les autres responsables de cellule. Le ton du document laisse également penser que, dans l'esprit des petits dirigeants, le pire n'est pas un vote contre, mais un vote qui serait motivé et fondé.

Le Parti n'est donc plus politique. La description critique du système mis en place ne peut plus émaner alors que de l'extérieur. Ainsi, un "rapport du parti sioniste travailliste Ceire-Sion (Gitaxdut) sur les soviets juifs en formation"[xvii] parle, à la même époque, de "terreur politique" et de "pression grossière du P.C. sur les électeurs". Il détaille les procédures de scrutin public et l'impuissance de soviets dessaisis par des Comités Exécutifs (IspolKom) agissant sans contrôle. En conséquence, la passivité politique grandit et le taux de participation aux élections chute. A son tour, la politique communiste de "revivification des soviets" signifiera encore plus de contrainte et de coercition. L'analyse touche juste. Or, malgré son appellation, l'organisation clandestine ne se place pas du point de vue ouvrier. Elle stigmatise au contraire la privation de droit de vote des "petits boutiquiers", nombreux dans la population juive.

"Représentée" hégémoniquement par le Parti, la classe ouvrière n'apparaît pas comme un pôle de résistance en tant que telle. Pourtant, même après l'élimination de l'Opposition, elle reste potentiellement une force politique. Il faut empêcher à tout prix qu'elle prenne forme en s'assurant que pas la moindre étincelle contestataire ne peut surgir des ateliers. La grande campagne de purge du Parti en 1929-1930 y contribue. Sur un quartier de Kharkov, celui de Petino-Žuravlëv, cela représente 81 dossiers dont 24 concernant des entreprises industrielles[xviii]. Nous en avons consulté dix, parmi lesquels certaines des usines les plus célèbres de la ville : "Faucille et marteau" (matériel agricole), "Fil rouge", "Confiseur rouge"…La procédure suivie par les "commissions de purge" tient de la manipulation psychologique. La commission de trois membres ("troïka") auditionne chacun des adhérents de la cellule inspectée lors d'une séance le plus souvent ouverte à tous. Ainsi, le curriculum vitæ de chacun est étalé et discuté publiquement. La foule impressionne l'individu déjà intimidé par l'autorité de la troïka. De plus, l'effet de groupe autorise, de la salle, les pires dénigrements. Ainsi les règlements de compte personnels sont instrumentalisés politiquement. Le dispositif est efficace. Dans tous les dossiers consultés, l'impudeur de la méthode n'est mise en cause qu'une fois[xix]. La révolte est rarissime : seul un ouvrier, taxé d'alcoolisme, finit par crier "Ta gueule !" à ses accusateurs[xx].

En 1929, l'opposition a déjà été défaite et l'anti-trotskisme est devenu un credo rituel. Pour saisir l'opinion ouvrière, il faut donc recenser les ex-opposants ou ceux qualifiés comme tel à cause d'une parole ou d'un geste. Sur plusieurs centaines de vies militantes relatées, on en compte seulement 28. Dix-huit tiennent à un positionnement politique : deux anciens borot'bistes de 1918-19, deux partisans de l'Opposition Ouvrière en 1921 (dont un fréquentera les anarchistes du groupe Kareline), un membre d'une cellule qui vota pour l'Opposition de Gauche en 1923, quatre tenants de l'Opposition Unifiée, et dix personnes qui prirent la défense de gens exclus en 1927.

Avec ou sans attache partisane, on note cinq jugements négatifs sur le cours politique et social suivi par le P.C.. Un ouvrier démissionne en affirmant "je ne veux pas être malhonnête et entrer au Parti pour ma carrière (…) comme font beaucoup"[xxi]. Un autre critique l'industrialisation en affirmant qu'il faudrait plutôt privilégier le niveau de vie des ouvriers[10]. A.V. Logvinov, ouvrier de 42 ans, bolchevik depuis 1906, pense quant à lui que les objectifs du plan sont irréalisables[11]. Enfin, deux ouvriers refusent de faire partie des équipes de propagande envoyées collectiviser les campagnes. L'un a peur de se faire tuer. L'autre, d'origine rurale, "dit que, si on apprend au village qu'il est membre du Parti, il se fera jeter à coups de bâton"[xxii].

La condition ouvrière motive six opinions critiques. Si quatre protestations sont "syndicales" (contre la baisse du tarif, la hausse des normes de production ou les mauvaises conditions de travail), deux sont au contraire individualistes (réclamant une rémunération à la qualification ou aux pièces). Aucune de ces protestations n'est devenue vraiment collective. Quand elles ont dépassé la simple discussion, elles ont abouti à une démission du Parti ou à… la grève individuelle !

Le faible niveau politique de la classe ouvrière est ainsi confirmée. On remarque même dans les biographies une dépolitisation consécutive à la révolution. Nombre d'adhérents de la période "politique" de la révolution (1917-1918) perdent le lien avec l'organisation pendant le communisme de guerre. Quant à ceux dont l'Armée Rouge fit des communistes pendant la guerre civile, beaucoup d'entre eux ne renouvellent pas leur adhésion vers 1923. Les uns comme les autres ne sont récupérés que par la voiture-balai de la "promotion Lénine" en 1924.

Les usines ne semblent pas être des foyers de vie politique. La composition des cellules est trop "jeune" pour avoir permis la transmission d'une culture ouvrière d'une génération à l'autre. Les adhérents d'avant 1925 ne sont pas fréquents, ceux d'avant 1918 très rares. Seule la 5ème Fabrique de Chaussures présente un profil différent, avec beaucoup de vieux militants, souvent juifs. Est-ce pour cela que, parmi les jeunes, on trouve trois "trotskistes" et deux protestataires contre la hausse des normes ? Dans cette usine, les exclusions sont nombreuses, mais essentiellement en raison de l'origine sociale. De nombreux "fils de riche" et "fils de patron" sont dénoncés. En fait, ce sont des enfants de savetiers juifs…

Les problèmes politiques ne représentent, au total, qu'une faible part de l'activité des commissions de purge. L'essentiel touche aux "questions du mode de vie". "Grossièreté", "manque de tact", "ivrognerie", "négligence", "bizutage" des jeunes ouvriers par les anciens, "polygamie", semblent former le quotidien des cellules d'usine. Chez les militants d'origine juive, les circoncisions de nouveau-nés se pratiquent encore souvent. Ailleurs, c'est l'antisémitisme qu'il faut toujours combattre. Ainsi, malgré la corruption bureaucratique, le Parti peut garder sa position d'éducateur, de mentor de la classe ouvrière.

Il rétablit un semblant de justice en punissant un directeur d'usine qui a engrossé une ouvrière, la poussant ainsi vers la prostitution[xxiii]. Néanmoins, il place surtout les ouvriers dans la nécessité de se justifier moralement. Mal à l'aise, ils se défendent de façon involontairement comique. "Personne ne dira que les communistes ne boivent pas du tout; mais il ne faut pas boire comme le camarade Olejničenko boit", dit l'un. Un autre se défend : "Est-ce qu'on peut m'accuser [d'antisémitisme] alors que je m'occupe d'un mouvement d'enfants dans lequel il y a des petits youpins [židy] ?"[xxiv].

Les travailleurs sont rabaissés moralement. Le Parti Communiste affirme publiquement que la classe ouvrière est une force sociale d'avant-garde. Mais il la traite avec méfiance et condescendance, selon la représentation d'un peuple arriéré et sauvage. Loin de chercher à exprimer et développer les aspirations ouvrières, il craint et régente celles-ci. C'est pourquoi la base prolétarienne du P.C. est l'objet d'une pression constante. Les militants ouvriers ne peuvent pas être les organisateurs de leurs camarades vis à vis du pouvoir. Ils deviennent au contraire les mouchards de l'appareil communiste dans les usines. Ainsi, l'atomisation de la classe ouvrière s'accroît encore[12].

1930-1933 : asservir

Le lancement et la réalisation volontaristes du premier plan quinquennal posent deux nouveaux problèmes. Concernant la mobilisation de la force de travail, il faudra déterminer la nature de l'effort fourni par la classe ouvrière dans l'industrialisation. Ensuite, viendra la description de l'attitude des ouvriers envers les conséquences corporatives ou générales du "grand tournant".

Les "communes de production", réalité ou tromperie ?

Sur la première question, le phénomène des communes de production est de première importance. Depuis la révolution d'Octobre, le terme de commune sous-tendait un certain nombre de principes : volontariat des adhésions, autonomie de fonctionnement, égalitarisme entre les membres. L'émergence d'une organisation du travail "communarde" sur le front de l'industrialisation donnerait donc à celle-ci un caractère révolutionnaire, reflétant l'engagement conscient de milliers de prolétaires. Le schéma a semblé d'autant plus plausible aux historiens que, dès 1931-32, le Parti et Staline lui-même s'en prennent violemment à l'égalitarisme et condamnent les communes. Un retour de flamme conservateur mettait fin à l'élan des masses[xxv].

Ces hypothèses étaient bâties sur la presse, seule source disponible avant 1991. Elles sont confirmées localement par le Prolétaire de Kharkov, le quotidien de la ville. Les communes d'usines sont mentionnées pour la première fois le 9 janvier 1930, mais auraient été créées en novembre de l'année précédente à l'usine d'électricité (GEZ/DEZ). En janvier et février 1930, quinze articles sont consacrés au sujet et recensent 39 communes dans 12 usines de la ville. Dès le mois de mars, pourtant, l'égalitarisme des salaires est critiqué à l'instigation de la confédération des syndicats[xxvi].

Les articles se font alors beaucoup plus rares en avril et mai. De plus, ils ne valorisent les communes que comme remède à l'absentéisme et à la mauvaise qualité de la production. Cela ressemble fort à une mise sous le boisseau. D'ailleurs, fin mai, un ouvrier communard dénonce le fait que "la plus haute forme de travail communiste [soit] menacée par l'indifférence". D'après lui, les communes sont malheureusement devenues des "parias"[xxvii]. Il se demande publiquement à qui profite le sabotage du mouvement.

Voilà l'histoire racontée par le journal. Celle qui se dégage des documents d'archive du Parti et de l'administration est sensiblement différente. Les sources primaires ne mentionnent des communes qu'à partir de février 1930. Ce retard sur la presse ne tient pas à une mauvaise tenue des livres ou à un défaut de conservation. Par exemple, six liasses de "rapports sur la marche de l'émulation socialiste" couvrent intégralement les années 1929 et 1930 à l'usine de locomotives (XPZ). La première commune est citée le 26 février 1930[xxviii].

Le Prolétaire de Kharkov lui-même indique qu'elle a été créée à la fin janvier, c'est à dire après le lancement de la campagne de presse. Laquelle n'a donc pas reflété un mouvement communard. Elle l'a précédé, prouvant ainsi une création "d'en haut". C'est d'ailleurs ce qu'avoue N.M. Antonov. Contrôleur à l'usine d'aviation et militant au Parti depuis 1918, il déclare devant la commission de purge :

"L'organisation du Parti n'a pas donné à ses membres les ordres attendus sur la manière de réaliser la directive (…) sur la liquidation du koulak en tant que classe, sur la collectivisation et sur l'organisation de communes de production [nous soulignons]. On aurait pu aplanir toutes sortes de déviations et d'antagonismes nationaux grâce à l'organisation de communes; et ainsi, on n'entendrait plus parler d'antisémitisme et on pourrait mener la nouvelle politique de collectivisation totale et d'organisation de communes."[xxix]

Les problèmes "nationaux" sont propres à l'usine, mais les communes de production sont citées clairement comme un des axes généraux de la politique du P.C., ne relevant aucunement de l'initiative ouvrière.

La presse cite des communes exemplaires aux usines Fil Rouge, Faucille et Marteau ou 8 mars, alors qu'au même moment les débats des commissions de purge sur l'émulation socialiste n'en évoquent qu'une, tout à fait incidemment… Reste à conclure qu'au niveau de l'usine, les communes doivent être très semblables à des "brigades de choc"[13]. Les statistiques de XPZ donnent cette même impression. Après avoir mentionné trois communes en février 1930, elles les oublient jusqu'en mai. De mai à août, elles recensent des brigades et des "collectifs". Les communes ne refont leur apparition qu'en septembre. Et dans les indicateurs statistiques, rien ne semble donner du sens à ces distinctions.

Pourquoi les communes ont-elles survécu à leur inutilité et à une condamnation idéologique ? Sans doute le mythe de la commune servait-il bien l'instrumentalisation des sentiments anti-hiérarchiques par la direction stalinienne[xxx]. Par ailleurs, ceux qui avaient organisé une commune pouvaient espérer en faire le tremplin d'une carrière. De plus, en commune ou en brigade, l'essentiel était sûrement que la production soit faite.

Reste une dernière raison de la persistance des communes. Des ouvriers ont pris la défense des structures qu'on leur avait imposées au départ. En effet, l'égalitarisme dénoncé dans la presse semble être la conséquence bien réelle de ces communes artificielles. En octobre 1930, combattant la "déviation de la ligne salariale dans le travail de choc", le comité du Parti de l'usine (ZavPartKom) de locomotives vise entre autres les communes. A l'atelier "Traction",

"il y a des communes dont le statut [garantit] une rétribution unique du travail en fonction des heures effectuées, sans tenir compte des catégories ou de la productivité. Une telle rétribution n'est pas autorisée par le service de l'économie du travail"[xxxi].

Sept mois plus tard,

"le plénum [du comité du Parti] remarque que, malgré la croissance numérique des communes de production, il y a des cas isolés de désorganisation [. Cela est dû] principalement à l'égalitarisme dans la répartition de la masse salariale alors que les communes ne sont pas homogènes quant au niveau de qualification des ouvriers. Le plénum du ZavPartKom engage [toutes ses organisations] à mener un grand travail d'explication qui soutiendrait l'organisation de communes de production exclusivement à initiative de la base. Et, dans les clauses fondatrices [on stipulerait] que la répartition de la masse salariale est strictement en fonction des qualifications et des catégories des travailleurs [. Il faut expliquer que] la différence entre une commune de production et une bonne brigade de choc (…) se résume à ce que la commune (…) se double, au fur et à mesure de son développement, d'un collectif ouvrier de mode de vie"[xxxii].

Aucun document ne permet de constater l'existence de "collectifs de mode de vie". Quant à "l'initiative de la base", elle semble justement s'exprimer par la défense d'un égalitarisme combattu par les autorités. La brigade de choc et la commune avaient été conçues comme des structures permettant d'assurer le contrôle social tout en augmentant la productivité. Dans les faits, protégée juridiquement par son contrat fondateur, la commune devient un îlot de résistance collective face à l'atomisation et à la pression productiviste d'en haut.

C'est pourquoi en 1931 les autorités forcent la promotion des "brigades économiquement responsables" [xozrasčëtnye brigady] dont le contrat ne comprend plus de garantie de salaire mais stipule au contraire une obligation de rendement[xxxiii]. En regard, la commune s'apparente plus à l'artel' d'avant la révolution, association d'ouvriers embauchés collectivement. Ainsi, des travailleurs fortement liés entre eux, en petits groupes[14], tentent à la marge de défendre leur paye, en subvertissant une "émulation socialiste" forcée. Cette résistance est archaïque, primaire, mais c'est la seule possible.

La politique des ouvriers

Dès le début du "grand tournant", les autorités avaient senti l'évolution possible de l'état d'esprit des ouvriers. Faisant le bilan de l'année comptable 1928/29, le responsable du département statistique de l'usine de locomotives divisait les ouvriers en trois catégories. Il y a d'abord les participants actifs à l'émulation socialiste qui ont amélioré leurs performances. Puis viennent ceux qui travaillent comme avant en adhérant juste formellement. Enfin, certains refusent de concourir "en expliquant leur mauvaise volonté par la baisse possible des tarifs"[xxxiv].

Cette opinion, platement économique, étroitement centrée sur les intérêts matériels, est malgré tout subversive. C'est le paradoxe d'un système qui a soumis l'économie à la politique sans démocratiser cette dernière. Critiquer la gestion des richesses revient à critiquer directement le pouvoir. L'élimination des oppositions conscientes ne suffit donc pas. Les autorités doivent enregistrer puis éradiquer la moindre divergence technique. En réaction, chacun pratique l'autocensure. On rapporte que les techniciens et ingénieurs n'osent plus évoquer les difficultés dues au "conditions objectives" car "ça ne se fait pas d'en parler", "c'est interdit"[xxxv].

Mais la vie ramène naturellement ces questions au jour. Comme l'affirme une résolution du bureau du ZavPartKom en avril 1931,

"au cours du processus de révision des normes de rendement, les éléments opportunistes, socialement étrangers et cupides qui existent (…) dans quelques ateliers essaieront de se servir de l'état d'esprit malsain qui règne dans certains groupes d'ouvriers récemment arrivés à l'usine [. Ils tenteront de] nuire au (…) travail de révision des normes"[xxxvi].

Le pronostic se vérifie de façon paradoxale. Fin mai, deux militants pourtant en vue, Perec et Dubinin, interviennent lors d'une réunion de cellule publique :

"Il est indispensable d'arrêter les exportations hors de l'Union [Soviétique], car elles se font au détriment du ravitaillement des ouvriers; l'usine ne réussit pas à réaliser ses plans à cause du mauvais approvisionnement des ouvriers; la coopération[15] fonctionne mal; le Parti se trompe en cherchant à mobiliser des capitaux grâce à l'augmentation des prix et de quelques impôts; dans le Parti, il y a du bureaucratisme, le Parti s'est planté, il oublie les intérêts de la classe ouvrière et décide tout d'en haut"[xxxvii].

Qualifiés d'opportunistes de droite, ils sont exclus du Parti et déchus de leurs responsabilités dans l'atelier. Dubinin est également renvoyé du conseil municipal (GorSovet).

Les problèmes soulevés sont pourtant réels, on le reconnaît entre soi. Le directeur de l'usine déclare à un plénum du ZavPartKom:

"On ne peut pas dire que nos ouvriers soient tellement revendicatifs, mais il faut les nourrir mieux, et pas de façon aussi dégueulasse [tak po-svinski] que maintenant. (…) L'ouvrier sait qu'on n'a rien de trop, il ne revendique pas; mais en même temps, l'ouvrier voit que nous ne savons pas travailler, et que ce que nous donnons est dans un état lamentable"[xxxviii].

L'expression "nos ouvriers" montrent assez que les dirigeants n'entendent pas s'appuyer sur la conscience des travailleurs. Ils tentent alors de les tenir en réglementant la survie, en organisant la lutte de tous contre tous. Les "nouvelles formes d'émulation socialiste", les "brigades économiquement responsables" supposent une "amélioration des services (…) quotidiens aux ouvriers" c'est à dire… "le travail aux pièces, un système de rétribution progressive avec des primes, un ravitaillement amélioré pour les travailleurs de choc"[xxxix] ! Des "services différenciés" sont destinés à retenir les cadres dans l'entreprise en leur offrant prioritairement des appartements[xl].

Si, en fait, le pouvoir promeut les privilèges en luttant contre l'égalitarisme, les ouvriers menacent l'autorité en revendiquant leur bien-être. A l'usine de tracteurs (XTZ), inaugurée en 1931, une "caisse secrète d'aide aux militants responsables" existe, en plus des différents livrets de rationnement marquant le degré d'appartenance à l'élite. Un sympathisant[16] communiste lance une pétition pour que les menuisiers de son équipe, membres des Jeunesses Communistes, passent du livret "B" – travailleur manuel –, au livret "A" – ouvrier industriel –. Il est exclu et deux de ses compagnons sont blâmés[xli].

La lutte entre prolétaires et privilégiés n'a rien d'abstrait. L'ouvrier allemand Husemann, établi à l'usine de locomotives depuis 1930, se plaint de certains responsables de l'usine, et particulièrement du directeur du travail, Stoljarenko (celui-là même qui distribue des appartements aux ingénieurs). "Jamais un seul capitaliste ne s'était encore plaint de mon travail productif; mais un communiste, un directeur, dans un Etat socialiste, a osé [m']humilier, [moi,] un autre communiste." Désenchanté, il demande son passeport pour rentrer au pays.

"Au bout d'un moment, j'ai cessé de croire qu'en URSS tous les travailleurs se considèrent comme des frères. (…) Je m'en vais parce que je suis affamé. En Allemagne, je suis habitué à vouloir, pas à quémander. Je pars. Vous pouvez être tranquilles : je ne vilipenderai pas l'URSS dans ma patrie; au contraire, je consacrerai toutes mes forces à la révolution prolétarienne, pour une Allemagne soviétique, pour la révolution mondiale."[xlii]

Pour prouver sa bonne foi, il ajoute que ses moyens lui permettent juste de dîner de pain et de beurre…

La faim

La nourriture est d'ailleurs devenue la première préoccupation de tous. La famine a déjà touché l'Ukraine rurale en 1931. A la fin 1932, elle revient ravager la république, bien plus terriblement[xliii]. Comme la presse, les instances du Parti et de l'administration gardent un mutisme absolu sur le sujet. Dans la masse des matériaux, il n'y a aucune mention directe de la tragédie. Les ouvriers, eux, ne sont pas dupes. Leurs déclarations intempestives tranchent sur le silence imposé.

Dès juin 1932, un ouvrier communiste de XTZ "est intervenu à l'école du Parti de façon opportuniste et anti-parti en déclarant que la classe ouvrière est affamée, que les kolkhoziens ruinés vont de maison en maison en mendiant du pain"[xliv]. Il est intéressant de constater que cette opinion lie le sort des ouvriers à celui des paysans. Ce n'est pas toujours le cas. Une sympathisante du P.C., ouvrière pourtant, pense quant à elle qu' "on a volé les paysans, on ne leur donne pas de pain; pour les ouvriers ça va, c'est pourquoi vous ne voyez rien"[xlv]. Cela explique peut-être pourquoi le premier est qualifié "d'anti-parti" alors que la seconde est taxée de "contre-révolutionnaire".

Un des militants envoyés dans les campagnes a le courage de dénoncer ce qu'il a vu : "la population ne suit pas le pouvoir soviétique par conscience, elle ne se soumet qu'à la force"[xlvi]. A XPZ et à XTZ, chacune des quatre dénonciations publiques de la famine est sanctionnée, le plus souvent par l'exclusion. Les méthodes totalitaires s'affinent. Le "bilan des discussions d'ateliers sur l'approvisionnement en blé" affiche plusieurs exclusions, la dissolution d'une cellule entière et le repérage de plusieurs éléments "opportunistes anti-parti"[xlvii]. Ces débats étaient en fait des pièges pour débusquer les dissidents !

L'élimination de ces derniers ne résout évidemment pas la pénurie. La mauvaise foi et le cynisme bureaucratiques confinent alors à l'humour noir. Le comité du Parti de l'usine de locomotives met systématiquement un point "légumes" à l'ordre du jour de ses réunions en octobre-novembre 1931 et s'intéresse "à l'avancement des travaux potagers" en déclarant "le jour férié du 14 octobre journée d'offensive pour la récolte des potagers"[xlviii]. Des rubriques de conseils aux "éleveurs de lapins" et autres "agriculteurs amateurs" apparaissent dans des revues destinées aux citadins[xlix].

La gabegie bureaucratique s'ajoute à la disette frumentaire. Au fur et à mesure que la situation s'aggrave, les rapports sur les cantines d'usine se multiplient. On apprend qu'à XPZ, en pleine famine, la cantine se trompe sur le nombre de rationnaires les jours fériés. Elle prépare trois fois plus de repas qu'il n'y a de présents[17] ! Néanmoins en règle générale, il y a des files d'attente et les portions sont insuffisantes. Il arrive qu'on ne délivre que 20 g de pain au lieu des 140 g réglementaires, ce genre d'incurie survenant même pendant les fêtes de la Révolution de 1932[l].

Les "usines-cuisines" sont si mal tenues qu'une "intoxication alimentaire massive" frappe les ouvriers de XPZ en juillet 1933. Les travailleurs ont aussi trouvé à plusieurs reprises du métal (dont des aiguilles) dans leurs assiettes[li]. A l'usine de tracteurs, on rapporte des "gaspillages et détournements" à la cantine des ouvriers. Celle des ingénieurs et techniciens est dans un état "anti-sanitaire". Quant à la boulangerie industrielle de l'usine, elle produit – en quantité insuffisante – un pain au goût de charbon. Les locaux de production et de stockage sont sales, de même que les blouses des ouvriers qui n'ont pas de quoi payer le nettoyage[lii]

Destructurée brusquement par l'industrialisation à cours forcé, privée d'organisation indépendante et de cadres militants, atomisée, surveillée, embrigadée, pressurée, affamée… La classe ouvrière réagit rarement. Les archives gardent seulement la trace de deux "débrayages" (volynka) à l'usine de locomotives, les 25 octobre et 25 décembre 1932[liii]. Ils interviennent alors que le vice-consul d'Italie à Kharkov atteste que "depuis quelques semaines, des protestations de caractère assez marqué éclatent tantôt dans un établissement tantôt dans un autre, suite à la mauvaise distribution des vivres"[liv]. Les deux débrayages ont lieu en effet aux cantines[18]. Suivons la description du second, faite devant le bureau du comité d'usine du Parti.

Le débrayage s'est produit "à la cantine centrale (…) à 7 heures du soir". Il est "le résultat du hooliganisme d'un petit groupe de jeunes, principalement des apprentis [fabzavučniki]". Mais, "en même temps" reconnaît le rapporteur, le plat principal servi était de mauvaise qualité : les pommes de terre étaient "infâmes". Donc, même si ça n'est pas précisé, on peut supposer que le "débrayage" était en fait un chahut tournant à la révolte provoqué par la nourriture. Les personnes qui étaient de service [dežurnye] (représentants de l'administration de la cantine, du comité du Parti [ZavPartKom] et du comité du syndicat [FabZavKom]) ont laissé le débrayage s'étendre de table en table. Le succès de la protestation a été favorisé par la présence de beaucoup de travailleurs qui avaient déjà fini leur journée et n'avaient aucune raison d'être là. Il y aurait eu également beaucoup d'ouvriers saouls [netrezvye].

Le rapport ne mentionne aucune déprédation ni agression. Il ne semble pas y avoir eu de revendication claire et encore moins de délégation constituée. Le mouvement, instinctif, inarticulé, est une réponse à d'intolérables conditions de vie. Cette réaction est somme toute assez modérée. Peut-être la vue de paysans faméliques venus mendier en ville limite-t-elle la sensation de malheur des ouvriers[lv].

Un autre point mérite d'être souligné. La révolte est venue des jeunes. Malgré leur manque de culture "syndicale", ils n'étaient donc pas si malléables qu'on a bien voulu le dire[lvi]. Certes, d'autres documents les montrent en conflit avec les anciens[19]. Mais le conflit des générations n'est pas une nouveauté dans le monde ouvrier. Le pouvoir a même pu utiliser les jeunes contre les vieux à certains moments. Mais ici, leur audace a fédéré le mécontentement. Ce qui a manqué encore une fois, c'est l'organisation fusionnant l'élan des jeunes à l'expérience des anciens.

Le lendemain des troubles, le bureau du ZavPartKom se réunit en session extraordinaire. La résolution adoptée le 26 décembre dispose dans l'ordre :

- d'exclure les participants au débrayage de la Jeunesse Communiste;

- de renforcer le service de garde et les contrôles à la cantine;

- de "soulever le problème de l'amélioration des services offerts aux ouvriers";

- de lancer une campagne de presse sur ce sujet;

- d'ouvrir une enquête judiciaire sur ces services.

Après le débrayage du 25 octobre, il avait été décidé de :

1) créer une commission d'enquête;

2) rechercher les éléments responsables des désordres;

3) organiser les communistes pour la lutte contre la "contre-révolution";

4) porter l'affaire devant le procureur;

5) demander au sovkhoze Partisan Rouge de livrer 5 wagons de légumes pour le lendemain[20];

6) réorganiser les horaires de repas des différents ateliers;

7) mettre de l'ordre dans le système des tickets (talony) pour éviter les queues;

8) organiser les distributions à la cantine.

Par la suite, différents responsables du ravitaillement ont été blâmés et/ou limogés.

L'ordre des mesures donne une idée de la mentalité des responsables. Ils commencent par la répression, puis lancent une mobilisation idéologique. Après seulement, ils se préoccupent d'éliminer certaines causes, secondaires, du mécontentement. Enfin ils jettent quelques boucs-émissaires en pâture à la vindicte populaire. Les ouvriers sont traités comme du bétail : on leur donne beaucoup de bâton, l'espoir d'une carotte, et on agite un chiffon rouge pour les exciter contre des leurres.

* * *

Ces quelques observations n'ont pas la prétention d'épuiser la question des rapports entre les ouvriers et le pouvoir dans le régime soviétique. Bien que le corpus de sources soit cohérent, j'ai déjà indiqué qu'il n'avait pas été consulté dans une démarche systématique d'étude de la question ouvrière. Par exemple, je n'ai presque pas touché aux archives des syndicats.

De plus, en me concentrant sur les rapports de pouvoir, j'ai laissé de côté les problèmes sociologiques. Si j'ai juste mentionné la prolétarisation massive lors du premier plan quinquennal, il faudrait aussi rapporter les phénomènes décrits à la condition ouvrière avant 1917, à la fonte des effectifs ouvriers pendant la guerre civile… Sans oublier l'engagement de milliers de travailleurs dans le travail du Parti ou de l'Etat. Que la démarche des militants ait été désintéressée ou carriériste, elle offrait à toute la classe ouvrière un modèle de promotion et de valorisation culturelles et sociales sans précédent.

Même au niveau politique, le champ de vision est amputé par le cadre chronologique[21]. Commencer l'étude en 1920, c'est ignorer la mobilisation révolutionnaire de 1917 ainsi que les contre-révolutions et misères qui se sont succédées en 1918-1919. On manque donc les causes d'un attachement profond au nouveau régime ainsi que les raisons d'un découragement et d'une passivité à peine inférieurs. Il reste que les sources prouvent sans discussion à quel point le stalinisme était une dictature sur la classe ouvrière, une dictature mesquine, quotidienne, intime. Les ouvriers n'ont participé et n'ont été intégrés au système totalitaire qu'au titre de masse informe, manipulable. Au seuil des années 30, le prolétariat n'était plus "la classe de la conscience" (Lukacs) ni même une force organisée. Les éléments de conscience et d'organisation avaient été détruits ou subvertis.

Les documents rendent également compte d'une scission précoce des représentations sociales entre "eux" et "nous". Dès le début des années 20, ouvriers du rang et militants responsables se sentent appartenir à deux mondes différents. Le décalage culturel entre les valeurs "d'en haut" et "d'en bas", produit du retard russe, n'a pas été comblé par l'éducation de masse[22]. Un prolétaire promu (vydviženec) passe forcément dans l'autre camp. Le système des privilèges élargit le fossé entre les indigents et les repus jusqu'à l'apparition d'une haine réciproque.

Mais l'origine commune des uns et des autres, la pauvreté généralisée du pays et les méthodes totalitaires empêchent le conflit de prendre forme et de se déployer. La suffisance jalouse et inquiète des dirigeants est limitée quantitativement par le système et son idéologie. Les prolétaires ne peuvent pas exprimer leur hostilité. Ils ne peuvent guère la tourner que contre les boucs-émissaires présentés par le régime. Ils la tournent surtout contre leur travail, contre eux-mêmes et leurs collègues. Le coulage, l'alcoolisme et la chicane ont gangrené la vie soviétique pour longtemps.

Maintenant que les digues qui retenaient la cruauté et la rapacité des potentats ont cédé, on voit les difficultés des travailleurs post-soviétiques à reprendre le chemin de l'organisation et des luttes. Le fil des traditions prolétariennes était rompu depuis des décennies. Après les débrayages de 1932 à XPZ, il semble que la première grève ouvrière à Kharkov a éclaté à l'usine Faucille et Marteau en… 1963[23] ! Il ne s'agit pas de re-trouver le sens de l'organisation ouvrière, il faut le construire, presque l'inventer.

Paris, décembre 2000.

[1] Jean-Paul DEPRETTO Les ouvriers en URSS (1928-1941); Paris : Publications de la Sorbonne / Institut d'Etudes Slaves, 1997, p. 255. Dans la suite de l'ouvrage, l'auteur nuance fortement son propos. Il ouvre "quelques pistes pour la recherche" en se demandant "comment définir le domaine du politique" dans un régime dictatorial (p. 335).

[2] S.V. JAROV Proletarij kak politik. Političeskaja psixologija rabočix Petrograda v 1917-1923 gg. [Le prolétaire et la politique. La psychologie politique des ouvriers de Petrograd en 1917-1923] Sankt-Peterburg : Institut Rossijskoj Istorii RAN (SPb) / Dmitrij Bulanin, 1999. Très riche en sources inédites, l'ouvrage privilégie malgré tout l'explication économique de l'opinion politique ouvrière.

[3] Première capitale de l'Ukraine soviétique, de 1919 à 1934.

[4] liés au "groupe de Tsarytsine" que combattit Trotsky. Voir Pierre BROUE Trotsky; Fayard; Paris, 1988; p. 262 et 264.

[5] Au hasard des comptes rendus d'exposés : "Les bases de la sécurité sociale", "L'Internationale communiste, le congrès international des femmes communistes, le conseil de protection de l'enfance, l'alimentation sociale, la question du logement", "la construction soviétique", "la protection du travail"... P1/1/307 (déjà cité) et P1/1/319 (Xar'kovskij GubKom KP(b)U : Protokoly Ženskix obščegorodskix delegatskix sobranij g. Xar'kova du 19/03/20 au 24/10/20). A noter qu'à cette époque le féminisme est quasiment absent même dans son acception bolchevique.

[6] Ainsi Taisija Agatevna Metan, 19 ans, supervisant la section féminine du bourg de Lebedin, ainsi que 70 syndiqués dans trois entreprises. Elle a caché qu'elle avait la tuberculose pour rester à son poste…. (cf. P1/1/323, section féminine du district d'Axtyr', pp. 21-24 et 26). Voir également P1/1/319 et P1/1/326 (section féminine du district de Volčansk).

[7] Le plus souvent sous l'appellation "parti social-démocrate" ou "parti ouvrier social-démocrate".

[8] En 1921 encore, les ouvriers de Gelferich-Sade sont souvent payés en nature (voir R1147/2/13 : Serp i Molot (zavod) - Liste des embauches, mutations, transferts; notes sur les payes du 01/01/21 au 31/12/21).

[9] Soutien aux mencheviks au GubSovNarXoz (administration de l'économie régionale), au POJuR (services juridiques) et à la coopérative TrudBank; refus du mandat bolchevik à l'Union du Crédit Coopératif et au Conseil de Kharkov des congrès coopératifs; refus du vote par parti et amendements anti-politiques chez les travailleuses de la pharmacie et des impôts indirects.

[10] Ancien "trotskiste" de 1927, il est dès lors catalogué comme "opposant de droite". P15/2/50, p. 24.

[11] C'est d'abord caractérisé comme "déviation de droite opportuniste", puis édulcoré en "mauvaise appréciation des possibilités". P15/2/72, p. 29.

[12] On pourrait croire que l'appareil communiste y gagne en pouvoir, mais ce n'est pas évident. Le contrôle administratif du P.C. s'était étendu dès la guerre civile, alors qu'il profitait de la puissance de son organisation et de son rayonnement politique. Avec l'affaiblissement de ce dernier, d'autres appareils commencent à concurrencer le Parti dans l'administration. Ainsi, la "correspondance secrète" de l'usine "Fil Rouge" sur les questions militaires de 1926 à 1930 montre un GPU empiétant non seulement sur les prérogatives de la direction de l'entreprise, mais prenant également le pas sur le Parti. Voir Krasnaja Nit' (Sukomnaja f-ka) -- sekretnaja perepiska : R238/1/1 du 07/01/1925 au 29/12/1926; R238/1/9 du 10/10/1929 au 05/11/1930; R238/1/11 du 10/10/1929 au 05/11/1930.

[13] Créées dès 1929, elles sont la forme d'émulation socialiste la plus courante.

[14] Bilan au 1er juillet 1931, dans les 18 plus grosses entreprises de Kharkov : 277 communes de production avec un effectif moyen de 7,1 pers. ; 2818 brigades de choc avec un effectif moyen de 8,2 pers. (P69/1/44 : Xarkovskij GorKom KP(b)U -- Materialy k protokolu N°6 sekretariata du 25/09/31, p. 40).

[15] Ici, la coopération désigne le magasin d'entreprise à la disposition des ouvriers.

[16] Sympathisant veut rendre l'idée de "postulant à l'adhésion" ("kandidat").

[17] 12000 au lieu de 4000, excusez du peu ! P86/1/8, p. 60 : §2 du procès verbal de réunion du 23/03/1933.

[18] "Volynka" signifie le fait de traîner, de lambiner. En désignant d'autres mouvements que ceux qui interrompent la production, il peut donc s'appliquer plus largement que le mot débrayage.

[19] Lors d'un plénum du ZavPartKom tenu en 1930 en présence de 174 militants, plusieurs vieux ouvriers de XPZ s'étaient plaints de l'irrespect des jeunes. Cette attitude des jeunes semblait bien servir le Parti à ce moment-là. La ligne qui prévalait était en effet d'attaquer l'encadrement technique (des contremaîtres et chefs d'ateliers jusqu'aux directeurs) accusé de ne pas croire à l'industrialisation à outrance. P86/1/2, pp. 2, 33 et 48 (Plénum élargi des 18-19/01/1930), p. 162 (Plénum des 19 et 24/02/1930).

[20] Ces cinq wagons ne sont jamais arrivés, à cause de "la situation pénible des travailleurs du sovkhoze qui ne reçoivent pas de pain"… Il a donc fallu acheter sur le marché privé de quoi nourrir les ouvriers et les sovkhoziens. Pour financer ces achats, la coopérative de l'usine a vendu des produits manufacturés sur le marché privé !

[21] Cadre chronologique imposé par les sources.

[22] Voir Anatoli VICHNEVSKI La faucille et le rouble; la modernisation conservatrice en URSS; Paris : Gallimard "Bibliothèque des histoires", 2000. Malgré son adhésion à la téléologie libérale, l'auteur présente une analyse passionnante des comportements sociaux "soviétiques".

[23] Cette usine, qui a connu d'autres mouvements en 1964 et 1970, reste la plus combattive depuis 1991. Plusieurs grèves ont obligé la direction à verser une partie des salaires en retard en 1999. Mais l'exemple n'a pas été suffisamment éclatant pour être massivement suivi par les autres entreprises de la ville. De plus, si la couleur des drapeaux flottant sur l'usine a changé, on ne peut en dire autant des méthodes des dirigeants. Les meneurs des dernières grèves ont été mis à pied ou licenciés. Dans des entreprises qui ne "tournent" plus et ne versent pas de salaire, cela signifie essentiellement l'interdiction d'accès à la cantine, c'est à dire la faim.

Voir S. ARTËM "Serpomolovcy – na perednem krae bor'by" in Raboče-Krest'janskaja Pravda (Mukačevo), n°7 (28) - 1999, p. 4; E. AL'TER "Čto dal'še ?" in Levyj Avangard (Moskva), n°38 – 2000, p. 3; A.N. SEREDA "Otvetjat li proletarskoj solidarnost'ju rabočemu aktivistu profsojuznye funkcionery ?" in Serp i Molot (Krasnojarsk), n°6(87) – mai 2000, p. 4.

[i] Hiroaki KUROMIYA Stalin's industrial revolution : politics and workers (1928-1932); Cambridge : Cambridge UP, 1988; et DEPRETTO, opus cité, pp. 314-335.

[ii] Istoria gorodov i sel ukrainskoj SSR : Xar'kovskaja oblast'; Kiev : Institut Istorii AN USSR / Glavnaja Redakcija Ukrainskoij Sovetskoj Enciklopedii, 1976, p. 88.

[iii] O.A. HAVRYLENKO et I.A. LOHVYNENKO "Bil'šovic'kyj perevorot u Xarkovi : jak ce bulo"; in Naukovi zapysky kafedry ukraïnoznavstva xarkivs'kogo universitetu, n°1 Vyd. "Osnova" pri XDU; Xarkiv, 1994.

[iv] Voir DZJUBA O.M., REPRYNCEV V.F. et VERSTJUK V.F. : Ukraïna vid najdavnišyx časiv do s'ogodennja; Xronolohičnyj dovidnyk; Kyïv : Naukova Dumka, 1995; p. 333; et GRAZIOSI Andrea : Bol'ševiki i krest'jane na Ukraine, 1918-1919 gg. Očerki o bolševismax, nacional-socializmax i krest'janskix dviženijax; Moskva : AIRO XX "Pervaja publikacija v Rossii", 1997.

[v] P1/1/56 : Xarkovskij GubKom KP(b)U - Doklady o dejatel'nosti; du 01/01/20 au 26/11/20; p. 49 : rapport du 10/03/1920 sur un voyage à Merefa.

[vi] Ibidem, p. 57 : rapport du 25/03/1920, signé Kozlov.

[vii] P1/1/307 : Xarkovskij GubKom KP(b)U - Otčëty i svodki o rabote ŽenOtdelov po Uezdam; du 02/04/20 au 31/12/20; p. 2.

[viii] P1/1/318 : Xar'kovskij GubKom KP(b)U - Protokoly obščix sobranij rabotnic (...) g. Xar'kova po vyboram delegatok (...) du 04/01/20 au 25/09/20.

[ix] P1/1/318, p. 141.

[x] P1/1/318, p. 101 et 114.

[xi] P1/1/318, pp. 153 et 75.

[xii] P1/1/318, pp. 14 et 179.

[xiii] P1/1/323 : Xarkovskij GubKom KP(b)U - Protokoly, doklady i otčëty o rabote Axtyrskogo i Volčanskogo UŽenOtdelov du 01/03/20 au 28/11/20, pp. 34-104.

[xiv] Voir la collection de Kommunarka Ukrainy, la revue de la "Section Centrale des Ouvrières et Paysannes du P.C.(b)U" qui paraît à Kharkov de novembre 1920 à 1934.

[xv] Voir également Peter KENEZ : The birth of the propaganda state; Cambridge : Cambridge University Press, 1985, p. 257.

[xvi] P45/1/45 : Červonozavodskij RajKom KP(b)U g. Xar'kova - Stenogrammy soveščanij kommunistov-proizvodstvennikov, partjadra LKSMU s partorgami du 08/09/26 au 24/11/26; pp. 140-217, document daté du 10/12/1926.

[xvii] P10/1/876 : Xar'kovskij OblIstPart - Proklamacii i bjulleteni Xar'kovskix Sionistskix organizacij, 1925-1927; pp. 11-12, s.d.

[xviii] P15/2 : Opis' fonda - komissija po čistke partii; Petino-Žuravlevskij RajKom KP(b)U g. Xar'kova du 01/02/29 au 31/12/30; liasses nn° 48 (usine d'avions), 50 (5ème Fabrique de Chaussures), 54 (typographie "Kommunist"), 55 (Typographie "Frunze"), 62 ("Confiseur Rouge"), 65 (Usine de cartonnage "8 Mars"), 68 ("Fil Rouge"), 72 (Usine de vélos), 73 et 74 ("Faucille et Marteau").

[xix] P15/2/72, p. 31.

[xx] "Zakroj xlebalo !", P15/2/48, p. 21'.

[xxi] P15/2/54, p. 28.

[xxii] P15/2/73, p. 17 et P15/2/74, p. 40.

[xxiii] P15/2/65, p. 18.

[xxiv] P15/2/74, p. 91 et P15/2/73, p. 41.

[xxv] Voir Richard STITES Revolutionnary Dreams : Utopian visions and experimental life in the russian revolution; New York & Oxford : Oxford University Press, 1989; pp. 218-19 et 232.

[xxvi] Xar'kovskij Proletar' du 9/01/1930 (Pervaja brigada-kommuna par Švarcer et Dyševskij), du 25/05/1930 (Perša im. Il'iča par Naumov) et du 16/03/1930 (Jak pravyl'no orhanizuvaty komuny na pidpryemstvax rapportant un conférence tenue à Moscou le 12 février 1930).

[xxvii] Xar'kovskij Proletar' du 29/05/1930 : Vyša forma komunistyčnoï praci -- pid tjaharem par K.S.

[xxviii] R1354/3/1226 (du 01/01/29 au 31/12/29), R1354/3/1070 (du 23/10/29 au 30/09/30), R1354/3/1225 (du 08/07/29 au 06/10/29), R1354/3/1227 (du 01/10/29 au 31/12/29), R1354/3/1456 (30/12/30), R1354/3/1465 (du 01/01/30 au 30/09/30). Le fonds R1354 rassemble tous les documents émanant de l'administration de l'usine de locomotives (XPZ).

[xxix] P15/2/48, p. 13.

[xxx] KUROMIYA Hiroaki, opus cité, pp. 173-199 : The Troika and Mass Politics.

[xxxi] P86/1/4 : XPZ PartKom -- Protokoly zasedanija sekretariata du 22/05/30 au 23/12/30, p. 93-94, rapport du 24/10/1930.

[xxxii] P86/1/3 : XPZ PartKom -- Protokoly plenumov du 07/05/30 au 23/06/31, p. 458, plénum du 13/05/1931.

[xxxiii] Voir la résolution du comité de ville du Parti du 25/09/1931 (P69/1/39, pp. 130-131) et les résolutions du ZavPartKom de l'usine de locomotives : §b du bureau, fin juillet 1931 (P86/1/7, p. 16), "sur les conférences de production" (novembre 1931, P86/1/7, p. 120), et §3 du plénum du 13/11/1931 (P86/1/5, p. 84).

[xxxiv] R1354/3/70, p. 10.

[xxxv] P86/1/2 : XPZ PartKom -- Protokoly plenumov de janvier à avril 1930; pp. 67-68, lors du plénum élargi des 18-19/01/1930.

[xxxvi] P86/1/6 : XPZ PartKom -- Protokoly zasedanija bjuro du 06/04/31 au 13/06/31; résolution du 6/04/1931, p. 3.

[xxxvii] Ibidem, résolution du 3/06/1931, pp. 62-63.

[xxxviii] P86/1/5 : XPZ PartKom -- Protokoly plenumov du 20/06/31 au 31/05/32; procès verbal du 20/06/1931, p. 12.

[xxxix] §4 de la résolution du plénum du ZavPartKom de l'usine de locomotives du 13/11/1931 (P86/1/5, p. 84).

[xl] Ibidem, §7; et R1354/3/1565, pp. 32 et 138 (lettres du directeur du travail des 19/03 et 4/07/1932).

[xli] P87/1/4, p. 172 : documents complémentaires au procès verbal du ZavPartKom de XTZ du 6/12/1931; P87/1/5, p. 53 : résolution du bureau du 28/02/1932; P87/1/6, p. 2 : §8 du procès verbal de la réunion du bureau du 8/07/32.

[xlii] Deux lettres, traduites de l'allemand, datées des 25 et 26/06/1932 (P86/1/7, pp. 255-57 et 261-63).

[xliii] Georges SOKOLOFF "La guerre paysanne de Joseph Staline" in L'année noire 1933 : la famine en Ukraine; Paris : Albin Michel, 2000; pp.36, 45.

[xliv] P87/1/5, pp. 133-134 : §5 du procès verbal de la réunion du bureau du ZavPartKom du 29/06/1932. Voir un autre cas P87/1/7, p. 47 : procès verbal du 15/03/1933.

[xlv] P87/1/7, p. 178 : extrait du procès verbal n°30 du 11/12/1932.

[xlvi] P86/1/9, p. 238 : §17 du procès verbal n°62 du 3/12/1933.

[xlvii] XPZ, P86/1/9, p. 87 : §3 du procès verbal n°24 du 3/12/1932.

[xlviii] P86/1/7, p. 90 : §1 du procès verbal n°11 du 13/10/1931.

[xlix] Voir Komunar'ka Ukraïny, de l'été 1932 à l'été 1933.

[l] P86/1/9, pp. 80 (§2 du procès verbal n°22 du 13/11/1932) et 87 (§2 du procès verbal n024 du 3/12/1932), p. 162 (§8 du procès verbal n°42 du 15/06/1933), p. 206 (§15 du procès verbal n°55 du 13/09/1933).

[li] Ibidem, p. 169 (§1 du procès verbal n°15a du 15/07/1933), p. 222 (§4 du procès verbal n°59 du 23/10/1933) et p. 245.

[lii] P87/1/7 p. 127 (résolution du 5/07/1933), pp. 175-6 (Conclusion de la commission sur l'approvisionnement en pain des ouvriers de l'usine, 25/10-13/11/1933), p. 178 (§5 du procès verbal du 13/11/33).

[liii] P86/1/9, p. 67 (§1 du procès verbal n°18 du 26/10/1932 "sur le débrayage au réfectoire de la place du haut"), p. 71 (§9 du procès verbal n°19 du 28/10/1932 "Déclaration du cam. Xodukin sur le non-envoi de 5 wagons de légumes du [SovXoz] Partisan Rouge"), p. 98 (§1 du procès verbal n°27 du 26/12/1932 "sur le débrayage du 25 décembre à 7 heures du soir à la cantine centrale").

[liv] Lettre du 11 novembre 1932, citée par Andrea GRAZIOZI dans "<<Lettres de Kharkov>>, La famine en Ukraine et dans le Caucase du Nord à travers les diplomates italiens, 1932-1934", in Cahiers du monde russe et soviétique, vol. XXX, n° 1-2, janvier-juin 1989, p. 29.

[lv] Voir le n° 29-30 (1932) du Bulletin de l'Opposition Bolchevique-Léniniste, lettre de Kharkov (août 1932); ainsi que GRAZIOZI, article cité : lettre datée de Moscou le 23/08/1932, p. 28.

[lvi] Voir KUROMIYA, opus cité, pp. 87-92 et DEPRETTO, op. cit., p. 364.