La Révolution russe, une histoire française : Lectures et représentations depuis 1917

Paris, éditions La Fabrique, parution le 25 janvier 2016

On trouvera en bas de page des articles de recension parus dans la presse

1917-2017...

La Révolution russe aura bientôt cent ans, mais on peut douter que son anniversaire fasse l’objet de commémorations. En France particulièrement, on croit savoir depuis Le Passé d’une illusion de François Furet (1995) et Le Livre noir du communisme (1997) qu’elle est à l’origine d’un cauchemar totalitaire aussi dangereux que le nazisme mais plus durable et plus meurtrier.

Et pourtant...

En 1968, la Sorbonne était ornée de portraits de Lénine alors qu’on redécouvrait Nestor Makhno.

le Parti communiste français, fort de dizaines de milliers de militants et de millions d’électeurs, avait été créé en 1920 justement pour suivre l’exemple des bolcheviks russes. Et, chaque année, le PCF célébrait la « Révolution socialiste d’Octobre ».

D’ailleurs, parmi les premiers communistes français qui avaient côtoyé Lénine et Trotski au Kremlin aux temps héroïques on trouve Victor Serge et Boris Souvarine, les pionniers de l’histoire de la révolution et du bolchevisme en France.

Comment un tel retournement, de l’engouement au dénigrement et à l’effacement, a-t-il été possible ? Pour le comprendre, l’auteur propose de suivre les lectures et les représentations données de l’événement en France depuis 1917 jusqu’aujourd’hui.

Une large place est accordée aux représentations littéraires ou cinématographiques tant il est vrai, par exemple, que le cliché du « bolchevik en veste de cuir » doit plus à l’Année nue de Boris Pilniak ou au Docteur Jivago de David Lean qu’au travail des historiens. L’influence de telles œuvres étrangères est d’autant plus déterminante que, du côté français, c’est d’emblée une vision négative et sensationnaliste qui est véhiculée, notamment par Joseph Kessel.

Au fil des interprétations contradictoires des historiens concernant 1917 en Russie, c’est aussi une histoire intellectuelle et politique de la France qui se lit. Même à gauche, le pays de la « Grande révolution » s’y montre beaucoup plus rétif qu’on pourrait le croire vis-à-vis de la nouvelle venue. Le Parti communiste finit par imposer sa lecture et, dans la France des années Cinquante-soixante, la reprise du discours déterministe des Soviétiques fait longtemps bon ménage avec la prédominance de l’école des Annales. Ainsi, les voix révolutionnaires dissidentes ont été mises sous le boisseau et le tranchant subversif d’Octobre a été bien émoussé. Mai 68 n’y change rien, pas plus que la publication de travaux essayant de rendre la complexité d’une révolution populaire défaite dans sa propre victoire. La route était dégagée pour un retour des approches conservatrices que la disparition de l’URSS a ultérieurement galvanisées et médiatisées.

Parcours historiographique à travers des auteurs de générations différentes et d’opinions opposées, le travail d’Éric Aunoble éclaire de multiples facettes de la Révolution russe et entend rendre à ces « jours qui ébranlèrent le monde » une richesse que le statut de modèle ou de repoussoir avait éclipsé. Le livre se veut aussi un encouragement à reprendre l’étude des années 1917-1921, tant elles peuvent encore apprendre à ceux qui visent l’émancipation aujourd’hui.

Table des matières

Introduction : 1917-2017... 11

Rappel chronologique 19

I. 1917-1939 : Une révolution méconnue 25

Une réaction vite teintée d’hostilité 26

Premières analyses 33

La fixation des interprétations 41

De droite à gauche 42

Du 25 octobre au 14 juillet 46

Les révolutionnaires, historiens de la révolution 48

L’influence des communistes français 53

Les muses et la révolution 59

II. Après 1945 : de l’eau tiède pour la guerre froide 69

L’apogée du stalinisme à la française 70

Prudente université 75

Des voix dissidentes étouffées 80

Les réseaux anticommunistes 85

Une révolution apprivoisée 94

III. L’occasion manquée des années 68 103

Le renouveau historiographique 103

Vers une histoire sociale 111

La fin de la domination communiste 118

1917 à l’épreuve de 1968 123

Révolution russe et pop-culture 128

Le retournement de l’opinion 131

IV. De l’histoire d’un « crime » à l’histoire de ses victimes 137

Soljénitsyne contre Lénine 138

D’Illusion en Livre noir 152 (bonnes feuilles)

L’ère des victimes 164

Retrouver les acteurs de l’histoire 180

Conclusion 189

Notes 199

Bibliographie 231

Index des noms de personnes 249

Index des noms de journaux et revues 255