Patrimoine en terre crue

Amérique du Sud

Tension autour des cultures constructives en terre crue en Argentine

En Argentine, les régions de la Quebrada[1] de Humahuaca et la Puna de Jujuy (nord-est) présentent un patrimoine important d’architecture en terre. Dans cette zone 50 % des habitations rurales sont en adobes. La terre crue est aussi utilisée pour les couvertures des habitations, par exemple en étalant plusieurs couches de boue sur un enchevêtrement de bois fin (le climat étant très aride, son but est essentiellement d'isoler le bâtiment).

Toutefois, des changements dans les dernières décennies impactent ce patrimoine, avec en particulier une stigmatisation des constructions en terre, associées à la pauvreté. La construction en terre crue continue à avoir un rôle prépondérant. Toutefois, en particulier dans les zones urbaines, les nouveaux matériaux comme le ciment et le béton tendent à prendre la place. Ces changements ne sont pas spécifiques à cette région mais à toutes celles où la construction en terre crue avait une place centrale.

Une perte de confiance envers la construction en terre a pu s'observer dans de nombreux villages, remettant en cause la solidité d'un mur en adobe si n'est pas renforcé avec du béton armé ou de la capacité hydrofuge des couvertures traditionnelles. Par ailleurs, l'entretien plus limité avec l'utilisation de matériaux et méthodes industrielles, ainsi que les coûts plus faibles dus à un moindre besoin de main d'oeuvre, font désormais pencher la balance vers ces techniques. Cela se fait aussi dans un contexte où il n'y a pas de normes pour encadrer les constructions en terre crue et où les discours politiques tendent à les stigmatiser.

De plus, le manque de formation a entraîné une perte de savoir-faire et une incapacité à entretenir les bâtiments existants, voire l’utilisation de matériaux incompatibles qui dégradent précocement le bâti en terre (exemple : enduits de ciment sur un mur en terre ou ciment utilisé pour faire les joints entre les adobes).

Les politiques publiques découragent aussi les travaux impliquant la terre crue. Par exemple, le manque de normes rend impossible la proposition d’une construction mettant en œuvre la terre dans les projets publics.

Dans un même temps, le tourisme ethnique se développe de plus en plus autour de ce patrimoine. Le développement économique dû au tourisme pourrait réveiller l’intérêt de conserver et protéger ces constructions et impliquer les populations locales et les politiques sur cette problématique. Il y a un retour de ces techniques pour des bâtiments liés au commerce et au tourisme pour donner une image d'authenticité. Toutefois, ces bâtiments sont généralement le fruit de méthodes hybrides impliquant de la terre crue ainsi que du ciment et du béton armé, dans une volonté de "moderniser" les techniques traditionnelles.


[1]Faille de Humahuaca

Auteurs de la publication résumée ici : Jorge TOMASI

Typologies d’habitation dans les Hautes Andes à Puno au Pérou

Les habitations dans les hautes Andes démontrent une variété de solutions constructives importantes. Ces traditions constructives doivent être maintenues et améliorées pour donner une réponse aux conditions d’habitation hautement vulnérable actuelles.

Le travail présenté cherche à déterminer les typologies actuelles des habitations et de définir les variables socioculturelles qui les conditionnent, et de formuler des recommandations pour les habitations actuelles et futures.

Les recommandations qui en sont ressorties sont les suivantes :

- Conserver le modèle actuel de l’organisation de l’espace avec une bonne compacité

- Concevoir des toits avec une inclinaison de 10° minimum pour permettre à la pluie de s’écouler correctement

- Utiliser la terre comme matériel de construction pour la structure et les poutres

- Les ouvertures doivent rester de petites dimensions

- Implémenter des systèmes de passif comme les murs trombes

- Faire de l’auto-construction avec la main d’œuvre locale

L’organisation physique des habitations répond aux contraintes et au style de vie des communautés, c’est pourquoi elle doit être maintenue sans altération. Actuellement ces habitations sont vulnérables du point de vue culturel, politique et environnemental (changements climatiques). Il faut faire émerger des solutions satisfaisantes en termes de résilience pour garantir les meilleures chances de survivre face à une situation de crise.

Dans ce contexte la terre est sous estimée comme matériau de construction car associée à la pauvreté et à la vulnérabilité. Pour inverser cette tendance, il est nécessaire développer et de diffuser des normes qui garantissent la qualité constructive et le confort thermique des construction en terre. La formation des professionnels et des habitants sur les avantages de ce matériau est indispensable pour pouvoir revaloriser ce type de construction.

Auteurs de la publication résumée ici : Gayoso CARRANZA, Pacheco ZÚÑIGA

La méthode du « tabique-adobillo » de Valparaíso

Une technique peu connue dans un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

La ville de Valparaíso a été le principal port de l'Océan Pacifique avec une activité marchande florissante qui a permis le développement rapide de la ville. Elle possède une géographie particulière composée de collines qui entourent une baie comme un amphithéâtre. La construction d'une ville dans ce contexte a été possible grâce à la technique mixte du "tabique-adobillo" dont la flexibilité et la modularité a permis de s'adapter à la pente avec des habitations de formes variées.

Le centre historique de la ville est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2003, pour autant la technique de construction en « tabique-adobillo » a été découverte très récemment et n’est pas recensé dans les documents de l’UNESCO.

Il s’agit d’une technique associant des trames de bois et des petits briques de terre crue (dites « adobillo ») qui permet de réaliser des constructions très rapides, ce qui a permis reconstruire la ville de manière efficace suite aux nombreux séismes et incendies qui la frappent régulièrement. Cette technique a été développée au XIXe siècle alors que Valparaíso était le principal port de l’océan Pacifique.

Toutefois, il s’agit d’une technique peu connue et reconnue, en partie du fait que ces façades terre/bois sont toujours recouvertes par des plaques colorées en métal ou enduit de terre ou de béton. Elle n’est par conséquent pas valorisée comme faisant partie du patrimoine de la ville et est de plus en plus remplacée par des techniques modernes.

Dans ce contexte, un projet de recherche de la faculté d’architecture et d’urbanisme a été lancé en 2014 avec pour intitulé « le rôle du tabique-adobillo dans le développement du patrimoine de Valparaíso ». Le but de ce travail de faire un inventaire du patrimoine utilisant cette méthode et d’étudier plus précisément ces caractéristiques et en particulier les raisons qui en font une technique de construction avec un très bon comportement antisismique.

En effet, cette technique aide à contrôler le déplacement horizontal et les déformations (flexion) des poutres de bois verticales. Du fait de ces caractéristiques, les bâtiments construits avec cette technique ont survécus à un nombre important de séismes, dont ceux de 1906 et de 2010, les plus destructeurs qu’a connu la ville.

Auteurs de la publication résumée ici : Natalia JORQUERA SILVA, Rocío CISTERNAS OLGUIN

Restauration de l’église de San Pedro de Atacama (Chili)

L’église de San Pedro de Atacama date du milieu du XVIIIe siècle et appartient au style baroque andin. Ces murs sont majoritairement en terre (adobe) avec une épaisseur de 1.2m.

La zone de San Pedro de Atacama est une zone très aride, avec très peu de pluie, mais les rares pluies sont très fortes. Le Chili est aussi un des pays les plus soumis aux séismes. Le site est donc très contraint.

L’église a subit successivement incendies, séismes et inondations, accompagné d’un manque d’entretien, ce qui a entraîné une forte détérioration des murs en adobe.

La rénovation a été lancée en 2014, et a duré un an, avec une volonté très forte d’impliquer les populations locales qui s’est traduit par :

- Des décisions prises en consensus avec la communauté

- Des visites guidées pendant le chantier

- Une partie du chantier s’est faite de manière participative

La transmission des connaissances a aussi eu un rôle important, avec des enseignements sur la construction en terre et des ateliers avec les enfants, dans le but former la future génération qui devra être en mesure d’entretenir l’église dans les décennies à venir.

La prise en compte de la résistance sismique du bâtiment a pris une place particulièrement importante lors de la rénovation et s’est traduit par l’ajout de renforts préalablement testés sur une table de simulation sismique.

L’église de San Pedro de Atacama après rénovation (Source : https://www.explorelemonde.com/san-pedro-de-atacama-chili-desert/)

Auteurs de la publication résumée ici : Beatriz YUSTE MIGUEL, Cristian HEINSEN PLANELLA, Julio VARGAS NEUMANN

Restauration de l’église BomJesus do Livramento au Brésil

L’église de BomJesus do Livramento a été construite en pisé à la fin du XVIIIe siècle dans la ville de Bananal au Brésil. Il s’agit d’un des édifices les plus importants du patrimoine de la vallée du Paraiba dans l’état de San Pablo.

En 2005, une partie des façades a été endommagée par de fortes pluies, 32 m² de mur s'est effondré. La raison de cette effondrement semble être une absence d'entretien de la toiture de l'église dans les années qui ont précédées, ce qui a permis a l'eau de pluie de s'infiltrer dans les murs en pisé.

Pour réaliser la rénovation de ces façades, il a été nécessaire de faire une démolition partielle du mur. Le mur a été remonté avec un mélange composé de terre, chaux et fibres synthétiques (Polypropylène) pour améliorer la résistance à la flexion. Pour les parties où il n’était pas possible de compacter la terre (problème d'accessibilité), c’est de la terre stabilisée qui a été utilisée.

Ce travail de rénovation a permis de montrer qu’il était possible de travailler avec la terre et le fait que ce soit un édifice public en fait un exemple pour les populations locales qui peuvent y avoir accès.

Façade de l'église en 2005 (source : rapport complet)

Façade effondrée (source: rapport complet)

Auteurs de la publication résumée ici : Eduardo SALMAR, Marcos TOGNON

Processus de conservation des constructions archéologiques en terre au Mexique

Au Mexique il y a de nombreux site en terre crue. Toutefois, leur valeur historique est peu connus et par conséquent ces sites sont peu respectés et peu entretenus.

Les rénovations qui ont été effectuées l’ont été souvent avec un recouvrement en mortier de ciment. Il s’agit d’une technique directement importée de la rénovation en pierre mais qui est très mal adapté à la terre. Ces mortiers entraînent des dégradations du site avec le temps en ne permettant à la construction de respirer.

Une autre méthode est de faire une « couche de sacrifice » en plâtre et chaux permettant de protéger la construction. Cependant, en plus de changer complétement l’aspect du site, ce qui en modifie la perception des visiteurs, cette couche est trop lourde, trop rigide et trop imperméable et fini par dégrader la construction en terre qu’elle recouvre. Il vaut mieux travailler avec une couche sacrificielle en terre renforcée avec un peu de chaux, ce qui permet de garder l’aspect et qui est plus respectueux de la construction initiale.

Il est aussi habituel de mettre en place des toits provisoires au-dessus des sites en rénovation. Toutefois, ces toits ont tendance à devenir permanent, ce qui crée un microclimat qui peut aussi amener à une dégradation du site.

Certains archéologues « puristes » veulent utiliser uniquement la terre du site. Toutefois cela peut amener à utiliser des terres délavées de leurs argiles et qui vont donc manquer de liant pour tenir dans la durée.

La présence d’hydrocarbure a été découverte dans les terres utilisées pour les constructions préhispaniques, cette technique est par conséquent utilisée pour la rénovation.

Auteur de la publication résumée ici : Luis Fernando GUERRERO BACA

Conservation de structures en adobe et de peintures murales du palace Inca de Tambo Colorado

Tambo Colorado est des sites archéologique de l'époque Inca des plus impressionnants de la côte sud du Pérou. Le projet de recherches archéologiques sur le palace de Tambo Colorado se déroule depuis 3 ans. Ce travail pose les bases de la compréhension des techniques de construction pour déterminer le plan de réhabilitation.

Les recherches ont permis de montrer que le palace était initialement peint entièrement en orange et en rouge, même si la peinture n’apparaît plus du tout aujourd’hui. Plusieurs difficultés se sont posées pour réaliser ce travail du fait de différentes dégradations des murs : graffitis, tâches, installations d’animaux (ruches,…).

Pour la rénovation du site, les problèmes les plus importants à traiter ont été :

- Le déplacement des murs les uns par rapport aux autres

- La perte partielle d’une partie du mur

- Les fissures verticales et les fissures au niveau des ouvertures

Pour les réparations de fissures par exemple, on injecte de la terre liquide dans l’interstice créé pour le reboucher. Toutes les réparations qui sont faites doivent être enregistrées et les interventions se font uniquement sur les parties les plus vulnérables.

Auteurs de la publication résumée ici : Henry Eduardo TORRES, Giannella PACHERO, Véronique WRIGHT, Olivier HUAMAN, Martha CAPPAI