La filière terre crue en France

Enjeux, freins et perspectives

Analyse de la situation actuelle

Contexte culturel : la construction en terre représente 15% du patrimoine construit français.

Les années 70, marquées par une première crise énergétique, fondent le renouveau de la construction en terre crue en France métropolitaine.

La carte ci-dessous met en évidence trois grands pôles de développement, étroitement liés à l’existence d’un patrimoine local :

- la côte nord-ouest, de la Bretagne au Pas-de-Calais, liée à un patrimoine en torchis et en bauge,

- les régions Rhône-Alpes/Auvergne, essentiellement autour du pisé,

- le bassin Toulouse/Montpellier/Limoux, avec l’adobe, le pisé, la bauge, le torchis et des techniques mixtes.

Les deux marchés actuels de la terre crue en France sont la réhabilitation des patrimoines bâtis et l’écoconstruction.

Aujourd’hui, le réseau des professionnels de la terre crue compte près de 650 professionnels répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain. Il est composé à 46% d’artisans, 16% de maîtres d’œuvre/bureaux d’études, 16% de formateurs/organismes de formation, 5% de structures de sensibilisation, 9% de producteurs, 3% de structures institutionnelles, 3% de revendeurs et 3% de laboratoires de recherche.)

Obstacles de la construction en terre

Obstacles soulevés par les artisans :

- Peu de capitalisation technique, absence de référentiel à en résulte des limites administratives d’assurabilité dont pâtissent les entreprises. En l’absence d’outils règlementaires, il est également compliqué de faire changer les pratiques des entreprises conventionnelles.

- Un projet commun difficile à construireà Les échanges s’effectuent qu’entre groupe d’acteurs partageant les mêmes logiques, évitant la confrontation et le partage de compétence

Obstacles soulevés par les architectes :

- Peu de professionnels qualifiés au niveau de la mise en œuvre, de la conception, de la programmation,… Les entreprises reconnues sont souvent surchargées, petites et n’interviennent pas nécessairement en marchés publics. Dans le domaine de la réhabilitation, la plupart des entreprises n’ont pas les savoirs, ni les savoir-faire requis pour intervenir sur le patrimoine sans le dévaloriser.

- Très peu de culture générale sur les architectures de terre crue à nécessaire de consacrer beaucoup de temps pour expliquer et rassurer en permanence les maîtres d’ouvrage et les différents intervenants au cours d’un projet. Peu de continuité s’opère entre les logiques constructives passées et celles à venir. Ces techniques sont donc souvent non envisagées dans la construction neuve et contemporaine.

Obstacles soulevés par les formateurs :

- Un faible soutien institutionnel

- Peu de professionnels qualifiés et peu de culture générale sur les constructions de terre crue

o L’absence de formation sur la terre crue à tous les niveaux de l’enseignement

o certaine dévalorisation des compétences de maçonnerie dans le développement des architectures à ossatures bois, fortement médiatisées

- Une faible demande de formation, les débouchés sont encore incertains et difficiles à pérenniser puisqu’ils ne font pas partis d’une volonté territoriale de développement de filière courte.

Obstacles soulevés par les chercheurs :

Trois facteurs restreignent considérablement l’aboutissement d’une architecture de terre crue : la rupture dans l’évolution des savoir-faire ; l’engagement militant aujourd’hui nécessaire pour surmonter l’ensemble des obstacles ; et l’absence de capitalisation scientifique.


Arbre des problèmes :

4 domaines d’obstacles identifiés :

- Le réseau professionnel

o Une faible coordination interprofessionnelle.

o Une faible lisibilité de l’offre du réseau professionnel, auprès des acteurs concernés et du grand public, en termes de compétences, de formations, de références techniques, de recherches et de perspectives de développement de filière

- L’enseignement/la formation : Un enseignement culturel, technique et scientifique sur la terre crue peu diffusé

- La diffusion culturelle : Méconnaissance des cultures constructives traditionnelles et contemporaines en terre crue

- La capitalisation : Peu de références techniques sur les matériaux et les ouvrages en terre, leur mise en œuvre et leur combinaison avec d’autres matériaux.

Perspectives de développement de la filière

Pour développer la filière terre crue en France, quatre perspectives d’actions ont été identifiées :

- Perspectives de réseau : coordination entre les acteurs, « lobbying terre crue », mise au point de méthodologies interprofessionnelles de développement de filières courtes terre crue

- Perspectives de formation : mise en place de modules d’enseignement culturel, scientifique et technique, qualifiant a tous les niveaux de formation à des professionnel diplômés présents sur le marché, diminution des mauvaises pratiques liées à un manque de formation

- Perspectives de communication : diffuser les connaissances existantes sur le fonctionnement de la matière et sur son architecture, informer le grand public et les professionnels, en particulier les prescripteurs, adopter des stratégies de communication à plusieurs échelle : nationale, régionale et locale

- Perspectives de capitalisation des acquis scientifiques et techniques : développer des outils techniques (codes de bonnes pratiques, règles professionnelles, ATEX[1], DTU[2]) et scientifiques reconnus, développer réglementations et normes adaptées à la filière, capitaliser les « bonnes pratiques »

Pour le développement de la filière terre crue en France, une coopération et une coordination interprofessionnelle est aujourd’hui essentielle.

Des actions concrètes liées à ces perspectives sont présentées dans la 3e partie du rapport complet.

Arbres des solutions :


[1] Appréciation technique d’expérimentation

[2] Documents techniques unifiés

Ces 1ères pistes de solutions s’inscrivent en amont de la seconde phase de réflexion engagée avec le ministère de l’Ecologie du Développement Durable et de l’Energie (EDDE).

Pour aller plus loin : mémoire complet : « La filière terre crue en France par Elvire LEYLAVERGNE »

Auteur de la publication résumée ici : Elvire LEYLAVERGNE