La construction en pisé aujourd’hui

comparaison des méthodes et design entre le Portugal et les USA

Le futur de la construction en terre dépend de la façon dont il s’adaptera aux besoins de confort actuels et aux nouvelles normes et codes de la construction.

Cette étude, basée sur des visites de site et des entretiens, compare les techniques constructives en pisé entre le sud-ouest des USA et le sud-ouest du Portugal[1] à travers des projets récents. L’objectif est de comparer les différentes stratégies pour appréhender le pisé, en fonction des différences de culture, de climat, de ressources, de méthodologie et de connaissances techniques. Dans les deux régions, le contexte économique, combiné avec le climat chaud et sec, ont permis de promouvoir la construction en terre.

Cette étude a permis de mettre en évidences des approches très différentes concernant la conception et les solutions constructives. De nouvelles méthodes ont été développées mixant les techniques traditionnelles avec des systèmes de construction moderne, changeant ainsi le paradigme de la construction en terre.

Malgré les idées reçues sur la construction en terre, considérée comme peu résistante et de mauvaise qualité, de nouvelles perspectives s’ouvre pour ces techniques, du fait, entre autre des ces qualités hygrothermiques et acoustiques, ainsi que son rendu visuel unique.

La construction en terre est présente depuis longtemps au Etats-Unis, avec par exemple la ruine précoloniale de Casa Grande (Arizona), toujours présente après 650 ans d’abandon.

L’intérêt pour ces méthodes de construction a repris au 19e siècle avec l’arrivée de la traduction du livre de François Cointeraux en 1821. A l’époque de la Grande Dépression, il y a eu une 2ème vague d’intérêt, du fait d’une pénurie d’argent et de matériaux de construction, en même temps qu’une abondance de travailleur disponibles et peu couteux. La vague actuelle, basée sur la recherche de soutenabilité global et la volonté d’économiser les ressources, est devenue particulièrement forte après le crash économique de 2008.

Paradoxalement, dans ces deux pays, les clients demandant l’utilisation de techniques de construction en terre sont généralement riches et venant de classes sociales élevées.


[1]La partie présentée concerne essentiellement les USA, l’étude sur le Portugal ayant été présentée lors d’un autre événement autour de la terre.

Réglementations

Au Portugal, il n’y a pas de réglementation spécifique et la responsabilité repose donc sur les architectes et ingénieurs de chaque projet.

Les réglementations sont plus présentes au Etats-Unis, en particulier en Arizona, New mexico, Texas et Californie, avec des différences d’un Etat à l’autre du fait des spécificités régionales, comme les séismes.

Par exemple en Californie, la réglementation est si lourde que les délais pour obtenir un permis peuvent aller jusqu’à 3 ans et les coûts résultants font que les personnes aisées peuvent se permettre d’utiliser la terre crue.

Par ailleurs, dans certaines réglementations, il est imposé d’appliquer des enduits ciments sur les murs en terre des nouvelles constructions, malgré le fait que la rigidité et la faible perméabilité de ce type d’enduit entraîne la dégradation du mur en terre.

Contexte et typologie

Aux Etats-Unis, il est possible de trouver une grande variété de typologie de construction en terre : maison individuel, logements low-cost, maisons luxueuses, mobilier urbain, équipements publiques et privés, etc.

Au Portugal, du fait du contexte et du manque de réglementation, la construction en terre se limite à des initiatives touristiques ou a des constructions privées de maisons.

Jusque là, il y a très peu de formations proposées des deux côtés de l’Atlantique, ce qui ne permet pas d’assurer le transfert et la conservation des connaissances liées à la construction en terre. Toutefois, le Portugal a récemment rejoint le projet Européen PIRATE (Provides Instruction and Ressources for Assessement and Training in Earth building) avec l’objectif de développer de nouvelles compétences pour élargir le marché durable qui est la construction en terre.

Méthodes constructives

Il y a des différences claires entre les méthodes utilisées au Portugal et celles utilisées au Etats-Unis. Au Portugal, les méthodes reposent toujours sur les systèmes traditionnels quand au Etats-Unis elles sont beaucoup plus standardisées et normalisées.

La réapparition de la construction en terre crue au 19e siècle aux Etats-Unis a entraîné une modernisation des techniques beaucoup plus rapide et importante que dans d’autres régions, avec l’utilisation de gros engins, modifiant l’organisation du chantier.

Citation de Eddie Jones, architecte :

“If you’re poor, dirt walls are cheap, if you are rich you are not going to build by yourself, and it will be an expensive wall. I can do a cast-in-place concrete wall for the same price I can do rammed earth wall for.”

L’épaisseur des murs en pisé mis en œuvre est généralement comprise entre 45 et 61 cm, créant une importante masse thermique. Il s’agit généralement de bâtiments de plain-pied, du fait des limitations structurelles.

Aux Etats-Unis, la terre utilisée est généralement stabilisées avec 6 à 10% de ciment, ce qui permet de ne pas avoir à se soucier de protéger les murs des intempéries (vent, pluie,…) avec des enduits ou des avancées de toitures. Les murs peuvent intégrer un isolant entre 2 panneaux de terre crue ou avoir un isolant sur un côté du mur.

Conclusion

Actuellement, la construction en terre crue n’est pas une méthode habituelle dans le domaine du bâtiment, mais la construction de différents équipements publics et privés sur lesquels de la communication est fait par différents biais médiatiques, contribue à l’image contemporaine de cette méthode de construction vernaculaire.

Aux Etats-Unis, l’approche est d’utiliser des techniques high-tech, rendant la construction extrêmement chère et peu accessible, utilisant souvent une stabilisation au ciment. A contrario, au Portugal, les techniques traditionnelles ont été conservées et implique un coût de construction plus faible (mais reste peu accessible du fait de manque de régulation).

Auteurs de la publication résumée ici : Pilar ABREU E LIMA, Joana MARQUES, Clara PIMENTA DO VALE