Le travail du dimanche

Travaux du dimanche

Gérard Gravisse au centre encadré par Roger Louis à gauche et Serge Arnould à droite..(photo prise par Robert Rousseau)

Logiquement, les électriciens d’entretien après la semaine de 48 heures, à la condition qu’une intervention de dépannage ne venait pas à ajouter quelques heures en sus, se devaient d’être sur le tas le dimanche matin.

Evidemment on invitait les jeunes à s’y associer. Ce qui nous mettait du beurre dans les épinards, car nous bénéficions de ces heures à 100 %. A la fin du mois nous touchions comme arpètes le salaire d’un ouvriers à la production. Mais combien d’heures fallait-il réaliser ?

Il est évident que nous ne puissions pas nous rendre à la messe le dimanche matin, tout au plus aux matines et encore. Pour ne pas travailler l’après midi nous établissions une évaluation d’heures à prévoir et en fonction de cela, il était fréquent que nous commencions la journée dès six heures du matin pour la terminer au plus juste à midi. Ce qui me rendait libre pour aller jouer au foot dans l’équipe des juniors à la condition que le déplacement ne fut pas trop éloigné de Mouzon, car le transport était alors assuré dès le matin. Souvent un casse-croûte suffisait pour ne pas rater le rendez-vous.

Pourquoi le dimanche ? c’était le seul jour où l’usine chômait et nous permettait de faire des intervention en coupant le courant. Ces travaux étaient aussi très pénibles, fréquemment à l’extérieur par tous les temps, comme en témoigne cette photo de décembre 1954.

J’y avais travaillé dur pour que le courant soit remis à midi, chacun me le suppliait car personne ne voulait faire du rabiot.

Ce travail d’ajout d’accessoires, dont j’avais la mission, consistait dans un premier temps à percer des trous dans un poteau métallique particulièrement épais, pas au pied mais à la tête. Une échelle double en bois manipulée par deux ou trois gaillards me transporta au sommet du poteau. A l’aide d’une chignole électrique caparaçonnée d’aluminium, de bon poids, je m’attelais précautionneusement à la tâche, car mal assuré dans une position inconfortable. J’avais besoin de mes deux mains et tendais tout le poids de mon corps sur la bretelle en cuir ajustée à mon dos. Mes deux pieds ne me servaient qu’à me tenir en position debout et mes cuisses serraient le poteau. Les avant-trous furent enfin percés, l’alésoir les élargissait progressivement au diamètre prévu. Mais voilà, à force d’être trop gourmand en allant plus vite, j’ai brûlé les étapes, l’alésoir s’est bloqué et la perceuse a tourné sur elle-même, j’ai cru ma dernière heure arrivée, je l’ai lâché subitement pour ne pas faire un tour complet avec elle. Malgré le froid, une suée abondait. Les témoins, au sol, d’abord choqués, ont respiré un bon coup à me voir encore accroché au poteau.

A la fin de cette mésaventure, Robert Rousseau, le quatrième larron prit la photo en m’y associant Gérard Gravisse et Serge Arnould.

Tous les dimanches ne furent pas épiques, sauf volontairement, quand enfin un travail fut réalisé avant midi et qu’ il nous restait quelques quart d’heures avant la douche.

C’est alors comme tout être vivant en mal de décompression nous élaborions un jeu.

J’ai encore en mémoire le jeu qui consistait à se planquer individuellement dans l’usine et à se chercher mutuellement pour se tendre un piège.

En débouchant des essoreuses pour accéder aux feutreuses, j’ai eu le droit à un copieux arrosage d’une lance à incendie. Deux compères se sont associés pour cette épreuve qui nécessitait une conjugaison de forces et le troisième en surveillance, m’a attiré dans le piège en faisant mine de disparaître. Bien joué les gars ! Je n’ai plus besoin de passer par les douches.

R.Louis