La notion de projet d’établissement apparaît en 1982, dans un rapport ministériel[1] consacré à « la décentralisation et la démocratisation des institutions scolaires », qui préconise de rendre les établissements plus autonomes, sur les plans pédagogiques, administratifs et financiers.
À partir de 1982, les lois de décentralisation[2] transforment les collèges et les lycées en établissements publics locaux d'enseignement[3] (EPLE). L’objectif est de passer d'un fonctionnement administratif, bureaucratique et rigide, à un fonctionnement reposant sur la motivation, l'implication des acteurs du terrain et la prise en compte de la diversité des situations locales, pour plus de cohérence, de transparence, d’efficacité et de démocratie.
En effet, dès la fin des années 1970, on estimait que l’uniformité formelle des établissements scolaires pouvait générer certains découragements et parfois la résignation des personnels. Elle produisait également des disparités entre les élèves, car les politiques d’établissement étaient très opaques. Enfin, la rigidité du système décisionnel pouvait paraître d’une part inadaptée au changement et, d’autre part, ne tenait pas compte des particularismes locaux.
Le projet d’établissement apparaît alors comme un instrument de juste équilibre entre décentralisation et déconcentration.
Il promeut des principes de direction fondés non plus sur le commandement autoritaire, mais sur la délégation et la déconcentration des responsabilités : « Le projet d’établissement vise à accroître l’efficacité globale du système éducatif en associant l’ensemble des parties concernées à la définition d’objectifs, en assouplissant et en élargissant les procédures de décision »[4].
Le projet d’établissement est le fruit d’un travail participatif associant les membres de la communauté scolaire. Il permet ainsi d’impliquer davantage les acteurs du terrain qui s’approprient plus facilement une cause à laquelle ils adhèrent : « [Le projet d’établissement] doit aussi favoriser l’initiative individuelle et la responsabilité personnelle de chacun des membres de cette communauté » [5].
La stratification hiérarchique et la standardisation font place aux démarches de projet, à la négociation et au partenariat. Le chef d'établissement se doit désormais d’expliquer, de justifier, de communiquer et d’associer aux décisions les acteurs de la communauté éducative.
Le projet d’établissement, d’abord expérimental dans les années 1982-1983, devient obligatoire avec la loi d’orientation de 1989.
En 2005, la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école[6] renforce encore davantage l’autonomie des établissements scolaires. L’objet du projet d’établissement est redéfini et élargi. Il peut notamment prévoir l’association de plusieurs établissements en réseau et la réalisation d’expérimentations pédagogiques.
[1] L. Soubré, 1982
[2] Loi Defferre, promulguée le 2 mars 1982, et les lois des 7 janvier 1983 et 22 juillet 1983 qui répartissent les compétences entre l'État et les collectivités territoriales et instaurent le transfert de ressources.
[3] Avec le décret nº 85-924 du 30 août 1985 modifié relatif aux établissements publics locaux d’enseignement, les collèges disposent d’une autonomie qui porte sur l’organisation pédagogique de l’établissement, l’emploi des dotations en heures d’enseignement, l’organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire, la préparation de l’orientation des élèves, l’ouverture du collège sur l’extérieur…
[4] Circulaire nº 90-108 du 17 mai 1990 relative au projet d’établissement
[5] ibidem
[6] Loi nº 2005-380 du 23-4-2005
L’article L 401-1 du code de l’éducation, inséré par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, précise les principes qui étayent l’élaboration du projet d’établissement :
« Le projet d'école ou d'établissement définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et précise les activités scolaires et périscolaires qui y concourent.
Il précise les voies et moyens qui sont mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin.
Il détermine également les modalités d'évaluation des résultats atteints. »
Il s’agit donc de construire un projet pédagogique et éducatif qui traduit les objectifs nationaux dans le contexte particulier de l’établissement, en tenant compte des ressources et des contraintes spécifiques de celui-ci.
La loi ne définit pas la forme du projet. Mais en précisant sa fonction, elle impose des passages obligés.
Le décret du 30 août 1985 modifié sur les EPLE indique ainsi que le projet doit être présenté sous forme d'objectifs et de programmes d'actions.
Il doit tenir compte des prévisions relatives aux dotations d'équipement. Il peut mentionner des projets communs avec d’autres établissements d’un même réseau ou prévoir, pour une durée maximale de cinq ans, la réalisation d'expérimentations dans les domaines énumérés par le troisième alinéa de l'article L. 401-1 du code de l'éducation[1].
Le projet d’établissement ne peut bien sûr prétendre résoudre tous les problèmes de la vie d’une communauté. Il s’appuie cependant sur des objectifs prioritaires déterminés en fonction d’un contexte particulier.
Toutefois, la circulaire nº 90-108 du 17 mai 1990 relative au projet d’établissement indique que doivent nécessairement figurer :
- un projet pédagogique,
- une politique d’orientation et de l’insertion professionnelle des élèves,
- un dispositif de l’ouverture de l’établissement sur son environnement.
Par ailleurs, les circulaires de préparation de la rentrée scolaire apportent fréquemment des précisions sur les attentes de l’institution par rapport au projet d’établissement. Par exemple, la circulaire de préparation de la rentrée 2006 souhaitait que celui-ci détermine explicitement des objectifs pédagogiques en matière de « conduite des programmes personnalisés de réussite éducative, de nouvelle organisation de l’enseignement des langues vivantes étrangères, de taux de réussite aux examens, d’orientation vers les études scientifiques. » Elle souhaitait aussi que soit précisée la politique de l’établissement en matière de « politique documentaire, d’ouverture sur l’environnement économique, culturel et social, d’ouverture européenne et internationale, d’éducation à la santé et à la citoyenneté. »
D’autre part, le recteur ou l’inspecteur d’Académie directeur des services départementaux de l’Éducation nationale (IA-DSDEN) peuvent donner des instructions précises quant à la forme qu’ils souhaitent voir adoptée.
Enfin, de nombreux textes officiels (circulaires, notes de service) font référence au projet d’établissement :
la section sportive scolaire[2] est « intégrée obligatoirement au projet d’établissement »,
le projet de l’Association Sportive[3], fait « partie intégrante du projet d’établissement »,
le projet de la SEGPA[4], qui est élaboré et mis en œuvre par l’équipe pédagogique, s’articule « avec le projet d’établissement dont il est partie intégrante »,
le projet éducatif en matière de prévention, d’éducation à la citoyenneté et à la santé, qui est conçu, mis en œuvre et évalué par le CESC[5], est « intégré au projet d’établissement »,
la classe à projet artistique et culturel[6] (classe à PAC) « s’inscrit comme un élément essentiel du volet culturel du projet d’établissement »,
le projet de l’unité pédagogique d’intégration[7] (UPI) « fait explicitement partie du projet d’établissement »,
le projet d’éducation physique et sportive[8], défini annuellement en fonction des programmes nationaux, est « coordonné au projet d’établissement ».
D’autres projets ont également leur légitimité dans le projet d’établissement : le projet de vie scolaire, la politique documentaire de l’établissement, le projet TICE[9]…
Le projet d’établissement apparaît donc complexe à élaborer : il ne doit pas résulter de la juxtaposition ou de la somme des différents projets qui le composent, mais doit en être « la juste négociation et l’efficiente articulation[10]». Cela n’a rien d’évident et réclame un sérieux effort de synthèse et de compromis. L’enjeu consiste aussi à élaborer un document suffisamment court et clair pour être lisible et servir d’outil de référence au sein de l’établissement.
Le projet d’établissement doit être élaboré avec les représentants de la communauté éducative[11].
Tout ce qui n’est pas purement pédagogique dans le projet peut être le fruit d’une élaboration collective en partenariat avec les délégués des élèves, les représentants des associations des parents d’élèves et les représentants des collectivités territoriales.
La partie pédagogique est proposée (et donc élaborée) par le conseil pédagogique[12] de l’établissement.
La circulaire nº 90-108 du 17 mai 1990 définit les quatre étapes à mettre en œuvre pour élaborer le projet d’établissement :
Le diagnostic :
Cette étape consiste à recueillir et interpréter des données propres à l’établissement pour formaliser ce qui en fait son identité (caractéristiques de la population scolaire, résultats aux évaluations nationales, taux de passages dans la classe supérieure…). Elle comporte également une analyse des forces et des faiblesses de l’établissement (réflexions sur les pratiques pédagogiques, sur la vie scolaire, relations avec l’environnement…).
La définition des axes du projet :
L’analyse du diagnostic permet de définir des objectifs généraux (ou axes du projet d’établissement) en cohérence avec les orientations pédagogiques nationales et académiques, prenant en compte le contexte social, économique et culturel de l’établissement, et s’appuyant sur des principes et des valeurs qui fédèrent les membres de la communauté éducative.
L’élaboration et la présentation d’un programme d’actions :
Les objectifs généraux se déclinent ensuite en un programme d’actions, pertinent par rapport aux objectifs affichés par l’établissement et permettant d’induire les effets attendus. Les actions définissent une stratégie et des moyens matériels et humains pour inscrire la politique de l’établissement dans le concret.
L’évaluation :
Des indicateurs d’ordre quantitatifs et qualitatifs sont déterminés pour permettre l’évaluation des actions envisagées (par exemple, nombre de B2I validés, fréquentation du CDI, nombre d’adhérents à l’association sportive…). Ils doivent permettre l’estimation de l’efficacité des moyens mis en place pour aboutir aux objectifs fixés.
Le projet d’établissement est adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d’administration de l’établissement.
Il fait ensuite l'objet d'un examen par l'autorité académique, qui vérifie le respect des orientations nationales et la conformité aux principes et règles du système éducatif.
Le projet d’établissement est ensuite mis en œuvre par tous les membres de la communauté éducative, sous l’impulsion du chef d’établissement.
Un dispositif d’évaluation interne est mis en place. Véritable outil de pilotage, il permet de réguler les actions entreprises en fonction des indicateurs de réussite et de dresser des bilans intermédiaires.
[1] « Sous réserve de l'autorisation préalable des autorités académiques, le projet d'école ou d'établissement peut prévoir la réalisation d'expérimentations, pour une durée maximum de cinq ans, portant sur l'enseignement des disciplines, l'interdisciplinarité, l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de l'établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d'enseignement scolaire. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation annuelle. »
[2] Circulaire no 96-291 du 13 décembre 1996 relative aux sections sportives scolaires
[3] B.O. N° 25 du 20 juin 2002 « le sport scolaire à l’école, au collège et au lycée »
[4] Circulaire nº 96-167 du 20 juin 1996, abrogée par la circulaire nº 2006-139 du 29 août 2006 qui ne reprend pas la notion de projet de SEGPA, mais réaffirme la circulaire nº 98-129 du 19 juin 1998 qui décline encore la notion de projet de SEGPA.
[5] Circulaire nº 2006-197 du 30-11-2006 relative au Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC)
[6] Circulaire nº 2001-104 du 14-6-2001 relative aux classes à projet artistique et culturel
[7] Circulaire nº 2001-035 du 21 février 2001 relative à la scolarisation des élèves handicapés dans les établissements du second degré et développement des unités pédagogiques d’intégration (UPI)
[8] Arrêté du 22 novembre 1995
[9] Technologie de l’information et de la communication à l’école
[10] Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, Nathan Université, « Projet », F. CROS
[11] Article L111-3 (Loi nº 2005-380 du 23 avril 2005 art. 3 Journal Officiel du 24 avril 2005) : « Elle réunit les personnels des écoles et établissements, les parents d'élèves, les collectivités territoriales ainsi que les acteurs institutionnels, économiques et sociaux, associés au service public de l'éducation. »
[12] Le conseil pédagogique comporte au moins un professeur principal de chaque niveau d’enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire, un conseiller principal d’éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. Le conseil pédagogique est présidé par le chef d’établissement. Il appartient à chaque établissement de déterminer sur cette base la composition précise du conseil pédagogique et les conditions de désignation de ses membres.