Compte-rendu de la conférence "Le livre électronique"

"Le livre électronique"

Première conférence de la saison 2009/2010, nous ouvrons le débat sur le livre électronique qui pousse de plus en plus fort la porte des circuits de commercialisation du livre et vient bousculer un réseau en place depuis longtemps.

Nous avons la chance d'avoir avec nous 3 personnes représentant les 3 volets essentiels du circuit qui permet d'assurer, au delà de la création elle-même, la mise à disposition à chacun de nous les livres et nous permettre cet accès à la connaissance et à la culture.

  • un éditeur : les Éditions PRIVAT en la personne de Philippe Terrancle, Directeur

  • un libraire : la librairie OMBRES BLANCHES, bien connue elle aussi à Toulouse, représentée par Ingrid Ledru

  • une bibliothèque publique : la Médiathèque de Toulouse en la personne de Michel Fauchié chargé de la mise en place de l'accès au livre électronique pour les abonnés.

Après une introduction par notre Président et par Isabelle Cargol, Philippe Terrancle a pris la parole.

De gauche à droite : Philippe Terrancle, Ingrid Ledru, Michel Fauchié

Avec beaucoup de talent et un accent toulousain bien timbré, Philippe Terrancle a su captiver notre attention très rapidement en posant d'entrée les vrais problèmes qui se présentent. Selon lui, le livre électronique n'a rien à voir avec l'introduction du livre de poche. Ce n'est vraiment pas le même objectif.


Philippe Terrancle


Observons les supports offerts. On nous propose le livre électronique depuis une vingtaine d'années. Les premiers supports étaient vraiment laids, peu confortables, fragiles, d'un confort restreint, délicat à lire et à manipuler. Mais l'arrivée des écrans souples et des possibilités de transférer sur les boîtiers de jeux tels que les DS, les téléphones, alors oui, le livre électronique devrait décoller surtout chez les jeunes lecteurs. Quand on sait qu'il y a 4 milliards d'abonnés au téléphone mobile dans le monde, migrer des journaux, des livres, installer des abonnements papier + e-book est une cible vertigineuse. Mais la décision se fera sans doute sur l'usage que nous en ferons.

Lors de la confection d'un livre, on constate que la dématérialisation est quasi totale (.pdf) jusqu'à l'impression, tout à la fin du processus de l'objet 'livre' qui sera vendu à prix unique. Cette loi du prix unique a protégé largement l'édition. Mais proposer un livre dématérialisé au même prix que le livre papier sur l'étagère du libraire est très discutable car manifestement le coût est largement moindre pour le document électronique. On peut proposer d'autres types de formats mais dans le respect du marché. Il est donc indispensable de trouver un business model. Nous vivons un moment passionnant. Pourra-t-on lire Tolstoï sur un support électronique ? Le Vidal en consultation, sans doute, les journaux aussi. La chaîne "éditeurs-imprimeurs-distributeurs-libraires" s'est miraculeusement conservée dans notre pays grâce à l'instauration du prix unique. On peut observer notamment en Angleterre où le marché est libre que le libraire n'existe plus.

Nous avons ensuite écouté le point de vue du libraire grâce à Ingrid Ledru, représentant OMBRES BLANCHES.

Elle nous rappelle la fragilité de la librairie, son aspect un peu vieux jeu. Ceci peut expliquer le retard par rapport au format numérique du à la fragilité économique et la position d'attente par peur de ce nouveau format.

Pourquoi est-on libraire ?

- par amour de l'objet, de la sensualité du livre, son odeur ....

- par désir d'être un médiateur, un passeur pour le livre vers le public

Des choses essentielles échappent à la dématérialisation des œuvres. Le regard sur l'écran est différent. Le contact du livre, du papier disparaît automatiquement. Les éditions Milan ont choisi un papier tout à fait particulier pour ses BD. Le livre n'est certainement sur la fin de sa vie !

Ingrid Ledru


Aujourd'hui, aucune règle n'existe et le débat est ouvert au syndicat de la librairie française. Il faut donc créer des avenants avec les e-distributeurs qui respecteront les métiers du livre et iront vers un équilibre que l'on souhaite harmonieux. Une idée semble émerger : la création d'un portail national qui proposerait le livre numérique.

En terme de part de marché, si les ventes de livres sur Internet représentent environ 8%, le livre numérique est à son début et représente environ 0,1%. Bien sûr il faut réfléchir, en débattre mais prendre aussi le temps. La loi Lang a maintenu le tissu des librairies dans notre pays qu'il faut préserver. Dans les ventes électroniques, le conseil du libraire a complètement disparu. A l'évidence, les uns sans les autres ne peuvent exister.

Aujourd'hui, les libraires disposent de 2 outils de travail dont le but est de proposer des catalogues aux professionnels qui en permettent l'accès :

- la base données Electre (700 références)

- DealCom

Cependant, quelque chose de très important se met en marche, Google ouvre sa librairie électronique. Il est donc urgent d'installer une loi d'encadrement. On ne pourra pas contrôler Google ou Amazon. Ils viennent sur notre territoire battre en brèche nos schémas commerciaux, une législation est donc nécessaire.

Les libraires veulent continuer à exister pour militer en faveur de la culture, favoriser la possession du livre sans pour autant rejeter pour une lecture nomade les nouveaux supports qu'elles sont prêtes à intégrer, dans un bon équilibre, sur leurs rayonnages.

Michel Fauchié, bibliothécaire à la Médiathèque de Toulouse a ensuite poursuivi le débat.

En introduction à son propos, Michel Fauchié nous signale une étude intéressante : "Pratique culturelle des français à l'ère numérique" ainsi qu'un prochain colloque sur ce thème.

Il nous signale l'effort de numérisation entrepris, ici, à la Médiathèque de Toulouse où l'on numérise les journaux anciens pour leur conservation et leur valorisation. L'ensemble est, bien entendu, accessible en ligne.

Ce changement technologique composé de plateformes inter-opérables, doit veiller à sauvegarder les métiers. Les intérêts des bibliothèques ne divergent pas avec les métiers de l'édition ou de la librairie.

Les collections, plus faciles à manipuler sont mises à disposition sur place ou à distance par transfert informatique sous forme de fichiers chrono-dégradables sans droits de prêts donc n'entraîne pas de retour vers les auteurs.

Michel Fauchié


Pour les bibliothèques, on peut doubler facilement la collection et gérer les prêts car :

- Les textes non imprimés peuvent ainsi être mis à disposition (50% à l'auteur),

- La numérisation peut être une suppléance à des textes dont on ne trouve plus de trace papier,

- proposer les œuvres du domaine public,

- proposer tout ce qui est domaine documentaire à durée de vie courte.

Se pose la question de l'achat des livres numériques. Une bibliothèque achète ses livres à un libraire. Mais comment procéder avec une livre électronique. (facturation, suivi, TVA réduite, remise, droit de prêt ..). Ce fichier peut être assorti de DRM avec la possibilité de le charger 5 fois. On peut organiser la médiation dans un lieu physique, un espace culturel d'échange, sans contrainte, un endroit libre où l'on peut lire, écouter, demander conseil. Le numérique offre la possibilité de s'éduquer à distance.

En conclusion, Michel Fauchié comprend la crainte des libraires/éditeurs mais, lui, se trouve dans le service public, observe et accompagne cette mutation du métier qui concerne l'usage et le support. Les bibliothèques sont dans l'avancée.

Récemment, un changement important vient de voir le jour. Google ouvre l'accès à une très large diffusion. Un acteur majeur tel que cette société pourrait s'emparer d'un patrimoine public pour en faire un monopole et cela est perçu comme un danger. Il est encore temps de réagir et d'écrire les textes régissant ce ttenouvelle façon de proposer l'accès à la lecture. Le modèle est à bâtir sans perdre de temps.

Nos 3 représentants se promettent de réfléchir ensemble à l'évolution de ce modèle, de tenter des expériences constructives allant dans ce sens et nous proposent d'ouvrir à nouveau le débat pour mesurer les avancées obtenues dans quelques mois. Pari ouvert !