CR "L'avenir de la PQR"

"L'avenir de la Presse Quotidienne Régionale"

Un plateau exceptionnel était réuni pour parler de l'avenir des la presse quotidienne régionale, des radios et télés régionales, et des news sur Internet.

André Bourricaud, Président du club, introduit la soirée en présentant le club et son objectif. Il en profite pour lancer un appel aux nouveaux adhérents en rappelant que les frais très réduits mais cependant auxquels nous devons faire face doivent être couverts par nos cotisations (20 €/an). Il résume la genèse du thème de cette conférence choisi il y a un an en réunion annuelle du bureau et il n'imaginait pas que cette question se poserait aujourd'hui avec une telle acuité.

Constatant l'absence à ce débat de la Dépêche du Midi, pourtant sollicitée à de multiples reprises et excusant l'absence de Laurent Mazurier pour cause d'émission politique à 20h30 sur les européennes du 7 juin, il nous a communiqué le texte que ce dernier lui a confié, contenant les idées qu'il aurait aimé développer devant ses confrères et devant le public du club.

Texte que nous vous proposons ci-dessous :

"France 3, une chaîne en mutation !

La loi sur l’audiovisuel public n’a pas seulement supprimé la publicité sur nos antennes. Elle impose aussi la réorganisation de l’ensemble des chaînes de France Télévisions en une entreprise unique.

Depuis avril dernier, le groupe est donc en plein chantier : il s’agit d’adapter notre fonctionnement et nos procédures de décision à une grande entreprise, quand il y en avait 5 précédemment. Les structures et les organigrammes vont changer. Les contenus aussi, chaque chaîne ayant vocation à affirmer davantage son identité. C’est ainsi que France 3 devrait, plus encore qu’hier, être la chaîne des régions. De même, l’information devrait être confortée : c’est « notre ADN ».

1) Les changements imposés par les nouveaux modes de consommation :

    • L’explosion de la télévision par ADSL et la démocratisation d’Internet ont modifié les habitudes de consommation de télévision : les téléspectateurs sont plus volatiles et tendent à privilégier une consommation à la carte (quand je veux, où je veux…). Du coup, l’audience des chaînes dites classiques s’érode. Le 19/20 réalise une part de marché de l’ordre de 25% aujourd’hui, là où il était à 30% en 2004.

    • Le temps du journal régional triomphant, regardé par plus d’un téléspectateur sur deux, est révolu. Un nouveau modèle doit donc être imaginé.

2) Le modèle Média Global :

France Télévisions est entrée dans l’ère du Média Global. Il s’agit de ne pas rester replié sur la seule diffusion hertzienne, dite "premium". Mais au contraire, d’aller au contact de notre public par tous les moyens de diffusion possibles et à tous les horaires possibles (à la demande). C’est ainsi que France 3 Midi-Pyrénées peut être vue sur tous les supports (câble, satellite, TNT, ADSL quelque soit son fournisseur).

Dans le même temps, Internet est devenu un objectif stratégique. Nos sites sont en plein développement. Qu’il s’agisse de sites classiques (sud.france3.fr) ou de services plus sophistiqués (tels que culturebox ou infoplayer).

Des expériences de web TV ont également été menées et devraient être déployées à l’automne, ouvrant la voie à une télévision régionale diffusant son flux d’informations locales 24/24.

France Télévisions a aussi investie la 3G : nos journaux régionaux peuvent être "podcastés" (journal régional ou local) tous les jours sur son téléphone portable ou son pda."

3) Les défis du modèle Média Global :

    • Réussir la réorganisation de France Télévisions : transformation juridique, économique et sociale

    • Faire évoluer nos métiers en intégrant de nouvelles pratiques, de nouveaux supports

    • Démontrer que l'on peut occuper d'autres écrans que les téléviseurs : première révolution audiovisuelle depuis le temps des pionniers du tube cathodique".

André Bourricaud a ensuite évoqué l'excellent éditorial de Christophe Barbier de l'Express du 21 mai 2009 que nous vous recommandons de lire en cliquant sur le lien : 'Le cheval et les chiens' Cet éditorial met en évidence le conflit classique entre les tenants d'un système bien installé et le progrès en matière artistique. Mais on peut généraliser cette attitude profondément humaine et l'appliquer tout particulièrement à l'évolution de la presse face aux nouveaux supports de diffusion.

Isabelle Cargol a ensuite pris le relais pour présenter les personnalités de notre plateau :

De gauche à droite : Frédéric Dessort, Sylviane Baudois, Serge Regourd, Franck Demay, Frédéric Courtine et Jean-Christophe Tortora

Après cette présentation des participants, Serge Regourd brosse un tableau introductif de l'état de la presse en France. Il constate :

  • L'affaiblissement actuel de la presse écrite, en particulier de la presse nationale, en termes de diffusion,

  • L'évacuation des dispositifs anti-concentration pour aller vers une concentration des opérateurs,

  • L'incapacité toujours actuelle de la France de penser l'audiovisuel en termes de décentralisation,

  • Que France 3 par exemple n'est pas réellement une télévision régionale,

  • Que l'entreprise unique résultant de la dernière loi sur la télévision publique, avec un risque de guichet unique, aggrave cette logique centraliste.

Serge Regourd, Professeur à l'université de Sciences sociales de Toulouse

et Franck Demay, Directeur Général de TLT

Il constate aussi que les chaînes locales sont fortes là où le câble est présent en raison de l'aide apportée par les collectivités locales et qu'ailleurs, les initiatives locales abandonnées au marché font naufrage (cf. TLT). Les données conjoncturelles telles que la montée en puissance d'Internet, de la TNT (M6 ferme), les gratuits ... bousculent fortement le modèle traditionnel.

Mais il rappelle que les Cassandres une fois de plus se trompent et il vaut mieux raisonner en logique de complémentarité. La télé n'a pas tué le cinéma, la radio n'a pas tué le téléphone. Il faut trouver ce fameux nouveau modèle qui assurera un équilibre harmonieux !

Franck Demay continue le débat en exposant la situation financière difficile de TLT, situation que l'on peut étendre à la plupart de télés locales. Personne n'a la solution mais il est prêt à faire de la résistance pour sauver l'activité de cette télévision toulousaine par excellence. Il n'y a pas de modèle de télé locale. Ces télévisons ne peuvent exister sans volonté politique locale et sans financement local. Il évoque certains choix privilégiant le "cross-médias" où tout le monde fait de tout mais on se retrouve toujours sur un seul marché au final.

Frédéric Courtine reprend la parole pour exposer son projet de radios locales qu'il vient de défendre au CSA le matin même avec sa Présidente Anne-Marie de Couvreur-Mondet qui nous a fait l'honneur d'être présente à ce débat. Pour découvrir les diapos powerpoint de sa présentation, cliquez sur le lien suivant : Les radios à Toulouse On perçoit complètement son enthousiasme pour la radio qui est loin d'être démodée et qui va prendre un essort très important avec la transformation des émissions analogique sur les fréquences FM en émissions numériques. On assistera alors à la même révolution que lors de la mise en place de la TNT pour la télévision. On pourra alors écouter avec un confort parfait plus de 50 stations numérique et ceci dans un avenir proche.

Frédéric Courtine, Directeur général de MédiaMeeting, Toulouse FM et Jean-Christophe Tortora, Directeur d'Objectif News

Jean-Christophe Tortora poursuit l'analyse pour parler de son expérience récente, Objectif News. Il rappelle qu'a contrario des radios ou télés, il n'a pas besoin de l'autorisation du CSA pour ouvrir un journal. Son principe de base : aller à la rencontre d'un public, d'une audience. Si cet axiome n'est pas réalisé, alors quel que soit le projet, il a très peu de chances d'aboutir. Il faut avoir un contrat éditorial motivé par l'information de proximité parfaitement clair et lisible pour le public.

Il constate que la TNT est une offre nouvelle élargie mais reste très attaché à TLT sans pour autant aujourd'hui encore, que la solution n'ait émergé. Il rappelle ses journaux et leur cible :

- Toulouse Mag destiné aux nouveaux toulousains

- Objectif News, média global de l'économie régionale

Il insiste sur sa méthode : définir une cible et aller à sa rencontre en l'invitant à des débats, en ayant un maximum de contacts directs. Internet est incontournable, c'est une chance pour développer la notoriété mais ne se monétise pas. La pub n'est pas assez valorisante et les efforts de mise en ligne ne sont pas équilibrés financièrement. Internet est indispensable mais est aussi un échec économique !

On se pose alors quelques questions sur la crise des médias et la crise du contenu, sur la course avec le temps et sur la nécessité d'occuper le terrain avant tout.

Concernant la publicité, Frédéric Dessort fait remarquer que le seul journal qui gagne de l'argent, où les journalistes sont les mieux payés, c'est le seul journal sans publicité : Le Canard Enchaîné !

Frédéric DESSORT, Rédacteur en chef Midenews, Sylviane Baudois, Présidente de l'AJT, le Professeur Serge Regourd

Sylviane Baudois intervient ensuite pour rappeler que, le lectorat des quotidiens, en particulier pour la Dépêche du Midi, est un lectorat vieillissant qui ne se renouvellera pas, les jeunes ne s'abonnent plus, les nouveaux arrivants, nombreux à Toulouse, ne sont pas satisfaits par cette presse locale qui ne sait pas les intéresser. Elle signale également le prix de l'abonnement qui lui paraît excessif. Le réseau de distribution est obsolète et trop lent.

Va-t-on sauver la presse écrite par Internet ? interroge-t-elle.

Les gratuits directement sensibles à la manne publicitaire commencent à avoir de sérieux problèmes quand elle commence à faillir. L'information gratuite est un leurre ! Il faut maintenir une information de qualité mais cette information a un coût !

Elle note la disparition progressive de la presse papier aux U.S. A. Certains journaux n'éditent plus qu'une fois par semaine sur papier, les autres jours, on édite en ligne sur Internet et affirme que plutôt que faire de la résistance, il vaut mieux accompagner l'évolution pour que la presse écrite subsiste.

Le vice président de l'AJT, rédacteur en chef de Midenews, Frédéric Dessort pense qu'il n'y a pas de médias se substituant. Internet est le médium commun où l'on trouve les médias d'information et les autres. Ce qui crée souvent la confusion et la concurrence. Les bons modèles Midenews édité par la Mêlée Numérique fait de l'info, reçoit de la publicité en complément et est rentable !

Nous avons achevé ce débat par des questions posées par le public et pour se détendre, nous avons projeté un florilège préparé par l'INA que nous remercions, des début de la télévision régionale en Midi-Pyrénées fort drôle et sensible à la fois.

En conclusion, nous observons que la presse régionale est en complète recherche d'une modèle viable et solide. Les nouvelles technologies sont encore trop récentes pour que l'on puisse prétendre commencer à cerner ce modèle. Il faut être avant tout vigilant au métier du journaliste, respecter les fondamentaux, respecter le lecteur. C'est avec cet argument de fond que notre débat s'est achevé.

La tribune sous le regard attentif d'Isabelle Cargol, Directrice de publication LISART

Voir également l'article de l'AJT sur la Presse Quotidienne Régionale