Après une introduction par André Bourricaud du thème de la soirée et une présentation des intervenants, Eric Castex a ouvert cette conférence en dressant le parcours technique de l'écran de 1877 à aujourd'hui.

Pour revoir la présentation : societe-ecran-14-12-11-1 par ecden

C'est avec étonnement que nous avons découvert que l'inventeur de la télévision est un français, Constantin Senlecq. On peut lire avec intérêt et plaisir l'article de Télectroscope du 16 janvier 1879 :

"Télectroscope", in Les Mondes, revue hebdomadaire des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, par M. l'abbé Moigno, tome XLVIII, n°13, 16 janvier 1879, Paris.

Cet article indique que "M. Senlecq, d'Ardres, a récemment soumis à l'examen de MM. du Moncel et Hallez d'Arros un projet d'appareil destiné à reproduire télégraphiquement à distance les images obtenues dans la chambre noire. Cet appareil serait basé sur cette propriété que possèderait le Sélénium d'offrir une résistance électrique variable et très sensible selon les différentes gradations de lumière.". Suit une description du télectroscope, la plus ancienne qui nous soit connue.

"L'appareil consisterait dans une chambre noire ordinaire contenant au foyer une glace dépolie et un système de transmission de télégraphe autographique quelconque. La pointe traçante du transmetteur destinée à parcourir la surface de la glace dépolie serait formée d'un morceau de sélénium maintenu par deux ressorts faisant pince, isolés l'un avec la pile, l'autre avec la ligne. La pointe de sélénium formerait le circuit. En glissant sur les surfaces plus ou moins éclairées de la glace dépolie, cette pointe communiquerait, à des degrés différents et avec une grande sensibilité, les vibrations de la lumière.

Le récepteur aurait également une pointe traçante en plombagine ou en crayon à dessiner très doux, reliée à une plaque très mince de fer doux maintenue à peu près comme dans les téléphones Bell, et vibrant devant un électro-aimant gouverné par le courant irrégulier émis dans la ligne. Ce crayon, appuyant sur une feuille de papier disposée de manière à recevoir l'impression de l'image produite dans la chambre noire, traduirait les vibrations de la plaque métallique par une pression plus ou moins accentuée sur cette feuille de papier. La pointe traçante en sélénium parcourrait-elle une surface éclairée, le courant augmenterait d'intensité, l'électro-aimant du récepteur attirerait à lui avec plus de force la plaque vibrante, et le crayon exercerait moins de pression sur le papier. Le trait, alors formé, serait peu ou point apparent. Le contraire se produirait si la surface était obscure, car la résistance du courant augmentant, l'attraction de l'aimant diminuerait et le crayon, pressant davantage le papier, y laisserait un trait plus noir.

M. Senlecq pense arriver à simplifier encore cet appareil en supprimant l'électro-aimant et en recueillant directement sur le papier, au moyen d'une composition particulière, les différentes gradations de teintes proportionnelles à l'intensité du courant électrique."

Pour en savoir plus : http://histv2.free.fr/senlecq/senlecqnotice.htm

    • 1880-1881, différents chercheurs, George R. Carey de Boston, Adriano de Paiva à Porto, Constantin Senlecq, à Ardres enFrance, émettent de manière quasi contemporaine l'idée qu'on pourrait transmettre une image de télévision en projetant celle-ci sur une surface photo-sensible composée de points de sélénium, matériau photo-électrique ; le résultat de chaque point est transmis séquentiellement à un récepteur synchronisé avec l'émetteur (télectroscope). On a là le grand principe de l'analyse séquentielle qui est la base de tout système de transmission d'images animées.

    • 1884, un ingénieur allemand, Paul Nipkow, étudie un dispositif semblable à base de disque en mouvement. Il ne le présentera publiquement qu'en 1928 à Berlin.

    • 1923, Vladimir Zvorykine, chercheur russe, dépose le brevet de l'iconoscope.

    • 30 octobre 1925, John Logie Baird réalise la première expérience de transmission d'images à Londres.

    • 1927 à 1935 : les fonds Leclerc sont diffusées sur la télévision française.

    • 28 décembre 1927 : création par le gouvernement Poincaré du service de radiodiffusion, rattaché aux PTT.

    • 14 avril 1931 : première transmission d'une image de trente lignes de Montrouge à Malakoff par René Barthélemy.

    • 6 décembre 1931 : Henri de France fonde la Compagnie générale de télévision (CGT).

    • Décembre 1932 : René Barthélemy réalise un programme expérimental en noir et blanc (définition : 60 lignes) d'une heure par semaine, « Paris Télévision ». Il y a très peu de postes de réception (une centaine) qui sont surtout dans les services publics.

    • 26 avril 1935 : sous l'impulsion de Georges Mandel, première émission officielle de télévision française (60 lignes) depuis le ministère des PTT, 103, rue de Grenelle à Paris. La comédienne Béatrice Bretty, Jean Toscane et René Barthélemy sont les premiers visionnés de la télévision en France.

    • 8 novembre 1935 : émission à la définition de 180 lignes et un émetteur d'ondes courtes est installé au sommet de la Tour Eiffel.

    • 4 janvier 1937 : premières émissions tous les soirs de 20 heures à 20h30. Il y a une centaine de postes chez les particuliers.

    • 3 septembre 1940 : la télévision française est prise en main par les Allemands.

    • 7 mai 1943 vers 15h, la première émission de Fernsehsender Paris est émise depuis la rue Cognacq-Jay (ancienne pension de famille). Un autre studio sera aménagé rue de l'Université dans l'ancien « Magic City ». Pour cela un émetteur Telefunken est installé au sommet de la Tour Eiffel. Ces émissions régulières en français et partiellement en allemand dureront jusqu'au 12 août 1944. Elles étaient reçues par un millier de récepteurs en 441 lignes, essentiellement installés dans les hôpitaux et les foyers pour soldats.

    • 1944 : René Barthélemy met au point la définition de la télévision à 819 lignes. Pendant les années d'occupation, Barthélemy a atteint 1015 et même 1042 lignes.

    • 1er octobre 1944 : reprise des émissions de télévision après la libération de Paris. Les émissions sont diffusées depuis les studios de Cognacq-Jay.

    • 1945 : après réparations suite aux sabotages opérés par les Allemands, les émissions de télévision reprennent via l'émetteur Telefunken de la tour Eiffel en 441 lignes jusqu'à l'incendie accidentel de l'émetteur.

    • 5 juin 1947 : premier direct en dehors des studios depuis le théâtre des Champs-Élysées à Paris.

    • 20 novembre 1948 : l'émission est adopté par le décret Mitterrand à 819 lignes (image positive et modulation d'amplitude), les émissions commencent fin 1949 dans cette définition. La France est le seul pays à l'adopter (les autres pays choisiront les 625 lignes, image négative et modulation de fréquence).

Eric Castex a poursuivi son exposé jusqu'à la télévision d'aujourd'hui, la télévision connectée à l'internet, la télévision où chacun choisit son programme et le regarde quand il veut. On peut à travers cette présentation mesurer le chemin parcouru entre la première émission du début du siècle dernier, la télévision d'aujourd'hui et de celle de demain. Nous en percevons déjà quelques contours mais beaucoup de surprises nous attendent sans doute ! On note cette accélération dans l'évolution et son incidence mondiale.

Les planches illustrant les commentaires d'Eric Castex sont disponibles en suivant le lien suivant :

societe-ecran-14-12-11-1 par ecden

Chantal Delmont nous a proposé ensuite une compilation de l'évolution de la télévision depuis 1940 avec les premiers studios de Cognacq-Jay installés par l'armée allemande diffusant sur Paris depuis la Tour Eiffel des programmes à caractère culturel (strictement) pour divertir l'occupant ! C'est avec grand plaisir que notre mémoire a retrouvé toutes ces images enfouies depuis longtemps et la compilation préparée par Chantal Delmont à été très applaudie.

André Bourricaud prend ensuite la parole pour présenter une interview (France Culture) de Divina Frau-Meigs, professeur à l’Université de Paris III, en sciences de l'information et de la communication et en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes. diplômée de École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud et de Annenberg School for Communication. Spécialiste des médias, des contenus et des comportements à risque (violence, pornographie, information, paniques médiatiques…) ainsi que de questions de réception et d’usage des technologies de l’information et de la communication (acculturation, éducation, réglementation…), Elle a aidé à la finalisation des récentes recommandations européennes sur l’éducation aux médias, l’autonomie des jeunes sur les réseaux, les systèmes de filtrage dans la société de l’information et la dignité humaine dans l’environnement médiatique.et termine un doctorat en 1993 en Sciences de l’information et de la communication de l'Université de Paris II, en rédigeant une thèse sous la direction de Josette Poinssac sur Les flux télévisuels internationaux : figures, systèmes analogiques et transferts culturels. Une analyse comparée des contenus des programmes télévisuels dans neuf pays du monde et du rôle des U.S. dans la production de ces contenus. Elle a obtenu en 1999 l'Habilitation de diriger des recherches à l'Université de Paris III (avec un mémoire sur De la télévision aux sous-cultures de l'écran: la représentation dans tous ses états, aux États-unis). cf documents joint

Penser la société de l'écran. Dispositifs et usages

Divina FRAU-MEIGS

Nous vous recommandons d'écouter l'interview de Divina Frau-Megs (les premières 30 minutes). Son point de vue sur la démarche du cerveau à la lecture d'un écran est passionnant.

http://www.franceculture.fr/oeuvre-penser-la-societe-de-l-ecran-dispositifs-et-usages-de-divina-frau-meigs.html

« Penser la société de l’écran ». Verbe à l’infinitif (mais à l’oral, infinitif et impératif ne se distinguent pas), et de fait, on peut lire le titre de ce livre comme une injonction, celle à « penser la société de l’écran ». Est-ce à dire que malgré le fait qu’on fasse sans cesse référence à cette société de l’écran (par exemple, le nom du supplément de Libération), on ne pense pas les tenants et les implications de la place de l’écran dans nos sociétés ?

L’écran est omniprésent dans nos vies, c’est une évidence. Il sert d'accès à toutes sortes d'informations, que ce soit du texte, du son et de l'image fixe ou animée. Écrans fixes de la télévision, écrans de l’ordinateur, écrans publicitaires dans le métro par exemple. Aujourd’hui écrans mobiles de nos téléphones portables... Pendant les mouvements qui ont eu lieu en Tunisie et en Egypte, les images qu’on voyait sur nos écrans étaient elles-mêmes pleines d’écrans, celles de téléphones portables brandis par les manifestants...

L'écran est l'un des objets techniques les plus évidents dans notre société, au point d'en paraître transparent. Omniprésent, il sert d'accès à toutes sortes d'informations, que ce soit du texte, du son et de l'image fixe ou animée. Et pourtant, c'est un petit bout de rectangle aux proportions relativement inchangées depuis sa création, qui a pour seule vertu d'isoler un espace virtuel dans notre espace matériel afin de sélectionner les données pour nous informer et nous divertir.

Inoffensif en apparence, il détient pourtant le potentiel disruptif de détrôner durablement la culture textuelle au profit de la culture visuelle. Au moment où il se prépare à une nouvelle mutation avec le passage de l'écran dynamique à l'écran immersif, il est temps de faire un arrêt sur images et de s'interroger sur l'impact de cet objet à l'étrange familiarité.

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Cet ouvrage enquête sur le développement de cet artefact cognitif et son insertion progressive dans la société occidentale, caractérisée par un besoin accru de médiation technique. Cette médiation a pour effet de renforcer la co-évolution homme-machine et l'hyper-visualité tout en favorisant le recyclage culturel de nos récits constitutifs, sous forme de spectacles et de services. Les étapes de ce processus socio-technique organisent la progression des chapitres : invention, domestication, médiation, médiatisation et socialisation.

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Les nouvelles technologies modifient les pratiques culturelles et de loisirs des Français.

Mais la démocratisation est encore bien lointaine.

Les pratiques culturelles et de loisirs des Français se sont transformées au cours des trois dernières décennies, notamment du fait de l'arrivée des écrans dans presque tous les foyers: la télévision d'abord, l'ordinateur ensuite, et désormais les terminaux mobiles de type iPhone. Regarder la télévision est devenu au fil du temps le premier loisir des Français. Elle est dans tous les logements et l'offre de programmes s'élargit progressivement. L'ordinateur et tous ses dérivés électroniques ouvrent des horizons inexplorés. Il donne accès à une offre innovante de musique, d'images de vidéos, d'écrits, et offre des formes de partage et de communication inexistantes jusqu'alors. La numérisation permet une circulation bien plus rapide et plus large des contenus, sur une multitude de supports.

Ce livre enquête sur son insertion progressive dans la société occidentale.

(photos : Olivier Roller)

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les écrans ont peu à peu envahi nos vies et nos sociétés, au point de devenir transparents : il suffirait de compter le nombre d'écrans qui nous entourent sans qu'on les remarque réellement pour s'en rendre compte. De l’écran fixe de la télévision aux écrans d’ordinateur, publicitaires ou mobiles des téléphones portables, ils sont omniprésents.

Mais d’où viennent ces écrans ? Et comment façonnent-ils une nouvelle société ?

C’est cet arrêt sur images et ces interrogations sur l’impact de l'écran, « inoffensif en apparence » et tellement familier, que propose Divina Frau-Meigs,sociologue des médias et professeur à l’Université Paris Sorbonne nouvelle, dans son dernier livre « Penser la société de l’écran » publié aux éditions Les Fondamentaux de la Sorbonne nouvelle.

L'agenda de Divina Frau-Meigs est plutôt chargé, comme en témoigne ses interventions remarquées lors du e-G8 à propos de la société civile ou dans Place de la Toile de Xavier de la Porte sur France Culture, mais nous avons eu la chance de la rencontrer pour qu'elle nous parle de cette société de l’écran.

RSLN : Votre titre invite à « Penser la société de l’écran », ce qui, à l'oral, est presque comme une injonction : d’où vient-elle ?

Divina Frau-Meigs : C’est vrai qu’on peut le lire comme une interpellation parce que mon travail est un peu rétroactif. Je distingue en fait trois phases de l’écran : la première, et celle dont je parle le moins, considère l’écran « statique », l’écran de cinéma, qui ne fait qu’animer des images fixes. La seconde, sur laquelle je me concentre, est celle de l’écran « dynamique »contemporain, de télévision analogique et numérique, qui anime des images continues, avec une forme bien définie et sur le point de se modifier durablement.

Les Guignols ont raison de dire « bienvenue sur l’ancêtre d’Internet » mais ils devraient y ajouter « l’ancêtre de la télévision » car nous sommes dans une troisième phase de l’écran : l’ écran « immersif », de la réalité virtuelle où l’image est englobante. Ce type d’écran-prothèse commence à trouver sa place dans nos sociétés.

L’intention à l’origine de ce livre était de s’intéresser à la pensée de l’écran, c’est-à-dire à la manière dont les ingénieurs, dans les laboratoires de recherche puis les ingénieurs de la consommation, ont associé l’écran avec la pensée. L’écran est basé sur le fonctionnement de l’œil, puis quand il est informatisé, il devient associé au fonctionnement du cerveau. Je voulais mettre en avant cette relation très forte entre le cerveau et l’écran pour développer une approche cognitive, car pour moi l’écran est une prothèse du cerveau.

Dans votre livre, vous montrez que la télévision s’est réfugiée dans le foyer car elle n’a pas été acceptée au cinéma. L’écran de télévision s’est alors attaché à l’individu et non pas à la masse. Pourtant aujourd’hui, il nous permet de nous connecter à l’Internet et donc à cette même masse : ce n’est pas paradoxal ?

En fait, il nous connecte à une masse d’individus. C’est ça qui est paradoxal mais c’est également là que l’on voit l’influence de la société américaine et anglo-saxonne dans le développement de l’écran et dans sa mise en réseau. Le groupe n’est pas culturellement pensé de la même façon en Europe, en Asie ou aux Etats-Unis : en Europe, nous pouvons penser le groupe en tant qu’ensemble et isoler un individu dans la masse.

Dans la culture anglo-saxonne, le groupe n’est composé que d’entités côte à côte, le groupe n’a pas de sens indépendamment de ces identités. C’est ce que fait le réseau : ce n’est pas une communauté, c’est un rhizome. Il y a un lien socio-technique dans le réseau qui n’existe pas dans la communauté biologique, dans un village ou sur une place de marché.

Le fait de domestiquer l’écran, de l’inscrire dans les foyers, aide à construire des individus, ce qui promeut l’individualisme : dans la maison, les choix de programmation se sont progressivement diversifiés et, dans ce sens, l’écran pousse de plus en plus vers l’autonomie de l’individu par rapport au groupe.

C’est la logique des Lumières, soustraire l’individu à la masse, en finir avec le clientélisme, faire avancer la démocratie en donnant une autonomie à l’individu, qui peut penser, voter dans l’isoloir. D’où la création de l’écran, qui est ainsi une prothèse pour la pensée, car il lui donne du pouvoir : l’individu peut y construire ses images, y stocker ses histoires, construire son identité indépendamment de la pression de la communauté.

Et donc l’écran aurait une valeur démocratique. Ce n’est pas donner un peu trop d’importance à la technologie ?

La démocratie s’appuie sur la pensée et l’écran en est une des manifestations. Je me concentre sur le potentiel disruptif de l’écran, parce qu’il a une tendance à pousser la démocratie plus loin, vers le participatif : on le voit dans les usages, avec les jeux ou les réseaux sociaux où l’individu passe son temps à faire des choix, à classer, à voter en ligne, c'est une forme d’entraînement.

Le vote s’est banalisé et surtout il compte individuellement : nous n’adoptons pas un ensemble de règles, mais nous choisissons uniquement celle(s) qui nous intéresse(nt) : c’est la granularisation permise par les usages autour de l’écran, qui donne le sentiment que chaque individu exerce son choix - le degré zéro de la participation à ce stade de développement de la technologie.

Est-ce que l’écran et l’Internet ont tenu leurs promesses en termes de démocratisation ? De plus en plus de penseurs, à l’image d’Evgeny Morozov, pointent des difficultés à provoquer le changement dans des régimes forts, voire une tendance à renforcer les pouvoirs en place.

L’écran est construit sur un système institutionnel, politique et économique : dans son potentiel disruptif, il peut être démocratique mais comme toute technologie, il reproduit un cadre socio-technique de pensée. C’est pour cela que je parle de « cognition située » : l’écran n’est pas neutre, pas parce qu’en tant de technologie il n’est pas le même partout, mais parce que le système humain qui s’installe derrière lui reflète la culture et la vision politique des individus qui l’adoptent.

Dans l’utopie des ingénieurs des laboratoires américains des années 20-30, il y avait l’idée de donner plus de puissance à l’homme, sans vision politique particulière, mais très rapidement, une fois passée l’étape de récupération par l’armée - qui en garde encore partiellement le contrôle par la préservation de certaines longueurs d’onde et de bande passante - sa commercialisation s’est traduite par l’ouverture vers les masses et des perspectives de démocratisation nouvelles.

Des cultures, sans liberté d’expression, peuvent récupérer ces technologies et en modifier l’usage, pour servir leurs intérêts. C’est la différence fondamentale entre l’usage planifié et l’usage effectif : les usages planifiés ont vocation à être détournés par des usages effectifs, qui peuvent être bénéfiques, à l’image des printemps arabes, ou nuisibles car manipulés par des états autoritaires ou théocratiques.

On peut également prendre pour exemple la différence dans l’usage des données privées entre les Américains, qui sont dans une logique de propriété et donc commerciale, alors que pour les Européens, elles relèvent des droits de l’Homme et sont donc inaliénables : c’est intéressant car cela montre qu’il faut continuer à penser ce que l’on veut faire de l’écran et l’investir de principes.

> Pour aller plus loin :

· La suite de notre entretien avec Divina Frau-Meigs :

· L'école ne peut plus nier les écrans (2/2)

http://www.rslnmag.fr/blog/2011/6/15/entretien-avec-divina-frau-meigs_l-ecole-ne-peut-plus-nier-les-ecrans_2-2-/

· Divina Frau-Meigs, pour une société des savoirs

http://www.rslnmag.fr/blog/2007/11/3/divina-frau-meigs_pour-une-societe-des-savoirs/

· De l'écran à la rue : de la mobilisation en ligne à la manifestation physique http://www.rslnmag.fr/blog/dossier/le-temps-de-l-hypercitoyen/2011/6/8/de-la-mobilisation-en-ligne-aux-manifestations-physiques/

· Le Web et la démocratie : le temps de la réflexion

http://www.rslnmag.fr/blog/dossier/le-temps-de-l-hypercitoyen/2011/1/21/le-web-et-la-diplomatie_le-temps-de-la-reflexion/