À l’ère de la marine à voile, les conditions d’hygiène effroyables entrainaient un taux de mortalité plus souvent lié à la maladie qu’aux blessures de guerre.
En août 1681, "La grande Ordonnance de la Marine" de Jean-Baptiste Colbert de Seignelay (1619-1683) crée le Service de santé de la Marine en donnant l’obligation d'embarquer un chirurgien sur chaque navire de plus de 20 hommes.
La formation de chirurgien navigant était très incertaine – on appréciait surtout son habileté à manier le rasoir – et son recrutement dépendait au bon plaisir et au jugement du capitaine.
Afin offrir une formation de qualité, l'on ajouta à l’hôpital des galériens de Marseille (1640) trois hôpitaux maritimes dans les grands ports : Rochefort (1666-1688), Toulon (1674) et Brest (1689).
En 1689, l'ordonnance du marquis de Seignelay (Colbert fils), secrétaire d'État à la marine, crée le "service de santé de la marine".
Puis, furent créées trois écoles, surnommées « les trois vieilles », également à : Rochefort (1722), Toulon (1725) et Brest (1731).
Fermé en 1983.
Il devient l'hôpital Sainte-Anne le 1er septembre 1910.
Il devient en 1964 l'hôpital d'Instruction des Armées Clermont-Tonnerre.
Plus précisément, c'est grâce à Jean Cochon-Dupuy, qu'est inaugurée en 1722 la première école d'anatomie et de chirurgie navale au monde. Organisateur et pédagogue, il rédige lui même les manuels d'anatomie et de chirurgie, tout en dirigeant le fonctionnement quotidien de l'Ecole. Pour être admis, il faut avoir 14 ans révolus, savoir écrire, raser, saigner et avoir des mains saines, sans difformité.
Les élèves apprennent à visiter les malades de l'hôpital, assistent aux dissections, font des stages à l'apothicairerie et suivent des cours de médecine interne, de chirurgie et de botanique, indispensable à une époque où la pharmacopée est presque exclusivement issue des plantes. Le cursus dure 4 ans et la progression se fait par concours, gage du sérieux des études.
Une fois en mer, les chirurgiens formés par l'École doivent remplir la triple fonction de chirurgien, médecin et pharmacien.
Consécration suprême, le roi décide en 1735 que les chirurgiens seront nommés par ordonnance royale.
Puis, par arrêté du 30 novembre 1767, médecins et chirurgiens sont dotés d’un uniforme, le fameux habit gris d’épine. Dix ans plus tard, l’ancre enlacée du serpent d’Epidaure orne les boutons de l’uniforme.
Pierre Cochon-Duvivier, troisième directeur de l'École, de 1788 à 1814, est confronté aux bouleversements de la Révolution et de l'Empire.
Profondément réorganisée, l'École est réaffirmée dans ses missions fondamentales : soigner, former, chercher. C'est à Rochefort en 1800 qu'est pratiquée la première vaccination française, quelques mois après sa mise au point par Jenner.
En 1798, elle prend le nom "École de médecine navale" et les apothicaires deviennent des pharmaciens.
En 1803, les anciens élèves des écoles de médecine navale peuvent prétendre au titre de docteur en médecine en soutenant une thèse devant une faculté, étape essentielle dans la promotion de la chirurgie. Le cursus s'aligne sur celui des écoles civiles.
Parmi les conflits majeurs du Second empire, la guerre des Alliés contre la Russie mérite une mention spéciale. La Marine se bat sur trois fronts : la mer Baltique, la presqu’île du Kamtchatka et la mer Noire. C’est au nord de cette dernière que se déroulent les divers épisodes de la guerre dite de Crimée au cours de laquelle, pour la première fois dans l’histoire, le service de santé, dans son ensemble, met en œuvre une technique qui va révolutionner la chirurgie : l’anesthésie. Inventé moins de dix ans auparavant aux Etats-Unis, ce procédé est adopté par les chirurgiens de la marine dès 1847 et Auguste Adolphe Reynaud, futur inspecteur général, met au point en 1850 un "cornet anesthésique" au chloroforme qui est rendu réglementaire en 1856.
Le second évènement majeur est le fruit de la loi du 10 avril 1890, portant "Création d’une école du service de santé de la marine et de trois annexes".
L'École Principale du Service de Santé de la Marine et des Colonies (EPSSMC) ouvre ses portes le 3 novembre 1890, cours Saint-Jean, à Bordeaux (actuel 147 cours de la Marne). Le doctorat étant devenu obligatoire pour exercer la médecine, les écoles de Brest, Rochefort et Toulon deviennent des établissements annexes où les étudiants suivent les cours de première année avant d'intégrer Bordeaux.
La même année est créé un Corps de santé colonial indépendant de celui de la marine.
On ne compte plus les médecins et chirurgiens passés par « les trois vieilles ». Certains noms émergent cependant : à Rochefort Joseph Gaimard, Jean-René Quoy, René Primevère Lesson , Marie-Théophile Griffon du Bellay, Victor Liotard ou Gustave Viaud ; à Toulon Jean-Baptiste Béranger-Féraud, Jules Fontan, Jean-Marie Bayol ; à Brest Dominique Larrey, Albert Calmette, Jules Crevaux ou Pierre-François Keraudren.
Et voici quelques détails sur les découvertes de nos anciens :
Amédée Lefebvre (1798-1869) découvrit la nature des "coliques sèches" qui sévissaient dans la marine. Il eut le mérite d'établir la corrélation entre cette pathologie et la présence omniprésente de plomb à bord des vaisseaux de construction récente. Cette réalité - qu'il fallut faire admettre à l'état-major et aux constructeurs - permit l'éradication définitive du saturnisme dans la marine.
On saluera la découverte en 1906 par le médecin de la marine Tribondeau (1872-1918), avec Bergonié, de la sensibilité élective des tissus embryonnaires et tumoraux aux rayonnements qui aura les applications capitales que l'on sait.
Albert Calmette (1863-1933), médecin de marine puis des colonies, fondateur de l'Institut Pasteur de Saïgon, travailla à l'amélioration du vaccin contre la rage et mit au point en 1921 avec Guérin le célèbre BCG.
C'est sans doute dans le domaine de la pathologie tropicale que l'apport des médecins de marine fut le plus significatif.
La lutte contre la paludisme à travers la découverte du parasite Plasmodium par Laveran en 1880, et de nombreuses études par Thévenot (1801-1841) et Griffon du Bellay (1829-1908).
La lutte contre la fièvre jaune, étudiée dès 1807 par Repey qui défendait la thèse de la non-contagion mais surtout par Maher lors des épidémies de la Havane de 1837 et de Sacrificios (dans le golfe du Mexique) en 1838. Celui-ci individualisa alors une forme clinique pernicieuse intermittente qu'il traita avec succès par le sulfate de quinine, comme le paludisme. Dutroulau (1808-1872) décrit les diverses aspects cliniques précisant parfaitement la phase rouge d'invasion et la période d'état réellement jaune.
L'agent pathogène du typhus exanthématique est découvert par Ricketts en 1910 mais c'est Charles Nicolle (1866-1936) qui démontre le rôle du pou du corps dans sa transmission.
Le bacille de la peste est trouvé en 1894 par Yersin (1863-1943) venu en Indochine comme médecin de la marine marchande. Le médecin colonial P.-L. Simond (1858-1947) prouve en 1898 que la peste est transmise par la puce du rat. Girard, médecin colonial, directeur de l'Institut Pasteur de Tananarive à Madagascar met au point, en 1932, un vaccin contre la peste qui sévissait dans la grande île.
Vingt ans avant l'identification par Lambl en 1859 de Entamoeba hystolytica, agent de l'amibiase, le médecin de marine Alexandre Ségond (1799-1841) traitait la dysenterie à Cayenne avec succès par des pilules associant ipéca et extrait d'opium. Viendront ensuite les remarquables descriptions des lésions anatomiques par le médecin de marine Dutroulau dans son Traité des maladies des pays chauds publié en 1861 puis les travaux de Delioux de Savignac (1812-1876), autre médecin de marine, qui le premier mentionne en 1863 dans son Traité de la dysenterie le caractère contagieux de l'affection par les déjections et la présence de l'amibe dans le sang des selles par effraction de la muqueuse.
Lalluyaux d'Ormay (1824-1878) médecin de marine identifie la "diarrhée de Cochinchine", maintenant dénommée sprue tropicale, qui est un syndrome de malabsorption.