Pratiques de classe

Livres plurilingues et sacs à histoires

Objectif : développer chez les élèves une compétence de médiation, que nous entendons, à la suite de Candelier et al. (2012), comme une unité complexe, située et à fonction sociale, faisant appel à différentes ressources relevant aussi bien des savoir-faire, des savoirs que des savoir-être, et liée à des tâches et des familles de situations socialement pertinentes, au sein de la compétence plus globale à gérer la communication linguistique et culturelle en contexte d’altérité
Dans cette section, nous nous intéressons, à titre d'exemple, à la littérature jeunesse et aux pratiques pédagogiques qui mettent en scène l’utilisation de livres bi-/plurilingues comme supports du développement de la littératie en français et, par la rencontre altéritaire qu’ils soutiennent, comme leviers de la mise en place de compétences « mobilisant, dans la réflexion et dans l’action, des savoirs, savoir-être et savoir-faire valables pour toute langue et toute culture et portant sur les relations entre langues et entre cultures » (Candelier et al., 2012, p. 21).

Qu'est-ce qu'un livre plurilingue?

Un exemple.L’ouvrage People et sa traduction en français Six milliards de visages, offre un même récit et sa traduction dans les deux langues au sein de la classe et aborde le thème de la diversité et la valorisation des capitaux linguistiques et culturels autres que ceux de l’école ou de la société environnante majoritaire. Par des illustrations (identiques dans l’une ou l’autre langue) et un lexique qui explicitent ce qu’est la diversité, ce livre invite à une réflexion sur soi, sur autrui et sur ce qui constitue les ressemblances et les différences des êtres humains, y compris dans les écritures. Si les dimensions plurilingues et pluriculturelles des sociétés contemporaines sont clairement exposées, elles ne sont pas cependant contextualisées ; le rapport au monde dans ces livres se construit et est construit davantage sur un mode générique : les ouvrages informent sur un mode ludique pour mieux aider l’élève à se questionner. Les différents univers linguistico-culturels sont présentés selon des modalités de juxtaposition les uns à côté des autres sans réelle interaction entre eux.
Les livres bi-/plurilingues, que les apprenants devraient être encouragés à feuilleter librement dans les coins lectures ou la bibliothèque de l'école, doivent aussi être utilisés didactiquement par les enseignants pour engager l’imagination des élèves, les inciter à écrire leurs propres histoires, et comme des déclencheurs pour une réflexion sur la diversité locale et transnationale. Les évènements particuliers qui rythment l’année en sont de bons déclencheurs : les changements de saisons, les fêtes religieuses et culturelles (l’hiver, la fête de Noël, le Nouvel An chinois, la Saint Valentin). Les livres peuvent alors s'articuler à des projets artistiques, l’initiation à d’autres graphies et des projets d’écriture en français mais aussi offrir des prolongements sur les compétences transversales en littératie (travail sur l’illustration, le titre, l'organisation textuelle selon les genres, etc.) qui peuvent se faire aussi bien en français que dans d’autres langues et graphies.

Chercher des zones de compatibilité et de différence.

Un exemple autour du Petit chaperon rouge
Un exemple autour de la lumière

À faire

Un exemple autour des Trois petits cochons et/ou du loup
En adoptant un modèle holistique qui reconnait que d’autres instances, d’autres espaces et d’autres lieux sont autant porteurs de savoirs que l’école, les pratiques plurielles des enseignants s’attachent à construire la rencontre entre ces différentes instances par la recherche des zones de compatibilité et de différence. En ce sens, ce sont toutes les compétences globales mobilisant, dans la réflexion et dans l’action, des savoirs, savoir-faire et savoir-être transversaux et pluri-interculturels qui sont favorisées par les approches plurielles mises en place par les enseignants : aussi bien la compétence à gérer la communication linguistique et culturelle en contexte d’altérité (C1) et celle qui permet l’élargissement d’un répertoire linguistique et culturel pluriel (C2) que les compétences qui relèvent de l’une et l’autre zone : la compétence de décentration (C3), à donner du sens à des éléments linguistiques et/ou culturels non familiers (C4), la compétence de distanciation (C5), ainsi que celle à analyser de façon critique la situation et les activités dans lesquelles on est engagé (C6) ou, enfin, la compétence de reconnaissance de l’autre et de l’altérité (C7).
Une attention soutenue portée sur les livres en termes de contenus, de récits narratifs, mais aussi de scripts, de graphismes, d’illustrations ou encore de couleurs et de scénographie, offre pour les enseignants des classes un ensemble varié de ressources sémiotiques et matérialise les modalités à partir desquelles le rapport au monde de l’écrit s’établit. Partant de livres écrits dans une seule langue (qu’elle soit langue de l’école ou langue de l’environnement linguistique), à des livres écrits dans la langue de l’école (ou en anglais) qui prennent place dans une autre culture, à des livres qui mettent en scène plusieurs langues, plusieurs cultures, voire plusieurs écritures, ces ouvrages, que l’on peut qualifier d’outils bi-/plurilingues pour soutenir l’écrit en français, ouvrent tous des espaces de communication plurilittératiés à partir desquels il est possible de tisser des liens (implicités ou non, directs ou indirects) avec le monde extérieur à la salle de classe.
Les livres bi-/plurilingues conduisent ainsi à (ré)interroger certaines modalités d’intervention dans les contextes de contacts de langues pour favoriser la prise en compte et la mise en place de situations scolaires plurilingues qui mettent en cohérence l’école avec les familles et les communautés – ce travail en partenariat conduit à la synergie entre les langues de l’école et les autres ; il place le français comme langue tremplin dans les constructions des connaissances, du savoir et du rapport à l’autre.

Voir un documentaire (en Suisse, à Genève)

Voir un documentaire (Au Canada, à Montréal)

Pour aller plus loinChiss, J.-L. (2008). Littératie et didactique de la culture écrite. Pratiques, 137-138, 165–178.Chiss, J.-L. (2012). L’écrit, la lecture et l’écriture. Théories et didactiques. Paris: L’Harmattan.Gagnon, R. & Deschoux, C.-A. (2008). L’album bilingue et l’enseignement de la lecture: un dispositif de formation des maîtres en didactique intégrée des langues, Babylonia, 1. 46-53.Perregaux, C. (2006). Les sacs d’histoires ou comment développer des pratiques littéraciques bilingues entre l’école et la famille. Interdialogos, 1. 27-30.
Dans l'exemple qui précède, René dans sa classe de l'école primaire instaure le "Mot du jour" dans trois langues, en français, en anglais et dans une langue au choix de l'enfant (de son répertoire ou non) en utilisant les outils informatiques de recherche en ligne. Ce travail permet une ouverture aux langues, la comparaison des langues, des systèmes d'écriture, de "parler des langues" et de leur fonctionnement, de donner le rôle d'expert aux enfants, de construire le lien avec les langues des parents.
Pour voir l'extrait de classe qui correspond sur youtube, aller ici.
Un autre exemple. Voir un court documentaire ici. L'imagier plurilingue en classe (Montréal).

Voir un webdocumentaire (ELODIL). Des histoires et des mots. Développer la compétence à écrire à l'aide de production des textes identitaires plurilingues.

Voir aussi. Écriture et Histoires Familiales: « mes langues ».

Pour retrouver tout le site ELODIL ici.

Candelier, M., Camilleri-Grima, A., Castellotti, V., de Pietro, J.-F., Lörincz, I., Meissner, F.-J., Noguerol, A. & Shröder-Sura, A. [avec M. Molinié] (2012). CARAP/FREPA. Un Cadre de Référence pour les Approches Plurielles, Compétences et ressources. Graz : Council of Europe Publishing/Centre européen pour l’enseignement des langues.