Nous avons vu précédemment que les alternances de langues qui émaillent le discours des plurilingues sont à la fois normales et qu’elles remplissent des rôles importants, notamment d’affichages des identités. Les alternances restent pourtant perçues le plus souvent négativement à l’extérieur des groupes d’appartenance, et en particulier sur le terrain scolaire.
À l’école, les enseignants peuvent se trouver confrontés à différentes formes d’alternances : celles qui mettent en œuvre les langues des répertoires plurilingues des élèves, celles qui mettent en œuvre les langues de l’école.
À l’école, ces alternances sont généralement analysées comme des traces du déséquilibre des compétences et, donc, comme les indicateurs d’une maîtrise précarisée, ou en cours de développement, des langues. Elles sont alors généralement évaluées par les enseignants comme des énoncés fautifs relevant d’interférences, surtout quand ceux-ci ignorent les usages linguistiques locaux. Les affichages identitaires que ces alternances permettent de remplir pour leurs locuteurs peuvent facilement leur échapper, ou passer pour de simples outrages à l’autorité scolaire.
Pourtant, les rôles identitaires de l’usage des langues ne doivent pas être sous-estimés, en particulier dans le champ scolaire. L’usage de ces variantes permet en effet aux locuteurs plurilingues d’afficher discursivement des identités distinctes, d’adhésion ou de transgression des normes validées dans les groupes. Les alternances servent aussi parfois à se sécuriser pour certains élèves qui se sentent démunis dans la classe (Canagarajah 2004 parle par exemple de « safe houses »).
Les passages sont aussi en ce sens à considérer dans leurs liens avec des mouvements de réaffirmation d’une identité (qui pourrait être dans certains cas une identité d’apprenant) mais aussi avec les mouvements d’étayage qui, potentiellement, les accompagnent, et donc, dans leurs relations avec des processus d’acquisition et des progrès d’apprentissage.