Cet autre portrait, celui d’Oumkaltoum, que vous retrouverez aussi dans Moore (2007), permet de questionner la notion de « langue maternelle » pour un locuteur plurilingue. Dans ce témoignage, Oumkaltoum explique comment elle considère le français comme sa langue maternelle, et le village corse de son enfance comme « mon village, mon île, ma terre natale » (p. 160). Malgré son héritage familial, elle ne parle pas arabe mais comprend le marocain, tandis qu’elle décidera par la suite d’apprendre la langue corse. Elle nous raconte ici un épisode important de son enfance :
« Comme chaque vendredi, Monsieur Paoletti, l’instituteur, nous faisait l’exercice de dictée. J’attendais ce jour avec impatience. Gourmande par nature, je raffolais des dictées, à tel point que j’avais toujours la meilleure note. […] Lorsque mon tour arriva, Monsieur Paoletti se mit face à moi, et d’une main forte, me tendit ma copie avec fierté et me dit « C’est très bien ! » Et tournant sa tête vers mes camarades déclara d’un ton grave : « Regardez ! c’est une petite Arabe qui va vous apprendre votre propre langue ! […] En ce vendredi, de l’année 1985, Monsieur Paoletti commit l’irréparable, il me déposséda d’un bien inestimable : ma langue maternelle » (Oumkaltoum, dans Chadhi 2003, p. 161)
Chahdi, O. (2003). Kouca ou l’Arabe qui parle corse. In D. Lévy & G. Zarate (éds). La médiation et la didactique des langues et des cultures. Le Français dans le Monde/ Recherches et Applications, 160-163.