Parmi les nombreuses formes que peut prendre l’appui (visible) sur des savoirs construits en dehors de l’école, les phénomènes d’alternances constituent des traces efficaces pour suivre ce travail de l’apprenant. De nombreuses études se sont penchées sur l’analyse des alternances en classe, que celles-ci soient légitimes (encouragées dans la classe) ou non. Ces études ont permis de reconsidérer le rôle des alternances dans les processus d’apprentissages, à la fois linguistiques et disciplinaires.
Sur le plan linguistique, on a pu montrer, par exemple, que l’alternance constitue un moyen efficace pour l’apprenant pour signaler à l'enseignant un besoin ponctuel dans un effort de production.
De nombreuses typologies, plus ou moins complexes, permettent de catégoriser les formes et les fonctions des alternances en classe. Pour ma part, je trouve utile de distinguer deux formes d’alternances, celles qui permettent de continuer la conversation (les alternances relais) et celles qui permettent de focaliser sur la forme des énoncés, parce qu’elles entraînent des efforts de reformulation (par l’élève, les pairs, l'enseignant(e)). On peut alors parler d’alternances tremplins. Ces différents rôles de l’alternance sont ainsi liés à différentes formes d’apprentissage, et l’enjeu, pour les enseignants, est de savoir circuler entre ces focalisations sur la forme et sur le sens, pour aider les apprenants à une remise en mots dans la langue-cible.
Par ailleurs, de nombreux travaux ont aussi pu montrer que l’alternance des langues encourage une prise de distance favorisant la conceptualisation dans l’accès à de nouveaux savoirs.
On considère dès lors que l’alternance permet d’enrichir l’effort de conceptualisation, par la prise en compte des informations pertinentes en L1 et en L2. Sur le plan didactique, cette conception induit plusieurs implications importantes :
1. Il est possible de construire une compétence commune, par le biais d’une L1 autant que par celui d’une L2 (si on a appris à compter en L1, on n’a pas besoin de réapprendre que 2 et 2 font 4 en L2) (Dabène, 1994 et voir le double iceberg de Cummins) ;
2. l’alternance didactique des langues favorise les mouvements d’abstraction et de généralisation nécessaires pour la mise en place des concepts et la construction des savoirs.