Indianité 

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16° mouvement.

 

                Sur nos squelettes piétine la lumière s'asphyxiant de solitude  -  l'ombre de ce qui fut rôde autour de l'Orifice National de l'Emploi  -  recherchant dans nos cœurs une place de bourreau.   -  Les sentiers ou nos pas crurent laisser leurs empreintes éternelles se sont recouverts d'herbes folles  -  les souvenirs s'effritent comme le béton de nos villes cancéreuses sous la poussée du lierre  -  seule la solitude cristal brûlant de pureté  -  plane par-dessus nos espoirs bafoués  -  le vide évente toute souffrance  -  les chemins du souvenir s'effilochent dans la brume...  -  Bruinent nos corps macadamisés sur les toits de la ville  -  sur les toits de nos douleurs.  -  Une amie cent fois reniée  -  au fond d'un cimetière du côté de Clichy  -  entre deux usines de métal désaffectées.  -  Tu ne sais plus rien  -  non  -  tu ne sais plus  -  dans l'oubli de la ville  -  dans la nuit électrique  -  derrière des néons/barbelés  -  ton âme n'ose plus appeler un "Dieu" qui n'a jamais existé que dans l'effroi de ta condition.  -  Tu ne crois plus en rien  -  tu ne crois plus en personne  -  remplir des milliers de pages de solitude  -  un vide chronique à l'horizon.  -  La cité t’anéantit -  te tue.  -  Ta vie !  -  Une mascarade monstrueuse.  -  Les années emportent tout à la vitesse de la lumière/escargot  -  tu as envie "d'aimer"  -  mais le mot même s'est éventé.  -  Envie de donner  -  mais tu n'as rien à donner  -  que notre souffrance  -  au creux de ton corps miroir des douleurs

                               DOULEURS !

                                                      DOULEUR !

                                                                           Que notre souffre/espérance  -  la tienne !  -  Derrières nos corps vitrines  -  convoitise de l'étincelle primale  -  tu ne sais plus quel jour nous sommes  -  la fenêtre ouverte sur une cour intérieure  -  les mains massent à massent les yeux  -  l'utilité s'efface peu à peu derrière l'habitude  -  tu t'en vas en un tip-tap-top au fond de ta vieille Amérique.  -  Au fond tu es un peu Marlène Dietrich sautant d'un pas de géant d'un Berlin lancinant à Nashville.

 

 

17° mouvement.

 

                Je reviendrai !  -  Lorsque la guerre civile aura cessé  -  descendant de nos montagnes  -  par milliers  -  le fusil à la main  -  une fleur !  -  Croyant encore en la fraternité  -  le combat proche  -  derrière les nuits d'hier  -  joie presque triste  -  juste l'instant que ne viennent mes frères  -  mes camarades  -  qu'ils ne m'emmènent vers une aurore incertaine  -  à fin qu'à jamais  -  "Oh ! Juste un peu..."  -  Survive l'infection étatique.

 

     Madame la concierge  -  accent fantastique !  -  Gueule un bon coup  -  "Eh ! V'la t'i pas qu'é r'met sa zizique !"  -  Mais je finirai mon couplet  -  ma musique  -  jusqu'à ce que les hommes de bleu-nuit vêtus -  viennent me chercher.  -  L'un d'eux aura le sourire de Juda  -  mais comment ne pas le comprendre !  -  Muette, je les suivrai devant les yeux/punaises de M'dame la concierge...  -  Chapeau rabattu sur les feux fronteaux  -  feux aux frontières incertaines  -  je les suivrai derrière de long murs gris  -  ABRACADABRA !  AU NOM DE LA LOI !...

 

 

Envie de hurler dans les avenues/foules/déserts  -  de s'enfouir au creux de ce qui aurai pu être le corps rêvé.  -  Où vais-je ?  -  Mais voila !...  -  Il faut s'abstenir  -  retenir cette envie de vomir jusqu'au bout du voyage...  -  Jusqu'au bout de ce voyage  -  ne pas déranger les compagnons de ce wagon à bestiaux filant dans les Sibérie de nos cœurs  -  parmi les glaces/carapaces.  -  Fermez les yeux voyageurs sans raison  -  la chance n'est pas avec ceux qui savent.

 

                Ils t'enfermeront  - mais que peuvent les chacals  -  à cent  -  à mille.  -  Emmurée par d'étouffantes suspicions  -  écartelée par des brimades habituelles et banales  -  tu seras toujours toi !  -  Que pourront-ils face à un condor  -  même en sang  -  vrillant dans l'air bleu et froid.  -  Ils n'auront que le semblant de toi  -  ta  carapace morte  -  ta seconde peau.

 

Mouvement final.

 

                 Ce soir  j'ai pleurée  -  des Camarades sont morts...  -  MORTS !  -  Pourriez-vous le comprendre ?  -  Vous qui ne faites qu'exhaler vos peurs.  -  Tristesse sans tristesse  -  presque mystique.  -  Non !  -  Ne leurs jetez pas la pierre de la folie.  -  Gundrun  -  petite nuit  -  petite fille solitude.  -  Elle brûle tourbillonnante au Wahlala des enfants mort-nés de n'avoir su aimer.

 

 

...............ULRIKE MEINHOF................................

..................................GUNDRUN ENSSLIN...........

.......................JEAN-CARL RASPE.......................

........................................ ANDREAS BAADER......

 

 

                Ce soir j'ai pleurée et puis j'ai allumée un joint en un rite séculaire comme pour accompagner au pas de la porte le voyageur éternel...

 

Sarah P. Struve (1980)      

  

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