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Le lendemain matin je retraverse, en sens inverse, mon chemin de croix. Derrière une grille nous nous retrouvons muets de peur de briser l'équilibre de cette liberté, pâle soleil. Et puis nous grimpons dans un car de police. 14 freaks, 14 flics, nous avons chacun notre ange gardien et la route vole...
Durant tout le trajet nous braillons des chansons, roulant de faux joints avec du bon gros tabac tout en faisant le signe de la paix aux automobilistes hallucinés à en juger par les zigzags que font leurs voitures derrière nous.
Enfin, nos petits camarades au bord de l'apoplexie, nous arrivons à Rögbihaven en rang par deux. Un flic, un freak,
Un freak, un flic.
Embarquement sur le ferry. Starlettes éphémères, nous saluons gravement la foule des passagers médusés. Puis nous somme menés vers un salon de première classe, s'il vous plait !
Traversée à travers un cocon de torpeur brumeuse séparant du continent le royaume du Danemark. Juste avant de toucher terre, nos anges gardiens nous installent dans un wagon à destination qui de la frontière française, qui de la Hollande, qui de la Suisse ou de l'Autriche.
Nos flics ont presque les larmes aux yeux. J'entends l'ange gardien de Jeanne lui dire. - Faites bien attention à vous. Vous comprenez... j'ai une fille de votre âge. - Et de l'embrasser.
Nous avons le droit à une petite enveloppe contenant une trentaine de Marks et un aller simple jusqu'à nos frontières respectives. Les portières claquent, une immense motrice vient s'enchâsser dans le wagon de tête, le train trépigne.
. - Adieu Danemark...
La toile d'araignée ferroviaire se tisse au creux d'un rêve plastique suivi de son tac-atac-tac-traaam-tac narcotique.
Hambourg, cité de la folie, cité du délire parano. Nous déambulons dans des rues piétonnes et dépressives pleine de junkys poussiéreux et méfiant qu'un soleil incandescent ensanglante et plaque contre des murs lépreux.
Réunissant nos fonds obligeamment offert par l'état danois, nous nous achetons cinquante grammes de libanais noir. Fuite comme traqués vers la gare centrale.
Jeanne la suissesse, son ami austro-hongrois, Fred s'ébranlent par d'autres voies, par d’autres trains. Nous nous quittons certains de nous retrouver au creux hasardeux des routes, au creux hasardeux des jours.
Pierre, ainsi que deux autres frères intemporels de l'enfermement nous nous promenons, plein de rêves haschischins, dans l'immense lac de la gare en attente de notre train. De vieux homosexuels sur le retour; Immenses corbeaux solitaires et nébuleux cherchent inlassablement leurs proies. Désolation aride du fer et du béton.
Un gars complètement spidé nous aborde. Fébrilité de ceux qui veulent, à tout prix, arrêter le temps.
- Vous êtes français ... soyez bénis ! Ça ne va pas ! Je ... je ... je peux ... venir avec vous ?
Il nous reste assez d'argent pour lui payer un billet de train. Il accepte !
Géométrie moléculaire belle de pureté et de droiture cristalline, notre cellule se structure, se déstructure au rythme des pulsions de la vie. Flux et reflux de la grande marée humaine.
A peine le temps de fermer les yeux, la gare du nord nous avale dans un gargouillis chuintant de vapeur condensée. Rendez-vous est pris avec Pierre dans une semaine à Poitiers pour faire les vendanges.
La ville souterraine, ville assassine, nous englobe dans ses rouages métallico-grinçants et nos montagnes s'effritent sous le poids de la souffrance humaine lue dans les yeux de zombis paissant dans un métro concentrationnaire.
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