Sarah Struve.
ASPHALTE BLUES.
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"(...) Les âmes sont des univers inéluctablement parallèles, où les embrassements, les fusions les plus intimes ne révèlent que le désir à jamais inassouvi d'une vrai rencontre (...)"
(La Dentellière: Pascal lainé.)
Essai
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Ce blues à Didier Gélineau
tombé quelque part à Lyon
un soir d'indifférence,
un soir d'août
sous les balles des flics
& les sarcasmes du peuple.
A Michèle Lazurko sans qui, ses textes n'auraient jamais vus le jours.
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Chapitre 1°
- Puce. -
Mes pas me précipitaient sur l'asphalte humide d'une pluie matinale, l'esprit vagabondant encore aux creux d'étoiles somnambules, le corps quelque part au nord d'en France cheminait sur une route grisâtre et vide vers l'oasis. C'étai un petit matin de septembre 71. Imbriquée dans mon sac à dos, la nuque se fondant dans mes omoplates. Un vent naissant et déjà si vieux ! Un vent d'une attente électrifiée.
- Cette fois ma vielle ! -
Oui, cette fois je sentais au plus profond de mes os l'approche du tournant, la porte du devenir s'entrouvrir.
Des douaniers moroses aux moustaches tombantes et jaunes, portiers effrayants de la liberté, caissiers de l'évasion, me laissent passer.
Les voitures, les villes se succèdent au rythme d'un macadam lourd et enivrant.
Asphalte terre de printemps, béton et métal aux racine suintante !
Le blues décrochait de poteau en poteau télégraphique. Découverte que tout est rond.
Au buffet de la gare d'Amsterdam j'écris une missive à une vieille amie brumeuse.
Le sang est triste de tiédeur, la vie ennuyeuse d'inlassables révolutions. Lecteur ne lis pas ce blues si tu ne veux pas t'évaporer de tristesse, puisque n'importe quelle gare ressemble à n'importe quelle gare, puisque tu seras là, toujours où tu seras.
Cinq ans après, devant ma machine à écrire. Quelques nouvelles cellules ont germées... D'autres sont mortes de vieillesse inachevée. Cinq ans après la terre est toujours ronde alors que le passé s'estompe telle la condensation des réacteurs d'un jet déjà lointain.
Mais il faut que je reprenne ce récit pour quelques raisons obscures. Que me reste t'il de cette fraction d'espace temps ? Je vivais d'inconscience en inconscience. Quelques clichés fossilisés.
- Le martèlement du marteau piqueur est & sera toujours ! -
Amsterdam sur blues
Amsterdam vert-de-gris
Amsterdam la courtisane.
Le cerveau empli d'herbe apatride, balade en vol plané dans l'entre de la ville. Une vieille prostituée découvre des jambes gainées de varices. Attroupement d'hommes/corbeaux aux yeux barbelés. Rougeoyance des feux de la cité.
Rencontre d'avec un visage. Puce, une gamine que les chats ont oubliés. (Les humains oublient encore plus vite)... Vagabonde de treize ans, digne d'un film de Chaplin, bouille impossible, sale, encadrée d'une tignasse brune. Se dit en fugue d'une maison de redressement, être interdite de séjour en Allemagne, n'a aucun papier. Son compagnon de route, une sorte de frère fou, déguenillé. Ses yeux électrifiés louchent perpétuellement vers un soleil d'une autre dimension. Lui, doit avoir dans les dix huit ans, il couve Puce comme une petite soeur.
- Puce, tu peux me recoudre mon falzar, tu auras un "Yellow Sun Shine".
- Puce tu veux bien faire la manche, je te filerai un acide.
Puce avale des acides comme des bonbons, mine de rien. Le frère fou se fait appeler "Mickey", a d'énormes pieds, un regard perpétuellement éclaté...
Les journées se passent au Melk-Weg. Ancien temple protestant à la façade peinturlurée, renfermant toutes sortes de merveilles à travers un dédale de couloirs, de salles obscures et enfumées: Buffet de nourriture végétarienne, marché aux haschischs. Des disciples de Krishna arrangent des corps défoncés, de petits vieux bavardent paisiblement autour d'un shilom.
Au gré des errances, je prends un acide.
La ville se consume à travers une bruine métallique... Les rues sont parcourues d'une tempête d'asphalte. Liquides, les trottoirs s'entrouvrent en voûte par dessus nous. Mais est-ce vraiment nous, Suis je ici... Ou dans ce soleil monstrueux vers le quel Puce s'envole. Je veux la retenir et ne peux...Non ! Ne peux.
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