La ville, de tristesse, pleure des pierres précieuses. Des têtes de morts, visages incrustés de myriades de diamants, gouttes de vos yeux en une lente valse autour de Leids-Plein. Les toits
pleuvent des larmes de feux obliques.
Retrouvailles d'avec Puce et Mikey au Melk-Weg, il doit être deux heures du matin. Un mec me bouscule, me propose une pâte douteuse. Dans mon crâne un couteau pointe vers ma gorge. "You want some shit ?" Nous le repoussons, nous élançant par delà les toits.
Rattrapés par la fatigue, au bord d'un canal sombre/profond, nous dénichons une vieille péniche encombrée de tout un bric-à-brac. Mikey fracturant le cadenas va prospecter le terrain. Dans un semi brouillard j'entends sa voix, comme indifférente, annoncer la présence d'un cadavre. Je pénètre dans l'entre, le cœur en suspension. Sous un vieux tapis je distingue le corps du délit. Ne sachant où aller, nous décidons de nous installer ici le temps que la nuit finisse sa glissade d'entre les rues. Il fait froid. Nous empruntons à notre compagnon d'indifférence son tapis/linceul. Le découvrant, nous nous apercevons que ce n'est qu'un vieux divan défoncé. Un vide immense vrille dans ma tête, j'y bascule, la tête de Puce s'enfonce au creux de mon épaule.
Promenade d'une nuit hachischine dans Vondelpark. Le brouillard flotte au-dessus d'un lac artificiel. Dansent des cygnes cruels/féeriques. Des guitares sourdent sur l'herbe perlée d'humidité. Nos yeux ne sont plus que pierres précieuses pâlies. Des mains cotonneuses confectionnent des joints aux lignes stylisées.
Rencontre d'avec Jack, un junky et de Cocaïne, sa chienne. Plus que toute la douleur du monde dans ses yeux de braise. Jack l'ayant intoxiquée, Cocaïne, lorsque le manque, la panique vient, folle furieuse de souffrance guette dans la nuit de béton un éventuel possesseur de came, qu'à eux deux ils dépouillent.
L'angoisse commence à gagner la population nocturne du parc, l'angoisse de l'immobilité. Par petits groupes les compagnons de l'instant s'égrènent sur les routes des quatre points cardinaux. De nos corps suinte le départ. Incandescence de l'asphalte imminent !
Le vol de mon sac à dos provoque chez moi un état de panique, d'urgence, état de siège cervical ! Les visages des passant se décomposent jusqu'a ne plus être que des masques de mort verdâtres, mort ricanante. Les pavés se disjoignent sous mes pas. Les lampadaires, les néons sourds éclatent en fumée. La ville complice s'engonce dans un brouillard d'étouffement.
ROUTE ENTROUVRE-TOI !
Nous nous précipitons tel des possédés sur le macadam libérateur, les lignes télégraphiques volent par delà nos têtes, les voitures - chevaux rétifs - chuintent de folie, les pare-brise crépitent sous une averse de moustiques kamikazes. Le monde fuit autour de nous.
Deux garçons nous accompagnent. Pierre un eurasien triste/filiforme ainsi que Tony, sorte d'illuminé. Étudiant en psycho à Paris, Tony ne cesse de me parler du rêve de sa vie. Administrer une dose de L.S.D. à un mourant dans le but de le ressusciter. Nous nous scindons en deux groupes. Rendez-vous est donné dans un petit village, prés la frontière allemande. Nous montons à l'assaut de Copenhague.
Macadam entrouvre-toi !
Macadam, macadam épongeur de nos peines, illusionniste distordant la camisole de nos flammes. Des lames de fond métalliques nous emportaient, Bob Dylan en bandoulière, sur des kilomètres érigés en dogmes fossiles
- Vol plané fou à travers une immobilité éclatante... Éclate ! -
Nuit étape dans un parc d'un manoir, prés de Gröningen.
- Tu es folle Puce, tu te feras prendre en Allemagne.
- Et alors... Qu'est-ce que j'ai à perdre ?
- Ta liberté, Idiote !
Elle me regarde si triste, regard d'une louve encagée de solitude. Lucidité d'une pureté minérale qui consume.
- Quelle liberté ? - Regard en forme de liane courbe. Elle se jette sur moi et nous nous battons comme de jeune chiots jusqu'à n'en plus pouvoir. Allongés dans l'herbe, sous des pins immenses/noirs, nous poursuivons un rêve éveillé, rêve d'une vallée où le temps n'est plu. Vallée refuge des enfants poubelles de leurs parents assassins.
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