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Place des Abaisses
à lire
"Mexico-city-blues"
l'orchestre des beaux-arts jazze une journée d'hiver lumineuse
à travers un brouhaha de sacs à provisions endimanchés
crépitement/Canon/touristes
Les coeurs ne désemplissent plus et des chiens planeurs esquissent un ballet cotonneux - joie simple - je ne sais plus pourquoi me suis-je enfermée tant de siècles couloirs - intériorisant mes regards sur des villes mortes ?
Je ne sais pourquoi j'ai crue un temps
l'alchimie des perceptions morte
je ne sais pourquoi ai-je piétinée les blessures errantes
d'un autre moi d'il y a l'éternité
me suis-je reniée facette à facette.
Je ne sais plus pourquoi ?
11° mouvement.
Dans la rue les passants secouent leurs serpents argentés - (Paris sera toujours Paris !) - Une écharpe autour du cou j'essaie de rabattre l'appel à la mort...
Appel à la mort.
Sa tendresse de neige me caresse - féline - l'échine - de toute façon - les mecs ! - C'est perdu d'avance... ou bien gagné ! - Des lézards surveillent jalousement chaque interstice de folie d'entre la blanche pierraille. - Mais mon pote - le soleil - le joli petit soleil s'est embrumé - la joie s'est embuée comme dans la nuit la vitre d'un compartiment humide, froid et enfumé. - Au loin, sourde la lune poreuse bluesant l'éternel "retour...au revoir..." - en un va-et-vient croupissant - un organiste de barbarie au foulard rouge - du côté de Saint-Ouen ou p'te't ben de Pantin - charrie des tonnes de cerises - l'arme au creux de la parole - la larme au cœur des yeux fard/pâles - maints camarades - mouches négligentes - se sont engluées sur un mur se dé fédérant à la poussé du lierre brun - Flashh... flop. Flashh... - Chante la mer - et les navires se couchent sous la vente automnale - "QUE NE PASSENT AU MOINS SIX MOIS DE NEIGE CHAUDE !" - Mais tout le monde revient - sauf ceux qui vous manquent - Sauf ceux dont on a besoin. - Station Odéon - une chaleur proche et franchement tes radars frontaux la trouvent amicale - rencontre de regards se refusant à se voir - parole - pâleur d'indicible désir ! - La plaine nordique noie tout - et les rames venteuses se succèdent à l'infini d'une tristesse insurmontable - un joint au creux des mains - de l'afghan ! - Et nos têtes se renferment de plus en plus au fond de leurs peurs solitaires.
12° mouvement.
AU perron de l'existence - CŒUR DE LA NUIT - s'élargissait la seconde ÉTERNELLE - GRANDES les flammes de vos âmes OUVERTES - et les regards ÉTAIENT - NOS espérances aux AILES que le feu d'être consumait.
13° mouvement.
Au début des années soixante dix - farfouilli de sombres chandelles vertes - candélabres d'or noir - nous n'étions plus que de pauv' gosses perclus de nuits souterraines - emmagasinant toute notre foi dans un gramme de libanais - quelque part du côté de la rue de Bussy. - Des flics nous traquaient jusqu'aux cuisines de vieilles pâtisseries tunisiennes - "Dis ! Fais voir tes bras !" - La came planquée dans les godasses - muets - nous nous exécutions - un par un - nos pupilles éclatées jouant un chassé-croisé dangereux avec des yeux/Gillette.
14° mouvement.
Une majorité de Zurichois - "Hé ! Dites - pourquoi pas des Iroquois ? - Hein ! Dites - Pourquoi pas ? - Votent pour l'euthanasie.
"L'impossible lieu de l'indicible désir."
Jenny Kern tu as courue tellement vite vers ton destin - sommeil poudreux - ton attelage ne savait pas le mot - "REPOS" - il aurait fallu que tu attendes - rien qu'un peu - les Indiens étaient là - à Genève - à deux pas de chez toi - avec leurs colifichets profonds - leurs peau de cannabis séché - et personne - PERSONNE - (pas même le portier !) - n'a osé rire - Jenny il ne manquait que toi à ces agapes funéraires. - Jenny fille/squaw - notre Wondet-Knie - et nous autres - apaches tristes et défoncés - nous recherchons au cœur gris de la cité. - le maillons manquant reliant racine et sève à nos corps desséchés.
15° mouvement.
Jeux du corps et de l'esprit - 8h 24 - Sèvres-Babylone - direction Auteuil. - Pour nous autres - enchaînés temporels - les aiguilles coupe gâteau sont des résurrections perpétuelles - mais jusqu'à quand ? Le quartz est plus éternel que nous mais pas moins que l'instant ! - 8h 27 - Ha ! Connerie de bon dieu de tocante à vingt balles au tabac du coin !
- le réveil sonne - l'horloge rythme la mort cellulaire - invisible et pourtant là ! - Sous l'oreiller - derrière des pas - Duroc - 8h 30... - Et, encore, je ne m'appesantis pas sur les secondes. - Ségur. - Entre Abbesses et Javel il y a des jours, des mois... - Des éternités ! - Et sur ce petit cadran suisse - tout juste trente minutes et quelques ombres sont passées - le temps - à raz des boggies - d'analyser différentes formes de pieds - qui martèlent - qui martèlent l'espace temps - bien malgré eux - impossibilité de s'arrêter - de s'en retourner. - Il faudrait briser - laminer la lumière - et encore tout cela n'est qu'un sale rêve désespéré. - Utopie de l'action TOTALE... - De l'action finale. - Il est exactement 8h 36.
Dehors il fait jour depuis longtemps - mais la lampe - la petite lampe veille toujours - bien qu'assourdie par la clarté solaire - vaillamment elle brise - rien qu'un peu ! - La solitude/boule/chat/poils/doux - un microgramme de rosée vient se poser durant de longs siècles sur l'épaule fragile de la plante - aurore à l'horizon de la perception translucide - naissance de je ne sais plus quoi - "Comment ? - Comment es-tu venue là, où même le lieu n'existe pas ?..." - Les autorails silencieux au fond de nos têtes - planent vers l'arrière emportés par les marées/souvenirs - Entendez le chuintement des vagues ! - Emprise hérissante sur les boites crâniennes - car le temps s'est mis en branle - lançant - pesamment - de lourdes hallebardes barrant ton chemin - A chaque instant, elles manquent de te transpercer - et puis - tu ne sais comment - ballerine étoile - tu les évites de justesse - tel un long massage facial où tu sens chaque muscle se recréer de lui-même - alors que déjà - mais combien de fois mes doigts ont-ils imprimés le mot - "déjà" ? - Alors que - DÉJA - les sons ne sont plus les mêmes. - Il a fait un été chaud - les sonorités se liquéfient - cascadent - enrobant toutes les dimensions - et - l'escalier s'est remis en branle - monstrueuse diesel rouge emportant en un dernier au revoir à peine audible les figurines de cire d'il était une fois... - "UN ÉTÉ POURRI ! - Je vous le dis - P.O.U.R.R.I. !" - L'obscurité - ascenseur hydraulique pesant - s'abat sur la lagune. - Volent en d'étranges présages, les mouettes sous un ciel mauve-presque-nuit. - Chaleur solitaire mère de toute vie - tu la sens frémir au cœur de ta main - au creux de tes doigts - boule d'argile que de ta vie tu forges.
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