L'arithmétique jusqu'à la tétration

Introduction

Une opération arithmétique est un calcul que l'on effectue pour obtenir un nombre à partir de deux autres1. C'est pour cette raison qu'on dit qu'une opération est binaire. Par exemple, on obtient le nombre 7 à partir de l'addition de 4 et 3. La tétration est une opération arithmétique très méconnue mais facile à comprendre.

Nous allons découvrir :

• Comment les opérations addition, multiplication, exponentiation (aussi appelée « puissance »), tétration et suivantes sont définies par niveau, l'une par rapport à celle du niveau précédent et qu'on peut ainsi en définir une infinité. Par exemple, la multiplication qui est de niveau 2, est définie en tant que série d'additions du niveau 1. Le niveau 0 est présenté après le niveau 2 pour en faciliter l'explication.

• Comment les sortes de nombres (rationnels, réels, complexes) sont inventés au fur et à mesure qu'on en a besoin pour résoudre des équations2. Par exemple, on a ajouté les nombres négatifs aux nombres naturels pour que toutes les équations qui comprennent des soustractions aient une solution (3-7 = -4).

• Comment les autres opérations, dont la soustraction, la division et la racine sont déduites de l'opération à la base d'un niveau particulier. Par exemple, la division est déduite de la multiplication qui est à la base du niveau 2, pour résoudre une équation comportant une multiplication. Par exemple, si 4 fois un nombre est égal à 12, alors ce nombre est égal à 12 divisé par 4.

Niveau 1 : Addition (+) avec sa soustraction (-)

L'addition est la toute première opération que les humains ont inventée. Elle portait sur les nombres dits naturels {1, 2, 3, ...} parce qu'ils servent à compter le nombre d'éléments que possède un ensemble comme le nombre de moutons dans un troupeau. On désigne cet ensemble par la lettre N. Au début, le zéro, les nombres négatifs et les autres sortes de nombres n'existaient pas. Le résultat d'une addition de nombres naturels donne toujours un nombre naturel.

C'est l'addition qui établit le 1er niveau des opérations arithmétiques. Elle est représentée par le signe + (plus). Par exemple : 4+3=7 (4 plus 3 égale 7). On dit que l'addition est commutative parce que quels que soient les nombres naturels a et b, a+b = b+a. Nous verrons plus loin l'utilité de cette propriété que toutes les opérations n'ont pas.  Étant donné que (a+b)+c = a+(b+c), on dit que l'addition est associative. Il s'agit d'une autre propriété que d'autres opérations n'ont pas et qui a une conséquence importante sur la définition d'autres opérations.

Quand la vie des humains s'est complexifiée, des problèmes plus difficiles à résoudre se sont posés. Pour y arriver, les arabes ont inventé l'algèbre qui permet de trouver la valeur d'un nombre inconnu habituellement désigné par une lettre telle que x (ou n pour naturel). L'algèbre fournit toutes les règles qui permettent de résoudre les équations.

Voici un exemple très simple de problème : J'ai déjà 4 moutons et j'aimerais en avoir 7. Combien dois-je en ajouter ? Pour y répondre, nous devons trouver la solution de l'équation 4+n=7. Une autre question pourrait être : J'aimerais avoir un troupeau de 7 moutons et quelqu'un veut m'en vendre 3. Combien devrais-je déjà en avoir ? Pour y répondre, nous devons trouver la solution de l'équation n+3=7 en appliquant les règles de l'algèbre3.

Nous savons que trouver le nombre inconnu à gauche du + ou à droite du + ne change rien parce que l'addition est commutative. C'est la raison pour laquelle nous n'avons besoin que d'une seule opération pour trouver la solution, à savoir la soustraction.

La soustraction est représentée par le signe - (moins). Par exemple : 7-3=4 (7 moins 3 égale 4) où 7 est diminué de 3. On sait que la solution de l'équation n+3=7 est n=4 parce qu'en appliquant les règles de l'algèbre on trouve que n=7-3 et que 7-3=4.

A l'époque du comptage de moutons, un nombre était toujours diminué d'un nombre plus petit étant donné qu'on ne peut pas perdre plus de moutons que le nombre qu'on avait précédemment. Si on les perd tous, il n'y en a plus donc, pas besoin du zéro !

C'est parce qu'on a eu besoin que toutes les équations du type a+n=b aient une solution que sont arrivés le zéro et les nombres négatifs. Par exemple, 7+n=3. Ainsi, on a créé un nouvel ensemble de nombres appelés entiers qu'on désigne par la lettre Z (de l'allemand Zahlen qui signifie nombre). Cet ensemble contient tous les nombres naturels, le zéro et les naturels négatifs {..., -3, -2, -1, 0, 1, 2, 3, ...}.

2+2=4

Niveau 2 : Multiplication (•) avec sa division (÷)

La multiplication est l'addition d'un nombre par lui-même un certain nombre de fois. Cette opération est devenue utile lorsqu'on a eu à additionner plusieurs fois le même nombre. Par exemple, si j'ai 4 bouteilles de 3 litres chacune, combien ai-je de litres en tout ? La multiplication a rapidement servi à calculer la surface d'un rectangle. Par exemple, si j'ai un lopin de terre de 4 hectares par 3 hectares, sa surface est de 12 hectares carrés (hectares2) car elle a la surface de 12 carrés de 1 hectare.

La multiplication est représentée par le signe4 • (fois). Par exemple : 4•3=12 (4 fois 3 égale 12). La multiplication de 2 nombres entiers donne toujours un nombre entier. Certaines règles d'algèbre s'y appliquent. On dit 4 fois 3 parce que multiplier signifie : "additionner un nombre par lui-même un certain nombre de fois". Par exemple, additionner 4 par lui-même 3 fois soit 4•3 = 4+4+4.

La multiplication est donc définie comme une série d'additions. C'est pour cette raison qu'elle est de niveau 2.

Elle est commutative car, par exemple, quand on pivote de 90 degrés un quadrillage de 4 rangées de 3 colonnes on en obtient un de 3 rangées de 4 colonnes et il s'agit du même quadrillage. Elle est aussi associative : (4•3)•7 = 12 • 7 = 84 = 4•21 = 4•(3•7).

On a évidemment eu besoin de résoudre des équations du type -4•z=12. On sait que la solution passe par la division z=12÷(-4) (12 divisé par -4). Cependant, la solution de certaines équations n'est pas un nombre entier. Par exemple, z=12÷3. On a donc dû créer un nouvel ensemble de nombres appelés rationnels5 qu'on désigne par la lettre majuscule Q (de l'italien quoziente qui signifie quotient). Cet ensemble inclut d'abord tous les entiers (23=23/1) puis tous les résultats possibles de divisions de nombre entiers.

On appelle quotient, le résultat d'une division, dividende, le nombre (à gauche du ÷) qui est divisé par le diviseur (à droite du ÷).

En géométrie, certaines proportions ne sont pas des nombres rationnels. Par exemple, la division de la longueur de la diagonale d'un carré par son côté qui est 1,4142 ... (soit la racine carrée de 2) ne donne pas un nombre rationnel pas plus que la division de la circonférence d'un cercle par son diamètre qui est 3,14159... soit pi (π).

Pour obtenir des solutions à ces problèmes de géométrie et d'autres situations mathématiques, on a créé l'ensemble des nombres appelés réels qu'on désigne par la lettre R. On appelle irrationnel les nombres réels qui ne sont pas rationnels. Les nombres rationnels peuvent s'écrire avec un nombre fini de décimales qui se répètent ou pas à l'infini. Les nombres irrationnels ne peuvent s'écrire qu'avec une infinité de décimales sans aucune répétition.

2•2=4

Niveau 0 : « Suivant »

Comme la multiplication est définie comme une série d'additions, on peut aussi définir l'addition comme une série d'opérations qu'on appelle Suivant. Voici comment :

Tout nombre naturel a un nombre qui le suit. Par exemple, 1027 est le nombre qui suit le 1026. On peut donc définir le Suivant comme une opération arithmétique. Elle peut être représentée comme ceci : S(1026) = 1027 (S de 1026 égale 1027.). Cette opération est la plus simple que l'on puisse inventer en arithmétique. A l'inverse, tout nombre naturel, sauf le 1, a un nombre qui le précède.  On dit que S() est une opération unaire parce qu'elle associe un seul nombre à un autre.

Ainsi, l'addition donne un nombre qui est un certain nombre de fois le suivant d'un autre nombre. Par exemple, 4+3 signifie 3 fois le Suivant de 4 soit S(S(S(4))) qui est égal à 4 fois le suivant de 3 soit S(S(S(S(3)))).

Cependant, cette définition de Suivant s'applique seulement aux nombres naturels. On ne peut déjà pas l'utiliser pour l'addition des nombres rationnels qui ne sont pas entiers même si on sait comment mettre ces nombres en séquence. De plus, les nombres réels n'ont pas de Suivants.

Niveau 3 : Exponentiation (^) avec sa racine (√) et son logarithme (log)

L'exponentiation est la multiplication d'un nombre par lui-même un certain nombre de fois. On la représente ici par le signe ^ (exposant). Par exemple, 4^3 = 4•4•4 = 64 (4 exposant 3 égale 64). On appelle base le nombre de gauche et exposant, le nombre de droite. L'exposant6 indique le nombre de fois que la base est multipliée par elle-même. Quand l'exposant est 2, on dit qu'on « met la base au carré » et quand il est 3, on dit qu'on « met la base au cube ». (Pour faciliter les explications suivantes, nous appellerons « exponencié » le résultat d'une exponentiation.) La façon habituelle de représenter la puissance est 43.

Les opérations de ce niveau sont très utilisés en physique. On connaît la fameuse équation : E=mc2. Par contre, elles sont plus compliquées que les précédentes, et ce, pour différentes raisons.

D'abord, l'exponentiation n'est pas commutative. En effet, 4^3 ≠ (est différent de) 3^4 = 3•3•3•3 = 81. C'est ce qui explique que 2 opérations différentes sont nécessaires pour résoudre les équations 4^x=64 et x^4=81.

Lorsque l'inconnue est la base (x^4=81), on utilise l'opération racine. La racine donne la base (x) qui doit être multipliée par elle-même le nombre exposant de fois (4) pour donner l'exponencié (81). On représente la racine par le signe7 de la façon suivante :

exposant√exponencié = base. Par exemple, pour résoudre x^4= 81, on utilise x = 4√81 = 3. (On dit : « la racine 4ème de 81 égale 3 ».)

Lorsque l'inconnue est l'exposant (4^x=64), on utilise l'opération logarithme. Le logarithme donne l'exposant (x) qui est le nombre de fois qu'on doit multiplier la base (4) pour donner l'exponencié (64). On représente le logarithme par le signe log() de la façon suivante : log base (exponencié) = exposant. Par exemple, pour résoudre 4^x=64, on utilise x = log4(64) = 3. (On dit : "le log en base 4 de 64 égale 3".)

Ensuite, l'exponentiation n'est pas associative non plus.

En effet, (3^3)^3 = 27^3 = 19 693 ≠ 3^(3^3) = 3^27 = 7 625 597 484 987.

Ceci a une conséquence directe sur la définition des niveaux suivants.

Finalement, les opérations de ce niveau dépendent de la sorte de nombres qui est calculée. Il y a plusieurs règles qui permettent de déterminer comment calculer ces opérations avec de nombres de sortes différentes.

Comme aucun nombre réel est la racine carrée d'un nombre négatif, il a fallu inventer les nombres dits imaginaires. La fameuse équation ax2 + bx + c = 0 peut avoir pour solution un nombre imaginaire. Pour écrire ces nombres, on a créé un nouveau chiffre dont le symbole est la lettre i où i est la racine carrée de -1 (i=2√-1). Même s’il n ‘est pas possible d’avoir une quantité i de quoi que ce soit, ces nombres dits imaginaires existent réellement en physique quantique, la multiplication de 2 nombres imaginaires étant un nombre réel (i2=-1).

On a donc inventé les nombres complexes pour que toutes les équations comprenant des opérations de ce niveau aient une solution. L'ensemble des nombres complexes comprend tous les nombres réels et tous les nombres imaginaires. Il est désigné par la lettre C.

2^2=4

Niveau 4 : Tétration (^^)

La tétration est l'exponentiation d'un nombre par lui-même un certain nombre de fois. On la représente ici par le signe ^^ (tétra). Par exemple, 4^^3 (4 tétra 3) = (4^(4^4)) = 4^256 = « un nombre de 155 chiffres » ! On l'appelle tétration parce que le préfixe tétra signifie 4. La façon habituelle de représenter la tétration est 34 pour 4 exposant lui-même 3 fois.

Comme l'exponentiation n'est pas associative, pour faire la tétration (de x par 5 (x^^5) par exemple), on doit commencer par la droite (x^(x^(x^(x^x)))) et non par la gauche ((((x^x)^x)^x)^x). Par exemple, ((4^4)^4) = 256^4 = 4.294.967.296, un nombre de seulement 10 chiffres. La raison est la suivante : (a^b)^c = a^(b•c) qui reste une simple exponentiation. Ainsi ((3^3)^3)^3 = (3^(3•3))^3 = 3^(3•3•3) = 3^(3^3).

Comme c'est le cas de l'exponentiation, la tétration a des règles de calcul qui dépendent des sortes de nombres calculés.

2^^2=?

Niveaux supérieurs : pentation, etc.

La pentation est la tétration d'un nombre par lui-même un certain nombre de fois, penta étant le préfixe qui signifie 5.

On peut ainsi définir de la même façon une infinité d'opérations arithmétiques en définissant l'opération de niveau n comme l'opération de niveau n-1 d'un nombre par lui-même un certain nombre de fois. Toutes ces opérations vont avoir des règles de calcul qui dépendent des sortes de nombres qui sont calculés.

Notes

1. On sait qu'on peut faire des calculs à partir de plus de 2 nombres. Par exemple, 3+4÷2. La règle veut qu'on effectue les opérations à partir de la gauche. On effectuerait donc 3+4=7 puis 7÷2=3,5. On sait aussi qu'on peut utiliser les parenthèses pour modifier l'ordre des opérations qui restent tout de même binaires.

2. On appelle équation toute formule composée d'opérations arithmétiques et d'un signe =. (Le mot équation est dérivé du mot égal.) La solution d'une équation est l'ensemble des valeurs possibles des inconnues d'une équation. La solution de 4+n=7 est 3 (soit n=3) qui est l’unique solution.

3. Les règles d'algèbre qu'on utilise pour résoudre l'équation n+3=7 sont les suivantes :

On peut additionner ou soustraire le même nombre de chaque côté du signe =.

Donc, si on soustrait 3 de chaque côté on obtient n+3-3=7-3.

Comme 3-3 = 0 et que 7-3=4, on obtient n+0=4.

En appliquant la règle que n+0 = n-0 = n, on obtient n=4.

4. Le signe habituel est la croix qui ressemble à la lettre x. J'utilise le point • qui est aussi utilisé en mathématique pour ne pas confondre avec la lettre x. Souvent, dans les équations, on n'utilise même pas le signe. Par exemple, on écrit 3x + 4y au lieu de 3•x + 4•y. En informatique, dans la plupart des langages de programmation, on utilise l'astérisque (*).

5.  Le nom "rationnel" vient du fait que ces nombres représentent des ratios (rapports entre 2 grandeurs). Il y a plusieurs façons d'écrire les nombres rationnels. Pour la solution de 7÷3 on peut écrire :

7/3 (fraction) ; 2 et 1/3 ; 2 reste 1 ou encore 2,333...

6. Pour indiquer l'exposant, on met normalement l'exposant en haut à droite de la base, par exemple 43. Cette façon de faire n'est pas appropriée dans le contexte de cet article. D'ailleurs, en informatique, on utilise souvent le double astérisque (**).

7. Normalement, l'exposant est inscrit à l'intérieur du signe √.

Version du 2 nov. 2020

Les chiffres en exposant et en gras réfèrent aux notes en bas de cette page.

Les termes soulignés renvoient aux articles de Wikipédia en français.

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